La crise des réfugiés irakiens et syriens a réactivé, un peu partout en Europe, la peur du choc des civilisations. L’histoire de la frontière entre la Hongrie et l’Empire ottoman livre pourtant des enseignements fort différents. Au XVIIIe siècle, cette route migratoire, très empruntée par les marchands, s’apparentait bien davantage à une zone de contacts qu’à un mur infranchissable.
Hanna Rose Shell examine la logique du camouflage depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Homme ou animal, caméléon ou soldat, il s’agit de voir sans être vu, de dissimuler son corps dans un environnement changeant – d’apprendre à devenir invisible.
À Athènes, dans l’Antiquité, les tâches d’expertise étaient confiées à des esclaves publics, que l’on honorait mais qu’on privait de tout pouvoir de décision. C’est ainsi, explique P. Ismard, que la démocratie parvenait à se préserver des spécialistes.
Il y a aujourd’hui deux millions de détenus aux États-Unis, avec un recours accru à l’enfermement solitaire de haute sécurité. La violence de ce dispositif et ses effets dramatiques, tout particulièrement sur les détenus les plus jeunes ou souffrant de troubles psychiatriques, fait maintenant l’objet d’un débat public.
L’état d’exception a en France une longue histoire. Destiné à faire face aux crises de toutes sortes, il est aujourd’hui invoqué pour répondre au terrorisme. Mais rien ne dit, selon l’historien du droit F. Saint-Bonnet, que c’est là la bonne solution au terrorisme qui frappe aujourd’hui.
Afin d’éclairer les événements tragiques survenus en France, la Vie des idées propose des pistes de réflexion à partir d’une sélection d’articles analysant la situation au Moyen-Orient et les enjeux institutionnels soulevés par le terrorisme.
L’historien médiéviste Giacomo Todeschini propose de décrire le corps social selon la catégorie de l’infamie, qui met en jeu l’accès (ou non) à la parole, à un nom honorable, à une personnalité juridique. Tout le corps civique, au Moyen Âge, est sous la menace de la honte et du discrédit.
Un livre collectif revient sur la longue histoire de la satire et du blasphème, porteurs de subversion, mais aussi de persécution. Car la caricature attire les foudres des pouvoirs politiques ou religieux, à défaut des foudres divines.
L’histoire de la sexualité est souvent celle des discours et des concepts. L’analyse des lettres envoyées au Dr Tissot montre comment les analyses savantes rencontrent les pratiques et les émotions des individus en quête de remède.
Une vague de nationalisme souffle sur la frontière mouvante qui sépare la Russie de l’Ukraine orientale. La tentation est grande de ressortir les vieux discours issus de la Guerre froide, mais à trop vouloir s’appuyer sur les structures obsolètes de la géopolitique, on porte un regard trop distant sur le monde, quitte à en manquer l’essentiel.
La Russie post-soviétique a connu une croissance rapide des inégalités en même temps qu’une crise démographique conduisant à l’adoption d’une politique nataliste et de valorisation de la famille traditionnelle. Comment cette situation peut-elle évoluer dans le contexte de nouvelle crise économique et géopolitique ?
Comment le corps a-t-il acquis une telle importance dans la définition des identités contemporaines ? Mobilisant des enquêtes sur la greffe, l’accouchement, ou le rapport aux cadavres, Dominique Memmi dévoile les enjeux sociaux et politiques de cet ancrage corporel de soi.
L’Asie n’est plus sous la domination de l’Europe. Mais que reste-t-il des projets anti-impérialistes de ceux qui, à la fin du XIXe siècle, espéraient inventer une voie alternative vers la modernité ? Pour Pankaj Mishra, le développement de l’Asie n’a fait que perpétuer un modèle autrefois dénoncé.
La maladie d’Alzheimer n’est pas une maladie comme les autres. Elle transforme radicalement celui qui en est atteint, elle ne laisse aucune partie de l’individu intacte. Comment alors continuer à reconnaître un homme en celle ou celui qu’elle gagne ? Et quel type de soin doit-on lui prodiguer ?
La rhétorique anti-occidentale de Vladimir Poutine ne s’appuie pas seulement sur des penseurs d’avant la Révolution. Elle hérite également d’un courant nationaliste très actif dans l’Union soviétique d’après-guerre, et qui structure encore la société russe.
Plus nous nous inquiétons des inégalités, plus celles-ci augmentent. D’où cette question que pose P. Savidan : voulons-nous vraiment l’égalité ? Ce désir n’entre-t-il pas en contradiction avec le désir plus fondamental de liberté, dont il découle pourtant ?
En Russie, l’appareil de propagande du gouvernement ne se limite pas à la sphère politique. En réécrivant l’histoire du pays, il entraîne, selon l’historienne Ekaterina Pravilova, une crise de la rationalité pour l’intelligentsia et la communauté scientifique russes. Article publié en partenariat avec la revue Public Books.
À partir de 1530, le réformateur, d’abord bienveillant à l’égard des Juifs, exprime une hostilité farouche et clairement antisémite. Une édition critique permet de comprendre la polémique de Luther contre les Juifs, mais aussi les chrétiens « judaïsants », les Turcs, les papistes et autres « fanatiques ».
Une enquête menée auprès de plus d’une centaine de lecteurs vise à mettre au jour les mécanismes de la relation intense les unissant à leur livre de chevet.
La gentrification est souvent favorisée par des politiques publiques, au nom entre autres de la mixité sociale. Dans la recherche urbaine toutefois, ce type de discours fait l’objet de vives critiques.
