Le patriarcalisme s’est constitué en grande partie en effaçant les voix des femmes, plus encore en les poussant à s’effacer elles-mêmes. Le cinéma permet de démasquer cette stratégie misogyne.
Le patriarcalisme s’est constitué en grande partie en effaçant les voix des femmes, plus encore en les poussant à s’effacer elles-mêmes. Le cinéma permet de démasquer cette stratégie misogyne.
Le terme « gaslight », ainsi que ses dérivés (gaslighting, être gaslighté) [1], définit des situations de manipulation psychologique visant à rendre folle une personne ; il caractériserait même notre époque, comme en atteste son entrée dans le langage courant [2]. Dans un contexte politique où la vérité factuelle ne semble plus compter comme norme du sens commun, la popularité du mot « gaslight » tient, sans aucun doute, de sa puissance d’évocation, de l’effroi qu’il peut susciter. Qui n’a en effet jamais vécu cette situation insupportable, dans laquelle notre parole, notre perception même de la réalité est décrédibilisée par une personne qui la met en doute ?
Si de nombreuses personnes peuvent se reconnaître dans l’expérience du gaslighting, ce phénomène n’avait pas encore fait l’objet d’une définition philosophique. Le livre d’Hélène Frappat vient combler ce manque, en mêlant au travail conceptuel de la philosophie le regard de la cinéphile et les outils du féminisme. Avant même d’être un mot qui désigne une stratégie de manipulation psychologique misogyne – a fortiori un concept philosophique –, Gaslight (Hantise en français) est le titre d’un film de George Cukor, réalisé en 1944. Ce « film-matrice » (p. 41) met en scène les stratégies qu’élabore Gregory (interprété par Charles Boyer) pour rendre folle son épouse, Paula (Ingrid Bergman). Le mari, tel un évaporateur (traduction possible de « gaslighteur »), fait disparaître des objets en persuadant son épouse que c’est elle qui les égare. Mais c’est surtout la manipulation, par le mari, de la luminosité des lampes à gaz (gaslight), qui fait écho à l’obscurité qui envahit l’esprit de Paula, hantée par le doute.
La mise en scène de ce doute, dans le cadre d’une relation conjugale hétérosexuelle, est à la fois l’objet du film de Cukor et de l’essai philosophique d’Hélène Frappat. L’autrice propose de circonscrire un genre cinématographique spécifique, les gaslight movies, « hantés par une même obsession : le mariage comme mise à mort de la voix d’une femme » (p. 123). Avec Hantise, trame et fil conducteur de cette enquête généalogique [3], il s’agit de montrer que le cinéma est un art qui peut anticiper jusqu’aux enjeux politiques majeurs d’une époque. L’apport mutuel du cinéma et de la philosophie dans l’élucidation du gaslighting rapproche cet essai d’un ouvrage de Stanley Cavell, philosophe américain spécialiste du cinéma, sur le « mélodrame de la femme inconnue » [4], genre auquel appartiendrait, justement, Gaslight. Si le livre d’H. Frappat s’inscrit dans la continuité des analyses de Cavell, il propose toutefois d’élaborer autour du concept de gaslighting une vision à la fois plus spécifiquement « européenne » (p. 54), et plus ample, plongeant le regard analytique aussi bien dans le passé (les tragédies et la philosophie antiques) que dans l’actualité (Trump, le « post- » fascisme italien de Fratelli d’Italia, le macronisme…).
Hantise / Gaslight, George Cukor (1947)
Ce changement d’échelle est au cœur du livre d’H. Frappat. Il pose la question de la continuité entre l’évaporation de la femme, dans le cadre privé du mariage hétérosexuel, et la violence de la manipulation politique contemporaine. Quelles relations causales est-il possible d’établir entre l’analyse de la logique de l’une et les enjeux politiques de l’autre ?
La pointe argumentative de cet essai me paraît tenir dans la démonstration de la logique criminelle du gaslighting. H. Frappat décrit le film de George Cukor comme une « œuvre spectrale » (p. 13). L’ambiance de Gaslight – le brouillard d’un square londonien, les lueurs des lampes à gaz – a en effet une puissance d’évocation saisissante si l’on rappelle l’année de sortie du film : 1944 [5].
