Comment penser nos responsabilités face aux crimes du passé dont les conséquences continuent de peser sur les conditions d’existence des victimes ou de leurs descendants ? Un premier pas, pour la philosophe Catherine Lu, serait d’admettre et de théoriser les racines coloniales de l’ordre mondial.
La transformation du monde passe par la transformation de soi. L’éthique de la considération, selon C. Pelluchon, doit nous permettre de relever les défis écologiques et sociaux auxquels nous sommes confrontés, afin qu’à nouveau nous puissions vivre avec les autres êtres, quels qu’ils soient.
Dans ce portrait intellectuel de l’enfant terrible de l’École de Francfort, S. Müller-Doohm nous découvre un infatigable polémiste, dont les prises de position ont marqué le dernier demi-siècle. C’est aussi l’histoire allemande d’après-guerre que cette première biographie nous donne à parcourir.
Qu’est-ce qui justifie qu’on décide à la majorité en démocratie ? Peut-on considérer qu’elle a raison et que la minorité a tort ? D. Mineur réfléchit aux fondements philosophiques d’une règle devenue, dans nos sociétés, si évidente.
Comment le lecteur est-il constitué et construit par le texte philosophique ? Telle est la question que pose André Pessel à l’œuvre spinoziste, qui s’efforce d’intégrer son lecteur, non seulement à sa pensée, mais plus foncièrement à Dieu, c’est-à-dire à la Nature.
Qu’advient-il du sujet lorsqu’il se définit par sa soumission au règne de la marchandise ? À partir des formes individuelles du narcissisme, Anselm Jappe poursuit ses réflexions sur la crise du capitalisme et met en évidence les mécanismes d’autodestruction du monde contemporain.
C’est en philosophe que Claire Pagès propose une présentation d’ensemble de l’œuvre de Norbert Elias. L’œuvre, majeure pour les sciences sociales, est pourtant résolument et excessivement anti-philosophique.
Que serait-on prêt à faire pour survivre en situation extrême ? Le sociologue J.-M. Chaumont nous emmène voir de près en quels termes s’est posé ce dilemme pour trois catégories de survivants. Et montre comment on peut venir à croire que la vie sauve s’obtient parfois au prix du salut de l’âme.
Elsa Dorlin analyse les traditions d’autodéfense politique de groupes définis comme minoritaires dont l’affirmation politique est perçue comme une menace par ceux qui détiennent une position dominante. Une généalogie du pouvoir au prisme des résistances qu’on lui oppose.
On entend souvent que, face au terrorisme, les démocraties auraient à trouver le bon équilibre entre sécurité et liberté, comme s’il s’agissait de poids dans une balance. La métaphore ne sert-elle qu’à justifier de nouvelles mesures de sécurité ? Comment concevoir l’arbitrage entre ces valeurs ?
C’est par un maillage d’infrastructures que le pouvoir réduit les particularités locales, exploite les ressources, combat les autonomies. Habiter des territoires en lutte permet de lui résister. « Être forêt », de Notre-Dame-des-Landes à Bornéo, c’est devenir ingouvernable.
Au XVIIIe siècle, le marché est apparu comme un vecteur d’égalité parce qu’il libérait de la dépendance envers les maîtres. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, explique E. Anderson : le pouvoir des entreprises sur leurs employés est proprement dictatorial.
La philosophie politique de Canetti tient à son analyse de la masse, qui peut être répressive ou libératrice, terrorisante ou résistante. Car la masse sert les despotes, mais, en se métamorphosant, peut aussi ouvrir aux révolutions.
Peut-on interpréter les philosophes classiques à la lumière de la philosophie analytique contemporaine ? C’est le défi que relève avec brio M. Gleizer à propos de la conception spinoziste de la vérité et de la certitude, même si ce rapprochement peut laisser perplexe, sinon sceptique.
Les arbres pensent, explique E. Kohn, parce qu’ils ont une faculté de représenter le monde, et l’anthropologie nous aide aujourd’hui à dépasser la distinction entre humains et non-humains. Le risque est cependant de donner de la pensée une définition assez pauvre.
La modernité, explique M. Gauchet, est un projet cohérent : celui de faire advenir une société autonome. C’est là incontestablement une de ses significations, mais peut-on considérer qu’il s’agit là d’un processus aussi unifié que l’auteur l’affirme ?
Pour Thomas Scanlon, l’égalité n’est pas une valeur politique en soi. C’est bien plutôt parce que nous souffrons des inégalités économiques que nous lui sommes attachés. Mais peut-on fonder un idéal politique uniquement sur des objections ?
Imposante somme sur le genre utopique au XVIIIe siècle, fruit du travail d’une cinquantaine de collaborateurs, ce Dictionnaire restitue de manière exhaustive et détaillée la richesse des thèmes explorés par le genre utopique, et permet de faire l’archéologie d’une notion à laquelle notre siècle revient.
La défense de la liberté autorise-t-elle l’ingérence dans les affaires d’un autre État ? Peut-elle aller jusqu’à légitimer l’intervention armée ? Le libéralisme a beaucoup débattu de ces questions, que le livre d’A. Knüfer étudie sous une double perspective, historique et philosophique.
Pierre Bayle est un penseur paradoxal : sceptique prônant la tolérance, il adhère à l’absolutisme royal. Il veut tenir ensemble une pensée de l’ordre politique et de la pluralité. Le geste est fort et susceptible, encore aujourd’hui, de nous inspirer.
