Dossier coordonné par Nicolas Duvoux.
Photo : (cc)Mac Steve
Les statistiques économiques et sociales semblent être dotées de toutes les vertus (objectivité, universalité, scientificité) tout en faisant l’objet de toutes les critiques (arbitraires, manipulables, librement interprétables). Comment expliquer cette ambivalence ? Faut-il ramener les chiffres à leurs limites incontestables ou les sauver au nom de l’idéal d’objectivité et de leur apport au débat démocratique ? Exemples à l’appui, deux chercheurs en sciences sociales et statisticiens confrontent leurs points de vue.
En retraçant l’émergence des statistiques publiques aux États-Unis, Emmanuel Didier raconte comment les groupes professionnels ont produit de nouveaux concepts et de nouvelles méthodes pour produire un savoir sur leur société, dans le contexte de la Grande Dépression.
À la demande du Comité pour la mesure et l’évaluation de la diversité et des discriminations (COMEDD), institué par le président de la République en mars 2009, Daniel Sabbagh a rassemblé un ensemble d’observations à usage plus ou moins immédiat, dont il offre ici une synthèse.
Un ensemble anonyme de fonctionnaires issus de la recherche publique et spécialistes de la statistique font état des pressions gouvernementales au sujet des résultats chiffrés qu’ils produisent dans leurs services respectifs. Clair et pédagogique, l’ouvrage ouvre l’accès aux méthodes de production des statistiques publiques.
Un recueil d’articles restitue l’apport d’Alain Desrosières à l’étude des pratiques statistiques. L’auteur rappelle d’abord que les statisticiens produisent les normes de la société avant de mesurer l’effet de variables. Il illustre ensuite la tension entre la recherche d’objectivité de la mesure et les utilisations politiques pour produire la réalité.
Quantifier les groupes sociaux est un problème autant politique qu’épistémologique. La Revue Tocqueville publie un dossier qui inscrit la construction des « statistiques ethniques » dans la problématique plus générale de la quantification de concepts complexes qui renvoient tout à la fois à l’identité individuelle et sociale des acteurs et à certaines valeurs fondamentales des sociétés contemporaines.
Une société qui s’enrichit n’est pas forcément une société de gens heureux : c’est le constat que pose Richard Layard au fondement de sa « nouvelle science du bonheur ». Remplacer le culte de la croissance par la quête du bonheur collectif n’est cependant pas dénué d’ambiguïtés politiques, comme le souligne Marie Duru-Bellat.
Contrairement à une idée reçue, les conflits sociaux ne diminuent pas dans le monde du travail. Si l’on prend en compte la pluralité des modes d’action, ils auraient même plutôt tendance à augmenter. En s’appuyant sur une analyse de l’enquête REPONSE, Jérôme Pélisse et Baptiste Giraud offrent un état des lieux moins sombre qu’attendu du pouvoir de mobilisation des salariés.
C’est un thème nouveau et relativement exotique pour les économistes qui a été abordé lors de cette table ronde : le bonheur. À partir de données d’enquêtes internationales où l’on interroge les individus sur leur bien-être, les économistes tentent d’identifier aux niveaux macroéconomique et microéconomique les sources de variation du bonheur.
La demande d’indicateurs statistiques ne cesse d’augmenter, afin d’aider à la prise de décision publique ou de guider les choix opérés par les entreprises. Pourtant, on assiste depuis quelques années à un décalage croissant entre la perception publique de certains phénomènes économiques et l’information produite par les statisticiens. Défaillance du système d’information statistique ou mauvaise appréhension de la réalité par les citoyens ? C’est la question centrale abordée par cette table ronde.
À la suite de l’article publié en juin dernier par Mirna Safi sur l’usage des catégories ethniques en sciences sociales, le sociologue et démographe Jean-Luc Richard a souhaité réagir pour contester avec vigueur le caractère scientifique de ces catégories.
Dix ans après la revue Population, la Revue Française de Sociologie vient de publier un dossier-débat sur l’usage des catégories ethniques en sociologie. Les contributions permettent de mesurer la légitimité sociale et politique croissante de ces instruments.
Le localisme universitaire : éthique de la fidélité ou clientélisme pervers ? Pour cerner l’ampleur du favoritisme dont profitent les candidats locaux, Olivier Godechot et Alexandra Louvet ont établi une mesure à partir d’une base originale, celle des thèses soutenues entre 1972 et 1996. Les résultats sont édifiants.
Après les polémiques entre historiens et durkheimiens au début du XXe siècle, après les grandes années de l’histoire « économique et sociale », après le « retour au récit » dans les années 1980, le temps est venu de réconcilier les historiens avec les méthodes quantitatives. Un manuel vient opportunément faire la mise au point.
Des enquêtes PISA sur les acquis des élèves, les médias ne retiennent d’ordinaire que les classements à sensation, peu favorables à la France ; or c’est là l’aspect le plus fragile de ces enquêtes, voire même absurde du point de vue statistique. Tandis que leurs qualités méthodologiques permettent de mettre en évidence les forces et les faiblesses spécifiques de l’école française – pourvu qu’on apprenne à les lire.
Parée de toutes les vertus, la « démocratie associative » est censée prendre le relais d’une vie partisane et syndicale essoufflée, et offrir à tous des moyens d’expression et de participation. La réalité telle qu’elle peut être observée à partir de différentes enquêtes statistiques, s’éloigne assez sensiblement de cette représentation. Non seulement la sociologie du bénévolat et de l’engagement associatif est beaucoup plus sélective qu’on ne le pense, mais le mouvement de professionnalisation du monde associatif en accélère la transformation.
Alors que la France tente de fixer – au besoin génétiquement – une identité heureusement fuyante, une thèse empoisonnée nous parvient de là où on l’attendait le moins : un politiste américain progressiste soutient, preuves empiriques à l’appui, que la diversité « raciale » conduit au malaise civique.
En raison de l’absence de statistiques dites « ethniques » en France, les chercheurs ne disposent pas de données sur les discriminations éventuellement produites par le juge pénal. Pour pallier ce manque, Fabien Jobard, chercheur au CNRS, a examiné les décisions rendues par un tribunal de région parisienne à propos des délits d’outrage, de rébellion et violence envers des agents dépositaires de la force publique. Son étude permet de relativiser considérablement l’idée répandue selon laquelle les juges ne seraient pas insensibles à la couleur de peau dans leurs jugements.