Antique et renaissante, mi-lolita, mi-déesse, la nymphe est, selon G. Didi-Huberman, marchant dans les pas d’Aby Warburg, un personnage récurrent de l’histoire de l’art, qu’elle irrigue de son nimbe et de sa fastueuse fluidité.
À travers une enquête ethnographique dans le huis clos du quartier européen de Bruxelles, Sylvain Laurens étudie les rapports entre milieux d’affaires et institutions européennes et montre que leur proximité tient moins à une connivence idéologique qu’à une histoire partagée.
Rompant avec la vision du paysan éternel et des campagnes conservatoires des traditions, Joëlle Zask montre que l’agriculture nourrit une véritable culture démocratique. Cultiver sa parcelle, c’est reconnaître une communauté d’égaux. Amour de la terre, amour de la liberté et de l’égalité ?
Le Kamasutra écrit au IIIe siècle n’est pas seulement un ouvrage érotique : c’est aussi un traité d’art de vivre pour les citadins aisés, quelle que soit la caste à laquelle ils appartiennent, quelle que soit leur sexualité, et qu’ils soient étalon, taureau ou lièvre, éléphante, jument ou hase.
Avec la volonté d’écrire une histoire totale, B. Joyeux-Prunel propose une approche socioculturelle et transnationale inédite des avant-gardes artistiques. Au delà d’une simple histoire des styles, les avant-gardes apparaissent alors comme de véritables événements politiques et sociaux, pris dans de complexes réseaux d’influence.
En URSS, de nombreux films ont été consacrés aux années de révolution et de guerre civile. Leur étude met en lumière le travail de l’idéologie et de la censure, tout en posant la question de la réception et de la « vérité documentaire ».
Un nouveau recueil sous la direction d’Emmanuel Alloa, portant sur le développement des études visuelles, éclaire ce que l’anthropologie apporte à notre perception de l’image. La richesse et la diversité des approches, cependant, rend difficile une perception unifiée de la question.
Peut-on encore défendre les langues mortes sans être taxé de conservatisme et sans idéaliser les cultures antiques ? Prolongeant le débat ravivé en 2015 par la réforme du Collège, l’helléniste Pierre Judet de La Combe milite pour le maintien d’un rapport direct et critique avec les Anciens.
La philanthropie moderne est un phénomène international. Un numéro de revue aborde l’action des fondations comme acteurs d’une diplomatie grâce des réseaux. Une manière innovante d’aborder les relations internationales et de contribuer à l’étude des circulations d’acteurs et d’idées dans le monde.
L’expulsion locative est devenue aux États-Unis un phénomène de masse. Le sociologue Matthew Desmond retrace le destin de huit familles de Milwaukee aux prises avec un marché immobilier d’une violence inouïe. Un livre magistral qui débouche sur une nouvelle conceptualisation de la pauvreté.
Une rigoureuse étude de l’histoire récente du droit de savoir aux États-Unis fait remonter l’émergence de la transparence aux revendications pratiques anti-bureaucratiques plutôt qu’à des revendications idéologiques soixante-huitardes.
Loin des théories générales qui prétendent rendre raison de la pratique sportive, un ouvrage récent fait apparaître les formes de socialisation et d’institutions qui font du sport un phénomène éminemment social.
La censure, selon Robert Darnton, n’entrave pas toujours la création. En étudiant trois cas contrastés, et sans prétendre unifier les divers contextes culturels où s’exerce la censure, l’historien s’interroge sur ses propres préventions à son sujet.
La philosophie des anciens consolait de la perte, de la séparation, de la mort. Celle des modernes ne le fait plus, considérant désormais que son rôle est de rechercher la vérité. Ce renoncement, selon M. Fœssel, est lourd de conséquences pour notre politique désormais sans horizon.
Fondateur de l’Empire romain en 27 avant J.-C., Auguste est un homme tout en ambiguïtés : républicain mais autocrate, conquérant mais pacificateur, inventeur d’une tradition, il gouverne comme un sphinx. Une biographie vient souligner l’actualité de son règne.
Alors que le gouvernement relance le débat sur le revenu minimum universel, Philippe Askenazy revient sur la redistribution des richesses. Il propose d’intervenir en amont, non par des taxations ou par l’accès universel à la propriété, mais par l’égalisation des revenus de départ en revalorisant le travail.
À l’heure où les politiques d’assouplissement quantitatif menées par la plupart des banques centrales, laisse craindre une nouvelle crise financière, l’ouvrage d’Adair Turner ouvre de nouveaux horizons en proposant une réforme radicale de la création monétaire.
Le droit français n’est pas toujours très clair lorsqu’il faut punir les discours racistes. Les juges sont contraints de l’interpréter avec la plus grande rigueur, conscients que cette condamnation est indispensable en démocratie.
Une nouvelle traduction des Entretiens d’Épictète donne à la pensée du célèbre Stoïcien de la période romaine une précision et une actualité nouvelles, tout en laissant en retrait certaines facettes de sa doctrine comme la métaphore de l’acteur ou la dimension politique.
L’œuvre de Pierre Bourdieu ne cesse de nourrir les débats intellectuels jusqu’à aujourd’hui. Un ouvrage collectif dirigé par Maxime Quijoux examine la place apparemment marginale du travail dans les travaux du sociologue.
