Pour quelles raisons estime-t-on que nos sociétés sont plus libres, prospères ou démocratiques grâce à l’institution de la propriété privée – et non pas malgré elle ?
La propriété privée est aujourd’hui sacrée ; et sa définition très stricte interdit que l’on puisse remédier aux inégalités et aux défis environnementaux. Mais elle n’a pas toujours été conçue de cette manière : c’est la Révolution française qui l’a inventée.
Le dernier ouvrage de Catherine Colliot-Thèlène, récemment disparue, couronne une œuvre majeure de philosophie politique, qui pour comprendre le monde contemporain s’est nourrie d’une relecture, minutieuse et lumineuse, des classiques.
L’individu possède-t-il un droit absolu sur les choses dans lesquelles il met son travail ? La proposition paraît aller de soi, mais elle est pourtant contestable. Pour délimiter la propriété individuelle, il faut un accord entre nous, donc des valeurs communes.
Le commun est conçu par P. Dardot et C. Laval comme le principe d’une démocratie radicale opposée aux évolutions du capitalisme contemporain. Mais ils négligent les stratégies de subversion du droit de propriété, telles qu’elles se manifestent notamment dans les Creative Commons.
En France l’idée que la propriété est un droit naturel émerge et triomphe au XVIIIe siècle, sous l’impulsion des physiocrates. C’est une telle conception que le mouvement solidariste critiquera un siècle plus tard afin de promouvoir l’État social.
Comment la Révolution française a-t-elle pu, tout en abolissant les privilèges, fonder de nouvelles inégalités ? Thomas Piketty retrace l’histoire des justifications théoriques de la propriété, et propose une nouvelle idéologie de l’égalité sans remettre en question le droit à la propriété privée.
Dans la région de la Volta, la propriété du sol n’existe pas, la terre n’est pas l’objet de transactions marchandes mais de partages. D’où vient alors que, dans nos sociétés, nous considérions comme parfaitement légitime ce droit à s’approprier une partie du territoire ?
Un recueil de textes inédits en français illustre la complexité des modes d’appropriation des ressources naturelles et de la terre dans le monde, du XVIe siècle à nos jours. Des communs ruraux à la marchandisation de l’eau, l’ouvrage invite à s’interroger sur ce que « posséder la nature » veut dire.
Au moment où la question de la propriété intellectuelle domine Internet, la lutte pour la mainmise sur l’univers numérique est de plus en plus présentée comme le « second mouvement des enclosures » : un emprunt trompeur, affirme Allan Greer.
Existe-t-il un droit absolu à la propriété ? Le respect constitutionnel des libertés exige-t-il que l’on disqualifie tout interventionnisme étatique dans le domaine économique et environnemental ? Jeremy Waldron s’interroge sur la légitimité d’une législation démocratique en la matière.
Pourquoi l’Inde, comme ce fut le cas en Europe, en Chine ou au Japon, n’a-t-elle pas amorcé dès la fin du XVIIIe siècle une transition vers la société de propriétaires et l’estompement des inégalités de caste ? La présence coloniale britannique en a décidé autrement.
Marx a mal lu Proudhon : il lui reproche d’avoir négligé les rapports de production, alors que l’anarchiste français s’intéresse à l’assujettissement politique qu’amène selon lui nécessairement la propriété privée.
La crise des subprime fait couler beaucoup d’encre. Mais, au-delà des inquiétudes économiques générales qu’elle soulève, elle nous lègue une question difficile : comment favoriser l’accession à la propriété ? A fortiori si l’ambition politique est de faire une « France de propriétaires »…
Le capitalisme et la démocratie semblaient, il y a encore quelques années, faire bon ménage. Mais le divorce est consommé, analyse Jean-Fabien Spitz : le marché se porte bien, les régimes autoritaires fleurissent et le désintérêt pour les droits des individus ne cesse de grandir.
La France vient de commémorer le centenaire de la loi de 1913 sur les monuments historiques. Cette loi, qui donne à la notion de monument historique les contours qu’on lui connaît aujourd’hui, n’allait pas de soi dans un pays attaché à la propriété privée. Une étude collective revient sur la genèse d’un texte fondateur du droit du patrimoine culturel.
Avec la disparition du régime censitaire et l’instauration du suffrage universel, la participation politique dans nos sociétés démocratiques ne devrait plus être conditionnée à la propriété. Et pourtant, montre Timothy Kuhner, la politique reste inféodée au capital.
Le livre de P. Dardot et de C. Laval entend placer la question du commun au cœur de la réflexion politique contemporaine. Mais il ne faut pas simplement le concevoir comme une forme spécifique de propriété : c’est une politique que le commun définit.
De nos jours, le capitalisme est l’un des concepts les plus utilisés en sciences humaines et sociales, mais également l’un des plus mal compris. Loin des perspectives que biaisent les opinions politiques, Geoffrey M. Hodgson propose d’analyser le capitalisme par le prisme du droit.
La notion de biens communs (commons), autrefois un mode ancien de gestion des forêts et pâturages, désigne aujourd’hui nos recherches et nos collectes d’informations. Pour comprendre cette mutation, cet essai montre comment l’ancienne économie des communaux permet d’éclairer le paysage moderne de l’information.
More and more things are being commodified, from body parts to personal data. This raises not only ethical questions, but also legal and economic problems. What are the limits of commodification? And what are alternatives when we nonetheless need to transfer some of these things?
Private property is now sacred, and its strict definition prohibits the redress of inequalities and of environmental problems. But it was not always conceived in this way: It was invented by the French Revolution.
Tracing apps to prevent the spread of Covid-19 have been implemented in various Asian countries, and Europe is also considering their use. But is the data privacy risk worth taking? This essay proposes an overview of such technologies and questions their efficiency.
By putting forward an analysis of the historical depths of the bonds connecting science to capitalism, Gabriel Galvez-Behar’s book opens up stimulating research perspectives for a critical analysis of the political economy of knowledge.
The latest book by Catherine Colliot-Thèlène, who died in 2022, crowns a vast body of work in the field of political philosophy. She drew inspiration from a meticulous and enlightening reinterpretation of the classics in order to understand the contemporary world.
At a time when the French government has reignited the debate over a universal minimum income, Philippe Askenazy reconsiders the question of wealth redistribution. He maintains that intervention must occur at a much earlier stage, not through taxation or generalized access to property, but by making base incomes equal through a revalorization of work.
An interview with a Chinese political scientist trained in American universities gives us an insight into China’s pragmatic policy of local experimentation. It chronicles how officials in the municipality of Chongqing have seized the opportunity offered by its special status to launch a unique blend of liberal and socialist economic policy.
Constance Borde and Sheila Malovany-Chevallier have published a new English translation of Simone de Beauvoir’s famed The Second Sex sixty years after its initial publication. They explain for Books and Ideas how they set out to restore Beauvoir’s existentialist, but also very personal approach to the history of the Western notion of “woman”.
At a time when the issue of intellectual property dominates the Internet, the struggle for control of the digital universe is increasingly known as the “second enclosure movement” - a misleading moniker, argues Allan Greer.
Among the recipients of the 2009 Nobel Memorial Prize in Economics was Elinor Ostrom, for her analysis of economic governance, especially in relation to the commons. While this choice took many in the profession by surprise, her life-long quest for an understanding of successful common property resource management holds important lessons for our future.