Lorsqu’une personne nous dit quelque chose, est-ce que nous croyons ce qu’elle nous dit ou est-ce que nous la croyons, elle ? R. Moran pose la question et nous permet de nous interroger sur ce que signifie ne pas être cru.
P. Desan défend une lecture hypercontextuelle de Montaigne, afin de comprendre les Essais à travers la situation, historique et politique, dans laquelle ils ont été écrits. Montaigne devient ainsi un objet pour les sciences sociales.
Georg Simmel, disparu il y a un siècle, est un classique de la sociologie, mais on ne prête guère attention à l’inventivité philosophique dont il a fait preuve. Toute son œuvre tend à à une redéfinition de la métaphysique, attentive à la complexité des choses.
Nous ne sommes pas tous également exposés aux effets du changement climatique. Les plus pauvres et les générations futures sont les principales victimes d’un réchauffement auquel les pays développés ont grandement contribué. D’où un problème moral et politique rarement pris en considération.
Vivre en ville et aspirer à un développement infini : telles seraient les caractéristiques de la modernité, selon Marshall Berman, dont l’essai classique paraît opportunément en français, alors que la pensée critique est en perte de vitesse.
Le temps présent tend à brouiller la frontière entre le vrai et le faux. La démocratie s’en voit compromise, qui repose sur le conflit des opinions et par conséquent sur l’horizon d’une vérité commune. Mais la menace pèse tout autant, selon M. Revault d’Allones, sur l’imagination.
Y a-t-il un droit du premier occupant ? Plongeant dans la théorie médiévale de la possession, P. Thévenin montre comment les juristes manient les faits pour y trouver les éléments propres à fonder un droit légitime ; et suggère que les philosophes ont tout à apprendre de ces pratiques du droit.
Comment peut-on être sceptique ? S. Marchand montre qu’il est possible de vivre en doutant de tout, et que le scepticisme peut rester cohérent tout en échappant aux objections qui lui sont adressées depuis le fond des âges.
On parle souvent au nom du peuple, sans savoir ce que le terme, très équivoque, signifie. Selon Gérard Bras, il faut considérer qu’un peuple n’existe que lorsqu’il se déclare, dans un acte toujours révolutionnaire.
Notre époque se caractérise indéniablement par une nouvelle pensée de l’animal, qu’E. Bimbenet nomme « zoocentrisme ». Il n’est pourtant pas sûr que nier la différence entre l’homme et l’animal soit la meilleure manière de protéger celui-ci. Cette recension est suivie d’une réponse de l’auteur.
Comment penser nos responsabilités face aux crimes du passé dont les conséquences continuent de peser sur les conditions d’existence des victimes ou de leurs descendants ? Un premier pas, pour la philosophe Catherine Lu, serait d’admettre et de théoriser les racines coloniales de l’ordre mondial.
La transformation du monde passe par la transformation de soi. L’éthique de la considération, selon C. Pelluchon, doit nous permettre de relever les défis écologiques et sociaux auxquels nous sommes confrontés, afin qu’à nouveau nous puissions vivre avec les autres êtres, quels qu’ils soient.
Dans ce portrait intellectuel de l’enfant terrible de l’École de Francfort, S. Müller-Doohm nous découvre un infatigable polémiste, dont les prises de position ont marqué le dernier demi-siècle. C’est aussi l’histoire allemande d’après-guerre que cette première biographie nous donne à parcourir.
Qu’est-ce qui justifie qu’on décide à la majorité en démocratie ? Peut-on considérer qu’elle a raison et que la minorité a tort ? D. Mineur réfléchit aux fondements philosophiques d’une règle devenue, dans nos sociétés, si évidente.
Comment le lecteur est-il constitué et construit par le texte philosophique ? Telle est la question que pose André Pessel à l’œuvre spinoziste, qui s’efforce d’intégrer son lecteur, non seulement à sa pensée, mais plus foncièrement à Dieu, c’est-à-dire à la Nature.
Qu’advient-il du sujet lorsqu’il se définit par sa soumission au règne de la marchandise ? À partir des formes individuelles du narcissisme, Anselm Jappe poursuit ses réflexions sur la crise du capitalisme et met en évidence les mécanismes d’autodestruction du monde contemporain.
C’est en philosophe que Claire Pagès propose une présentation d’ensemble de l’œuvre de Norbert Elias. L’œuvre, majeure pour les sciences sociales, est pourtant résolument et excessivement anti-philosophique.
Que serait-on prêt à faire pour survivre en situation extrême ? Le sociologue J.-M. Chaumont nous emmène voir de près en quels termes s’est posé ce dilemme pour trois catégories de survivants. Et montre comment on peut venir à croire que la vie sauve s’obtient parfois au prix du salut de l’âme.
Elsa Dorlin analyse les traditions d’autodéfense politique de groupes définis comme minoritaires dont l’affirmation politique est perçue comme une menace par ceux qui détiennent une position dominante. Une généalogie du pouvoir au prisme des résistances qu’on lui oppose.
On entend souvent que, face au terrorisme, les démocraties auraient à trouver le bon équilibre entre sécurité et liberté, comme s’il s’agissait de poids dans une balance. La métaphore ne sert-elle qu’à justifier de nouvelles mesures de sécurité ? Comment concevoir l’arbitrage entre ces valeurs ?
