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Recension Société

La société contre l’école ?

À propos de : M.-C. Blais, M. Gauchet & D. Ottavi, Conditions de l’éducation, Stock.


par Georges Felouzis , le 14 janvier 2009


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En adoptant une perspective de philosophie politique sur l’école, Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi rapportent l’éducation aux grandes évolutions culturelles liées à l’émergence de l’individu contemporain comme norme et référence de toute chose. La thèse, stimulante, pèche cependant par excès de généralisation à partir du seul cas français ainsi que par le manque de référence aux travaux empiriques.

Recensé : Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi, Conditions de l’éducation, Stock, 2008

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La philosophie politique est à la fois une source d’inspiration et de débat pour les sciences sociales. Quelques-uns de ses grands courants, tels que le marxisme, les théories de la justice ou encore l’utilitarisme constituent des systèmes de pensée cohérents et forts qui servent – ou qui ont servi – d’ancrages théoriques pour penser les sociétés, les individus et la nature des liens sociaux. Il est donc pertinent de se demander comment cette tradition intellectuelle pense les institutions, et plus particulièrement l’école et la famille, et comment on en peut faire une lecture constructive pour rendre compte des évolutions actuelles des institutions et plus généralement de la société française. C’est dans cette perspective que je propose une lecture critique des Conditions de l’éducation.

Dans la continuité de leurs travaux sur la philosophie politique de l’école [1], Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi proposent, dans Conditions de l’éducation, une réflexion sur ce qui pose problème aujourd’hui dans la transmission éducative. Pour cela ils adoptent un point de vue à la fois radical et classique, que l’on pourrait résumer en disant qu’il faut sortir de l’école pour rendre compte des difficultés qu’elle rencontre. L’éducation, telle qu’elle se conçoit dans le système éducatif d’aujourd’hui, est étroitement dépendante des autres sphères de la société et de la façon dont l’individu contemporain est conçu et se conçoit lui-même. Pour le dire en un mot, le problème de l’école aujourd’hui est, pour les auteurs, la société elle-même et la place qu’elle accorde à la liberté des individus. On peut avancer, sans craindre de trahir la pensée des auteurs, que La société contre l’école aurait pu en être le titre. De façon plus concrète, les auteurs ont choisi de traiter des conditions de possibilité de l’éducation qui, selon eux, ne sont plus réunies ou tendent à ne plus l’être dans une société définie par l’individualisme. Pour étayer leur thèse, ils développent trois dimensions essentielles qui sont au principe de la transmission entre générations : la famille, la tradition et l’autorité. Le délitement de ces vecteurs essentiels de la transmission sociale et de la reproduction de la société serait au principe d’une sorte d’impossibilité d’éduquer les jeunes générations. Cette thèse a le mérite d’être exposée clairement et de façon argumentée par les auteurs. Elle est stimulante pour l’esprit, non pas tant par les faits qu’elle établit que par la nature des concepts qu’elle met en œuvre. Je m’attache dans ce texte à retracer le raisonnement des auteurs, la base empirique sur laquelle ils raisonnent et les interprétations qu’ils en proposent. Je tente aussi d’en faire une analyse critique et de montrer à quelle condition une connaissance sur la question éducative, mais plus généralement sur les institutions sociales, est possible.