Dans Gaslight, mais aussi Une femme disparaît, film d’Alfred Hitchcock sorti en 1938 et avec lequel il forme selon l’autrice un diptyque, le gaslighteur cherche à convaincre sa victime qu’elle n’a jamais existé et à convaincre que la victime n’a jamais existé. Ces deux films anticiperaient « l’extermination des victimes du nazisme et la négation de leur destruction, simultanément » (p. 46). Le chapitre intitulé Ultimi Barbarorum – traduit par la suite dans le livre par « les derniers des barbares à ce jour » – s’ouvre ainsi sur l’idée que le gaslighting serait « la matrice du négationnisme » (p. 165). L’expression est forte. Elle est aussi engageante, car dans la perspective généalogique proposée dans cet essai, le gaslighting conjugal joue le rôle de paradigme pour mieux comprendre la violence du négationnisme. Quitte à estomper les spécificités socio-historiques ? Il est en tout cas certain que les mécanismes du gaslighting et du négationnisme – on pourrait y adjoindre la question de la post-vérité – présentent des affinités électives. Tous deux nient les vérités factuelles et historiques indispensables pour qu’un individu ou une communauté puissent s’orienter dans l’existence et, simultanément, pour acquérir une existence sociale, une mémoire commune.
Une Femme disparait / The Lady Vanishes, Alfred Hitchcock (1938)
La fausse logique – ou vrai sophisme – du crime parfait consiste, dans cette perspective, à dire qu’il n’y a jamais eu de crime, parce que les victimes (mais le « parce que » n’a ici que l’apparence de la logique), réduites au silence, ne peuvent pas témoigner et apporter la preuve de leur anéantissement. Si anticipation il y a dans le film de Cukor, celle-ci porte donc assurément sur la logique du négationnisme, qui pervertit toute logique même, et il est essentiel de rappeler ici une chose importante que souligne H. Frappat : le gaslighteur ne tue pas (alors qu’il le pourrait). L’objectif de Gregory n’est en effet pas tant d’assassiner littéralement son épouse que de la déposséder de sa parole, de logos, c’est-à-dire en même temps de sa raison.
Le gaslighting relèverait-il alors d’une logique de guerre aux femmes ? [6] Avec cette expression, il s’agit de poser la question de la nature de la déshumanisation des femmes dans le cadre conjugal et dans l’espace public [7]. Le problème, en somme, est celui de la production du partage public/privé – la sphère privée étant définie par l’absence de témoins attestant de la disparition d’une femme. L’autrice, citant Rebecca Solnit [8], rappelle que le gaslighting est une des stratégies, parmi d’autres, à disposition des hommes violents dans le couple, dans un ensemble nommé « contrôle coercitif ». Cette expression décrit, selon le sociologue Evan Stark, un schéma d’isolement, d’intimidation et de contrôle de la victime (p. 51). Ce schéma s’inscrit lui-même dans un continuum dont la pointe est le féminicide [9]. Si le mot n’est pas présent dans le livre, sa présence est, dans les gaslight movies, bien réelle, et d’abord dans le film de Cukor. Si Gregory ne tue pas Paula – alors qu’il le pourrait – c’est parce qu’il cherche les bijoux de sa tante qu’il a étranglée, et dont elle est l’héritière. L’arrière-plan du gaslighting est ainsi bel et bien occupé par une logique féminicidaire.
Pour résumer, la tactique du gaslighteur vise à produire, par l’abolition de la distinction entre vrai et faux, un sentiment de déréalisation chez sa victime. L’isolement de la victime vis-à-vis du monde extérieur se double alors d’une disparition subjective [10], la victime allant jusqu’à s’autogaslighter et à douter de ses propres perceptions. Pourtant, H. Frappat montre bien que le pouvoir du gaslighting ne se réduit pas à la simple destruction des vérités factuelles. Le gaslighting, conçu comme « logologie » [11] (p. 165), est aussi un discours qui fait être, qui fait advenir une réalité (alternative), dans laquelle toute la question sera de savoir « qui est le maître », pour reprendre les mots d’Humpty Dumpty dans Alice au pays des merveilles. Le gaslighting est tout ensemble un art oratoire et un crime contre le langage. Plusieurs expressions de cet essai vont dans ce sens : le gaslighting est « un crime contre la logique » (p. 45), un « assassinat de la vérité » (p. 155), c’est aussi un « régime barbare de langage » (p. 175) : « qu’on lui coupe la tête ! (au langage) » (p. 81).
