Trois historiennes abordent de manière renouvelée la guerre d’Algérie. Leurs recherches mettent en lumière les effets de la violence sur les populations, ainsi que les traumatismes des soldats français et des combattantes algériennes.
À propos de : Samia Henni, Architecture de la contre-révolution, Éditions B42 ; Raphaëlle Branche, « Papa qu’as-tu fait en Algérie ? », La Découverte ; Natalya Vince, Our Fighting Sisters. Nation, Memory and Gender in Algeria, Manchester University Press
Trois historiennes abordent de manière renouvelée la guerre d’Algérie. Leurs recherches mettent en lumière les effets de la violence sur les populations, ainsi que les traumatismes des soldats français et des combattantes algériennes.
Alors que 2022 marquera le 60e anniversaire de la fin du conflit nommé « guerre d’indépendance » ou « de libération nationale » en Algérie et « guerre d’Algérie » en France, les travaux historiques sur cette guerre et les liens entre les deux pays continuent de susciter l’intérêt des chercheurs, en parallèle aux injonctions mémorielles, et parfois contre elles.
Avec des parcours et des approches différentes, mais complémentaires, trois historiennes envisagent la guerre dans son histoire complexe et identifient les liens entre passé et présent qui font du conflit un moment essentiel pour comprendre l’histoire contemporaine des deux pays. Elles nous offrent trois beaux livres pour comprendre les mémoires d’un même conflit aux répercussions majeures dans les vies des acteurs et de leur entourage.
Dans un ouvrage issu de sa thèse en histoire de l’architecture, Samia Henni adopte un angle original. Elle cherche à mettre en évidence les liens entre les logiques à l’œuvre dans l’administration et l’armée française qui œuvrent ensemble, à partir de 1956 en Algérie, en prenant comme prisme l’architecture et l’urbanisme [1]. Dans le cadre de sa recherche, elle a conduit des entretiens avec des acteurs de ces politiques ou leurs parents. Elle montre comment leur trajectoire s’inscrit dans l’époque en décortiquant les logiques de domination.
Puisant dans des sources variées, elle met en évidence les manières avec lesquelles les autorités civiles et militaires ont profondément réorganisé le territoire urbain et rural de l’Algérie. Le fil conducteur de l’architecture et de l’urbanisme se révèle extrêmement fécond. Avec l’arrivée du contingent en 1956 et l’entrée du conflit dans une nouvelle dimension, la réorganisation du territoire et la volonté de contrôle « des cœurs et des esprits » vont de fait entraîner un contrôle des corps dans l’espace algérien.
C’est en effet dans ce domaine que, suivant l’auteure, on peut clairement identifier les continuités spatiales entre métropole et colonies, mais aussi temporelles entre la période coloniale (les bureaux arabes de Bugeaud ou la politique indigène de Lyautey au Maroc) et celle de la guerre proprement dite. Cela est manifeste dans la stratégie du « regroupement » des populations, application de la théorie de la guerre contre-révolutionnaire. Son principe majeur est de couper les combattants algériens de la population qui les ravitaille et les informe par le regroupement dans des « centres » qui ont tout de camps clos par des barbelés.
Samia Henni retrace la genèse de cette politique, très tôt dans le conflit. Elle montre qu’elle est complétée par une action « psychologique » qui innove en s’articulant aux concepts de modernisation et de développement alors très en vogue. Sur ce plan, elle présente le rôle joué par les ethnologues qui, tout en constatant les ravages causés, s’inscrivent dans le cadre colonial. Ainsi de Germaine Tillion qui, si elle dénonce la torture, reste relativement silencieuse sur les camps. Elle a été appelée par Jacques Soustelle, gouverneur de l’Algérie (1954-1956) et lui aussi ethnologue, puis résistant. De leur collaboration naissent les Sections administratives spécialisées (SAS) en 1956, dont l’action a toujours été mise en avant par la propagande militaire.
Samia Henni montre que ces SAS sont également les premières gestionnaires des « centres de regroupement » dont les objectifs sont avant tout militaires : « Des hommes qui avaient été formés pour faire la guerre se retrouvaient à gérer des chantiers de construction » (p. 65). L’auteure ne se contente pas d’aborder cette question pour les campagnes, mais étudie aussi la situation des bidonvilles et le rôle joué par les SAU, moins connues. La contradiction majeure de ces politiques est liée à la volonté de résorber les bidonvilles, tout en poursuivant des objectifs militaires qui poussent de plus en plus d’Algériens, sous la contrainte, à quitter leur village. En 1959, le plan Challe poursuit cette contradiction en augmentant le nombre de déplacés, alors que le plan de Constantine a pour but le développement accéléré de l’Algérie. Cette contradiction éclate au grand jour avec la publication du rapport Rocard sur les camps.
