Cet essai consacré au don d’organes entre vifs propose une analyse philosophique et psychologique qui s’appuie sur une expérience clinique. Il examine certaines difficultés médicales et éthiques rencontrées par le don de foie et tente d’éclairer les ressorts fantasmatiques d’une pratique qui semble inspirer aux médias comme aux politiques un engouement sans condition.
Les conditions extrêmes en situation de catastrophe rendent impossible l’exercice d’une médecine d’urgence où chaque victime reçoive des soins adaptés. Il faut alors choisir, trier et, parfois, laisser mourir. En suivant les enquêtes menées par Sheri Fink à la Nouvelle-Orléans après le passage de l’ouragan Katrina, F. Leichter-Flack montre la nécessité d’une préparation éthique à la catastrophe.
Comment comprendre et rendre compte des catastrophes ? Désignent-elles simplement des risques qui se sont réalisés ? Gaëlle Clavandier plaide ici pour une distinction claire entre les deux notions. Loin d’être soluble dans la logique du risque, la catastrophe renvoie à la constitution d’un nouveau paradigme au sein des sciences sociales.
Comment réformer la police pour mettre un terme à la corruption et au localisme sans couper le lien avec les citoyens, ni perdre en légitimité ? Tel est le dilemme auquel la municipalité new-yorkaise fut confrontée au début du XXe siècle, et qui éclaira plus tard la mise en œuvre du « community policing » dans les années 1970-1990.
Dieter Plehwe décrit comment les différents services postaux européens, dans un contexte de crise du fordisme et de régulation étatisée, ont dû se positionner face à de nouveaux groupes innovants aux politiques d’expansion agressives. Il montre le rôle décisif joué par les gouvernements nationaux et l’intrication des acteurs privés et publics, des régulations nationales et européennes.
Dès le début des années 1990, la Poste a transformé son offre pour l’adapter au contexte particulier des « zones urbaines sensibles ». Revenant sur une enquête ethnographique menée dans les années 2000, Yasmine Siblot montre comment le service public s’est redéfini, entre l’action publique et l’action commerciale.
La trajectoire de la poste britannique montre le lien entre ouverture à la concurrence et modernisation d’un grand service public. Si les conditions d’emploi et de travail en ont subi les conséquences, la négociation collective est restée forte dans l’entreprise. La rigueur budgétaire consécutive à la crise financière complique cependant ce dialogue social.
Le sociologue prenant pour objet l’usage de la force par la police se trouve face à un obstacle de taille : comment traiter d’un objet qui se laisse tout à la fois rarement et difficilement observer ? Cédric Moreau de Bellaing présente les enjeux théoriques de l’enquête qu’il a consacrée aux plaintes pour violences policières adressées à l’Inspection générale des services.
Connue pour la violence de ses interventions, la police de Rio de Janeiro se caractérise depuis longtemps par un manque de crédibilité et d’efficacité. Les citoyens ne sont guère incités à s’adresser à elle pour porter plainte si bien que les actes criminels sont sous-déclarés et la régulation des conflits peu institutionnalisée.
Sous le second Empire, déjà, une réforme vise à rapprocher les policiers de la population parisienne. Fondée sur les principes de transparence et de circulation, elle met les agents au contact des citoyens, modifiant ainsi les conditions de production de l’ordre public. La légitimité de l’institution policière en sort transformée.
Conçue à l’origine pour signaler une infraction, la plainte est devenue un outil de gestion et de mesure du travail policier. Fruit d’une enquête de terrain menée dans un commissariat, cet article montre comment les agents tentent, avec plus ou moins de réussite selon leur position dans la hiérarchie, de préserver leur autonomie face aux impératifs de la culture du résultat.
Irène Théry répond à la recension par Ariane Poulantzas de son ouvrage, Des humains comme les autres, et notamment à l’accusation d’idéalisme. Accusation injuste, selon elle, et qui masque la réalité elle-même, sur laquelle se fonde son enquête.
À l’heure où la puissance chinoise s’impose, le Japon se rapproche des pays asiatiques. Ce retour vers l’Asie n’est pas univoque et le Parti démocrate, depuis peu au pouvoir, n’est pas en mesure de changer le cap de la politique étrangère japonaise.
Le contexte international, et le rapprochement économique et diplomatique entre les puissances florissantes d’Asie, semblent conforter la proposition japonaise de créer une communauté asiatique. Mais qu’en pense la Chine ?