H. Frappat retrace, dans la perspective d’une lecture genrée du partage public/privé, la longue histoire de la disqualification de la voix des femmes. Aristote en fut l’un des premiers théoriciens, dans le Traité de la génération des animaux, par exemple, où il proclame la supériorité « des sons graves et des voix basses sur les voix aiguës » (p. 98). Une telle disqualification (politique) de la voix des femmes se présente comme une « censure immémoriale qui se fossilise aussi en autocensure » (p. 109) [12]. Les références à la poétesse et helléniste Anne Carson, autrice d’un essai sur le genre du son [13], démontrent le caractère intrinsèquement misogyne du gaslighting.
Sueurs froides / Vertigo, Alfred Hitchcock (1958)
L’énigme, pourtant, subsiste : pourquoi, au juste, le gaslighteur « trouve-t-il la voix féminine insupportable » (p. 97, souligné par l’autrice) ? Les métaphores en usage dans les théories médicales de la Grèce et de la Rome antiques sont éloquentes : la femme aurait deux bouches dont elle ne pourrait pas contrôler l’effusion. Le « flux » verbal féminin ne serait pas ordonné par le logos. L’intérieur, en s’extériorisant sans maîtrise ni pudeur, troublerait l’ordre social. La raison de ce genre de pseudo-rationalisations se dégage peu à peu : il s’agit d’étouffer, de censurer les revendications sociales portées par les femmes et dont les hommes ont peur. La sphère publique ne saurait par exemple tolérer les excès de « la protestation des larmes » des mères endeuillées – pour reprendre, justement, le titre de l’ouvrage de Cavell – que le législateur athénien Solon avait cherché à réglementer [14]. « Le silence est le cosmos des femmes » déclare ainsi Sophocle (p. 105). Or ce monde silencieux, qui est celui dans lequel les hommes projettent la beauté des femmes, est un désert de « désolation ». Ce mot désigne, selon l’autrice qui reprend ici le sens que lui donne Hannah Arendt, non pas une solitude « vivante et créatrice » (p. 64), mais l’expérience d’un isolement mortifère. Le gaslighting conjugal enferme sa victime dans une domesticité privée de joie autant qu’elle est privée de témoins.
Si quelqu’un voulait sans cesse susciter des doutes en moi et me parlait ainsi : là, ta mémoire te trompe ; ici, tu as été dupe, et là encore tu ne t’es pas suffisamment assuré, etc., et si je ne me laissais pas ébranler mais m’accrochais à ma certitude – cela ne peut être une mauvaise réaction puisque c’est justement cela qui définit un jeu.
Wittgenstein, De la certitude, §497.
Le gaslighteur conjugal cherche à ce que sa victime doute de ses certitudes les plus fondamentales. C’est là que réside essentiellement le danger, à la fois existentiel et politique, du gaslighting : par le travail de sape des convictions qui soutiennent notre image du monde et dont il n’aurait pas de sens de douter. Ces convictions fondamentales sont aussi à l’origine d’un accord dans le langage qui permet seul à une conversation entre égaux d’avoir lieu.
L’essai soulève d’ailleurs la question de savoir si dans le mariage hétérosexuel, l’égalité dans la conversation est seulement possible, ou bien si cet horizon d’attente, celui d’une liberté entre égaux, relève du « miracle » (p. 116). C’est bien ici à la pensée politique d’Arendt plutôt qu’à la philosophie de Wittgenstein qu’Hélène Frappat fait appel pour établir le lien de continuité entre la dimension individuelle et politique du gaslighting. Pour Arendt, en effet, « la négation délibérée de la réalité – la capacité de mentir –, et la possibilité de modifier les faits – celle d’agir – sont intimement liées » [15] (citée p. 49). Si notre époque se caractérise par « l’évaporation de l’usage humain du langage » (p. 162), il n’est alors plus possible de s’orienter dans l’existence ni d’agir collectivement. La mémoire même est évaporée, et avec elle, la capacité à forger un récit (de soi et collectif).