Tous les efforts de l’administration française en Algérie, dirigée par Paul Delouvrier, consistent à masquer cette contradiction. Le projet « 1 000 villages » a ainsi pour but de faire croire à une véritable politique du logement dont Samia Henni met en évidence la piètre qualité des constructions pour les Algériens. De manière ironique, les images de reconnaissance aérienne de l’armée lui permettent de déconstruire les images de la propagande prises au sol.
L’historienne s’intéresse néanmoins peu aux effets des politiques sur les populations concernées, la moitié de la population rurale [2]. L’amnésie sur les camps de regroupement dure en effet, à la fois en France pour des raisons évidentes, mais aussi en Algérie où la logique de déplacement des populations a pu se poursuivre au travers des « villages socialistes » sous Boumediene [3]. Mais si Samia Henni émet justement l’hypothèse que « certaines pratiques coloniales et luttes coloniales ont continué à exister », elle n’en fait pas véritablement la démonstration, puisque son étude s’arrête en 1962.
Deux autres aspects importants sont mis en évidence par Samia Henni, d’abord celle des « circulations impériales », donc des continuités entre les colonies et la métropole. Ainsi les foyers SONACOTRAL (aujourd’hui Adoma), qui sont en partie conçus pour contrer l’influence du FLN en métropole. Ils sont gérés par des policiers, militaires ou administrateurs en retraite ayant servi dans les colonies. Certains officiers des SAS/SAU sont utilisés, en particulier par Maurice Papon, préfet de police de Paris après avoir été préfet de Constantine. Samia Henni en fait le symbole de l’importation des modes de pensée et de l’ordre colonial en France même.
Enfin, l’un des cas les plus intéressants, étudié de manière très détaillée par Samia Henni, est le projet de Rocher Noir, cette ville nouvelle (l’actuelle Boumerdès), construite à la fin de la guerre pour abriter l’administration française en la protégeant du climat très violent d’Alger à l’heure des attentats de l’OAS. Lancé par Delouvrier avant de rejoindre l’Ile-de-France (et de construire d’autres villes nouvelles), le projet apparaît comme symptomatique des apories du colonialisme dans sa phase ultime, celle qui a compris le poids des mots et des euphémismes. Samia Henni met en évidence un paradoxe qui n’est qu’apparent : la volonté des autorités françaises, en plein cœur de la guerre, de bâtir pour le long terme et de perpétuer la présence française en Algérie.
Le livre excelle donc à décrire les logiques à l’œuvre dans les choix architecturaux et urbanistiques. Seul bémol : des approximations chronologiques et le flou qui entoure parfois les mécanismes institutionnels au plus haut niveau, celui du gouvernement et de l’administration centrale. Un exemple parmi d’autres : la fonction du Président du conseil est improprement traduite par Premier ministre, ce qu’il n’est pas sous la IVe République. Et non, de Gaulle n’a pas fondé la IVe République ! (p. 106). On pourra donc regretter que l’éditeur, malgré la qualité graphique et esthétique de l’ouvrage, n’ait pas fourni un travail de relecture plus rigoureux. Des noms de personne sont régulièrement écorchés (Lyautey prénommé Louis, Schuman, etc.).
L’historienne Raphaëlle Branche fouille de son côté dans les plis de la mémoire des appelés et de leur famille, un sujet déjà exploré depuis la guerre, mais auquel elle donne une épaisseur nouvelle. Parmi d’autres, les travaux de Claire Mauss-Copeaux [4], s’appuyant notamment sur les photographies, constituaient un jalon important. Raphaëlle Branche étudie le conflit algérien depuis plusieurs décennies. Ses travaux reconnus sur la torture et l’armée ont contribué, au début des années 2000, à alimenter le débat public en France autour des mémoires de la guerre d’Algérie.
