Réécrite, instrumentalisée, défigurée jusqu’à l’abject dans les discours, sanctifiée par la religion, les médias et l’école, l’histoire en Russie rend la guerre non seulement légitime, mais aussi moralement pure.
À partir d’une enquête socio-historique sur la construction d’observatoires astronomiques sur l’île d’Hawai‘i, Pascal Marichalar montre que les politiques scientifiques ne peuvent plus être détachées de leurs impacts écologiques et sociaux.
Contre les accusations d’utopisme et d’irresponsabilité politique, Thomas Bouchet montre comment le socialisme d’hier et d’aujourd’hui a développé une réflexion féconde sur le corps et le plaisir, dont l’originalité et l’intérêt historique ne sauraient être ignorés.
Les textes sont formels : loin de proscrire la jovialité et la plaisanterie, la culture musulmane fait la part belle aux rieurs, qu’ils prennent les traits du fou, du parasite ou du bédouin comme ceux du calife et du Prophète, les deux principales figures d’autorité.
La notion d’intégration pose de nombreuses difficultés. Elle est largement rejetée par les intéressés, âprement discutée par les chercheurs, hâtivement tranchée dans la sphère médiatique, mise au défi par la comparaison étrangère. Autant de raisons de la prendre en considération.
De 1926 à 1974, le Portugal a vécu sous le joug de la dictature salazariste. L’historien portugais Fernando Rosas revient sur les piliers d’un régime fasciste qui demeure mal connu en dépit de sa longévité.
La sauvegarde des apparences démocratiques constitue la pierre angulaire des régimes dits illibéraux. C’est pourquoi il faut prendre garde à ne pas confondre ces deux types d’États, malgré les critiques que l’on peut adresser à nos démocraties.
Et si le statut d’auteur de film avait autorisé la violence sexiste aujourd’hui dénoncée par les milieux du cinéma ? De nombreuses femmes cinéastes ont cependant contribué à élaborer cette notion ; d’autres ont préféré défendre l’idée d’œuvre collective.
Les révélations de l’écrivain et prix Nobel de littérature allemand, Günter Grass, sur son passé dans la Waffen SS à la fin de la Seconde Guerre mondiale ont fait couler beaucoup d’encre cet été. Au-delà de l’émotion qu’elles ont légitimement suscitée, elles méritent aujourd’hui d’être réinscrites dans l’histoire longue de la mémoire nazie en Allemagne fédérale, ainsi que dans les méandres d’une œuvre littéraire où le secret joue un rôle clé.
Georges Bensoussan démontre que l’État d’Israël ne doit pas sa fondation au remords éprouvé par la communauté internationale après la Shoah. Au contraire, celle-ci a mis bien longtemps à être intégrée dans l’histoire et la mémoire israéliennes.
Un type nouveau d’autorité publique émerge au sein l’État suédois, chargé moins d’exécuter les décisions politiques que d’influencer les décideurs et l’opinion publique. D’instrument neutre de la gouvernance démocratique, l’administration se transforme peu à peu en producteur d’idéologie, et s’avère souvent plus puissante que les partis politiques.
Par ses origines, Barack Obama incarne le rêve de retrouvailles tant espérées entre l’Afrique et l’Amérique noire. Mais le mythe se heurte à la réalité : la supposée fraternité entre les « Africains-américains » et leur continent d’origine repose sur bien des malentendus. Après le portrait historique de John McCain, Sylvie Laurent propose une lecture de l’africanité d’Obama.
Toute transition est-elle démocratique ? Selon Pierre Hassner, la transition que connaît actuellement la Russie sous le règne de Poutine s’oriente bien plutôt vers l’autoritarisme à l’intérieur, et la production de troubles dans les anciens pays satellites.
L’œuvre du théoricien politique Carl Schmitt est de mieux en mieux connue en France. La lecture de Hans Blumenberg et les lettres échangées entre les deux penseurs nous permettent de mieux saisir la stratégie conceptuelle de Schmitt qui consiste en une critique de la modernité au nom de la théologie politique.