La crise de l’autorité

Comme tout ouvrage écrit par plusieurs auteurs, les différentes parties de Conditions de l’éducation ont un poids et un intérêt variables pour le lecteur intéressé par la question scolaire. Commençons donc par le meilleur, la réflexion sur l’autorité proposée dans la troisième partie de l’ouvrage. Commencer par ce concept n’est au demeurant pas dénué de sens dès lors qu’il s’agit d’une condition fondamentale de la transmission éducative. Retraçant les étapes de la critique de ce concept, les auteurs proposent une véritable histoire intellectuelle au travers des arguments et des théories critiques de l’autorité. Au niveau politique, il s’agit d’abord de la critique de l’absolutisme religieux produit par les Lumières. Dans cette perspective, l’école doit devenir « la citadelle du libre examen » (p. 143) capable de former des citoyens aptes à participer à la vie publique. Mais cette première rupture avec l’arbitraire de l’autorité trouve ses limites dans la contradiction entre cet objectif libérateur de l’école et les moyens utilisés dès lors que « l’école dirigée contre l’esprit d’autorité en politique pactisait avec lui dans ses façons de faire » (ibid.). C’est cette contradiction qui a servi de base à la critique de l’autorité, pour donner lieu aux pédagogies nouvelles qui émergent au début du XXe siècle. Mais c’est surtout la critique des conséquences de l’autorité sur la personnalité qui présentera un caractère à la fois plus radical et plus massif. Les auteurs citent l’ouvrage d’Adorno, La personnalité autoritaire, comme révélateur de cette tendance intellectuelle : une prime éducation répressive « produit des individus à la fois soumis et sadiques » (p. 145). On peut ajouter, à l’appui de cette argumentation, les célèbres travaux de Milgram dans les années 1950 sur la soumission à l’autorité qui avaient pour ambition de rendre compte de la façon dont des individus « normaux » pouvaient être conduits à exécuter des actes de torture, simplement pour satisfaire la demande d’une autorité, y compris « scientifique ». Dans la lignée de ces travaux et de ces réflexions, les auteurs montrent tout le discrédit de l’autorité, d’abord inacceptable car associée à la menace totalitaire ; ensuite, celle-ci s’éloignant, elle est refusée car contraire à l’épanouissement personnel de l’individu dans une société qui valorise un individualisme expressif. L’intérêt de ce développement est de mettre en perspective historique cette critique de l’autorité et d’en montrer à la fois les excès et les conséquences. Car l’autorité en tant que pratique sociale ne disparaît pas pour autant, elle ne fait que changer de forme. N’étant plus fondée de façon traditionnelle, elle prend des formes individualisées et arbitraires qui tendent à produire plus de souffrance de la part des individus qui la subissent car « en cessant d’être avouée et révérée, l’autorité a pris à l’occasion des formes camouflées et perverses encore plus pénibles à subir que leurs devancières » (p. 147).

Que se passe-t-il alors dans l’école ? L’autorité y est au centre car « l’élément propre de la relation éducative, tant familiale que scolaire, c’est l’élément de l’autorité » (p. 161). Le parallèle avec l’Église et la nécessaire soumission des croyants au dogme sont ici évoqués comme un héritage, même si les auteurs qui ont travaillé sur cette continuité entre les deux institutions ne sont pas convoqués pour étayer cette thèse. Nous pensons, bien entendu, en premier lieu à Émile Durkheim dont le propos dans L’évolution pédagogique en France est de montrer comment la double nature religieuse et profane de l’école explique sa forme comme son évolution au cours du temps [2].

L’autorité est donc au fondement de la transmission éducative, mais les conditions de son exercice ne sont aujourd’hui plus réunies. Il s’agit, pour les auteurs, d’une crise de transcendance au sens où « l’autorité est représentative. Elle fonctionne à l’incarnation d’autre chose et de plus haut que celui qui la porte, en l’occurrence la nécessité du savoir et la mission formatrice impartie à l’institution scolaire par la collectivité » (p. 169). Or les enseignants ne représentent plus qu’eux-mêmes, et cela explique une bonne part des problèmes qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur travail de transmission des savoirs.

