La tolérance est-elle la dernière vertu des modernes ? Tolérer l’autre, c’est d’abord souffrir une présence, nous rappelle utilement Denis Lacorne dans ce panorama des formes sociales et politiques de la tolérance, de l’empire ottoman aux sociétés multiculturelles.
Un État libéral doit garantir la liberté de croyance à ses citoyens et rester neutre en matière de religion. Mais le fait-il ? On sait qu’il réglemente l’usage des signes religieux, ou qu’il a tendance à favoriser certains cultes au détriment d’autres. De quel droit s’autorise-t-il ?
Dans les démocraties grecques, les décisions du peuple étaient précédées de débats au sein du conseil, où il fallait être bon orateur. Mais cette capacité était-elle partagée par tous les citoyens ? N’y avait-il pas des spécialistes de ce savoir pratique — des experts du discours ?
Selon Richard Tuck, la démocratie moderne s’est inventée dans la distinction entre souveraineté et gouvernement. Le peuple ne participe pas à toutes les décisions politiques, il s’en tient aux actes législatifs fondamentaux, et c’est ainsi qu’il commande. Endormi, le peuple n’aurait ainsi à se réveiller que le temps d’un plébiscite.
L’économie numérique rend-elle définitivement obsolètes les principaux outils de l’analyse marxiste ? C’est la thèse de Mariano Zukerfeld, qui propose dans un essai vivifiant de repenser la critique du capitalisme à partir de la question des savoirs, et non du travail. Sa démonstration manque toutefois d’une théorie convaincante de la valeur.
Devrions-nous entretenir des relations plus diplomatiques avec les animaux ? C’est ce à quoi Baptiste Morizot nous invite, qui prend le “retour du loup” comme occasion de réflexion philosophique. Comme pour mieux réaffirmer, en creux, la position surplombante de l’humain ?
L’écologie politique ne date pas des années 1970, elle est née au XIXe siècle, de la conviction de penseurs progressistes qu’il ne saurait y avoir d’émancipation sans respect de la nature — être de gauche, c’était alors nécessairement être écologiste.
L’humanité est composée de « tribus » qui ont chacune leur conception du bien et leurs valeurs. Comment les réconcilier ? Certainement pas en cherchant une illusoire vérité morale, d’après J. Greene, mais en s’appuyant, à l’aide des neurosciences, sur les intuitions qui peuvent nous être communes.
Les plantes ont beaucoup à dire lorsqu’on sait les écouter. Car leur existence est une métaphysique : celle de la vie, celle d’une manière spécifique d’exister et d’entrer en relation. Notre monde est un fait végétal avant d’être animal.
Pourquoi penser que tuer et laisser mourir sont deux choses différentes ? Qu’un médecin qui administre une substance létale à un malade en phase terminale est plus coupable que s’il lui refusait des soins ? Après tout, les conséquences sont les mêmes, et c’est à leur aune qu’il faut juger les actes, suggère Jonathan Glover.
Comment faire peur à ceux qui ne craignent pas la mort ? Souvent adoptées dans l’urgence, les mesures gouvernementales sont dans l’ensemble inefficaces contre le terrorisme. Pour François Saint-Bonnet, l’État de droit doit bien plutôt réorganiser ses pouvoirs, et réaffirmer la séparation entre le civil et le militaire.
Des objets ethnologiques aux installations contemporaines, tout est aujourd’hui susceptible d’être restauré. C’est, pour Jean-Pierre Cometti, la marque d’une époque où les objets de l’art et ceux de la culture sont « transitifs » et réversibles, au sens où ils peuvent échanger leurs positions.
Est-il rationnel d’agir avec justice ? La philosophie morale contemporaine semble le penser, mais on peut en douter : la raison nous recommande souvent de servir avant tout nos intérêts, quitte pour cela à être injuste. Et il faut en conséquence bien plus pour convaincre le méchant que la seule force du raisonnement.
Le libéralisme politique s’est historiquement fondé sur la défense de la tolérance et de l’autonomie individuelle. Mais l’État peut-il promouvoir ces valeurs sans porter un jugement sectaire sur certains modes de vie ? Des philosophes posent ici les principes d’un État libéral, et perfectionniste.
Pour Achille Mbembe, la démocratie libérale se nourrit des ennemis qu’elle se fabrique depuis l’ère des empires coloniaux et de l’esclavage transatlantique. En oubliant le rôle des dominés dans la construction des idéaux démocratiques, l’histoire de la colonialité qu’il esquisse donne paradoxalement la part bien belle à l’Occident.
Qu’est-ce que l’écoféminisme ? Une anthologie présentée par Émilie Hache introduit le lectorat français à ce courant de pensées très divers, qui s’attache à penser le lien entre nature et féminisme loin de tout essentialisme.
Adorno n’est pas seulement ce philosophe resté célèbre pour avoir fondé la Théorie critique. C’est aussi un sociologue dont il faut sans doute réévaluer l’apport, et notamment l’opposition radicale au positivisme.
Les objets qui nous entourent continuent-ils d’exister lorsque nous avons le dos tourné ? C’est ce que nous pensons spontanément. Mais quelle est l’origine de cette croyance, qui selon Étienne Bimbenet construit notre humanité ?
L’inflation carcérale que nous connaissons en France est moins le signe d’une hausse de la criminalité que d’une sensibilité accrue de notre société à l’égard de certaines déviances. L’acte punitif s’en trouve ainsi radicalement transformé.
