Lorsqu’une personne nous dit quelque chose, est-ce que nous croyons ce qu’elle nous dit ou est-ce que nous la croyons, elle ? R. Moran pose la question et nous permet de nous interroger sur ce que signifie ne pas être cru.
À propos de : Richard Moran, The Exchange of Words : Speech, Testimony and Intersubjectivity, Oxford University Press
Lorsqu’une personne nous dit quelque chose, est-ce que nous croyons ce qu’elle nous dit ou est-ce que nous la croyons, elle ? R. Moran pose la question et nous permet de nous interroger sur ce que signifie ne pas être cru.
Dans le film Blow-Up (1966) de Michelangelo Antonioni, Thomas, photographe de mode londonien, s’aperçoit, en recadrant et en agrandissant une image prise le jour même, qu’il a photographié involontairement un meurtre. Présentée à un tribunal, cette photographie agrandie pourrait tout à fait constituer une preuve autonome du fait qu’un homme a été tué dans ce parc. En revanche, la situation serait entièrement différente si Thomas avait fait un dessin de ce qu’il voyait dans le parc : non seulement il serait absurde de sa part d’envisager d’agrandir le dessin pour y voir autre chose que ce qu’il y a mis, mais il faudrait surtout que le tribunal le croie, lui Thomas, sans quoi le dessin ne serait pas une preuve. À la différence de la photographie, le dessin est donc intrinsèquement dépendant des intentions et des croyances du dessinateur au moment où il dessine. Or cette dépendance s’applique tout aussi bien à la parole d’autrui en général, puisque, lorsque les autres nous parlent et que nous considérons ce qu’ils nous disent comme leur parole, ils doivent le faire intentionnellement.
Dans ces conditions, comment la parole d’autrui, qui n’est pas une source autonome d’information sur quoi que ce soit, peut-elle être pour celui ou celle à qui elle est adressée une raison de croire quelque chose, voire une source fiable de connaissance ? Telle est l’énigme qu’affronte le philosophe américain Richard Moran dans son nouveau livre, The Exchange of Words [1], et qu’il formule ainsi, dès la préface :
Qu’est-ce qui est propre à la manière dont une locutrice fournit à l’auditeur une raison de croire quelque chose quand elle lui dit quelque chose ? Et quelle est la nature de l’acte intersubjectif où une locutrice asserte quelque chose comme vrai à son auditeur, et que cette personne la croit ? (What is distinctive about the way that a speaker provides a reason to believe something for the hearer when she tells him something ? And what is the nature of the intersubjective act when a speaker asserts something as true to her audience, and the person believes her ?, p. X).
L’enjeu est de taille et est davantage pragmatique – au sens où il va s’agir de la description d’une pratique – qu’épistémique. En effet, cette question, qui constitue le fil directeur de l’enquête de R. Moran, précède toute interrogation sur les critères de vérité d’un témoignage : ce qui compte, d’abord, ce sont les conditions pour que l’on puisse considérer que ce que l’on nous dit constitue une raison de croire quelque chose à propos du monde ou du locuteur lui-même. En d’autres termes, il s’agit de savoir au préalable quelles sont les conditions pour que le dire d’autrui fasse l’objet d’un questionnement épistémique.
Tout en demeurant légitimes en elles-mêmes, les questions d’épistémologie sociale – dont l’épistémologie du témoignage est la figure privilégiée à l’heure actuelle [2] – reposent sur des prémisses qui méritent d’être explorées. Dans ce but, R. Moran commence par décrire une pratique commune, partagée, où tout le monde a un rôle à jouer. Une personne s’adresse, en face-à-face, à quelqu’un, et lui dit quelque chose, par exemple qu’il reste du lait dans le réfrigérateur. Cette scène de parole, qui est à la fois une assertion et un témoignage, constitue un phénomène humain tout à fait basique, c’est-à-dire à la fois ordinaire et primitif : quelqu’un exprime ses pensées à quelqu’un d’autre qui le croit et la conversation peut continuer, l’auditeur se faisant à son tour locuteur : « – Ah, mais tu es sûr qu’il n’est pas périmé ? – Oui, je viens de l’ouvrir », etc.’’ [3].
