Recherche
Le comte Nikolai Tolstoy avec sa femme Anna Ivanovna et leur fils Alexander, Angelica Kauffmann, 1795

Entretien Société Entretiens vidéo

L’éducation entre égalité et efficacité
Entretien avec Pierre-Michel Menger


par Annabelle Allouch , le 4 avril


Télécharger l'article : PDF EPUB MOBI

Comment les vagues de massification scolaire ont-elles affecté les stratégies des familles et, plus largement, leur rapport à l’École ? Pierre-Michel Menger, professeur au Collège de France, propose des pistes d’analyse pour éclairer une nouvelle socio-démographie de l’éducation. Entretien suivi d’un essai.

Pierre-Michel Menger a fait des études et une agrégation de philosophie à l’Ecole Normale Supérieure, puis un doctorat de sociologie l’EHESS. Directeur d’études à l’EHESS depuis 1994, il est ou a été membre des comités de rédaction et comités scientifiques de revues françaises et étrangères de sociologie, d’économie, de droit, de gestion, d’histoire, d’histoire de l’art et de recherche littéraire, disciplines dans lesquelles ont été publiés ses articles. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages en auteur unique, en coauteur et en responsable éditorial.

Il occupe la chaire de Sociologie du travail créateur au Collège de France depuis 2013.

Prise de vue : Ariel Suhamy. Montage : Benjamin Quenton.

Le texte suivant est issu de l’introduction au colloque « Les stratégies éducatives des familles » qui s’est tenu au Collège de France, le 17 décembre 2024, et qui concluait le cours Questions d’éducation, donné au printemps puis à l’automne 2024.

Dans ses Essais de persuasion (1933), Keynes affirme que « le problème politique de l’humanité est de devoir concilier trois choses : une meilleure Efficacité économique, la Justice sociale et la Liberté individuelle ». Comment le propos de Keynes peut-il s’appliquer à l’éducation ? Hannah Arendt, à qui l’on doit d’avoir forgé la notion de méritocratie et sa tonalité critique, dans le sillage de Max Weber, a proposé une réponse possible [1]. L’éducation scolaire a une dimension politique, au sens large du terme du terme), parce qu’elle prépare les enfants à remplir leurs futurs devoirs de citoyens. Mais l’école est aussi un espace social, où les enfants développent leurs liens les plus intenses. Ces liens les forment en tant que personnes, et les unissent dans des groupes. Enfin, l’éducation est privée dans la mesure où l’éducation est un prolongement de la responsabilité qu’ont les parents d’élever leurs enfants et d’assurer leur croissance en les protégeant temporairement du monde.

D’où trois types de biens dont la conjonction est problématique :
 les biens privés (le désir de promouvoir l’épanouissement de soi-même, de ses amis et de sa famille) ;
 les biens sociaux (le désir d’être entouré de personnes que l’on aime) ;
 les biens politiques (l’obligation d’assurer l’égalité des chances aux membres de la communauté politique).

Comme l’ont rappelé de nombreux auteurs, notamment en philosophie politique (Kohn, Olsaretti, Taylor), il n’existe pas de formule simple pour nous permettre de pondérer ces priorités lorsqu’elles entrent en conflit.

James Fishkin [2] y voit un trilemme. Il est, selon lui, impossible d’atteindre simultanément les trois objectifs suivants :

1) la défense du principe du mérite. Ce principe assure que la production et l’évaluation des compétences et des qualifications qui organisent la formation initiale et qui donnent accès aux emplois et aux positions dans les organisations sont procéduralement équitables et efficaces. Qu’il s’agisse de notes scolaires, d’examens, de tests d’admission et concours d’entrée dans des établissements d’enseignement supérieur, d’examens de la fonction publique, de l’évaluation des salariés, ou de l’évaluation des publications pour des décisions de titularisation, nous sommes tous familiers d’un impératif méritocratique.

2) l’égalité des chances dans la vie. Selon ce principe, dit Fishkin, « nous ne devrions pas être en mesure de prédire la place éventuelle dans la société des nouveau-nés dont nous connaissons certaines caractéristiques obtenues par l’arbitraire de la naissance, telles que le milieu social de la famille d’origine, le sexe, l’origine ethnique ». Ce principe est largement contredit dans notre propre société : si nous connaissons le revenu et l’éducation du père et de la mère d’un individu, nous pouvons faire de bonnes prédictions statistiques sur la trajectoire d’une cohorte de nouveau-nés.

