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Dossier / Travailler mieux, un recueil de propositions

Décourager le recours aux horaires atypiques
Proposition 4


par François-Xavier Devetter & Julie Valentin , le 13 septembre


Pour lutter contre la désynchronisation croissante des rythmes de vie personnelle et familiale d’un côté et professionnelle de l’autre, il faudrait instaurer une majoration des horaires de travail décalés dans la journée ou le samedi.

Conditions de travail difficiles, perte de sens, manque de reconnaissance, accidents et maladies professionnelles, les maux du travail sont nombreux. Fondé sur les acquis des sciences du travail, le recueil de propositions « Travailler Mieux » vise à répertorier les mesures susceptibles d’améliorer la qualité du travail en France.

Le problème

Les évolutions du marché du travail et des rythmes de vie ont conduit à une bien plus grande flexibilité du temps de travail. Si certains groupes sociaux y ont gagné plus de souplesse et un accès accru à certains services, notamment de loisir ou de confort, d’autres catégories de travailleurs subissent une désynchronisation croissante de leurs rythmes de vie personnelle et familiale d’un côté et professionnelle de l’autre (Devetter et Valentin, 2024). La réglementation actuelle des horaires de travail ignore largement ces enjeux : seuls la nuit (dans une acception assez restrictive) et le dimanche font l’objet de compensations pour les travailleurs dans la loi ou les conventions collectives. Pourtant d’autres périodes de la semaine (samedi) ou de la journée (entre 6h00 et 8h00 ou entre 18h00 et 22h00) sont particulièrement pénalisantes pour les salariés qui y sont confrontés. Parfois le recours à ces horaires est nécessaire pour répondre à une demande, mais il génère alors une valeur supérieure dont les salariés ne bénéficient pas. Dans d’autres cas, ces horaires sont utilisés pour des raisons de simplicité organisationnelle (comme dans la propreté) voire comme un moyen d’accroître la ségrégation des lieux de travail (Godechot et al., 2023).

La proposition :

Instaurer une majoration des horaires de travail décalés dans la journée (entre 6h00 et 8h00 ou entre 18h00 et 22h00) ou le samedi.

Comment ça marche ?

Décourager le recours aux horaires atypiques et/ou compenser le coût social de ces dernières pour les salariés peut passer par une majoration de ces créneaux à l’image de ce qui existe déjà pour les horaires de nuit. Ce type de majoration peut être forfaitaire (+2€ après 18h00) afin d’agir d’autant plus fortement que les salaires sont faibles ou correspondre à un pourcentage du salaire. La fixation du niveau de ce type de majoration peut relever des négociations entre partenaires sociaux au niveau interprofessionnel ou à celui des branches. Pour autant la fragilité des organisations syndicales dans les secteurs les plus concernés requiert la définition de minima légaux d’ordre public (comme les 10% pour les heures supplémentaires) et suffisamment élevés pour influencer l’organisation des plannings ou du moins compenser les pénibilités de ces horaires.

Sur quels travaux de recherche la proposition est-elle fondée ?

Les recherches relatives à la flexibilisation des temps de travail ont souligné, depuis bien longtemps, les coûts sociaux du développement des horaires atypiques, tant pour la santé que pour la vie familiale (Barthe et al, 2004). Ils soulignent également le rôle que peuvent jouer les majorations salariales (Rubery et al. 2006, pp. 123-151). Au-delà du travail de nuit et du week-end, diverses expériences internationales existent, notamment dans les pays nordiques, à l’image de la branche de la propreté Islandaise qui prévoit une majoration de 80% du salaire horaire avant 8h et après 17h.

Comment mettre en œuvre ?

Si ce type de régulation concerne l’ensemble des salariés, il touche tout particulièrement certains secteurs d’activité où les bas salaires sont fréquents (comme la propreté, l’aide à domicile, la restauration ou le commerce de détail). Dans ces professions, l’effet sur le coût du travail peut ne pas être anecdotique et ainsi inciter à des réorganisations jugées souhaitables y compris par les acteurs patronaux comme dans la Propreté. Lorsque ces réorganisations sont moins facilement envisageables (restauration par exemple), ce type de mesure peut aider à partager le coût social des horaires atypiques avec ceux qui en tirent profit (clients et employeurs).

par François-Xavier Devetter & Julie Valentin, le 13 septembre

Pour citer cet article :

François-Xavier Devetter & Julie Valentin, « Décourager le recours aux horaires atypiques. Proposition 4 », La Vie des idées , 13 septembre 2024. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Decourager-le-recours-aux-horaires-atypiques

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