La réponse au djihadisme ne peut, selon F. Saint-Bonnet, résider seulement dans la répression. Le droit d’exception, comme l’indignité nationale, sont inefficaces, car le djihadiste, qui ne craint pas la mort, n’est pas un criminel classique.
La vie seule se répand et devient même un modèle de vie. Telle est la thèse audacieuse du sociologue Eric Klinenberg, qui pose néanmoins un certain nombre de questions cruciales : même revendiquée comme une libération, la solitude peut-elle satisfaire l’individu contemporain ?
Indissociable du mouvement hippie, l’usage récréatif de LSD-25 a donné lieu à l’interdiction précoce de ce médicament. Le potentiel psychothérapeutique de l’acide lysergique diéthylamide est pourtant bien établi, notamment en matière de soins palliatifs, et l’on peut souhaiter que l’exploration scientifique et médicale de ce produit se développe à l’avenir.
Bien qu’Émile Meyerson attise aujourd’hui l’intérêt, il fut longtemps oublié au profit de Gaston Bachelard, qui fonda ses positions philosophiques à son encontre. Un ouvrage entreprend de redécouvrir sa pensée et de la réévaluer en présentant ce qu’elle a de singulier, en retraçant les relations que Meyerson entretint avec ses contemporains et en suivant l’héritage qu’il laissa.
Beaucoup déplorent le triomphe de la culture de la célébrité sur la culture civique. Mais était-ce mieux autrefois ? Le livre brillant d’Antoine Lilti montre que la culture moderne de la célébrité est née à l’ère des révolutions, alors qu’émergeaient les notions nouvelles d’individualité et d’authenticité personnelle.
Poutine est anti-moderne, conservateur et expansionniste. Persuadé de la décadence de l’Occident en général et de l’Europe en particulier, il prône une « voie russe », qu’il pense être un autre modèle politique et social. M. Eltchaninoff analyse cette doctrine.
Les mouvements pour une alimentation alternative sont-ils une panacée contre l’obésité, les problèmes de santé d’origine alimentaire et la mauvaise alimentation ? Nul besoin d’être réactionnaire pour voir les limites de cette proposition ; difficile pourtant de renoncer à cette croyance. Julie Guthman, dont le travail a presque à lui seul inauguré la recherche scientifique sur ces questions, nous aide à comprendre pourquoi.
Faut-il instituer, à l’image de ce qui s’est fait pour les Noirs aux États-Unis, un temps annuel de commémoration de l’histoire des groupes minoritaires ? La réhabilitation d’une histoire négligée est-elle la condition de la fierté du groupe et de sa reconnaissance politique ?
Le sociologue Nicolas Jounin a invité ses étudiants de Paris 8 à étudier les quartiers huppés du 8e arrondissement. Il livre le récit de cet apprentissage des barrières sociales par de futurs sociologues.
Théoricien incontournable de la littérature, Franco Moretti rassemble dans un livre non encore traduit en français dix articles prônant une révolution méthodologique des études littéraires. Plutôt que de lire, Moretti propose d’expérimenter avec la littérature.
Selon Clément Fontan, la Banque centrale européenne a outrepassé ses prérogatives et a, sans contrôle démocratique, traité de manière trop différenciée l’aide qu’elle apporte aux États et celle qu’elle alloue au système financier.
L’imagination est-elle une ressource ou une menace pour l’écriture de l’histoire ? Indéniable outil de connaissance, elle permet surtout de faire le lien avec d’autres mises en présence du passé, comme le roman, le cinéma ou les séries télévisées.
Depuis la victoire de Syriza aux élections législatives du 25 janvier dernier, toute l’Europe observe les premiers pas d’Alexis Tsipras et de son gouvernement. Retour avec l’historien Anastassios Anastassiadis sur les origines d’un mouvement qui, face à l’urgence, mobilise le souvenir de la Seconde Guerre mondiale.
Dans une étude novatrice, qui redonne toute leur place aux écrits de la première période, Laurent Bove propose de voir en Camus un penseur de l’immanence et de l’acquiescement à la joie du monde. Cette lecture donne tout son sens à la réflexion de Camus sur l’histoire, mais tend à effacer les ruptures d’une œuvre en perpétuelle tension.