3) la liberté des familles et la liberté au sein la famille. Il s’agit de la liberté pour les parents de procurer à leurs enfants autant de ressources éducatives et matérielles qu’ils le désirent, ce qui permet aux familles éduquées d’avantager leurs enfants dans la compétition pour leur développement individuel, de sorte que, statistiquement, ces enfants auront de bien meilleures chances dans la vie.

Ce trilemme ou ce casse-tête, pour parler plus simplement, est connu depuis l’origine de la science sociale. Au début du XXe siècle, Durkheim comme Weber avaient insisté sur le pouvoir émancipateur de l’éducation, mais aussi sur le risque de voir l’éducation devenir le nouveau vecteur principal des inégalités, celles qui agissent très tôt dans les trajectoires individuelles, bien avant que des imprécations critiques soient lancées contre la méritocratie au milieu des années 1950 par Michael Young, puis plus récemment, dans les deux premières décennies de notre siècle.

Puisque, selon l’argument fameux de Max Weber, le diplôme est devenu le moyen légitime par excellence de l’accès aux positions sociales et professionnelles qui exigent un savoir certifiable, la compétition sociale s’est concentrée sur l’accès aux formations diplômantes, qui sont d’inégale longueur, d’inégale sélectivité et, à nombre donné d’années de formation spécialisée, de très inégale valeur [3]. Et ceux qui sont gagnants dans cette compétition savent aussi transmettre à leurs enfants les moyens éducatifs et matériels de gagner.

Éducation et croissance : de la convergence à la divergence

De ce trilemme, nous tirons trois des quatre orientations majeures qui ont été au cœur du développement de la sociologie de l’éducation dès son origine :
• l’impératif politique et social de l’égalité des chances d’accès à l’enseignement primaire, secondaire et supérieur ;
• les chances inégales de réussite dans l’éducation, quand celles-ci sont une production conjointe des systèmes scolaires et des familles ;
• la fonction essentielle de l’éducation dans la modernisation et la croissance économique des sociétés.

Un quatrième argument s’est ajouté à la fin des années 1960 et au début des années 1970, dont la valeur prédictive n’a cessé d’augmenter :

• alors que l’offre publique d’éducation connaît une expansion continue, et que la demande de titres scolaires, et de titres de la meilleure qualité possible, augmente sans cesse, l’éducation devient pourtant un investissement au rendement incertain dès lors que le nombre de diplômés augmente plus vite que le nombre d’emplois correspondants et que la compétition pousse à investir sans cesse davantage dans des formations diplômantes plus longues et plus sélectives, pour espérer accéder aux bons ou aux meilleurs emplois.

La transformation de la production de diplômes dans la société française depuis un demi-siècle a de fait été spectaculaire, comme le montre ce graphique [4].

Dans ce contexte, l’investissement dans l’éducation et dans une formation diplômante est devenu non plus seulement une condition nécessaire, mais aussi une nécessité défensive, comme l’a observé l’économiste Lester Thurow au milieu des années 1970, quand des travaux de sociologie et d’économie se sont multipliés pour rechercher si l’expansion de l’éducation débouchait effectivement sur plus de mobilité sociale et donc moins d’inégalité des chances.

« Du point de vue de la concurrence pour l’emploi, l’éducation peut devenir une nécessité défensive. À mesure que l’offre de main-d’œuvre éduquée augmente, les individus constatent qu’ils doivent améliorer leur niveau d’éducation simplement pour défendre leur position actuelle en termes de revenus. S’ils ne le font pas, d’autres le feront, et leur emploi actuel ne leur sera plus accessible. L’éducation devient un bon investissement, non pas parce qu’elle augmente les revenus des individus au-dessus de ce qu’ils auraient été si personne n’avait augmenté son niveau d’éducation, mais plutôt parce qu’elle augmente leurs revenus au-dessus de ce qu’ils seront si d’autres acquièrent une éducation et pas eux. En effet, l’éducation devient une dépense défensive nécessaire pour protéger sa "part de marché". Plus la classe des travailleurs éduqués est importante et plus elle se développe rapidement, plus ces dépenses défensives deviennent impératives » [5].

Les recherches de Bourdieu et Passeron, au milieu des années 1960, entendaient démontrer que l’école est l’instrument de la légitimation des inégalités et de la reproduction de la structure sociale, autrement dit le vecteur de légitimation de l’immobilité sociale. Terrible fonction imputée à l’école ! Dans la même période, Boudon se posait plutôt la question du décalage entre l’expansion des systèmes éducatifs et le profil et le niveau de la croissance économique des pays. Terrible paradoxe : la quantité et la qualité des emplois risquaient d’augmenter beaucoup moins vite que le nombre de diplômés, selon un déséquilibre qui provoque le caractère défensif de l’investissement éducatif individuel dont parle Thurow.