Comment le pouvoir soviétique a-t-il soumis les écrivains et la littérature à sa volonté de contrôle totalitaire de la société ? Au-delà de la censure, Cécile Vaissié montre que le système de surveillance du champ littéraire reposait aussi sur la dénonciation, la complicité et l’autocritique des écrivains.
Un livre collectif consacré au cinéma sous les régimes autoritaires montre que les masses populaires résistent spontanément à l’image que ces régimes voudraient leur imposer, en sorte que l’histoire de ce cinéma, pourvu qu’on sache la déchiffrer, donne une image assez précise des limites et fluctuations des dictatures au XXe siècle.
Le régime nazi s’est livré à une réécriture de l’histoire en plaçant l’origine de la civilisation indo-européenne dans l’Europe nordique. L’art et le sport ont été mis à contribution pour accréditer l’idée que les nazis seraient les héritiers des glorieuses civilisations antiques. Or à ces annexions symboliques correspondent des conquêtes territoriales. Dans un travail érudit et captivant, Johann Chapoutot montre que le Reich ne se contente pas de revisiter l’histoire antique : il est conduit par elle.
Personnalisation accrue du régime présidentiel ou véritable renforcement des pouvoirs du Parlement ? Pour Bastien François, la révision constitutionnelle de juillet 2008, inédite par son ampleur, dessine les contours d’une « Constitution Sarkozy ». Le sens de la réforme reste ouvert cependant, puisque toute Constitution suppose interprétation et mise à l’épreuve.
D’août 1937 à novembre 1938, 750 000 personnes sont exécutées en URSS au cours de la « Grande Terreur ». Nicolas Werth propose un remarquable état des lieux de cet épisode tragique de l’histoire soviétique, que l’ouverture des archives permet désormais de mieux connaître.
Le protectionnisme ne date pas des années 1930, mais a été inventé dès le XIXe siècle par des théoriciens allemands, français et américains méfiants vis-à-vis de la puissance commerciale britannique. Pour l’historien David Todd, cette généalogie – souvent méconnue – atténue les soupçons de nationalisme qui pèsent sur l’idée protectionniste.
Representations of “the people” tend to be highly policed: they smother its inherent diversity and particularity, and typically distort it. Such is the conclusion reached, each in his own way, by Georges Didi-Huberman and Jacques Rancière. This is also the reason why, they argue, one must pay attention to images which demonstrate the people’s singularity and power.
The popular history of France told by Michelle Zancarini-Fournel is the history of often hidden individual figures and political struggles. By filling our “memory gaps,” Zancarini-Fournel also suggests another narrativity.
Under the old regime, abortion did not exist as a distinct legal category. Yet it was practiced and criminalized when associated with sexual transgressions. How does one write the history of an unimagined concept and a hidden practice?
Europe is inventing a new form of citizenship founded not in government participation but in the achievement of specifically European rights and in a political debate increasingly geared to European issues, evidencing, Justine Lacroix asserts, if not the existence of a European people, at any rate that of a political Europe.
Westerners think they own a universal democratic model. However, their confidence vanishes whenever they try to export it. Worse, this claim hampers their examination of both their own eventful history and the questions raised by non-Western democratic experiences.
As a counterbalance to the simplistic temptations of the populism that is currently spreading within European democracies, Pierre Rosanvallon invites us to complicate our notion of democracy and make it polyphonic, because the people do not all speak with one voice.
Claude Lefort, who died in October 2010, was the author of a great number of titles in political philosophy, working both on history of ideas and interpretation of events, unceasingly questioning the political conditions of freedom.
French law is not always very clear when it comes to punishing racist speech. Judges, aware that this prohibition is crucial in a democracy, are forced to interpret the law with the utmost rigour.
How can we think about our responsibility in the face of past crimes whose consequences continue to weigh on the living conditions of their victims or descendants? One first step, for the philosopher Catherine Lu, would be to acknowledge and theorise the colonial roots of our world order.
Reparation, Johann Michel explains, is not just a moral principle dictated by our sense of justice. More fundamentally, it is an anthropological constant, through which we try to mitigate our inherent vulnerability.