Tradition, savoir et sens

L’autorité n’est qu’une des facettes de cette crise des conditions de l’éducation. Un autre aspect est celui de sa nécessaire inscription dans une tradition. L’éducation revient toujours, nous disent en substance les auteurs, à transmettre les productions culturelles et scientifiques du passé, c’est en ce sens que l’école s’inscrit dans une tradition. Or, cette transmission « rebute les élèves » et les savoirs enseignés dans la plupart des disciplines « ne font pas sens à leurs yeux » (p. 65). Toute la question est de savoir pourquoi. Le point de vue adopté ici ne consiste pas à rendre compte des propos des élèves et de leurs jugements sur l’école, l’enseignement, les cours et de faire varier ces réponses en fonction de leur position sociale, de leur genre ou de leur établissement [3]. Non, il s’agit plutôt de montrer en quoi les évolutions du « rapport au passé, (du) mode de socialisation, (et du) statut social de la connaissance » produisent cette perte de sens des savoirs scolaires. La démarche – légitime – est donc en rupture avec les approches les plus reconnues des sciences sociales et consiste à expliquer les phénomènes scolaires par les grandes évolutions de l’individualisme et de la culture. On reste donc à un niveau de généralité qui parfois permet de mieux saisir les grandes évolutions de l’école et des problèmes qui s’y posent, et d’autres fois où ce parti pris de la généralité ne fait qu’obscurcir le propos. Du côté de la saisie de grandes tendances dans le domaine éducatif, on retrouve la question de la place de la tradition dans l’enseignement. L’idée est que les savoirs scolaires étant toujours le fruit d’une « tradition », ils s’accordent mal avec les préceptes de la pédagogie actuelle qui se propose de partir des « besoins des êtres singuliers au présent » (p. 74) que sont les élèves. Ce décalage est présenté comme la source principale du désintérêt fréquent des élèves pour les savoirs et de la crise de la transmission. Cette thèse apparaît très pertinente et éclaire la question du désintérêt des élèves comme le fruit d’une tension entre la logique des savoirs et celle de la pédagogie. Mais jamais ne sont évoqués les principes de variation de ce désintérêt dont on aimerait avoir quelques descriptions précises, du point de vue de son ampleur comme de sa distribution auprès des différents publics d’élèves. Le lecteur est donc « mis en appétit », mais reste sur sa faim car beaucoup de questions demeurent sans réponse. De même la « dissolution de la tradition comme forme sociale effectuante » (p. 70) est présentée comme un processus général et massif. Le passé n’est plus « diffusément reconnu comme exemplaire, que ce soit à titre moral, sous les traits des grands hommes sur lesquels prendre modèle, ou que ce soit à titre intellectuel, sous l’aspect des manières accomplies de penser ou de s’exprimer cultivées par les humanités » (p. 70). Ce processus est pour les auteurs déterminant pour comprendre les problèmes de l’école dès lors qu’il « ébranle la transmission dans son principe même » (p. 74). Ce concept est donc central dans la démonstration. Toutefois, aucun élément empirique ne vient étayer ces affirmations qui ont pourtant fait l’objet d’enquêtes et d’analyses récentes à partir des grandes enquêtes internationales sur les valeurs des européens. On peut citer les récents travaux de Galland et Lemel [4] sur le clivage tradition – modernité qui montrent la grande diversité des valeurs en Europe et la persistance des valeurs traditionnelles au point que ces valeurs, « censées disparaître dans les sociétés modernes, y constituent toujours – même si leur influence régresse – un des pôles structurant de l’organisation générale des valeurs » (p. 684). On est donc surpris que les évolutions présentées dans l’ouvrage comme déterminantes ne soient pas mieux étayées, surtout lorsque des travaux comparatifs au niveau international existent et qu’ils n’en donnent pas précisément la même vision.

Cette incomplétude du raisonnement peut toutefois passer pour un choix méthodologique et théorique. Ce n’est pas le cas pour la partie qui concerne les savoirs dans leur relation à la socialisation. Les auteurs s’emploient à définir le concept de socialisation de façon restreinte et figée comme un simple processus d’intériorisation passive de normes et de valeurs [5], pour constater ensuite que ce processus ne fonctionne plus et d’en déduire que « le ressort de l’appartenance, le besoin de société, se sont effacés de la scène. Tout vient de l’individu ou ne vient pas » (p 78), en un mot que les jeunes ne sont plus socialisés. On ne peut que s’interroger sur la pertinence de ce raisonnement qui oublie plus d’un demi-siècle de réflexion et de recherche [6]. J’ai donc été plongé dans un certain désarroi à la lecture de ces pages car il me semble qu’un concept qui ne rend plus compte de la réalité sociale n’est plus opératoire et que le plus sage est de tenter de le reconstruire et éventuellement d’en changer. Mais ce n’est visiblement pas l’avis des auteurs.

La base du raisonnement philosophique

Ce problème de raisonnement nous conduit à évoquer une autre limite de cet ouvrage, celui de ses sources. Là encore les différentes parties du livre sont très inégalement dotées. On lit en effet des pages très pertinentes et subtiles sur la philosophie de John Dewey et ses options pédagogiques. L’idée que l’expérience de l’enfant est – ou devrait être – le point de départ de toute éducation, l’expérience étant définie comme « la vie quotidienne, l’emploi du temps, les activités concrètes ». Le lecteur appréciera ces pages limpides et passionnantes sur l’auteur de The child and the Curriculum et de The School and Society qui fondent les théories et les expériences pédagogiques de Dewey, les pratiques des maîtres « dont le travail consiste à permettre l’expérience et qui s’efface en quelque sorte devant l’activité de l’enfant » (p. 236). Ces pages sont d’autant plus intéressantes qu’elles semblent plus étayer les formes actuelles de la pédagogie centrée sur les enfants que la thèse des auteurs qui appellent de leurs vœux un retour à des formes plus traditionnelles de transmission.