C’est par un maillage d’infrastructures que le pouvoir réduit les particularités locales, exploite les ressources, combat les autonomies. Habiter des territoires en lutte permet de lui résister. « Être forêt », de Notre-Dame-des-Landes à Bornéo, c’est devenir ingouvernable.
Au XVIIIe siècle, le marché est apparu comme un vecteur d’égalité parce qu’il libérait de la dépendance envers les maîtres. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, explique E. Anderson : le pouvoir des entreprises sur leurs employés est proprement dictatorial.
La philosophie politique de Canetti tient à son analyse de la masse, qui peut être répressive ou libératrice, terrorisante ou résistante. Car la masse sert les despotes, mais, en se métamorphosant, peut aussi ouvrir aux révolutions.
Peut-on interpréter les philosophes classiques à la lumière de la philosophie analytique contemporaine ? C’est le défi que relève avec brio M. Gleizer à propos de la conception spinoziste de la vérité et de la certitude, même si ce rapprochement peut laisser perplexe, sinon sceptique.
Les arbres pensent, explique E. Kohn, parce qu’ils ont une faculté de représenter le monde, et l’anthropologie nous aide aujourd’hui à dépasser la distinction entre humains et non-humains. Le risque est cependant de donner de la pensée une définition assez pauvre.
La modernité, explique M. Gauchet, est un projet cohérent : celui de faire advenir une société autonome. C’est là incontestablement une de ses significations, mais peut-on considérer qu’il s’agit là d’un processus aussi unifié que l’auteur l’affirme ?
Pour Thomas Scanlon, l’égalité n’est pas une valeur politique en soi. C’est bien plutôt parce que nous souffrons des inégalités économiques que nous lui sommes attachés. Mais peut-on fonder un idéal politique uniquement sur des objections ?
Imposante somme sur le genre utopique au XVIIIe siècle, fruit du travail d’une cinquantaine de collaborateurs, ce Dictionnaire restitue de manière exhaustive et détaillée la richesse des thèmes explorés par le genre utopique, et permet de faire l’archéologie d’une notion à laquelle notre siècle revient.
La défense de la liberté autorise-t-elle l’ingérence dans les affaires d’un autre État ? Peut-elle aller jusqu’à légitimer l’intervention armée ? Le libéralisme a beaucoup débattu de ces questions, que le livre d’A. Knüfer étudie sous une double perspective, historique et philosophique.
Pierre Bayle est un penseur paradoxal : sceptique prônant la tolérance, il adhère à l’absolutisme royal. Il veut tenir ensemble une pensée de l’ordre politique et de la pluralité. Le geste est fort et susceptible, encore aujourd’hui, de nous inspirer.
Qu’est-ce que le transhumanisme, et pourquoi l’homme ne serait-il pas un cyborg au naturel ? Loin des réflexes technophobes et des rêveries de l’intelligence artificielle, un nouvel ouvrage livre une analyse philosophique d’une idée à la mode.
Sur la vie de Spinoza, on a beaucoup écrit et spéculé — particulièrement pour expliquer son exclusion de la communauté juive. M. Rovère rouvre le dossier et en propose une version à la fois originale et romancée.
Alors que l’intelligence artificielle fait l’objet d’une attention publique croissante, la philosophe Catherine Malabou s’interroge sur les frontières de plus en plus poreuses entre cerveaux humain et synthétique. Elle dessine ainsi la carrière du concept d’intelligence.
L’histoire de la psychanalyse est faite de nombreuses controverses, souvent violentes, qui tiennent beaucoup à la figure de Freud lui-même, objet de haine ou d’adoration. Mais à se focaliser sur ces conflits, on risque d’oublier que la psychanalyse s’est constituée aussi comme pratique en dehors du freudisme ou de l’anti-freudisme.
À l’heure où les dénonciations de la souffrance animale se font plus vives et où fleurissent les régimes sans viande, comment expliquer la persistance d’une humanité carnivore, ni naturelle, ni rationnelle ?
Lucrèce, philosophe et épicurien ? Ce ne serait là que mythe : le poète romain n’aurait jamais été de son vivant ce penseur subversif que les modernes veulent voir. Mais cette mise en contexte de l’œuvre de Lucrèce oublie peut-être l’essentiel : l’attention prêtée au texte et à sa rhétorique.
Quelles sont les idées politiques qui comptent pour comprendre le monde contemporain ? Deux manuels tentent, chacun à leur manière, de définir le canon de la philosophie politique occidentale. Une mission impossible ?
Comment appréhender les images ? Quelle lecture en faire ? Penser l’image disserte de la question de la lisibilité ou de l’illisibilité des images, en s’attardant notamment sur la validité des approches sémiotique et iconique.
La question de savoir ce que nous sommes a beau être aussi vieille que nous, elle n’en demeure pas moins l’objet de discussions animées entre métaphysiciens et philosophes de l’esprit. Chose pensante, personne, animal, inexistence : quel est ce je qui parle pour nous ?
La Révolution est devenue notre tradition. La philosophie sociale française, explique F. Brahami, est née du traumatisme que 1789 a produit sur nos consciences. Elle a intégré les critiques formulées par les contre-révolutionnaires et s’est attachée, contre le règne de l’individu et de ses droits, à réhabiliter l’idée de société.