Que nous apprend la littérature de la mauvaise foi ? Dans un essai entraînant, Maxime Decout complète les approches issues des sciences humaines et sociales, et renouvelle le débat sur l’invention littéraire.
Contrairement à une idée répandue, la France n’a pas échappé à l’emprise intellectuelle et morale de l’eugénisme au cours du XXe siècle. À partir d’une enquête sur une cité-jardin de Strasbourg, P.-A. Rosental en retrace les transformations et les héritages, dans l’État social d’après-guerre et jusqu’à nos jours.
Les révolutions dans les pays du Moyen-Orient ont remis sur le devant de la scène le rôle de l’armée dans les systèmes politiques de la région. Un numéro pluridisciplinaire de la revue Vingtième siècle revient sur les relations entre militaire et politique.
À la question « À quoi sert l’histoire ? », Serge Gruzinski répond par un plaidoyer en faveur de l’histoire globale, antidote au nationalisme méthodologique et au « confortable eurocentrisme ». Une autre manière de penser la mondialisation.
Figure intellectuelle majeure de la guerre froide, Zbigniew Brzezinski s’est voulu penseur et acteur de la politique étrangère des États-Unis. Justin Vaïsse réévalue son héritage dans l’évaluation des rapports entre savoir et pratique des responsabilités.
Les méfaits du progrès : une idée rebattue, mais on ne s’est pas suffisamment avisé, selon Olivier Rey, que la cause fondamentale est dans la démesure impliquée par le développement technique. Est-ce à dire qu’il existe une échelle propice à l’humanité ?
On le répète sur tous les tons depuis des années : l’université française va mal. Un nouveau livre poursuit la réflexion, en évoquant notamment le sort des jeunes générations précarisées. Mais la fragilité du monde universitaire est aussi due à l’absence d’un idéal commun.
Mettant en valeur les intuitions économiques, l’ouvrage d’Anthony Atkinson couvre la question des inégalités avec une ambition d’exhaustivité. Il développe ensuite un programme (presque) complet de réformes pour les combattre.
Prisonniers de petites bulles individuelles tout confort, nous n’agissons plus, nous consommons des choix pré-arrangés. Matthew Crawford, philosophe et garagiste, nous explique comment nous reconnecter au réel, à la manière pragmatique et virile d’un mécano réparant une vieille bécane.
Les inégalités explosent et les politiques égalitaristes peinent à faire entendre leurs arguments. D. Robichaud et P. Turmel proposent dans un court essai de les articuler à une analyse de ce qu’implique la coopération sociale.
Depuis quelques années, une nouvelle génération d’historiens espagnols déboulonne les vieux mythes forgés par la propagande franquiste, mais aussi par les thuriféraires de la transition démocratique.
Les cours d’Alain Supiot au Collège de France analysent l’asservissement du Droit et de la Loi à la gouvernance par les nombres, qui sape les fondements démocratiques des sociétés. Qu’en pensent les statisticiens qui produisent les chiffres dont s’alimente cette gouvernance ?
En étudiant les mutations de la photographie depuis ses origines, on s’aperçoit que, contrairement à ce que l’on croit souvent, elle exalte l’artifice, la fiction et l’imaginaire, forte de son esthétique antinaturaliste. Et si le XIXe siècle était la matrice de notre modernité artistique ?
Une minutieuse enquête historique révèle les libertés que l’auteur du Voyage au bout de la nuit a prises avec son expérience de guerre. Ces flatteuses inventions auraient permis d’assurer la diffusion des pamphlets dans les années 1930 et de se dédouaner au moment de l’Épuration.
Dans trois essais jusqu’à présent inédits en français, Max Scheler décrit la révolution éthique introduite par la mentalité capitaliste. À partir du XIXe siècle, les consciences sont modelées par l’idée même de travail, dont l’entrepreneur moderne est l’incarnation.
Il est de coutume de dire que les romans naturalistes s’efforcent de décrypter le monde. Une thèse iconoclaste vient soutenir le contraire : Zola aurait éprouvé un malaise vis-à-vis du réel, projetant ses fantasmes sur l’écran opaque de ses textes. Serait-il, dans l’ordre romanesque, l’équivalent de Mallarmé ou de Kandinsky ?
Dans un ouvrage récent, Intisar Rabb, professeur de droit à Harvard, traite de ce qu’elle appelle le « critère de doute » en droit musulman, selon lequel les juristes sont censés éviter toute peine criminelle en cas de doute. Rabb rappelle qu’il s’agit là d’un concept central en droit musulman, pourtant trop souvent ignoré de nos jours.
L’idée d’une nature sauvage à protéger des avancées techniques ne prend en compte ni la complexité des artefacts, ni ce qu’implique aujourd’hui la protection de la nature. En mettant l’accent sur la notion de biodiversité, C. et R. Larrère cherchent à donner un nouveau fondement à l’écologie politique.
De l’Institut scientifique juif (YIVO), fondé en 1925, à la collection de livres « La judéité polonaise », créée après la Seconde Guerre mondiale, les études juives et yiddish témoignent d’une grande vitalité, malgré l’ombre portée par la Shoah.
Quel est l’homme qui a donné son nom aux réflexes pavloviens ? On savait jusqu’alors bien peu de ce savant russe qui a vécu la fin de la Russie impériale avant que les bolchéviks n’essaient d’en faire une gloire soviétique. La biographie que lui consacre D.P. Todes insiste sur les ambiguïtés et les complexités du personnage.