Professeure à l’université de Paris-Nanterre, elle joue un rôle majeur dans la recherche en France sur l’Algérie coloniale. Son mérite est d’inscrire ces témoignages dans le contexte social et culturel de la génération des appelés, qu’elle maîtrise de manière remarquable, et d’étudier la transmission de cette mémoire, souvent douloureuse et marquée par le silence. Elle rappelle justement que ce silence n’est pas seulement celui des appelés, mais bien aussi celui des familles. Elle pose donc d’emblée la famille comme objet d’étude de son enquête :
Parce qu’elles sont des espaces fondamentaux de transmission de valeurs et de récits et qu’elles contribuent à l’identité de chacun de ses membres comme à l’existence du collectif familial, les familles sont un chaînon essentiel pour saisir le poids de l’expérience algérienne en France. (p. 8)
Dans ce cadre, tout est source pour l’historienne. Raphaëlle Branche puise dans les lettres bien sûr (qui permettent d’avoir un aperçu de la perception des parents), les journaux intimes, les paroles rapportées. À partir de 300 réponses à ses différents questionnaires [5], elle a choisi 39 familles avec lesquelles elle a effectué des entretiens familiaux.
Pour ce dernier exercice, tout en étant consciente des effets produits par sa présence, bien connus des sociologues, elle a pu observer les silences, les gestes et les intérieurs souvent porteurs de sens, interroger les choix de vie au regard de l’expérience algérienne. Ce matériau très riche a été complété par des archives d’hôpitaux psychiatriques qui constituent l’une de ses sources les plus originales. Elles lui ont permis de comprendre comment l’expérience de la guerre a induit des perturbations et de quelle manière la société française a traité ces traumatismes. Sur ce point, Raphaëlle Branche trouve plus de points communs avec la guerre menée par les appelés soviétiques en Afghanistan plutôt qu’avec celle du Vietnam.
L’étude est d’autant plus fructueuse que l’expérience de la guerre a lieu pour les appelés lorsqu’ils ont 20 ans, moment charnière au cours duquel ils quittent leur famille pour en fonder une nouvelle. Les premiers chapitres examinent le premier cadre familial dans lequel les futurs appelés ont grandi, notamment la place des mémoires des conflits précédents. L’un des mérites du livre est de montrer que l’expérience de la guerre se situe pour ces hommes à un tournant dans l’évolution de la structure familiale en France.
La famille connaît entre les années 1950 et aujourd’hui des transformations considérables, qui se cristallisent en grande partie au cours des années 1960 et 1970, décennies au cours desquelles grandissent les enfants des appelés. Dans les familles où ils ont grandi, les appelés ont « des rôles nettement plus fixes que dans les familles qu’ils forment ensuite » (p. 464). La transmission est compliquée par le regard que porte la société sur ce qu’elle refuse obstinément de nommer « guerre », manière d’imposer le silence à ceux qui la font. Même si peu de Français sont dupes, l’écart de langage élargit le fossé déjà immense. Il faudra du temps aux uns et aux autres pour, éventuellement, faire évoluer la transmission.
Le travail de Raphaëlle Branche permet de mieux comprendre la grande variété des expériences de la guerre liée à sa durée et aux formes nombreuses qu’ont prises les participations des conscrits. Cette variété est rendue plus complexe par la diversité des opinions et des attitudes face à la guerre confrontée à la réalité du terrain. La mémoire de cette expérience est toujours sélective, de manière consciente ou non.
Finalement, Raphaëlle Branche met en évidence plusieurs configurations de silences familiaux. Il peut y avoir consonance entre l’appelé et la famille, mais aussi dissonance. Dans ce dernier cas, le silence familial agit comme une protection dont il sera possible de sortir partiellement et très progressivement, sauf si la sortie du silence implique des effets délétères au sein même de la famille. Dans tous les cas, la transmission évolue avec le temps. Ce livre propose donc une synthèse magistrale qui ne scelle pas cette histoire, mais ouvre au contraire de nouvelles perspectives. Un seul regret, l’absence en fin de volume de brèves biographies familiales.
Natalya Vince s’intéresse également aux rapports familiaux, mais du point de vue des femmes algériennes ayant combattu contre l’armée française. Professeure à Portsmouth, elle a consacré sa thèse à leur parcours, pendant et après la guerre d’indépendance. Dans son livre, qui incarne la richesse d’une écriture de l’histoire de l’Algérie qui dépasse le tête-à-tête franco-algérien, elle donne la parole à 27 d’entre elles. Elle vient d’ailleurs de publier en anglais une synthèse très stimulante sur la guerre.
Raconter l’histoire et le rôle des femmes pendant la période de la guerre est un exercice délicat. La difficulté de trouver des archives permettant de dire l’histoire de l’Algérie depuis l’indépendance a naturellement conduit Natalya Vince vers l’histoire orale. Elle évoque une triangulation des sources dans laquelle les biais sont nombreux.