Le capitalisme contemporain est auto-destructeur. Le médiéviste Jérôme Baschet en expose les raisons et dessine les voies de la société qui pourrait lui succéder. Une réflexion sur le « bien vivre » qui emprunte les sentiers de l’utopie pour penser l’émancipation.
Le sociologue Pierre Merle plaide, en s’appuyant sur des exemples étrangers, pour une refondation de la laïcité scolaire en France. Dans la configuration actuelle, celle-ci avantage de fait les établissements privés qui constituent une forme de séparation sociale aux effets dommageables pour tous, mais surtout pour les plus vulnérables.
Tout en confessant son admiration pour Piketty, l’économiste américaine Nancy Folbre énonce trois objections. Quel est l’impact des écarts entre travailleurs sur les conflits de classe ? Quel rôle jouent les différences basées sur le genre ? Les inégalités économiques entre les nations, ou groupes de nations, ne constituent-elles pas un problème plus important que celles entre les individus d’une nation ? Essai publié en partenariat avec Public Books.
Comment les classes laborieuses ont-elles vécu le passage de l’alimentation rurale à l’alimentation de l’ère industrielle ? Plutôt qu’une mutation dommageable, Katherine L. Turner met en avant la variété de stratégies adoptées par les individus pour faire face à la place prise par l’industrie dans leur alimentation et de leurs existences.
La rhétorique laïque dissimulerait-elle un discours de l’ordre social et de l’exclusion du peuple et des anciens colonisés ? François Dubet souligne l’intérêt de prendre au sérieux le raidissement et le retournement conservateur dont la laïcité fait l’objet. Il invite également à nuancer cette thèse pour trouver les voies d’une alternative laïque.
La sociologue Nathalie Heinich dresse un portrait global du monde de l’art contemporain. Choisissant des exemples saillants, la sociologue démontre que l’art contemporain correspond à une véritable révolution artistique.
Le philosophe américain J. Waldron voudrait que les propos haineux soient réprimés aux États-Unis, parce qu’ils constituent un tort indéniable. Il faut donc selon lui restreindre la liberté d’expression. Mais est-ce la bonne manière d’établir fermement nos idéaux d’égale dignité et de laïcité ?
Le livre de Maud Mandel sur les juifs et musulmans en France montre la nécessité d’aborder antisémitisme et islamophobie comme des phénomènes liés l’un à l’autre dans notre société depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Abdellali Hajjat et Nonna Mayer en proposent une lecture croisée.
Des protestations très médiatisées contre les bus privés que les grandes compagnies du secteur technologique mettent à disposition de leurs salariés à San Francisco révèlent la gentrification de la ville et les résistances qu’elle suscite.
Ils sont en rangs clairsemés dans certaines paroisses mais ils surgissent de partout dans des « Manifs ». On ne sait plus s’ils sont progressistes ou traditionnalistes, en déclin ou en renouveau, fidèles ou en plein bricolage. Il était temps qu’une enquête sociologique permette de silhouetter l’archipel qu’ils forment : celui des catholiques en France.
En suivant six itinéraires d’insertion professionnelle, José Luis Moreno Pestaña met en évidence la manière indirecte dont des pratiques alimentaires contraignantes voire dangereuses peuvent s’imposer aux individus. Si l’obésité est souvent associée à la pauvreté, l’anorexie peut apparaître dans les classes populaires, dans la confrontation avec d’autres classes sociales.
Le sociologue étatsunien Howard Becker est connu pour son rejet de la théorie et son attachement à l’observation ethnographique de mondes dont il est lui-même l’acteur. Le fait de se demander « comment » plutôt que « pourquoi » constitue l’un de ses principaux enseignements à destination des sociologues.
Olivier Grenouilleau livre un ouvrage important sur l’histoire de l’esclavage et le statut de l’esclave, cet « homme frontière ». Être esclave ne préjuge ni de la profession, ni de la place dans la hiérarchie sociale. Mais l’ouvrage traite moins l’histoire globale du concept d’esclave que l’histoire de la pensée occidentale et française sur l’esclavage dans le monde.
