Une collaboration entre
Public Books et
La Vie des idées/Books&Ideas.
Il y a trois ans jour pour jour, un accord historique sur le climat, l’Accord de Paris, était adopté par 195 pays (aujourd’hui 197) afin de lutter contre le réchauffement climatique. En juin 2017, le récemment élu président américain Donald Trump annonçait le retrait des États-Unis de cet accord, par indifférence au changement climatique et rejet du multilatéralisme.
Au vu de cette situation, on peut se demander quel est l’avenir de la lutte contre le changement climatique si les États décisifs font défaut. Devrions-nous regarder ailleurs pour élaborer de nouvelles stratégies et réponses ? La solution serait-elle à trouver, par exemple, dans les forces du marché ou bien ce-dernier constitue-t-il précisément le problème ? Le capitalisme peut-il apporter des réponses à la crise climatique ou constitue-t-il plutôt un obstacle ?
En cette date anniversaire de l’Accord de Paris, les revues Public Books et La Vie des idées/Books&Ideas ont choisi de consacrer leur troisième collaboration à cette question du changement climatique et du capitalisme [1].
Ce dossier est aussi une occasion de rappeler que la coopération internationale ne concerne pas que les États, mais aussi les individus et les communautés. Venant de disciplines et d’horizons intellectuels divers, les contributions ce dossier partagent cette volonté de mettre le fruit de leurs recherches au service du débat public, dans un style à la fois rigoureux, critique et accessible.
Chaque revue a commandé trois essais. Les auteurs approchés par Public Books ont choisi de s’attaquer au problème d’un point de vue « macro » et dans une veine assez critique. Les géographes Geoff Mann et Joel Wainwright (10 décembre) mettent ainsi en cause la capacité et la volonté des gouvernements nationaux — qu’il s’agisse des États-Unis ou d’autres États — à être moteurs dans la lutte contre le changement climatique. Les États, affirment-ils, se sont jusqu’ici montrés à la fois incapables et réticents à atténuer les conséquences dévastatrices du changement climatiques et à prendre en compte la question de la justice climatique. Il serait potentiellement catastrophique de prétendre le contraire.
Dans une veine similaire, la spécialiste de théorie politique Claire Sagan reviendra (janvier) sur des lieux communs du discours environnementaliste contemporain et les soumet à une « critique impitoyable ». Elle insiste tout particulièrement sur la nécessité de dépasser une conception capitalo-centrée de l’environnement et de l’avenir, ce qui nécessite que l’on repense non seulement la focale climatique mais aussi la notions de crise et celle de l’anthropocène.
Enfin, le mathématicien Nicolas Bouleau (Le prix de la planète, 12 décembre) a choisi d’axer sa réflexion sur le phénomène de la volatilité sur les marchés financiers, et sur ses conséquences pour la transition écologique. Telle une tempête sur une planète en voie de réchauffement, la volatilité des marchés rend invisibles les écueils qui nous attendent : en effaçant le signal-prix que célébrait naguère Friedrich Hayek, elle encourage des acteurs rationnels à faire des choix qui sont désastreux pour l’environnement.
Les trois textes proposés par La Vie des idées/Books&Ideas ont privilégié un niveau intermédiaire de l’analyse des liens entre changement climatique et capitalisme : celui de l’entreprise et des entrepreneurs.
Les politistes Swann Bommier et Cécile Renouard (janvier) traiteront cette question en analysant les différentes facettes de la responsabilité des entreprises : politique, économique et financière, sociale mais aussi, sociétale et environnementale. Sceptiques quant à l’efficacité des dispositifs RSE jusqu’ici, ils affirment que les changements escomptés en matière environnementale ne pourront advenir sans une redéfinition de l’entreprise comme un « commun ».
De même, le politiste Edouard Morena (Les philanthropes aiment-ils la planète ?, 11 décembre) déconstruit les attentes placées dans les fondations philanthropiques pour financer la transition écologique. Certes marginal, le « philanthro-capitalisme » est un phénomène bien réel, qui, aux États-Unis notamment, sort renforcé par l’opposition de nombreux entrepreneurs aux postures isolationnistes et climato-sceptiques de Donald Trump. Toutefois, Edouard Morena met en doute la capacité transformatrice d’un tel mouvement.
Enfin, le linguiste Olivier Dorlin (janvier) abordera les liens complexes entre environnement et industrie cinématographique. Il oppose notamment un cinéma hollywoodien véhiculant une représentation à dominante catastrophiste et sensationnaliste du changement climatique, à l’émergence d’un nouveau type de cinéma plus authentiquement écologique, qui prend doublement en compte la question de la soutenabilité : tant dans ses thématiques que dans ses méthodes de production filmique.
Ce dossier va-t-il nourrir encore un peu plus le pessimisme ambiant sur la possibilité de remédier aux défis politiques, économiques et sociaux posés par le changement climatique ? Si les textes se font tous l’écho d’une vision critique de la situation actuelle, c’est aussi pour la mettre en perspective avec ce qui pourrait la modifier.
Pour citer cet article :
Ivan Ascher & Marieke Louis, « Qui sauvera le climat ? »,
La Vie des idées
, 10 décembre 2018.
ISSN : 2105-3030.
URL : https://laviedesidees.fr/Qui-sauvera-le-climat
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