La primitivité [4] de cette scène de parole n’a cependant pas pour effet qu’elle soit sans condition. Bien au contraire, il ne suffit pas de parler pour dire quelque chose et par là procurer des raisons de croire à notre interlocuteur. L’une des forces du livre de R. Moran est de proposer une typologie fine et convaincante de ce que l’on pourrait appeler les « conditions du dire », qu’il regroupe sous trois rubriques (p. 105-110). Dire à quelqu’un quelque chose comptera donc pour l’auditeur comme une raison de le croire si et seulement si le locuteur remplit en parlant les conditions de sincérité (Sincerity Condition) – il faut croire ce que l’on dit – ; d’auto-compréhension (Self-Understanding Condition) – il s’agit de comprendre ce que l’on dit comme étant une information sérieuse (et non comme une blague par exemple), de telle sorte que l’auditeur le comprenne de la même manière – ; et de présentation (Manifest Condition).
La troisième et dernière condition, si elle peut sembler mystérieuse, est en réalité tout à fait cruciale dans la typologie de R. Moran. En effet, la condition de sincérité est à elle seule insuffisante car elle permettrait de dédouaner le locuteur de toute responsabilité en cas de mensonge de sa part : celui-ci pourrait répondre à l’auditeur qu’il n’avait aucune raison de le croire car il mentait. Il faut donc comprendre la condition de sincérité davantage comme une exigence de se présenter comme sincère au moment où l’on parle. Ainsi, pour donner à son interlocuteur une raison de croire qu’il reste du lait dans le réfrigérateur, il ne faut pas tant y croire que se présenter comme le croyant. Cette troisième condition de présentation est quant à elle suffisante puisqu’il serait impossible de croire quelqu’un qui nous dirait explicitement de ne pas le croire [5]. Répondre dans ces circonstances « Tu es sûr que le lait n’est pas périmé ? » n’aurait aucun sens et trouverait sa place dans un sketch absurde plutôt que dans une conversation authentique.
R. Moran prétend, en outre, retrouver ces trois conditions du dire dans une note fameuse de David Hume à propos des promesses, dont on peut citer un extrait :
Il est évident que la volonté ou le consentement ne transfèrent jamais la propriété par eux seuls ni ne créent l’obligation d’une promesse (car le même raisonnement s’applique aux deux cas) ; mais la volonté doit être exprimée par des mots ou des signes, pour imposer une obligation à quelqu’un. Cette expression, une fois introduite comme auxiliaire de la volonté, devient bientôt l’élément principal de la promesse : un homme ne sera pas moins lié par sa parole, même s’il a secrètement donné une direction différente à son intention, et retenu l’assentiment de son esprit [6].
Ainsi, quand bien même l’auditeur saurait pertinemment que le locuteur n’a pas l’intention de tenir sa promesse envers lui – par exemple parce qu’il ment très mal, parle vite, sue à grosses gouttes, évite son regard, qui sont comme autant de signes naturels de son intention de le tromper – ce savoir ne lève pas l’obligation puisque le promettant se présente comme ayant l’intention de la tenir, conformément à la condition de présentation. Hume ajoute dans cette même note qu’un locuteur ne peut en revanche pas être lié par une expression dont il ne connait pas le sens et dont il use sans en connaître les conséquences – on peut penser à un étranger disant « Oui » à une cérémonie de mariage –, conformément cette fois à la condition d’auto-compréhension : il ne peut pas y avoir d’accord, d’entente, si le locuteur ne comprend pas ce qu’il fait.
Il s’ensuit de ces analyses que le dire n’a pas tant pour rôle d’exprimer nos états mentaux, c’est-à-dire de décrire un état – ici l’intention ou non de tenir une promesse qui est connue de toute façon par les deux protagonistes – que d’instituer un état, c’est-à-dire de nous faire entrer explicitement dans une institution, que ce soit la pratique de la promesse ou du transfert de propriété, en modifiant l’environnement normatif. Cette conception normative du dire – que l’on peut qualifier d’assurance view – compris comme un acte de parole qui ne peut réussir que si le locuteur s’engage à la vérité de ce qu’il dit, s’avère décisive, car elle permet à R. Moran de répondre à la question qu’il posait dans sa préface quant à la manière dont quelqu’un peut fournir à son auditeur une raison de croire quelque chose quand il lui dit quelque chose [7].