Comment, dans ces conditions, est-il possible de s’en sortir (sans sortir) ? Comment échapper à l’emprise du gaslighteur, si ce n’est avec l’aide d’une tierce personne, d’un témoin ? Par l’ironie et le retournement du stigmate d’abord, comme Paula dans Gaslight qui retourne contre son bourreau ses propres procédés : elle revendique sa folie et renoue avec la joie du langage (p. 244). Grâce aussi à la figure éthique du témoin, centrale dans cet essai : celui-ci a pour fonction de rendre à la victime du gaslighting sa crédibilité et sa gloire, dans une lutte pour « conquérir le droit de raconter son histoire » (p. 122). Le témoin n’est d’ailleurs pas nécessairement une personne, cela peut-être un journal intime, lequel permet de renouer un dialogue avec soi-même, de retrouver la capacité à raconter son expérience.
La figure du récit est en effet liée à celle du témoin. Le récit est défini comme une « élaboration collective qui relie l’existence d’un être humain à une réflexion qui la transcende » et comme une pratique humaine du langage dont l’usage des mots repose sur un commun accord (p. 54). Il a ici pour fonction d’honorer la mémoire des femmes manquantes. L’autrice cherche dans cette perspective à susciter l’expérience de renversement du regard qu’elle-même a su trouver dans le film de Cukor [16], c’est-à-dire à nous faire entrer en empathie avec la victime, afin de produire un devenir-témoin du spectateur/lecteur.
On peut alors dire : « On vous croit ». Le slogan féministe des colleuses contre les féminicides renverse la charge de l’incrédulité dont la parole des femmes a historiquement été entachée – les murs aussi sont des témoins (p. 232). L’immense majorité des crimes sexuels sont commis par des hommes contre des femmes : cette vérité factuelle implique que le mot d’ordre « croire les femmes » est une manière de former nos croyances en accord avec les faits. On rappellera simplement que le maniement de ce principe de solidarité épistémique doit être complété par une perspective intersectionnelle à l’écoute, par exemple, des femmes noires et dalits, lorsqu’elles disent que ce principe peut se retourner contre les hommes de leur communauté [17].
Le Gaslighting, ou l’art de faire taire les femmes, réussit à constituer le gaslighting en véritable objet philosophique et filmique. Ce livre, précisément parce qu’il propose une conceptualisation du gaslighting comme fait social et politique structurant du pouvoir patriarcal, et parce qu’il dévoile clairement le mécanisme d’une tactique masculine d’oppression [18], constitue un apport intéressant pour le féminisme.
Que l’analyse déployée dans cet ouvrage soit restreinte au genre cinématographique du gaslight movie, c’est-à-dire au modèle du mariage hétérosexuel d’un couple (sans enfants), se justifie dans la mesure où le modèle hétéronormé du couple demeure structurellement inégalitaire. La spécificité du gaslighting conjugal et le rapport de continuité qu’il forme avec le gaslighting politique sont aussi clairement posés.
À la lecture de l’essai, on peut toutefois se demander s’il n’aurait pas été utile de thématiser cette spécificité en la situant, d’un côté, encore davantage au sein de la multiplicité des théorisations féministes de l’oppression masculine [19], et de l’autre, en la comparant à d’autres formes de gaslighting. Par exemple, le concept très récent, mais donc aussi très peu établi, de racial gaslighting, ou racelighting, qui a émergé dans le sillage du meurtre de George Floyd et du mouvement Black Lives Matter, a pour objectif de tenir compte de la spécificité du gaslighting visant les personnes racisées. Que dire des enfants, qui semblent être les grands absents du genre gaslight movie, alors même que ce sont sans doute la catégorie de personnes la plus structurellement gaslightée. Sans prétendre à l’exhaustivité, la notion de gaslighting se décline également dans un contexte médical, et concerne tout public vulnérabilisé (sur l’axe du handicap, de l’âge, etc.).
La diversité de ces exemples de gaslighting et des injustices qu’elles entretiennent pourrait par exemple bénéficier de l’apport, en épistémologie, du concept d’injustice testimoniale, proposé par la philosophe Miranda Fricker pour décrire le défaut de crédibilité attribué au témoignage de certaines voix, en raison de la position sociale, du genre, ou de l’origine du témoin [20].
