En analysant les procès-verbaux des écoutes diligentées par les forces alliées pendant la Seconde Guerre mondiale, deux psycho-historiens étudient les conditions dans lesquelles les soldats allemands ont commis des violences extrêmes : celles-ci étaient perçues comme un aspect normal du « cadre de référence » du IIIe Reich.
Le film d’Arnaud Desplechin, hommage aux études de cas freudiennes, est en réalité une psychanalyse de l’analyste. Guérisseur de l’âme, celui-ci n’échappe pas aux contradictions de son identité. Mise en scène du pouvoir transformateur de l’analyse et du besoin universel qu’en auraient les hommes, le film efface en partie le projet historique du livre qui l’inspire et invite à examiner la logique d’une œuvre — celle du cinéaste.
Qu’est-ce que l’histoire ? L’histoire, nous montre Alain Corbin, c’est un objet neuf, une question originale, mais c’est aussi un souvenir d’enfance, une écriture, du rêve et du plaisir.
Sous le régime de Vichy, la remise en cause du Code de la nationalité a frappé plus de 15 000 personnes. Une micro-analyse permet de retracer les parcours des victimes de ce processus de dénaturalisation, parmi lesquelles Chagall, Gainsbourg, Derrida ou Jean Daniel.
Que signifie « décoloniser les programmes scolaires » ? Comment répondre aux demandes des populations autochtones qui souhaitent un enseignement adapté à la culture locale ? C’est à ces questions que M. Salaün, après une enquête en Nouvelle-Calédonie et à Hawai’i, s’efforce de répondre.
Soutenue par l’État soviétique durant toute la période 1917-1947, la photographie a été un formidable instrument de propagande au service de la guerre patriotique ou du culte des grands hommes. Un récent ouvrage fait le point sur la genèse de la photographie soviétique et sur ses liens avec la société de l’époque.
Deux tiers des six millions de Juifs assassinés par les nazis l’ont été au vu et au su des populations locales. Meurtre de masse, publicité du crime, existence de nombreux témoins, acharnement à l’oubli : telles sont les conditions de naissance de la « littérature des ravins »
En abordant les paysans du Moyen Âge non plus comme des victimes ou des révoltés, mais comme les agents de leur propre destin, Mathieu Arnoux bouleverse les schémas historiographiques. Une étude qui va bien au delà de l’histoire médiévale.
L’art grec, on le sait aujourd’hui, était multicolore et bariolé : mais le mythe de sa blancheur remonte à l’Antiquité elle-même. P. Jockey retrace l’histoire, haute en couleurs, de ce mythe et de ses implications esthétiques, morales et idéologiques.
En s’intéressant la question environnementale, Diana K. Davis aborde un sujet encore peu traité de l’histoire coloniale du Maghreb. Centré sur la construction, l’usage et la performativité d’un discours environnemental décliniste, son ouvrage montre la fabrication d’un nouvel outil de contrôle et de domination.
Le choix de la pauvreté et la vie en communauté sous une règle, comme le faisaient les moines du Moyen Âge, peuvent-ils constituer un modèle pour penser un nouveau rapport à soi et au monde qui permette de résister aux déterminations du droit et de la société sans s’y opposer frontalement ?
Un recueil d’articles révèle la diversité des registres et des thèmes abordés par l’historien Sanjay Subrahmanyam, de Vasco de Gama jusqu’au 11 septembre 2001. Faisant preuve d’un sens de l’observation sociologique aigu et d’une grande culture, c’est par son esprit critique et sa liberté de pensée et d’expression qu’il surprend le plus ses lecteurs.
Dans un ouvrage de référence, Adam Tooze s’efforce de relire l’histoire du IIIe Reich – depuis la lutte contre le chômage jusqu’au génocide des Juifs – à travers le prisme de l’économie. Il montre que l’effort d’armement et l’effort de guerre ont été financés par la fiscalité, l’épargne forcée et l’exploitation des territoires occupés en Europe.