En effet, si le dire engage la responsabilité du locuteur en ce sens, alors c’est l’acte même de dire quelque chose à quelqu’un qui, pour le destinataire, compte comme une raison de croire ce qui est dit. Dans cette scène de parole primitive où quelqu’un nous dit qu’il reste du lait dans le réfrigérateur, ce qu’il s’agit de croire – ou de ne pas croire – avant tout, ce n’est donc pas tant ce qui est dit que celui ou celle qui nous le dit. Cette conception s’oppose à une autre conception du témoignage selon laquelle ce qu’il faut croire lors d’un témoignage, ce n’est jamais le témoin mais uniquement l’énoncé (utterance) prononcé par lui. R. Moran s’oppose par-là aux partisans du modèle inférentialiste des raisons de croire les témoignages – que l’on peut appeler l’evidence view –, pour qui les énoncés d’autrui seraient analogues à des phénomènes naturels que l’on perçoit et qui fonctionneraient comme autant d’indices pour former des croyances sur le monde [8].
D’après le philosophe américain, la parole d’autrui n’est pas juste une preuve, voire un symptôme parmi d’autres à partir duquel nous pourrions inférer des choses à propos du monde ou du locuteur, puisque, si tel était le cas, ce que le locuteur voudrait dire n’aurait pas forcément une grande importance pour nous. Pour le lieutenant de police ou le psychanalyste en revanche – et avec qui il ne s’agit d’ailleurs pas d’avoir une conversation où les rôles pourraient s’inverser –, les paroles prononcées de manière intentionnelle par le suspect ou le patient ne sont pas les meilleurs indices, aux vues des risques évidents de mensonge, d’auto-censure et de mauvaise foi (p. 22-30). Cependant, comme y insiste à de nombreuses reprises R. Moran, dans nos rapports intersubjectifs ordinaires nous n’adoptons pas la position de l’interprète qui fait des hypothèses sur ce qu’il entend [9]. Si, parfois, nous devons en effet interpréter les paroles d’autrui, c’est d’abord parce que la plupart du temps nous n’avons pas à le faire.
Cette distinction fine que propose R. Moran entre croire quelqu’un et croire en la vérité de ce qu’il nous dit, et sur laquelle il fonde une grande part de son propos, n’est pourtant pas si facile à comprendre et pourrait sembler spécieuse. Il n’en est en réalité rien. Tout d’abord, si quelqu’un me dit « Napoléon a perdu la bataille de Waterloo » et que je lui réponds « Je te crois », cela sonnerait plutôt comme une blague prononcée dans une conversation absurde [10]. En outre, nous pouvons imaginer qu’un élève aux tendances complotistes affirme que « La Terre est ronde » : certes, nous croyons en la vérité de ce qu’il nous dit mais nous pouvons ne pas le croire lui si nous savons, d’une part, qu’il est en train de nous mentir pour nous faire plaisir – preuve au passage qu’insincérité n’est pas synonyme de tromperie – et, d’autre part, qu’il pense sincèrement que la Terre est plate (p. 81-sq). Ce personnage, que l’on peut appeler le « menteur ignorant », prouve une fois encore que nous pouvons tout à fait croire en la vérité de ce que l’on nous dit sans croire celui ou celle qui nous le dit, et que, par conséquent, pour qu’il y ait une véritable conversation le locuteur doit s’engager dans ce qu’il dit et être reconnu comme tel par l’auditeur (p. 194).