D’abord, les archives de l’époque, révélatrices des angoisses et des intentions autant que des actions de l’armée française comme du FLN. Ensuite, les témoignages des femmes, recueillis en 2005, qui sont au cœur du travail de l’historienne dont le regard constitue un autre biais possible. Enfin, les expériences de vie postérieures. Elle fait le pari d’une « histoire par en bas », perspective intéressante, mais dont on peut parfois mettre en doute la réalité.
En effet, la plupart des femmes interrogées ont acquis un statut relativement élevé au sein du nouvel État et le nombre de femmes issues du monde rural est plutôt faible. Mais Natalya Vince n’a pas souhaité réaliser une enquête quantitative. Il s’agit pour elle de suivre des individus sur plusieurs décennies et de faire la part des contingences et des choix, tout en les inscrivant dans un cadre plus général.
De même, la reconstruction inévitable, un demi-siècle plus tard, rend parfois l’utilisation des témoignages difficiles. Même si les recherches de l’auteure ont été menées pendant de nombreuses années, son ouvrage est sans doute très marqué par le moment dans lequel les témoignages ont été recueillis. Le milieu des années 2000 voit le début d’un nouveau cycle de la mémoire algérienne, au cours duquel la guerre d’indépendance conserve son rôle de moment fondateur alors même que la violence des années 1990 (peut-être trop peu évoquées ici), qui entre parfois en écho avec celle de la guerre, est recouverte par les lois d’amnistie voulues par Bouteflika.
De manière très fine, Natalya Vince sait lire entre les lignes, interpréter les hésitations, les silences de ses interlocutrices. Elle est pleinement consciente des biais et n’a de cesse de contextualiser leurs propos. Elle varie les focales pour mieux nous faire comprendre ce que chaque trajectoire a de singulier et comment elle s’inscrit dans une histoire plus vaste dont les femmes interrogées n’ont parfois pas conscience au moment de la guerre, à commencer par la question du genre.
L’auteure déconstruit la focalisation habituelle sur la question de la guerre comme parenthèse ou rupture majeure pour les femmes, qui fait courir le risque d’une lecture rétrospective simplifiant à outrance la complexité de la situation au début des années 1960. Pendant la guerre, la France et son armée ont fait des femmes algériennes un enjeu du conflit [6]. Du côté des maquisards du FLN, le récit rétrospectif mettant en avant la situation des combattantes et des combattants comme « frères et sœurs » a pu avoir pour but de rendre publiquement acceptables des relations de proximité qui étaient potentiellement porteuses de trouble pour la société.
En étudiant la situation des femmes par-delà la rupture politique de 1962, Natalya Vince remet en question le mythe habituel du « retour à la cuisine » des femmes algériennes. Si chaque cas fut particulier, de nombreuses femmes ont trouvé dans ce nouveau pays à construire des rôles importants – à défaut d’accéder aux commandes. Elle s’intéresse à l’Algérie nouvellement indépendante, dont elle dit justement qu’elle reçoit moins d’attention des historiens, comme si l’histoire s’était arrêtée au moment de l’indépendance. Dans la lignée de sa thèse, elle s’est aussi intéressée aux étudiants et jeunes diplômés de la jeune Algérie. Grâce à l’histoire orale, elle met en évidence les contradictions et les compromis de la construction de la nation et de l’État au travers de l’examen du devenir des femmes combattantes jusqu’à aujourd’hui.
Un des axes importants du livre est le constat que les usages du passé dans l’Algérie d’aujourd’hui suivent des codes qui permettent de ne pas remettre en cause l’importance et la centralité de la guerre d’indépendance. Sur le statut et le rôle de la mémoire de la guerre dans l’Algérie d’aujourd’hui, Natalya Vince démontre qu’elle demeure la métaphore structurante en raison de sa flexibilité. Les femmes qui critiquent le régime en se réclamant de la guerre d’indépendance remettent en question l’État issu de cette même guerre dans laquelle il a puisé sa légitimité, mais sans miner l’importance sociale du conflit comme fondement de la société.
Le terme mudjahidat (équivalent féminin pluriel de mudjahid, combattant du djihad au sens littéral, de la guerre d’indépendance dans ce cas) est revendiqué par plusieurs de ces femmes au début des années 1980, lorsque le débat sur un nouveau code de la famille, voulu par le président Chadli, les fait sortir de leur réserve et puiser dans le référentiel de la guerre pour affirmer leur légitimité. Alors que la plupart de ces femmes refusaient jusque-là de se voir comme féministes, le code de 1984, finalement adopté, change la donne. Regrettons que la conception du féminisme qu’ont ces combattantes soit finalement peu étudiée.