Qu’est-ce que l’épigénétique ? Dans cet entretien Edith Heard, professeur au Collège de France, explique la particularité de cette discipline relativement récente qui s’intéresse au devenir génétique de nos cellules et représente un nouvel espoir dans la recherche contre le cancer.
Révisant l’histoire du New Deal, Ira Katznelson voit celui-ci comme un moment fondamental de réinvention de la démocratie américaine. En plaçant le Sud et le Congrès au centre de son récit, l’historien américain revoit cette histoire sur laquelle tout semblait avoir été dit.
Les débats autour de la prostitution ont mis en évidence l’importance du mouvement abolitionniste en France. Lilian Mathieu montre comment ce groupe d’intérêt en est venu à détenir le monopole de la lutte contre la prostitution, parfois au détriment de l’émancipation des prostituées elles-mêmes.
Les normes de diététique et d’hygiène sont une cible de choix pour la critique sociologique, qui s’emploie à les relativiser et à en dénoncer l’arbitraire. Elle peut aussi étudier les conditions de leur production et de leur réception, estimer leurs chances de succès auprès des différents groupes sociaux, en prenant appui sur l’étude sociologique des pathologies que ces normes combattent, surpoids et obésité.
À l’honneur dans les blogs et magazines culinaires, les livres de régime, émissions et concours télévisés, l’alimentation n’en tient pas moins une place insoupçonnée, souvent souterraine ou clandestine, dans des œuvres fondatrices des sciences sociales. Ce dossier revient sur l’actualité éditoriale et scientifique de travaux regroupés aux États-Unis sous l’étiquette de food studies.
Dans la Chine impériale, les examens impériaux sont l’un des meilleurs moyens de choisir des « talents » indépendamment de l’origine sociale des candidats. Mais la méritocratie chinoise, tout comme la méritocratie de certaines sociétés contemporaines, n’était pas moins la source de profondes inégalités sociales.
Comment les élites parviennent-elles à commettre des délits sans être considérées et sans se considérer comme délinquantes ? Dans un ouvrage de synthèse, P. Lascoumes et C. Nagels montrent les moyens que les puissants mettent en œuvre pour définir, utiliser, contourner ou éviter la loi pénale selon leur intérêt.
Les salles de consommation supervisée réduisent le nombre d’overdoses et les nuisances publiques liées à l¹usage de drogues. Le débat sur l’expérimentation de ces dispositifs révèle les paradoxes du modèle français de réduction des risques, marqué par son opposition frontale à la logique de sevrage et par la criminalisation de l’usage.
La thèse de la coexistence pacifique comme celle de l’affrontement permanent entre minorités religieuses au Moyen-Âge relèvent du mythe. L’Europe médiévale est un monde où se côtoient à tout moment juifs, chrétiens et musulmans dans un mouvement de définition permanente de leur statut et de leurs relations.
Le renouvellement du socialisme suppose, selon Nancy Fraser, qu’on lie pratique militante et théorie politique : l’émancipation ne peut être comprise qu’à partir des luttes sociales, dont les formes sont aujourd’hui multiples. Et elle implique une participation égale, dans toutes les sphères de la vie.
Si la traite des êtres humains est une catégorie communément mobilisée, elle décrit mal les vies des travailleurs exploités. Refusant tout misérabilisme, Denise Brennan décrit ces travailleurs comme les « survivants » des politiques migratoires et d’une économie mondialisée, rétifs à toute qualification compassionnelle.
Le marché est-il foncièrement inégalitaire, ou peut-il constituer le lieu d’une émancipation pour les individus ? Ce débat ancien, plus que jamais d’actualité, remonte au XVIIIe siècle. Arnault Skornicki et Laurence Fontaine confrontent leurs analyses autour du livre que celle-ci a récemment publié.
Victime de son succès à l’université et de sa récupération politique, le terme de « diaspora » a progressivement perdu de son pouvoir pour expliquer ensemble lien social et distance. Dans un ouvrage imposant, Stéphane Dufoix propose brillamment de retrouver son sens dans ses pérégrinations à travers les siècles.