Avec le recul et avec des données plus abondantes, un appareillage statistique plus développé et des outils de modélisation plus efficaces [6], nous savons aujourd’hui que la relation n’a pas été invariablement paradoxale entre l’expansion de l’éducation et ses effets sur la mobilité sociale. Une relation positive a existé dans la période de forte croissance française des Trente Glorieuses, avant qu’une inflexion intervienne pour les générations ultérieures et que le rendement des études en termes de chances de mobilité sociale ascendante diminue puis stagne, à mesure que le taux de croissance de l’économie a décliné. Il est paradoxal que la sociologie française de l’éducation ait connu un spectaculaire essor, sur son versant le plus théorique et le plus critique, au moment où l’expansion de l’éducation et celle de l’économie produisaient une effective mobilité sociale que l’argument principal de cette sociologie récusait à l’aide de matériaux empiriques largement insuffisants alors.

Les carrières scolaires dans un contexte de diplomation croissante : le nominal et le réel

Avec l’expansion de l’offre publique d’éducation et son impératif de réduction des inégalités de scolarisation, les carrières scolaires des élèves sont progressivement devenues linéaires, avec la quasi-suppression des redoublements et avec l’élévation constante du taux de diplomation au brevet et au bac. La production en nombre croissant des diplômés de fin de premier et de second cycle (brevet, baccalauréat) a été assortie progressivement d’un taux croissant de mentions distinguant les mérites des élèves. Pourtant, dans le même temps, soit près d’un demi-siècle, les évaluations nationales en lecture, écriture, et mathématiques ont mis en évidence une baisse tendancielle du niveau scolaire moyen des élèves, puis une érosion du niveau des meilleurs élèves. Les résultats de deux grandes enquêtes internationales périodiques (PISA, TIMSS) se sont en outre accumulés depuis deux décennies pour situer cette évolution française dans le contexte mondial des performances éducatives des différents systèmes nationaux. Les mauvaises nouvelles pour la performance du système éducatif français n’ont pas cessé, sans provoquer le choc observé dans d’autres pays.

Une divergence majeure apparaissait au grand jour entre des carrières scolaires nominalement réussies et des compétences effectives déclinantes. L’outil des tests nationaux et internationaux de compétences montrait en outre que si la baisse de compétences vaut pour les bons comme pour les moins bons élèves, les inégalités de réussite selon le milieu social d’origine des élèves persistent.

Cette divergence a fait régulièrement l’objet de deux appréciations :
 celle d’une perte d’efficacité d’un système éducatif qui a su élever le niveau d’accès à l’éducation, mais qui n’a pas réussi à traiter avec des solutions appropriées l’hétérogénéité socio-scolaire croissante de la population scolaire ;
 celle de la performance médiocre dans la réalisation de l’objectif premier de la politique publique française d’éducation, celui de la réduction de l’inégalité des chances d’accès à l’éducation et de réussite scolaire, non pas telle qu’elle est mesurée en termes de carrière nominale, mais en termes de compétences réellement détenues.

Les effets de l’expansion scolaire sur l’autre partenaire du système éducatif, les familles

L’éducation et les vagues successives de son expansion ont agi sur l’autre partenaire de la production éducative, les familles, leurs configurations, leur implication, leurs exigences.

Rappelons que le temps éveillé des jeunes, entre l’âge de 5 ans et 18 ans, n’est occupé qu’à environ 15% par le temps effectif de scolarisation obligatoire à l’école, puis au collège et au lycée [7]. Combien pèsent, dans l’éducation totale, les six autres septièmes de leur temps, qui sont gérés par les familles et par les adolescents eux-mêmes dans leurs relations avec leurs pairs ?

S’agissant de l’investissement éducatif des familles, et de son intensification, la presse aime titrer : « L’école, un job à plein temps… pour les parents ». C’était le titre d’un épisode de la série d’été du Monde « Parents, quel métier ! » en juillet 2023. Le sous-titre de cet épisode était : « Aux États-Unis, toute la cellule familiale est mobilisée afin que les enfants réussissent à l’école et dans leurs activités annexes, jusqu’aux loisirs. Souvent moqueuse, la France n’en est pourtant pas loin ».