Cependant, cette conception normativiste de la parole défendue par R. Moran, selon laquelle, pour le résumer, tout ce qui relève d’un véritable dire a pour condition l’engagement du locuteur, pourrait tendre à gommer certaines différences parmi les actes de parole et leur spécificité : l’acte de dire à quelqu’un qu’il y a du lait dans le réfrigérateur n’est pas de même nature que l’acte de lui promettre d’aller l’aider demain. En d’autres termes, l’assurance view défendue par R. Moran ne risque-t-elle pas de faire de tout « dire » une promesse implicite et, par-là, non seulement de perdre en finesse descriptive mais aussi de moraliser à outrance nos conversations ordinaires [11] ? Conscient de cette difficulté, R. Moran précise que l’exemple de la promesse n’était qu’une comparaison utile pour mieux mettre en avant la manière dont un locuteur fournit en général des raisons de croire ce qu’il dit à ses interlocuteurs. En outre, l’acte de dire ferait nécessairement référence à un fait indépendant de lui et qui le précède, contrairement à l’acte de promettre qui créerait eo ipso sa propre obligation :
Les différences entre les assertions et les promesses évidemment persistent. En promettant, la locutrice s’engage à accomplir une action, à rendre quelque chose vrai, là où l’action et la vérité dépendent d’elle, c’est-à-dire quelque chose qu’elle peut réaliser, alors que dans une assertion ordinaire la vérité qui est affirmée ne dépend pas de la locutrice et n’est pas présentée comme telle. (The differences between assertions and promises remain, of course. In promising, the speaker commits herself to some performance, to making something true, where the performance and the truth are “ up to her”, something she can fulfill, whereas in ordinary assertion the truth that is claimed is not up to speaker and is not presented as such, p. 139.)
Cette précision – avec laquelle on ne peut qu’être d’accord – entre cependant en contradiction avec une autre thèse de l’auteur, que nous avons déjà présentée, selon laquelle à chaque fois que l’on dit quelque chose à quelqu’un on institue un état plutôt qu’on le décrit. Subsisterait donc une tension dans cet ouvrage entre l’intention explicite de proposer une typologie fine des différents actes de paroles qui fournissent à autrui des raisons de croire, d’une part, et le risque de réduire toute parole a un engagement, toujours le même, et dont les raisons de croire en sa véracité seraient indépendantes de l’état du monde, d’autre part.
Même si la thèse principale de R. Moran mériterait donc d’être développée et peut-être nuancée, celle-ci nous offre des outils descriptifs pour rendre compte de certaines situations intersubjectives parfois problématiques. En effet, l’idée selon laquelle croire quelqu’un qui nous dit quelque chose c’est le croire lui et non pas simplement croire ce qu’il dit est précieuse pour mieux comprendre une expérience particulière : celle de ne pas être cru. Ainsi, s’il s’avère que ce qu’un professeur raconte est faux – par exemple s’il affirme à voix haute « Napoléon a gagné la bataille de Waterloo » – et que ses élèves savent que cette proposition est erronée, alors il n’a aucune raison de se plaindre du fait que ses élèves ne croient pas ce qu’il dit : il ne fait pas l’expérience de ne pas être cru à proprement parler et il ferait preuve de mégalomanie s’il continuait de s’irriter une fois admise son erreur [12]. A contrario, ne pas être cru c’est se voir refuser ce que l’on donne librement et explicitement à quelqu’un, à savoir sa parole, quand bien même celui qui la refuse ne douterait pas de sa vérité ; de la même façon que des excuses présentées peuvent être refusées alors qu’il ne subsiste aucun doute sur le fait que la personne est désolée. Par exemple, lorsque certains hommes ne croient pas les femmes quand elles disent explicitement « non ! » à un rapport sexuel, ils savent qu’elles sont sincères mais refusent leur parole.
L’analyse de R. Moran nous permet alors de mieux comprendre pourquoi ne pas être cru au sens strict est toujours une insulte, voire une blessure (p. 72-75) et peut même avoir de graves conséquences – il n’y a qu’à penser à la dramatique histoire de Naomi Musenga qui n’a pas été prise au sérieux par le SAMU en décembre 2017, peut-être parce que femme et noire – puisque ne pas croire quelqu’un c’est d’abord refuser qu’il possède une parole et puisse l’offrir, c’est-à-dire soit une personne [13], avant même de s’interroger sur la vérité ou la sincérité de celle-ci.
par , le 30 janvier 2019
• Elizabeth Anscombe, « What is it to believe someone ? » in Rationality and Religious Belief, C.F. Delaney (éd.), Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1979, p. 141-151.
• Miranda Fricker, Epistemic Injustice : Power and the Ethics of Knowing, Oxford, Oxford University Press, 2007.