La fin de l’eau courante au robinet, de la nourriture au supermarché, du chauffage par radiateur, la fin d’Internet, des voitures, des hôpitaux — « la vie de l’homme est alors solitaire, besogneuse, pénible, quasi animale, et brève ». Mais l’effondrement ne sera pas forcément une chose si horrible.
Un peu partout dans le monde il est des lieux abandonnés, promesses de modernité que l’histoire, l’économie ou la politique ont brisées. Le collectif Suspended spaces a entrepris de projeter le regard d’artistes contemporains sur ces espaces fantomatiques.
La République est une idée complexe qui oscille entre deux héritages, modéré et révolutionnaire. Samuel Hayat revient sur cet antagonisme cristallisé dans la Révolution de 1848.
Existe-t-il un véritable contre-pouvoir des consommateurs à l’ère de la mondialisation néolibérale ? Un ouvrage analyse les significations politiques du boycott et l’exercice d’un pouvoir économique « par le bas ».
Les massacres au Rwanda n’ont pas été une guerre de religion. Il n’empêche que la religion y a joué un grand rôle : en identifiant les Tutsi au démon, elle a permis à la violence de pénétrer la société tout entière.
En rapportant la naissance des couleurs de la France au croisement d’un prince et d’un cochon, M. Pastoureau entrelace histoires culturelle et événementielle. Une hypothèse haute en couleur, mais sujette à caution.
Carlo Ginzburg nous rappelle que la vérité n’apparaît jamais à l’historien sous la forme d’une donnée, comme une pièce de monnaie qu’on ramasserait par terre. Le regard analytique, le rapport aux sources, l’administration de la preuve, le combat contre le mensonge font pleinement partie de l’« expérience historienne ».
Une étude anthropologique de l’industrie financière fait ressortir sa capacité à imposer un ordre social et politique reposant sur une théorie économique mathématisée. L’ouvrage fournit en outre une importante contribution à l’analyse de la construction sociale des prix.
À l’occasion du cinquantenaire de la mort de Le Corbusier, trois ouvrages ont relancé la polémique sur le caractère prétendument fascisant de la doctrine et des réalisations de l’architecte. La lecture minutieuse de son œuvre montre la difficulté de présenter une vision équilibrée de la réalité et une image nuancée du personnage.
À l’heure où les experts occidentaux remarquent la montée de l’anti-américanisme en Russie, les USA s’interrogent sur les origines de cette opposition à leur égard. Avec cet essai, Eliot Borenstein explique que, contre toute attente, cette hostilité à l’Amérique naît d’une forme d’amour « qui n’ose dire son nom ». Article publié en partenariat avec Public Books.
Au cours de cette table ronde virtuelle en partenariat avec Public Books, six contributeurs français, russes et américains s’interrogent sur la Russie contemporaine et ses relations souvent tendues avec l’Ouest.
Comment expliquer la popularité de V. Poutine en Russie ? Au delà des accusations de manipulation et de propagande, K. Clément retrace l’histoire et les caractéristiques du poutinisme, un système d’idées et de pratiques nourries de patriotisme et d’apathie politique.
Revenant sur quelques études récentes sur les classes populaires, Dominique Memmi montre que la construction du talent n’est pas seulement dépendante des rapports de classe, mais aussi des rapports de genre. Les hommes auraient un don qui les distingue, les femmes donnant d’elles-mêmes pour les autres.
L’anthropologie contemporaine a montré que la dichotomie entre nature et culture n’avait pas lieu d’être. Mais les sciences sociales dans leur ensemble n’ont pas rompu avec cette distinction, qui mène pourtant à des impasses théoriques et fausse notre rapport à l’environnement.
Le développement des peines en milieu ouvert est-il une alternative à la prison ? Une enquête sur les services de probation montre que l’objectif de réinsertion se heurte à un déficit de légitimité, à des logiques managériales et à un désenchantement des professionnels. La probation apparaît comme une nouvelle figure du contrôle social.
L’Écosse, tout comme l’Angleterre, a nourri des ambitions coloniales. Dans les années 1690, en concurrence avec les autres puissances de l’époque, l’Écosse se lance dans le projet colonial de Darien, au Panama. L’échec de cette entreprise a conduit à l’Union de l’Angleterre et de l’Écosse en 1707, et à la crispation toujours présente des revendications identitaires et nationalistes écossaises.
La création monétaire par les banques centrales peut-elle nous débarrasser de la dette publique ? La zone euro peut-elle être réformée en ce sens ? Henri Sterdyniak et André Grjebine confrontent leurs analyses autour du livre que ce dernier a récemment publié.
En analysant la multiplicité des individus et des investissements qui rendent possible la réalisation d’un film, Olivier Alexandre ne critique pas seulement l’idéologie auteuriste qui marque le cinéma français : il révèle la précarité des réalisateurs qui peinent à faire aboutir leur projet personnel et à se maintenir dans la carrière.
La politique est-elle une science ? Oui, répond Platon, mais une science dont l’objet n’est pas la connaissance. Et c’est dans la mesure où l’homme politique possède cette science qu’il est apte à gouverner.
Dans un livre de référence sur l’histoire des cultures en Europe, Christophe Charle met au jour le déclin, au milieu du XIXe siècle, de l’« ancien régime culturel » marqué par une forte hiérarchisation sociale et le règne de la censure. La grande épopée moderniste, faite d’avant-gardes et de ruptures, peut commencer.