L’article du Monde rappelle opportunément les arguments théoriques de James Heckman et de ses collaborateurs, qui soulignent le rendement élevé des investissements éducatifs très précoces et pré-scolaires [8]. L’une des leçons à tirer de leur modèle réside dans la distinction entre les compétences que l’éducation permet d’acquérir et cette compétence plus profondément décisive qu’est la compétence d’apprendre, ou l’aptitude d’apprendre à apprendre, car cette compétence de niveau 2 accroît la productivité de l’effort éducatif des élèves. Et cette compétence de niveau 2 s’acquiert très tôt dans la vie, avant la scolarisation.

De tels arguments prennent une résonance particulière dans un contexte où l’expansion de l’éducation a par ailleurs considérablement transformé la structure et l’action des familles.
Aujourd’hui, le taux de mise en couple durable est corrélé positivement avec le niveau de diplôme des conjoints. La stabilité des unions conjugales est elle-même corrélée positivement avec le niveau de diplôme : les couples très diplômés divorcent moins que les autres. Saisissante est aussi la corrélation positive entre fécondité, niveau de diplôme féminin et participation au marché du travail. Comparée à la situation qui a prévalu dans les décennies 1970-1990, cette reconfiguration apparue dans les années 1990 qui a été qualifiée à juste titre de renversement socio-démographique [9].

Cette reconfiguration participe elle-même de l’importance prise par l’homogamie éducative, qui se mesure à la propension des individus à s’unir préférentiellement avec des conjoints aussi diplômés qu’eux. Une analyse récente sur données françaises, qui s’accorde avec les résultats de beaucoup d’études internationales, a montré qu’à origine sociale et géographique, statut d’emploi, nationalité, âge et catégorie d’emploi contrôlés, les individus en couple qui partagent le même niveau de diplôme que leur conjoint ont 1,8 fois plus de chances d’être en situation d’homogamie sociale. Au‐delà de cet effet moyen, l’homogamie de diplôme est particulièrement forte pour les individus homogames détenant des emplois de niveau supérieur [10].

Et comme les femmes sont désormais plus nombreuses à être plus diplômées que les hommes, l’évolution qui a pour centre l’homogamie fait apparaître, sur ses bords, quand il y a déséquilibre entre les conjoints, non plus l’hypergamie féminine comme autrefois, quand elles étaient moins diplômées que leur conjoint, mais leur hypogamie (elles sont plus diplômées que leur conjoint).

De nombreuses enquêtes ont aussi établi que le temps passé par les mères et par les pères à s’occuper de l’éducation de leurs enfants augmente avec le niveau de diplôme. Les familles plus diplômées prennent de plus en plus de soin à transmettre plus de capital éducatif à leurs enfants.

À ce capital éducatif, il faut adjoindre l’importance du capital social des familles. Avec cette notion, les sociologues font référence à la cohésion sociale des familles et des familles élargies, et aux caractéristiques du réseau social (familial, amical, etc.) des individus. Une dimension essentielle du capital social d’une famille tient à sa structure même, à savoir la présence ou non des deux parents pendant l’éducation des enfants. Des recherches pionnières comme celles de McLanahan et Sandefur ont montré que les résultats scolaires des enfants élevés dans des familles biparentales sont sensiblement plus élevés que ceux des enfants élevés dans des familles monoparentales [11]. Or, en France, comme ailleurs, la monoparentalité a spectaculairement augmenté. En 1975, seules quelque 8% des familles (une sur douze) étaient monoparentales ; au début des années 2020, c’est plus de 23%. Aujourd’hui, un cinquième des enfants mineurs vit dans une famille monoparentale. Et nous savons que la monoparentalité durable concerne plus souvent des femmes qui sont peu diplômées et qui occupent des emplois de médiocre qualité.

L’évolution des structures familiales et des chances de réussite éducative

Des parents de plus en plus diplômés, des couples plus homogames, mais aussi des structures familiales plus polarisées : ensemble ces traits agissent de manière contradictoire sur les chances de réussite éducative.

D’un côté, l’hétérogénéité de la population scolaire augmente, sous l’action de facteurs dont l’école n’est pas responsable, alors que la baisse de la performance du système éducatif français, qui est désormais bien documentée, désigne celui-ci comme le principal et idéal coupable du double échec que mettent en évidence les enquêtes internationales : inégalité et inefficacité.

De l’autre côté, les familles, à travers leur action éducative, sont traditionnellement responsables d’écarts importants de compétences avant même l’entrée des enfants dans le système scolaire.