Quand le monde dirigé par l’aristocratie s’effondra, le besoin du chef se fit sentir. Entre management et nationalisme, Yves Cohen en étudie l’émergence historique et théorique dans quatre pays qui jouèrent un rôle majeur dans la première moitié du XXe siècle. Un ouvrage qui fera autorité.
En ce jour de rentrée scolaire, Vincent Duclert s’interroge sur la place de l’histoire à l’école et sur l’avenir des savoirs. Il montre les liens intimes qui relient l’enseignement et la recherche en histoire, réunis dans un véritable service public.
Stephen Greenblatt propose un récit original du tournant de la Renaissance en montrant que la redécouverte du poème de Lucrèce en 1417 a fait basculer le monde dans la modernité. L’ouvrage se concentre sur l’homme qui découvrit ce manuscrit et permit sa circulation dans les milieux humanistes italiens. Mais le livre ne tient pas toutes ses promesses.
L’historienne Charlotte Vorms retrace l’histoire d’un quartier populaire de Madrid, né hors de toute régulation urbaine et progressivement intégré à la ville officielle. En étudiant à la loupe les acteurs de cette histoire – promoteurs, habitants et autorités locales –, elle montre tout ce qu’une micro-histoire urbaine peut apporter à la compréhension des sociétés contemporaines.
Aux politiques qui demandaient hier encore aux historiens de définir l’identité nationale, Sylvain Venayre répond par une exploration des racines de la nation. Il fait le choix de déplacer l’interrogation, en proposant une histoire de l’engagement des historiens eux-mêmes dans la production d’une identité collective.
Les guerres qui ont opposé catholiques et protestants ont constitué une inflexion décisive dans l’histoire de la monarchie française. Ce sont elles, montre A. Jouanna, qui ont poussé le pouvoir royal à devenir absolu – faisant du droit d’exception un régime ordinaire.
La sociologue Anne Steiner redonne chair à un pan méconnu de l’histoire du mouvement ouvrier : cet avant-siècle de la « Belle Époque » où, malgré le suffrage universel et le droit de grève, la méfiance envers les institutions républicaines se traduit par une violence continue.
Entre 1860 et 1930, la ville sainte n’est pas une belle assoupie, mais une métropole active, riche d’une opinion publique structurée, tenaillée par une soif de modernité, et qui vit à l’heure de l’empire ottoman.
Dans son dernier ouvrage, Andreas Glaeser raconte la grandeur et la décadence du socialisme d’Allemagne de l’Est. Fondée sur un travail d’archive approfondi, doublé d’entretiens, la « théorie des interprétations » de Glaeser propose une analyse nouvelle de la manière dont une vision du monde finit par s’institutionnaliser.
À partir de ce qu’elle désigne comme « une nouvelle micro-histoire », Emma Rothschild restitue la manière dont une famille de la gentry écossaise – les Johnstone – expérimente les transformations de l’empire britannique. Montrant l’interpénétration entre la vie de la métropole et la vie de l’empire, ce livre récent contribue au renouvellement de l’histoire impériale.
En brossant un portrait de la société soviétique, de Lénine à Gagarine, un jeune historien passe au kaléidoscope deux décennies d’apports historiographiques. Un travail de synthèse réussi, à défaut d’une interprétation politique.
Explorant les rivalités culturelles qui opposèrent Français et Japonais en Indochine pendant la période du régime de Vichy, Chizuru Namba apporte un regard nouveau sur une période cruciale, à la veille de la guerre pour l’indépendance du Viêtnam.
Le terme de shatterzone, employé par les géologues pour désigner une bande rocheuse fissurée susceptible de contenir du minerai, est utilisé depuis la deuxième guerre mondiale par la géographie politique : il désigne alors les zones de frontière, en particulier celles caractérisées par d’importants déplacements de population. Un collectif récent explore les enjeux de telles zones.
À travers une approche comparatiste, Marie-Emmanuelle Chessel retrace la construction progressive de la figure du consommateur du XVIIIe au XXe siècle. Brisant le double archétype d’un consommateur libre ou passif, l’ouvrage s’intéresse à la figure du « consommateur ordinaire » dont l’histoire reste à raconter.
