Dossier coordonné par Wojtek Kalinowski, publié dans La Vie des Idées (version papier), numéro 15, septembre 2006.
H. A. Bengtsson retrace ici la genèse et les grands principes du modèle suédois. Il souligne son caractère multidimensionnel, mais également les importantes évolutions qu’il a connues ces vingt dernières années et les brèches qui y sont désormais ouvertes, notamment par les réformes libérales et la mondialisation.
Si sa performance macro-économique ne fait pas doute, le modèle suédois est menacé de l’intérieur par la crise du double compromis qui est à sa base : entre le capital et le travail, d’une part, et entre la classe ouvrière et les classes moyennes, de l’autre. Le premier fut rompu par la mondialisation, le second est menacé par le retour des inégalités salariales et le chômage.
L’état-providence suédois sape l’éthique du travail sur laquelle il repose. C’est la thèse d’Anders Isaksson, qui livre ici de façon emblématique la critique libérale du modèle suédois : conçue pour « activer » l’individu en lui garantissant une sécurité très étendue, la sécurité sociale est devenue une source alternative de revenus pour nombre d’individus.
Un type nouveau d’autorité publique émerge au sein l’État suédois, chargé moins d’exécuter les décisions politiques que d’influencer les décideurs et l’opinion publique. D’instrument neutre de la gouvernance démocratique, l’administration se transforme peu à peu en producteur d’idéologie, et s’avère souvent plus puissante que les partis politiques.
Si hégémonique soit-il, le parti social-démocrate suédois cherche désespérément son nouveau « grand récit ». Le thème du développement durable peut-il offrir à cet égard un bon horizon de substitution à un mouvement un peu usé ? C’est du moins ce qu’espère l’actuel Premier ministre, Göran Persson…
Le modèle social-démocrate suédois est-il soluble dans l’Europe ? Telle est l’interrogation soulevée par l’affaire Vaxholm qui opposa le syndicat national du bâtiment à une entreprise lettonne venue s’installer en Suède. Cette affaire a révélé un syndicalisme tiraillé entre solidarité et protectionnisme, mais aussi la part d’ombre du marché du travail européen.