Mais là n’est pas le problème essentiel. Car dès que l’on quitte l’exégèse des textes des grands auteurs pour tenter de comprendre ce qui se passe dans la société contemporaine, on est surpris par la faiblesse des sources et la naïveté des analyses. Cette limite de l’ouvrage est particulièrement marquée dans la première partie qui traite de « la famille contre l’éducation ? ». L’objectif des auteurs est de montrer que la transmission des normes comportementales ne se fait plus dans la famille contemporaine, trop centrée sur l’épanouissement personnel des enfants, « or si tous les parents sont intéressés au bonheur de leurs enfants, peu d’entre eux conçoivent celui-ci dans son lien avec une société traversée par des règles et des codes » (p. 21). Ainsi, la « visée éducative » de la famille moderne est « aujourd’hui mise à mal » (p. 24) par le fait que les parents privilégient l’épanouissement personnel de leurs enfants au détriment d’une action normative. Le propos est donc de montrer le décalage entre l’éducation familiale contemporaine et les attentes de l’école qui se situe nécessairement dans un cadre normatif et hiérarchisé. L’idée est intéressante car elle consiste à décrire, sans le nommer, le modèle familial « coopératif » qui fonde l’exercice de l’autorité parentale non plus sur le statut (« j’ai raison parce que je suis ta mère ou ton père ») mais sur les compétences (« j’ai raison parce que j’en sais plus que toi et que j’ai plus d’expérience »). Ce modèle est plus égalitaire que le premier et privilégie la négociation et la raison plutôt que l’obéissance aveugle à une autorité toute puissante. Il est donc intéressant de discuter la pertinence de ce modèle en relation avec l’école. D’un certain point de vue – celui des auteurs – cela conduit à créer l’idée chez les enfants que toute contrainte est une limitation illégitime de la liberté. D’un autre point de vue, on pourrait avancer que les normes et les règles fondées en raison et librement acceptées peuvent avoir plus d’effets et construire des individus réflexifs mieux adaptés aux nécessités de l’apprentissage scolaires, ce que tendrait d’ailleurs à montrer la meilleure réussite des enfants de milieu cadre dont les modèles familiaux sont plus souvent coopératifs. Toutefois tout cela ne fait l’objet d’aucune discussion approfondie, ce qui laisse le lecteur au milieu du gué. Plus encore, la démonstration des auteurs souffre de deux problèmes essentiels. D’abord dans sa volonté de décrire un phénomène social dans sa généralité, elle sous-estime fortement les variations internes des modèles familiaux, des relations entre les parents et les enfants, des formes de socialisation privilégiées dans tel ou tel milieu social. On pense, bien entendu, aux travaux de Kellerhals [7] et de Widmer [8] dont tout l’effort théorique et empirique est justement de montrer la diversité des formes familiales. Il en est de la famille comme des toiles d’Yves Klein. On n’en perçoit qu’un monochrome lisse si l’on choisit de l’observer de loin. Mais s’en approcher permet d’en découvrir les reliefs et la rugosité, en un mot toute la profondeur et l’intérêt esthétique. On est donc surpris par la pauvreté des sources secondaires qui permettraient à l’ouvrage de nuancer – et du coup de renforcer – la thèse défendue. Mais cette surprise s’accentue lorsque les auteurs traitent de la question des relations entre les familles et l’école. On a en tête quelques travaux classiques tels que ceux de Basil Bernstein [9] sur la place du langage dans l’éducation des enfants, ceux de Bernard Lahire [10] sur les parcours scolaires atypiques des enfants de milieu populaire ou plus simplement les enquêtes de la DEPP sur le système éducatif français. Mais les auteurs ignorent ces sources et privilégient des énoncés invérifiables et vagues. On lit par exemple p. 30 : « il n’est pas rare que, lors de ces réunions où les enseignants expliquent aux parents les programmes, les méthodes et les exigences de la scolarité, ces derniers manifestent leur impatience d’entendre parler de « leur » enfant et réclament le respect de leur « singularité » ». Quel est le sens de cet énoncé ? Doit-on considérer qu’il reflète un phénomène dont le caractère général est incontestable ? Et de quel phénomène précis s’agit-il ? Ce type d’énoncés – et il y en a d’autres – au lieu de renforcer la thèse des auteurs, la discrédite tant ils apparaissent ambigus et peu fondés empiriquement.