Mais, désormais, les familles peuvent actionner des leviers de plus en plus nombreux et de plus en plus diversifiés d’investissement dans la réussite éducative de leurs enfants, avant et tout au long de la scolarisation de ceux-ci.

Dans la production conjointe d’éducation entre l’école et les familles, l’équilibre dans la recherche d’efficacité se modifie :
• les familles, qui se soucient avant tout d’efficacité, sont en position d’investir davantage, à proportion de leurs ressources et de leur capital éducatif, qui ont en moyenne augmenté avec l’expansion de l’éducation ;
• le système éducatif quant à lui, pour sa partie publique, se soucie majoritairement d’équité, et place l’objectif d’efficacité au second rang, à la fois parce que l’objectif d’équité correspond à une gestion politique directement en phase avec la trajectoire de massification de l’offre scolaire, et parce que la recherche d’efficacité suppose des transformations dans l’organisation de la production scolaire qui sont sans doute trop radicales pour faire consensus. De fait, la culture de l’expérimentation décentralisée n’est pas implantée dans le système public français d’éducation.

Autrement dit, les parents qui le peuvent cherchent toujours plus d’efficacité quand la production publique d’éducation recherche toujours plus d’équité. L’un provoque l’autre : la causalité est réciproque. Que la parentalité soit plus polarisée, mais qu’elle soit devenue aussi une entreprise beaucoup plus systématiquement soucieuse d’efficacité est un effet inattendu de l’expansion scolaire.

Conclusion

À bien des égards, les parents qui ont été bénéficiaires pour eux-mêmes de l’expansion du système éducatif et universitaire et qui en ont obtenu des diplômes plus élevés que leurs aînés, ont désormais un niveau d’exigence à l’égard de la formation de leurs enfants et un niveau d’investissement dans l’éducation de leurs enfants qui peut chercher à s’approcher de l’exigence et de la compétence de ces insiders particulièrement efficaces que sont les parents enseignants qui savent mieux que quiconque transmettre à leurs enfants leurs connaissances, leurs aptitudes et leurs dispositions à apprendre sans cesse, en classe et hors de la classe.

Pierre-Michel Menger


par Annabelle Allouch, le 4 avril

Pour citer cet article :

Annabelle Allouch, « L’éducation entre égalité et efficacité. Entretien avec Pierre-Michel Menger », La Vie des idées , 4 avril 2025. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/L-education-entre-egalite-et-efficacite

Nota bene :

Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article, vous êtes invité à proposer un texte au comité de rédaction (redaction chez laviedesidees.fr). Nous vous répondrons dans les meilleurs délais.

Notes

[1Hannah Arendt, Reflections on Little Rock, Dissent, hiver 1959.

[2James Fishkin, Justice, Equal Opportunity and the Family, New Haven, Yale University Press, 1984.

[3Voir Gabriele Dabbaghian, Madeleine Péron, Tout diplôme mérite salaire  ? Une estimation des rendements privés de l’enseignement supérieur en France et de leur évolution, CAE Focus, 2021, 75.

[4Claude Picart, Le non emploi des peu ou pas diplômés en France et en Europe : un effet classement du diplôme, Paris, INSEE, Emploi, chômage, revenus du travail, édition 2020.

[5Lester Thurow, Education and Social Policy, The Public Interest, 1972, 28, p. 79.

[6Voir en particulier Richard Breen, Walter Müller (eds), Education and intergenerational social mobility in Europe and the United States, Stanford, Stanford University Press, 2020. L’ouvrage contient un chapitre de Louis-André Vallet dont une version française était parue sous le titre «  Mobilité entre générations et fluidité sociale en France. Le rôle de l’éducation  », Revue de l’OFCE, 2017, 150.

[7Douglas Downey, Benjamin Gibbs, How schools really matter, Contexts, 2010, 9, 2.

[8Flavio Cunha, James Heckman, « The Technology of Skill Formation », The American Economic Review, 2007, 97, 2 : 31-4.

[9Gøsta Esping-Andersen, Families in the 21st Century, Stockholm, 2016, SNS Förlag.

[10Erwan Pouliquen, Dans quatre couples sur dix, les deux conjoints appartiennent au même groupe social, France Portail Social, Paris, INSEE, 2023.

[11Sara McLanahan, Gary Sandefur, Growing up with a single parent : what hurts, what helps, Cambridge, Harvard University Press, 1994.

Partenaires


© laviedesidees.fr - Toute reproduction interdite sans autorisation explicite de la rédaction - Mentions légales - webdesign : Abel Poucet