De Hobbes, on a l’habitude de brosser un tableau sans nuance : son œuvre justifierait l’absolutisme le plus terrible, sa théorie politique serait le comble de l’immoralité. Cette lecture, explique L. Foisneau, est injuste.
La cour constitutionnelle est-elle une instance démocratique ? Non, répond J. Waldron, qui considère que le pouvoir judiciaire n’a pas à se substituer aux citoyens pour déterminer leurs droits. Mais sa conception de la séparation des pouvoirs est-elle encore d’actualité ?
D. Miller défend une position tranchée en matière d’immigration : les États ont le droit de fermer leurs frontières, mais aussi, dans une certaine mesure, le devoir d’accueillir les réfugiés. Ses arguments cependant peinent à convaincre.
Nos frontières sont-elles démocratiques ? Il n’y a pas de démocratie sans demos, et celui-ci suppose des limites clairement définies. Mais elle est aussi un mouvement d’extension des droits qui milite pour la reconnaissance d’un droit de cité aux étrangers.
Le débat public démocratique gagnerait-il à faire droit à l’expression des convictions religieuses ? Le philosophe Jean-Marc Ferry plaide pour le décloisonnement des champs politique et religieux en vue de leur enrichissement mutuel. Mais est-ce justifié ?
Qu’a pensé Kant de la Révolution française ? L’a-t-il célébrée, en dépit des réserves que l’idée même de révolution semble lui inspirer ? Pour C. Ferrié, on ne peut répondre à ces questions qu’en convoquant une autre herméneutique, qui admette la dimension pragmatique des écrits politiques kantiens.
Les animaux ont-il une vie morale au même titre que les humains ? La philosophe Alice Crary soutient qu’ils sont visiblement porteurs de qualités morales, comme nous le montre la littérature. Mais les valeurs sont-elles ainsi susceptibles d’un constat empirique ?
La pensée d’Arendt a t-elle été contaminée par une philosophie heideggerienne tendanciellement nazie ? Et si oui, est-ce le signe d’un manque de lucidité ou d’une adhésion profonde ? E. Faye pose la question, mais son interprétation est discutable. Cet article est suivi d’une réponse d’E. Faye.
On pointe souvent le défaut de représentativité de nos démocraties électorales. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’on nomme « représentation ». M. Revaut d’Allonnes, en soulignant la polysémie du terme, engage une réflexion indispensable pour la refondation de notre système politique.
La médecine doit-elle répondre à nos désirs de jeunesse éternelle ou de perfectionnement physique ? Pour M. Sandel, l’amélioration génétique est une atteinte à notre dignité. Il faut, dit-il, apprécier la vie comme un don. Mais dans ce qui nous est donné, tout est-il bon ?
Notre responsabilité envers les victimes du changement climatique relève-t-elle d’un devoir de justice ou d’un simple devoir d’assistance ? Dans cet ouvrage de synthèse, Olivier Godard restitue les principaux débats sur la justice climatique, tout en assumant certaines positions controversées.
Retraçant la généalogie de l’idée de race humaine, Claude-Olivier Doron revient sur le rôle des Lumières, notamment de Buffon, dans l’émergence d’une pensée raciale monogéniste. Il s’interroge ainsi sur la concomitance entre émergence de l’idée de « race » et affirmation de l’universalisme.
La philosophie de Leibniz fera-t-elle de nous des écologistes ? C’est le pari de Pauline Phemister, qui montre, à partir de la théorie leibnizienne de la perception et de l’interdépendance des êtres, que la biodiversité est une forme de beauté dont la destruction appauvrit notre expérience.
La philosophie peut-elle dire ce qu’est l’amour ? Dans un ouvrage court et argumenté, Francis Wolff s’essaie au jeu de la définition, montrant que l’amitié, le désir et la passion délimitent l’amour autant qu’il s’en nourrit.
Pour Norberto Bobbio les relations internationales ne doivent plus se comprendre exclusivement comme des rapports de force. La « paix juste » à laquelle il appelle suppose la construction d’un État fédéral mondial. Mais comment penser un tel contrat entre les nations ?
À la fin du XIXe siècle, le critique d’art et penseur social John Ruskin se retire avec plusieurs disciples dans le Nord de l’Angleterre pour vivre plus proches de la nature. Les idéaux qui les animaient peuvent-ils encore nous guider aujourd’hui ?
Marc Aurèle était-il vraiment un stoïcien, ou même un philosophe ? Et ce « moi » auquel il s’adressait dans ses Pensées est-il réductible au sujet tel que nous le comprenons aujourd’hui ? P. Vesperini remet en cause les lectures traditionnelles des écrits du célèbre empereur romain.
La Renaissance a réinventé la pudeur, cette passion contradictoire, qui montre tout en cachant. Dans un livre magistral, D. Brancher montre comment cet art du contournement traverse les savoirs, en particuliers médicaux, au XVIe siècle.
Pour Harry Frankfurt, l’égalité n’est pas un idéal, contrairement à ce que présupposent les politiques actuelles de redistribution. L’essentiel est d’avoir suffisamment pour vivre. Mais peut-on se contenter d’avoir assez quand d’autres ont trop ?
Le sentiment n’est pas une affection, mais le mode par lequel l’individu se rapporte au monde, dont il procède et se détache pour être un sujet perceptif. La phénoménologie, explique R. Barbaras, doit donc être complétée par une cosmologie.
Le principe de précaution gouverne dans une large mesure les politiques publiques. Souvent considéré comme mal défini, il est cependant loin de faire l’unanimité. D. Steel se propose d’en défendre un usage raisonnable, à ses yeux indispensable.