Dans un roman-enquête, l’historien Philippe Artières part sur les traces de son grand-oncle jésuite assassiné. Chemins de traverse, illégalismes, usurpations, jeux de rôle : l’histoire devient un terrain d’investigation pour comprendre d’où l’on vient et vers quoi on tend.
Des mendiants et vagabonds du Moyen Âge aux « SDF » du début du XXIe siècle en passant par la figure intermédiaire du clochard, l’historien André Gueslin traque au fil des siècles et au ras du sol les continuités sociologiques du monde de l’errance.
Quelles relations la police doit-elle entretenir avec la population ? Au fil d’une enquête minutieuse dans les archives, l’historien Quentin Deluermoz retrace l’évolution des interactions entre les policiers et les parisiens à la fin du XIXe siècle. De là naît une nouvelle conception de l’ordre public, fondée sur la visibilité et l’interconnaissance.
Et si l’économie était la grande oubliée des révolutions ? Depuis deux décennies, les questions politiques et culturelles ont relégué la justice sociale au rang de préoccupations secondaires. Selon l’historien Charles Walton, le problème de la redistribution, déjà posé lors des révolutions de la fin du XVIIIe siècle, se situe pourtant au cœur des motivations des révolutionnaires égyptiens.
Entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XXe, le voyage change radicalement : des derniers grands voyages d’explorateurs aux débuts du tourisme de masse, les pratiques évoluent et les figures de voyageur se renouvellent. Explorateur, enquêteur, curiste ou pèlerin ne se déplacent plus de la même manière : un livre récent fait le panorama de ces métamorphoses.
Pourquoi la révolution tunisienne de 2011 a-t-elle été perçue en France comme une réédition de 1789 ? Pourquoi les révolutionnaires tunisiens se sont-ils reconnus dans un « printemps arabe », hommage aux révolutions de 1848 ? L’historien Guillaume Mazeau enquête sur ces constructions en miroir et sur nos rapports aux temporalités révolutionnaires.
Deux ouvrages appelés à devenir des références pour l’histoire de l’Algérie et du Maroc ont paru en 2012. Adoptant des perspectives distinctes, ils permettent d’éprouver la nécessité d’inscrire ces histoires dans des temporalités et des échelles qui dépassent le tête-à-tête historiographique entre la France et ses anciennes colonies.
Le champ du contemporain n’a pas toujours eu une légitimité évidente pour une discipline historique soucieuse de distance et d’objectivité. Henry Rousso retrace les étapes qui ont mené à la définition de cette branche de l’histoire.
Pour comprendre la notion de représentation politique, l’historien du livre Roger Chartier propose de la rapporter aux différents sens que recouvre le terme français de « représentation », de son sens le plus large — donner à voir un objet absent — à son sens juridique et politique — tenir la place de quelqu’un.
Pendant deux millénaires, les montagnes de la Zomia furent, selon James Scott, une zone-refuge pour les populations d’Asie du Sud-Est. Haut lieu de la résistance à l’État, elles seraient le miroir de notre civilisation destructrice et sûre d’elle-même. Une histoire anarchiste qui fascine et intrigue.
L’Iran et la Russie suscitent d’ordinaire une histoire diplomatique et géopolitique. Un collectif d’historiens propose de déplacer le regard en étudiant deux siècles de relations russo-iraniennes sous l’angle des relations juridiques, commerciales et culturelles : la finesse des analyses illustre l’importance d’une histoire régionale et croisée.
L’historien allemand Koselleck a associé « l’âge des révolutions » (1750-1850) à un moment de fracture des représentations sociales du temps. Serions-nous en train de vivre une nouvelle fracture, révélée par le recours permanent au concept de « crise » ? La Vie des idées confronte le point de vue de Yves Citton et celui de Myriam Revault d’Allonnes, qui se sont tous deux intéressés à cette notion.
Alexandre a une place à part dans la pensée des Lumières : comme le montre P. Briant, le dix-huitième siècle célèbre en lui moins le héros combattant que le conquérant qui a su étendre, par l’empire, les limites du monde connu, permettant ainsi le développement du commerce et l’accroissement des connaissances.