En définitive la lecture des Conditions de l’éducation est stimulante. L’ouvrage a le mérite de poser de vraies questions sur les problèmes que rencontre aujourd’hui l’école dans la transmission des savoirs, la définition des programmes, le problème du manque de désir d’apprendre pour beaucoup d’élèves. Il met en perspective la crise de l’école avec les grandes évolutions culturelles liées à l’émergence de l’individu contemporain comme norme et référence de toute chose. Mais l’ouvrage est loin de lever toutes les incompréhensions. D’abord celle d’une généralisation excessive qui conduit les auteurs à raisonner sur des faits de civilisation de longue durée et concernant tout le monde occidental (l’émergence et l’affirmation d’un individualisme fort) mais dont on étudie les conséquences sur l’école française uniquement, dans la perspective d’en faire un cas universel. Or, les comparaisons internationales [11] en matière d’éducation montrent des systèmes très éloignés les uns des autres, y compris dans des aires culturelles et politiques relativement cohérentes comme l’Union Européenne. Comment expliquer, alors, que le même individualisme ne produise pas les mêmes conséquences dans des systèmes éducatifs différents ? Cette première question en amène une autre. Ne peut-on supposer, sans crainte de se tromper, que l’école elle-même fait partie des conditions de l’éducation ? C’est en tout cas l’hypothèse que font, avec un certain succès, les sciences sociales depuis plus d’un demi-siècle. Si cette hypothèse est vraie, il serait alors pertinent de traiter de la forme scolaire en elle-même dans ses variations nationales et locales pour comprendre comment les conditions d’enseignement parviennent à contourner le problème posé par la perte de légitimité des traditions et les métamorphoses de l’autorité. Or, cette analyse reste à faire car l’ouvrage ne dit rien, ou presque, sur l’école elle-même. En fin de compte, il semble que l’analyse des conditions de l’éducation reste une question à approfondir. Et cet approfondissement ne pourra se faire sans les acquis de plus de cinquante ans de sciences sociales sur la famille, l’école et plus généralement les formes sociales dans leur ensemble.

par Georges Felouzis, le 14 janvier 2009

Pour citer cet article :

Georges Felouzis, « La société contre l’école ? », La Vie des idées , 14 janvier 2009. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/La-societe-contre-l-ecole

Nota bene :

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Notes

[1Blais M-C., Gauchet M., Ottavi D., Pour une philosophie politique de l’éducation : six questions d’aujourd’hui, Bayard, 2002.

[2On pense aussi, bien entendu, aux travaux de François Furet et Jacques Ozouf, Lire et écrire, ainsi qu’à l’ouvrage d’Antoine Prost, Histoire de l’éducation : 1800-1967, Nathan, 1968.

[3On peut citer dans cette veine les travaux de Choquet et Héran, «  Quand les élèves jugent les collèges et les lycées  », Économie et statistiques, n° 293.

[4Galland O., Lemel Y., «  Tradition-modernité : un clivage persistant des sociétés européennes  », Revue française de sociologie, 2006, 4, vol. 47, p. 687-724.

[5Il s’agit pour les auteurs d’«  une inscription contraignante de l’individu dans le collectif et une identification constituante de l’individu au collectif  » (p. 76).

[6Des travaux de Georges Herbert Mead à ceux de Claude Dubar par exemple, en passant par l’ouvrage de Riesman La foule solitaire, Arthaud 1992 (1950). sur ces questions cruciales de socialisation. Qui oublie aussi que les concepts en sciences sociales sont toujours situés dans le temps et l’espace et qu’il est vain d’en faire des invariants intemporels[[Jean-Claude Passeron, Le raisonnement sociologique. Paris, Nathan, 1991.

[7Kellerhals J., Montandon C., Les stratégies éducatives des familles. Milieu social, dynamique familiale et éducation des pré-adolescents, Lausanne, Delachaux et Niestlé, 1991.

[8Widmer É. Kellerhals J., Levy R., «  Quelle pluralisation des relations familiales  ? Conflits, styles d’interactions conjugales et milieu social  », Revue française de sociologie, 2004/1, Vol. 45, p. 37-67.

[9Bernstein B., Langage et classes sociales, Paris, Les éditions de Minuit, 1975.

[10Lahire B., Tableaux de famille, Paris, Seuil, 1995.

[11Par exemple les enquêtes Pisa.

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