Où s’arrêteront les frontières de la communauté est-asiatique ? L’Australie tente de s’amarrer à ce projet en devenir, comme un contrepoids au géant chinois. Mais son héritage occidental la maintient, aux yeux de ses partenaires asiatiques, en marge plutôt qu’au cœur du projet.
Satish Desphande et Mary John reviennent sur les arguments contre la prise en compte de la caste dans le recensement indien et défendent l’idée que le refus de voir la caste contribue au maintien de cette institution. Leur plaidoyer en faveur de l’intégration de la caste dans le recensement fait écho aux débats français sur les statistiques ethniques.
Le sociologue Julien Bertrand a mené l’enquête dans le centre de formation d’un grand club de football français. Son étude déconstruit l’image du talent sportif comme don, et celle du football comme voie privilégiée d’ascension sociale pour les jeunes issus des milieux populaires.
Que gagne-t-on à prendre le football au sérieux ? Longtemps bornées au rôle de célébration ou de critique moralisatrice, les analyses du football sont désormais investies par les sciences sociales. Igor Martinache dresse un bilan synthétique des travaux récents sur cet objet peu ordinaire.
La passion du football telle qu’on la connaît aujourd’hui serait-elle une invention récente ? En retraçant l’histoire des supporters et celle de la mise en scène du football, Marion Fontaine montre comment le jeu s’est peu à peu transformé en grand spectacle.
L’agriculture de proximité et les « circuits courts » suscitent aujourd’hui un engouement certain auprès de nombreux citadins. Offrent-ils pour autant de véritables promesses d’autosuffisance alimentaire pour les villes ? D’une manière générale, quel rôle les espaces agricoles périurbains peuvent-ils jouer dans la promotion de l’autosuffisance urbaine ? Roland Vidal et André Fleury reviennent sur les fonctions à la fois alimentaires, environnementales et paysagères des espaces agricoles à proximité des villes. Loin des idées reçues, analysant la réalité à la fois économique et écologique de l’agriculture urbaine, ils invitent à repenser les liens entre ville durable et agriculture urbaine.
Le non recours aux droits sociaux s’étend de plus en plus et devient une notion centrale dans l’analyse des politiques publiques. Philippe Warin examine les diverses causes de ce phénomène, de l’ignorance pure et simple à l’échec de la demande, en passant par la non demande par désintérêt ou désaccord.
Au jour où l’on célèbre le premier anniversaire du RSA, et alors que se prépare une importante enquête sur sa montée en charge, il apparait nécessaire de comprendre pourquoi certains préfèrent ne pas entrer dans le dispositif plutôt que d’accepter ses conditions. On peut s’interroger sur le sens du contrat social proposé par un système de protection dans lequel il coûte symboliquement trop cher d’être aidé.
Le discours des opposants à l’homoparentalité sur « l’intérêt de l’enfant » est-il fondé ? Des études récentes menées aux États-Unis comparent les résultats scolaires, le développement personnel et la stabilité psychique des enfants élevés par des couples de même sexe avec ceux des enfants élevés par des couples hétérosexuels.
Les fortes pluies du 5 et 6 avril derniers ont fait plus de 250 morts dans l’Etat de Rio de Janeiro, réactivant le débat sur la place des favelas dans l’espace de la ville. Les autorités proposent le déplacement de plusieurs d’entre elles et le transfert de leurs populations vers la périphérie. Présentées comme une évidente solution technique aux « catastrophes naturelles », ces mesures soulèvent de complexes enjeux politiques et sociaux.
Le scandale des notes de frais ou les récentes révélations sur la corruption d’anciens ministres travaillistes ont profondément affaibli la légitimité de la classe politique britannique. Florence Faucher-King revient sur les principaux épisodes et facteurs qui ont conduit à une crise inédite de la représentation au pays du parlementarisme.
Selon Tim Leunig, la poursuite du déclin de l’industrie britannique au cours des années 2000 a provoqué l’aggravation des inégalités régionales. Quels que soient les vainqueurs des prochaines élections, il leur sera difficile de freiner un mouvement que les travaillistes n’ont pas su enrayer.
La question du « changement » est au centre de la campagne électorale en Grande-Bretagne. Travaillistes, conservateurs et libéraux-démocrates revendiquent chacun la capacité de transformer une société fragilisée par la crise. L’analyse linguistique des métaphores du changement révèle à la fois la force et les contradictions de leurs stratégies rhétoriques.