Le gaslighting paraît ainsi structuré par différentes histoires de silenciation et d’effacement social qui demanderaient à être examinées et comparées avec précision. Alors, peut-être qu’en redonnant une gloire aux histoires tues, on arriverait à quelque chose qui ressemblerait à une conversation démocratique.
par , le 31 mai
Tanguy Grannis, « L’évaporation des femmes », La Vie des idées , 31 mai 2024. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Helene-Frappat-Le-Gaslighting
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[1] L’autrice propose d’introduire le terme gaslight et ses dérivés dans la langue française. Ces mots ne sont donc pas mis en italiques.
[2] Élu mot de l’année 2022 par le dictionnaire en ligne Merriam Webster.
[3] Il s’agit d’une enquête généalogique sur le gaslighting comme structure sociale, et non d’une enquête psychologique sur les mobiles du gaslighteur.
[4] Stanley Cavell, La protestation des larmes. Le mélodrame de la femme inconnue, Paris, Capricci, coll. « Cinémas », 2012.
[5] De façon ironique, le film de l’Américain Cukor est une adaptation de la pièce de théâtre du dramaturge britannique Patrick Hamilton, Gas Light (1938), dont une première version cinématographique fut tournée en 1940 et que les studios hollywoodiens ont cherché à faire disparaître. Hélène Frappat montre en effet l’ironie de la situation, dans la mesure où certaines personnes ont pu déclarer avoir vu une version britannique de Gaslight sans pouvoir en apporter la preuve (le film est aujourd’hui disponible).
[6] « Féminicides, la guerre mondiale contre les femmes, Épisode 4/4 : Ils voulaient nous enterrer… », un documentaire de Pauline Chanu, réalisé par Marie Plaçais, France Culture, LSD, 11 avril 2024, avec une intervention d’Hélène Frappat.
[7] Rita Laura Segato, La guerre aux femmes, Paris, Payot, 2021. Segato distingue les féminicides des fémigénocides sur la base de la distinction privé/public. Voir en particulier p. 236. Mais cette distinction pose problème car elle est, selon Segato, un produit de la modernité qui tend à privatiser tous les crimes sexuels, à les renvoyer à la sphère domestique.
[8] Autrice d’un essai sur la mansplaining : Rebecca Solnit, Ces hommes qui m’expliquent la vie, Paris, Éditions de l’Olivier, 2018.
[9] Christelle Taraud (dir.), Féminicides, une histoire mondiale, Paris, La Découverte, 2022. Le continuum féminicidaire décrit l’ensemble des violences qui participent à la domestication, la chosification, l’anéantissement des femmes.
[10] On peut déceler un paradoxe apparent dans le fait, qu’en même temps, les femmes sont dans l’espace public hyper-visibles, en proie au harcèlement et à la menace du viol. Cette situation amène notamment l’écrivaine américaine Rebecca Solnit à développer un « art de l’inexistence » (citée p. 227). L’effet reste cependant le même : l’évaporation de la femme par autogaslighting ou autocensure.
[11] La référence est à Barbara Cassin, L’effet sophistique, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 2022, p. 73.
[12] Cette disqualification se poursuit encore aujourd’hui à travers le qualificatif d’« hystériques » décerné par des hommes aux femmes politiques. À écouter : « Les fantômes de l’hystérie – Histoire d’une parole confisquée, Épisode 3/4 : Sortir de la maison hantée – Le retour des refoulé.e.s », un documentaire de Pauline Chanu, réalisé par Annabelle Brouard, France Culture, LSD, 15 mars 2023, dans lequel intervient également Hélène Frappat.
[13] Anne Carson, « The Gender of Sound », dans Glass, Irony and God, New York, A New Directions Book, 1992.
[14] Nicole Loraux, Les Mères en deuil, Paris, Éditions du Seuil, 1990.
[15] Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, Paris, Calmann-Lévy, 1979, p. 9.
[16] Voir le dernier chapitre du livre.
[17] Amia Srinivasan, Le droit au sexe, Paris, Puf, 2022, p. 39 et 52.
[18] Le gaslighting étouffe littéralement la personne qui en est victime.
[19] Les références allant par ailleurs pour la plupart à des autrices anglo-saxonnes, on peut finalement se demander pourquoi l’ambition annoncée en début d’ouvrage était d’inventer une vision « européenne » du gaslighting.
[20] Miranda Fricker, Epistemic Injustice : Power and Ethics of Knowing, Oxford, Oxford University Press, 2007.