Comment expliquer la popularité de V. Poutine en Russie ? Au delà des accusations de manipulation et de propagande, K. Clément retrace l’histoire et les caractéristiques du poutinisme, un système d’idées et de pratiques nourries de patriotisme et d’apathie politique.
Au cours de cette table ronde virtuelle en partenariat avec Public Books, six contributeurs français, russes et américains s’interrogent sur la Russie contemporaine et ses relations souvent tendues avec l’Ouest.
Poutine est anti-moderne, conservateur et expansionniste. Persuadé de la décadence de l’Occident en général et de l’Europe en particulier, il prône une « voie russe », qu’il pense être un autre modèle politique et social. M. Eltchaninoff analyse cette doctrine.
Une étude récente revient sur le mouvement des Mères de soldats, ONG comptant parmi les plus anciennes et populaires en Russie. Bien qu’il soit peu capable d’agir en faveur de transformations sociales ou politiques, son fonctionnement invite à déplacer les catégories classiques de l’action collective.
Les opposants au rattachement de la Crimée à la Russie ont invoqué le droit international, qui serait violé par une telle sécession. Ses partisans aussi. Rien d’étonnant à cela : le droit international n’est sans doute pas d’un grand secours dans ce type de situation.
De la grande vague de massacres programmés qui a caractérisé les années 1937 et 1938 en URSS, on ne connaissait jusqu’à récemment que la version officielle. Accordant une place importante à la photographie et à l’iconographie, le livre de Tomasz Kizny et Dominique Roynette revient sur le détail de cet épisode longtemps caché du stalinisme.
À l’occasion de la parution d’un ouvrage sur l’histoire environnementale de la Russie, Etienne Forestier-Peyrat étudie le lien entre politique et environnement dans l’histoire russe et soviétique, depuis les campagnes d’expansion territoriale tsaristes jusqu’à l’édification actuelle et très controversée du village olympique de Sotchi.
Pour l’économiste ukrainien V. Vakhitov, les analyses de la crise politique ukrainienne exagèrent le poids de la tutelle russe. Le pays n’est pas aussi divisé qu’on l’affirme, partagé entre l’Ouest pro-européen et l’Est pro-russe. La révolte contre les autorités aujourd’hui est une protestation de grande ampleur contre un régime corrompu, qui confisque les richesses.
L’historien Nicolas Werth a voyagé dans la Kolyma, « sur les traces du Goulag ». Son périple est à la fois une traversée du XXe siècle et un road-movie dans la Sibérie de Poutine.
Soutenue par l’État soviétique durant toute la période 1917-1947, la photographie a été un formidable instrument de propagande au service de la guerre patriotique ou du culte des grands hommes. Un récent ouvrage fait le point sur la genèse de la photographie soviétique et sur ses liens avec la société de l’époque.
L’Iran et la Russie suscitent d’ordinaire une histoire diplomatique et géopolitique. Un collectif d’historiens propose de déplacer le regard en étudiant deux siècles de relations russo-iraniennes sous l’angle des relations juridiques, commerciales et culturelles : la finesse des analyses illustre l’importance d’une histoire régionale et croisée.
Svetlana Gorshenina décrit la genèse intellectuelle et administrative de l’Asie centrale aux XIXe et XXe siècles : depuis l’ « invention » de l’Asie centrale par les géographes, administrateurs et intellectuels de l’époque tsariste, jusqu’aux bouleversements des structures territoriales centre-asiatiques survenus au cours du XXe siècle.
Dans un contexte de mécontentement social croissant et de crise économique, la Russie se serait-elle éveillée à la mobilisation collective ? Sur la base d’une vaste enquête réalisée dans les provinces russes, la sociologue Carine Clément insiste sur le potentiel d’auto-organisation de mobilisations venues d’« en bas », qui se multiplient sur le terrain de la vie quotidienne.
L’alternative autoritarisme ou démocratie est-elle un bon crible pour comprendre la réalité politique russe ? Stephen Holmes démontre que la Russie de Vladimir Poutine ressemble plus à celle de Boris Eltsine que les fidèles de l’un ou de l’autre ne le prétendent et explique la fonction politique des élections truquées dans la Russie d’aujourd’hui.
Selon l’historienne Lorraine de Meaux, l’idée que l’empire russe se fait de lui-même est éclairée depuis le XIXe siècle par la lumière de l’Orient, source de nombreuses ambiguïtés. Définition culturaliste de l’identité et oubli périlleux du politique continuent à imprégner les conflits qui déchirent la Russie contemporaine.
D’août 1937 à novembre 1938, 750 000 personnes sont exécutées en URSS au cours de la « Grande Terreur ». Nicolas Werth propose un remarquable état des lieux de cet épisode tragique de l’histoire soviétique, que l’ouverture des archives permet désormais de mieux connaître.
Déjà troublés par la reconnaissance de l’indépendance des républiques abkhazes et ossète du sud, de nombreux responsables régionaux de la Fédération de Russie remettent en cause la tutelle de Moscou, accusée de gérer la crise économique de façon autoritaire. La verticale du pouvoir, principal axe de la doctrine Poutine depuis 2000 pour maintenir son contrôle sur la Fédération, pourrait s’en trouver affaiblie.
Comment le pouvoir soviétique a-t-il soumis les écrivains et la littérature à sa volonté de contrôle totalitaire de la société ? Au-delà de la censure, Cécile Vaissié montre que le système de surveillance du champ littéraire reposait aussi sur la dénonciation, la complicité et l’autocritique des écrivains.
Toute transition est-elle démocratique ? Selon Pierre Hassner, la transition que connaît actuellement la Russie sous le règne de Poutine s’oriente bien plutôt vers l’autoritarisme à l’intérieur, et la production de troubles dans les anciens pays satellites.
Peu de phénomènes ont autant marqué le monde postsoviétique que la criminalité économique. Avec les changements de pouvoir au Kremlin, beaucoup espèrent que les abus de la « dictature de la loi » seront corrigés. Mais les racines du problème remontent au-delà de la perestroïka et des réformes ultérieures ; Gilles Favarel-Garrigues montre qu’elles viennent d’un système répressif dont les structures n’ont toujours pas été démontées.
En remplaçant Poutine au poste de Président, Dmitri Medvedev est formellement devenu le nouveau maître de la Russie. Mais formellement uniquement, car le vrai pouvoir appartient aux groupes d’influence dont se compose le « système » créé par Poutine, et sur lequel Medvedev a peu de prise.
Réalisée par le Centre de recherche Levada, la première grande enquête sur les nouvelles élites russes dresse un sombre tableau d’une société « mise au pas » par le pouvoir.
Le pluralisme continue de décliner dans la Russie de Poutine. Face à l’emprise croissante du pouvoir sur les médias et la société civile, l’opinion semble réduite au silence. Nous avons demandé au sociologue russe, Boris Doubine, de nous expliquer les raisons de ce silence, et d’identifier les sources d’un éventuel changement à venir.