Artisan et partisan de longue date de la globalisation, le Royaume-Uni souffre plus intensément des effets de la crise. Malgré ces difficultés, les candidats aux prochaines élections ne remettent pas en cause un modèle économique ne cherchant plus à créer de la richesse au niveau national, mais à capter de la richesse au niveau global. Le Royaume-Uni offre une image avancée de l’Europe, si celle-ci ne parvient pas à coordonner la défense de son industrie et de son modèle social.
Le New Labour de Gordon Brown a-t-il encore un projet politique pour la Grande-Bretagne ? Après treize années d’exercice du pouvoir, l’essouflement idéologique des travaillistes n’est guère surprenant. Patrick Diamond et Roger Liddle, membres du think tank Policy Network, invitent les sociaux-démocrates à redéfinir le rôle de l’État.
L’homme est-il responsable du changement climatique ? Cette question est tout sauf récente, argumentent deux historiens, Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher. Les modernes n’ont pas attendu le début du XXIe siècle pour réfléchir aux conséquences des activités humaines sur l’environnement.
Selon Stéphane Michonneau, le catalanisme n’a rien d’un sécessionnisme. Les Catalans n’ont jamais cessé de vouloir participer à la construction de l’État libéral, n’invoquant le séparatisme que par opportunisme. Dissociant l’État et la nation, le catalanisme pourrait représenter un modèle pour l’ère du post-nationalisme.
Le catalanisme est souvent réduit par ses détracteurs à une réaction d’égoïsme économique et fiscal. Jeanne Moisand montre qu’il s’est d’abord identifié à la défense du protectionnisme espagnol et de son Empire. Ce n’est qu’après la perte de ce dernier que l’identité économique catalane a été opposée à la nation espagnole.
L’échec de la campagne de vaccination contre le virus H1N1 a parfois été mis sur le compte des « folles rumeurs » circulant sur Internet. Cette interprétation rate l’essentiel, selon Jean-Baptiste Fressoz, qui propose un parallèle historique stimulant entre l’inoculation de la variole au XVIIIe siècle et l’épisode de 2009. Son analyse fait ressortir les limites du risque comme technique de conviction et de gestion des corps.
Trente ans après la fin du franquisme, la question nationaliste ne soulève plus les mêmes passions et les mêmes inquiétudes parce que ses liens avec la souveraineté se sont relâchés. A l’heure de l’Europe, selon Josep Ramoneda, l’idée d’une nation de nations n’a rien de contradictoire.
Le juriste Adrià Mateu analyse le Statut d’autonomie de la Catalogne, de 1979 à sa réforme en 2006, dans la création et dans le développement de l’État espagnol des autonomies. Celui-ci offre un modèle éclectique d’organisation territoriale de l’État, qui combine les propriétés d’un État unitaire et d’un État fédéral.
Le catalanisme n’a rien d’univoque ni de transhistorique. Josep Fradera montre comment, de simple patriotisme faisant dans la première moitié du XIXe siècle bon ménage avec le nationalisme espagnol, il ne s’est tourné que tardivement en nationalisme, après divers avatars.
L’échec de Copenhague et l’annulation de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel l’ont amplement démontré : il est souvent difficile, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, de passer des bonnes intentions aux mesures concrètes. Lionel Ragot et Katheline Schubert plaident pour une politique climatique conciliant efficacité et justice.
Les normes réglementaires ont pris une importance croissante dans la régulation des échanges agricoles au cours des dernières années. Ces normes ont tendance à réduire significativement les exportations des pays les moins développés et des petites et moyennes entreprises. Leurs effets sur le commerce et sur le bien-être ne vont toutefois pas nécessairement dans le même sens, rendant leur analyse plus complexe que celle des barrières commerciales traditionnelles.
Moins connu que Gandhi et Nehru, Ambedkar occupe une place singulière dans l’imaginaire collectif indien. Père de la Constitution et critique virulent du système des castes, il est aujourd’hui encore une figure de référence pour les Dalits qui peinent à se reconnaître dans les récits officiels de la lutte pour l’indépendance.
Si le protectionnisme agricole est un frein important au développement de certains pays du Sud, il ne saurait être rendu responsable de la crise alimentaire de 2007-2008. Une libéralisation commerciale accrue dans le secteur agricole aurait un effet ambivalent : elle faciliterait le développement de plusieurs pays, mais elle entraînerait aussi une hausse des prix agricoles.