Autre aspect au cœur de l’ouvrage, la question de l’oubli, étudié comme une manière de se protéger contre une mémoire dangereuse ou douloureuse. L’auteure prend comme exemple la question du viol. Ces viols commis par les soldats français [7], très nombreux en particulier au moment du plan Challe, demeurent largement tabous en Algérie. Leur nombre a rendu impossible le sort habituellement réservé par la société algérienne à celles qui ont perdu leur « honneur », celui d’un rejet de la victime.
Dès lors, l’oubli a constitué la seule issue possible. À de rares exceptions près, les viols n’ont été abordés que de manière codée (« on leur a pris leur honneur », « monstruosités », celles qui ont « souffert »). Celles qui ont choisi d’en parler, au moment de la guerre (Djamila Boupacha) ou plus récemment (Louisette Ighilahriz) se sont retrouvées très isolées, posant un problème à leur famille comme à leurs camarades de combat ayant vraisemblablement subi le même sort. Par rapport au récit officiel, elles brisaient le tabou officiel (« un seul héros, le peuple ») en mettant en avant leur situation personnelle. Les récits officiels parlent des viols, mais les victimes sont toujours décédées ou anonymes.
Au terme de cet aperçu, nous constatons que ces trois historiennes nous permettent de mieux comprendre l’histoire de l’Algérie et de la France contemporaines en dépassant les ruptures chronologiques traditionnelles. Elles révèlent admirablement les continuités et les ruptures, qu’elles parviennent à mettre en évidence grâce à des démarches faisant appel aux ressources de la sociologie, de la psychologie, de la psychiatrie, de l’architecture et de l’urbanisme.
Ces approches font également varier les échelles d’analyse, articulant l’individuel et le collectif, au sein de la famille comme de la société. En s’attachant aux trajectoires des individus, ces historiennes situent leurs études à l’intersection de nombreuses problématiques qui, loin de s’exclure, s’enrichissent mutuellement et améliorent notre compréhension de cette histoire douloureuse.
par , le 29 avril 2021
• Natalya Vince, The Algerian War. The Algerian Revolution, Palgrave, 2020.
• Dorothée-Myriam Kellou, “À Mansourah, tu nous as séparés”, Long métrage documentaire, Les films du bilboquet, 2019.
• Thierry de Lestrade et Sylvie Gilman, « Algérie, la guerre des appelés », documentaire, France 5, 2019.
• P. Bourdieu et A. Sayad, Le déracinement. La crise de l’agriculture traditionnelle en Algérie, Minuit, 1964.
• Kamel Kateb, Nacer Melhani et M’hamed Rebah, Les déracinés de Cherchell. Camps de regroupement dans la guerre d’Algérie (1954-1962), INED, 2018.
Étienne Augris, « Histoires d’Algérie », La Vie des idées , 29 avril 2021. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Henni-Architecture-contre-revolution
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[1] Son travail s’est prolongé dans une exposition itinérante utilisant le riche matériau dans lequel elle a puisé, notamment les photographies aériennes des archives françaises : “Discreet Violence : Architecture and the French War in Algeria”, 2017 – 2019.
[2] Fabien Sacriste, Les camps de « regroupement » : une histoire de l’État colonial et de la société rurale pendant la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962), thèse d’histoire sous la direction de Guy Pervillé et Jacques Cantier, Université de Toulouse 2, 2014 (à paraître).
[3] Dorothée Myriam Kellou et Thomas Dutter, « Enquête à la première personne : l’Algérie des camps », Podcast, France culture, octobre 2020.
[4] Claire Mauss-Copeaux, Appelés en Algérie. La parole confisquée, Hachette, 2002 ; et À travers le viseur. Images d’appelés en Algérie, 1955-1962, Aedelsea, Lyon, 2003.
[5] Les questions posées aux différents types de personnes (appelé, épouse, enfant, frère, sœur) peuvent être consultées en ligne.
[6] À ce sujet, Neil Macmaster, Burning the veil. The Algerian war and the ‘emancipation’ of Muslim women, 1954–62, Manchester University Press, 2009.
[7] Sur ce sujet, Florence Beaugé, « Guerre d’Algérie : le tabou des viols commis par des militaires français », Le Monde, 17 mars 2021