• Jennifer Hornsby « Illocution and its significance » in Foundations of Speech-Act Theory : Philosophical and Linguistic Perspectives, Savas L. Tsohatzidis (éd.), New York, Routledge, 1994, p. 188-207.
• Angus Ross, « Why do we believe what we are told ? », Ratio, vol. XXVIII, n°1, 1986, p. 69-88.
Vincent Boyer, « La parole donnée », La Vie des idées , 30 janvier 2019. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/La-parole-donnee
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[1] L’exemple de Blow Up est analysé par R. Moran au chapitre 2 de l’ouvrage, p. 50-51.
[2] Sur cette question voir, en français, Le témoignage. Perspectives analytiques, bibliques et ontologiques, Philosophie, Minuit, n°88, 2006, en particulier les quatre premiers articles.
[3] Le thème de la conversation est un autre fil directeur extrêmement important de The Exchange of Words (voir notamment p. 183-197), car il fonctionne pour R. Moran comme un critère de reconnaissance du dire : toute assertion doit pouvoir s’inscrire dans une conversation où les rôles de locuteur et d’auditeur alternent, c’est-à-dire où le « je » et le « tu » peuvent s’inverser (p. 156-157).
[4] Il faut distinguer la primitivité de la scène de son universalité : cette scène de parole n’est peut-être pas la plus répandue mais est première parce que les autres échanges linguistiques entre les hommes en découlent et s’expliquent par rapport à elle. En effet, pour comprendre ce que signifie parler pour ne rien dire, encore faut-il savoir ce que signifie parler pour dire quelque chose (p. 6-7).
[5] R. Moran fait à ce sujet fond sur le fameux paradoxe de Moore – « Il pleut, et je ne le crois pas » – cas paradigmatique d’une contradiction performative puisque cette assertion à la première personne du présent de l’indicatif s’auto-détruit, et auquel il consacre une section entière de son livre (p. 112-121), comme il le faisait dans son livre précédent, Autorité et aliénation, trad. Sophie Djigo, Vrin, 2013, p. 133-143. Ajoutons que la formule « Il pleut, et je le crois », serait tout aussi étrange, mais pour d’autres raison.
[6] David Hume, Enquête sur les principes de la morale, (1751), trad. Philippe Baranger et Philippe Saltel, GF, 1991, p. 104, n.1.
[7] R. Moran, dans des pages importantes du premier chapitre, fait le lien entre « to tell something to someone » et « to claim », c’est-à-dire revendiquer des droits (p. 5-16), deux actes illustrant cette conception normativiste de la parole. La traduction française du verbe « to tell » par « dire » ne permet malheureusement pas de rendre compte de la richesse de ses sens en anglais, notamment son sens directif qui le distingue des verbes « to say » ou « to assert », preuves en sont les impératifs comme « I tell you to back off ! » (« Dégage ! ») (p. 89).
[8] Cf. notamment Ruth Millikan, Varieties of Meaning, Cambridge, MIT Press, cité p. 17.
[9] Voir aussi p. 23 et p. 164-165 sur le refus de la part de R. Moran de faire de l’auditeur une sorte de Sherlock Holmes.
[10] L’exemple de Napoléon n’est pas de R. Moran mais d’Elizabeth Anscombe dans son article justement nommé « What is it to believe someone ? » in Rationality and Religious Belief, C.F. Delaney (éd.), Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1979, p. 141-151.
[11] Nous nous inspirons ici des critiques qu’a faites très récemment Claude Romano à un autre philosophe américain, Charles Larmore, qui défend des positions proches de celles de R. Moran. Voir, « Nos états d’esprit sont-ils des engagements ? », in Du moi à l’authenticité. La philosophie de Charles Larmore, Cl. Romano (éd.), Mimesis, 2017, p. 51-92.
[12] Cet exemple est lui aussi tiré de l’article d’Elizabeth Anscombe, « What is it to believe someone ? », op. cit.
[13] « Une PERSONNE est celui dont les mots et les actions sont considérés soit comme étant les siens propres, soit en ce qu’ils représentent les mots et les actions d’un autre […]. » (Thomas Hobbes, Léviathan, trad. G. Mairet, Gallimard, 2000, chapitre 16, p. 271, cité p. 10).