Qu’est-ce que le transhumanisme, et pourquoi l’homme ne serait-il pas un cyborg au naturel ? Loin des réflexes technophobes et des rêveries de l’intelligence artificielle, un nouvel ouvrage livre une analyse philosophique d’une idée à la mode.
Sur la vie de Spinoza, on a beaucoup écrit et spéculé — particulièrement pour expliquer son exclusion de la communauté juive. M. Rovère rouvre le dossier et en propose une version à la fois originale et romancée.
Alors que l’intelligence artificielle fait l’objet d’une attention publique croissante, la philosophe Catherine Malabou s’interroge sur les frontières de plus en plus poreuses entre cerveaux humain et synthétique. Elle dessine ainsi la carrière du concept d’intelligence.
L’histoire de la psychanalyse est faite de nombreuses controverses, souvent violentes, qui tiennent beaucoup à la figure de Freud lui-même, objet de haine ou d’adoration. Mais à se focaliser sur ces conflits, on risque d’oublier que la psychanalyse s’est constituée aussi comme pratique en dehors du freudisme ou de l’anti-freudisme.
À l’heure où les dénonciations de la souffrance animale se font plus vives et où fleurissent les régimes sans viande, comment expliquer la persistance d’une humanité carnivore, ni naturelle, ni rationnelle ?
Lucrèce, philosophe et épicurien ? Ce ne serait là que mythe : le poète romain n’aurait jamais été de son vivant ce penseur subversif que les modernes veulent voir. Mais cette mise en contexte de l’œuvre de Lucrèce oublie peut-être l’essentiel : l’attention prêtée au texte et à sa rhétorique.
Quelles sont les idées politiques qui comptent pour comprendre le monde contemporain ? Deux manuels tentent, chacun à leur manière, de définir le canon de la philosophie politique occidentale. Une mission impossible ?
Comment appréhender les images ? Quelle lecture en faire ? Penser l’image disserte de la question de la lisibilité ou de l’illisibilité des images, en s’attardant notamment sur la validité des approches sémiotique et iconique.
La question de savoir ce que nous sommes a beau être aussi vieille que nous, elle n’en demeure pas moins l’objet de discussions animées entre métaphysiciens et philosophes de l’esprit. Chose pensante, personne, animal, inexistence : quel est ce je qui parle pour nous ?
La Révolution est devenue notre tradition. La philosophie sociale française, explique F. Brahami, est née du traumatisme que 1789 a produit sur nos consciences. Elle a intégré les critiques formulées par les contre-révolutionnaires et s’est attachée, contre le règne de l’individu et de ses droits, à réhabiliter l’idée de société.
La tolérance est-elle la dernière vertu des modernes ? Tolérer l’autre, c’est d’abord souffrir une présence, nous rappelle utilement Denis Lacorne dans ce panorama des formes sociales et politiques de la tolérance, de l’empire ottoman aux sociétés multiculturelles.
Un État libéral doit garantir la liberté de croyance à ses citoyens et rester neutre en matière de religion. Mais le fait-il ? On sait qu’il réglemente l’usage des signes religieux, ou qu’il a tendance à favoriser certains cultes au détriment d’autres. De quel droit s’autorise-t-il ?
Dans les démocraties grecques, les décisions du peuple étaient précédées de débats au sein du conseil, où il fallait être bon orateur. Mais cette capacité était-elle partagée par tous les citoyens ? N’y avait-il pas des spécialistes de ce savoir pratique — des experts du discours ?
Selon Richard Tuck, la démocratie moderne s’est inventée dans la distinction entre souveraineté et gouvernement. Le peuple ne participe pas à toutes les décisions politiques, il s’en tient aux actes législatifs fondamentaux, et c’est ainsi qu’il commande. Endormi, le peuple n’aurait ainsi à se réveiller que le temps d’un plébiscite.
L’économie numérique rend-elle définitivement obsolètes les principaux outils de l’analyse marxiste ? C’est la thèse de Mariano Zukerfeld, qui propose dans un essai vivifiant de repenser la critique du capitalisme à partir de la question des savoirs, et non du travail. Sa démonstration manque toutefois d’une théorie convaincante de la valeur.
Devrions-nous entretenir des relations plus diplomatiques avec les animaux ? C’est ce à quoi Baptiste Morizot nous invite, qui prend le “retour du loup” comme occasion de réflexion philosophique. Comme pour mieux réaffirmer, en creux, la position surplombante de l’humain ?
L’écologie politique ne date pas des années 1970, elle est née au XIXe siècle, de la conviction de penseurs progressistes qu’il ne saurait y avoir d’émancipation sans respect de la nature — être de gauche, c’était alors nécessairement être écologiste.
L’humanité est composée de « tribus » qui ont chacune leur conception du bien et leurs valeurs. Comment les réconcilier ? Certainement pas en cherchant une illusoire vérité morale, d’après J. Greene, mais en s’appuyant, à l’aide des neurosciences, sur les intuitions qui peuvent nous être communes.
Les plantes ont beaucoup à dire lorsqu’on sait les écouter. Car leur existence est une métaphysique : celle de la vie, celle d’une manière spécifique d’exister et d’entrer en relation. Notre monde est un fait végétal avant d’être animal.
Pourquoi penser que tuer et laisser mourir sont deux choses différentes ? Qu’un médecin qui administre une substance létale à un malade en phase terminale est plus coupable que s’il lui refusait des soins ? Après tout, les conséquences sont les mêmes, et c’est à leur aune qu’il faut juger les actes, suggère Jonathan Glover.