Recensé : Gaël Giraud.
Illusion financière. Des subprimes à la transition écologique. Les Éditions de l’Atelier, 2014, 254 p.
- Les vues exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne représentent pas celles du FMI.
Comment l’Europe s’est-elle retrouvée dans un marasme économique aussi profond ? Quel projet de société peut apporter la prospérité à l’Europe et lui permettre de sortir de la déflation et du chômage de masse ? Comment, enfin, financer ce projet ? Ce sont les questions auxquelles Gaël Giraud, directeur de recherche au CNRS et notamment auteur de Vingt Propositions pour réformer le capitalisme (2009), tente d’apporter une réponse dans un livre audacieux, l’Illusion financière. Le fil d’Ariane tient en trois interrogations liées : comment réguler la finance pour garantir son utilité sociale ? Comment transformer les institutions européennes pour mobiliser la finance au service de la transition écologique ? S’agit-il d’un projet de société capable de générer une prospérité durable en Europe ?
Les propositions de Gaël Giraud sont à la hauteur de l’enjeu, la sévérité de son diagnostic du rôle des élites économiques et politiques dans la genèse de la crise n’étant égalée que par l’ampleur des changements concrets qu’il propose. Le cœur de sa thèse est simple. La finance de marché est le « veau d’or » dont nos élites n’osent se défaire mais qu’il faut pourtant remettre à sa juste place : celle d’une idolâtrie. La transition écologique (i.e., la décarbonation de l’économie, c’est-à-dire la transformation du système productif de façon à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre) est à la fois l’enjeu majeur du XXIe siècle et un projet de société capable de générer suffisamment d’emploi et de croissance pour sortir l’Europe de la dépression. Or le système financier européen est incapable de financer un tel projet étant donné son état sinistré et la domination des objectifs de rendement élevé à court terme. D’où la nécessité d’une impulsion politique, fondée sur une régulation financière forte et une politique monétaire et une gouvernance économique nouvelles, pour créer des sources de financement à la hauteur de la tâche.
Les marchés financiers : une contrainte illusoire
L’ « illusion financière » qui donne son titre au livre est la prospérité trompeuse (car sujette au retournement du cycle financier, comme en 2008) que nos économies financiarisées font miroiter (p. 73), ainsi que la contrainte exercée par les marchés financiers sur les politiques économiques (p. 15). Cette contrainte guide certaines politiques économiques néfastes à long terme, notamment la réduction à marche forcée des déficits publics. L’investissement public à long terme est inclus dans le calcul des déficits budgétaires annuels et s’en trouve fortement affaibli, ce qui a un impact négatif sur le potentiel de croissance.
Pour Gaël Giraud, la crise européenne est une crise de la finance dérégulée bien plus qu’une crise des finances publiques. Notons que le diagnostic de Gaël Giraud rejoint notamment celui de l’économiste Maurice Obstfeld [1], pour qui les flux financiers énormes et déstabilisateurs entre les banques de la zone euro dans les années 2000 ont été un facteur clef de la crise qu’elle a traversée entre 2010 et 2012, notamment en alimentant de gigantesques bulles immobilières en Espagne et en Irlande.
Gaël Giraud soutient que le krach de 2008 n’est que le paroxysme de l’instabilité intrinsèque du système financier mondial depuis le début de la dérégulation financière dans les années 1980. Giraud note que les krachs financiers se répètent depuis lors à intervalles réguliers, avec des crises d’intensité croissante tous les quatre ans en moyenne (p. 73). C’est un point essentiel, précédemment expliqué par Hyman Minsky et Charles Kindleberger [2], mais trop souvent omis. Il implique que la stabilité financière et l’allocation efficace du capital et du risque ne peuvent pas être laissées aux seuls marchés financiers.
Pour démontrer l’inefficacité de la finance de marché dérégulée, Gaël Giraud se concentre sur le rôle déterminant des « taches solaires » [3], qui sont un cas particulier de la propriété plus générale de l’inefficacité des marchés financiers incomplets – c’est-à-dire des marchés dans lesquels un investisseur ne peut pas se couvrir contre tous les risques auxquels il est confronté, ce qui est le cas de presque tous les marchés financiers (p. 65).
L’inefficacité des marchés financiers explique pourquoi les prix de marché des actifs financiers sont souvent déconnectés de toute valeur fondamentale, la notion même de valeur « fondamentale » étant douteuse puisqu’un nouvel actif peut avoir un grand nombre de prix qui sont compatibles avec ceux des actifs déjà existants (p. 67). Rejoignant les thèses de John Maynard Keynes [4] et d’André Orléan [5], Gaël Giraud fait valoir que l’évolution des prix des actifs financiers est en réalité bien plus étroitement liée à la psychologie, en particulier aux anticipations des investisseurs quant aux croyances d’autres investisseurs par rapport à l’évolution future de ces mêmes prix. C’est ce phénomène, lorsqu’il est conjugué à la croyance des régulateurs dans la théorie de l’ « efficience des marchés » et dans la rationalité des investisseurs, qui explique que d’énormes bulles ont pu apparaître dans les années 2000 sans inquiéter outre mesure les autorités financières, alors qu’elles auraient dû s’en inquiéter.
L’inefficacité des marchés financiers est cruciale car elle implique que les activités de marché des banques sont loin d’être toutes d’utilité sociale. La croissance rapide des marchés financiers a eu d’autres conséquences troublantes : les activités de marché des grandes banques ont atteint des proportions gigantesques (le bilan de BNP Paribas, par exemple, est à peu près équivalent au PIB français), ce qui menace indirectement et implicitement la solvabilité des États qui abritent ces banques en cas de crise financière.
Comment rendre la finance socialement utile ?
Que faire face à cette « démesure financière » ? Les propositions de Gaël Giraud pour maîtriser la finance et la rendre socialement utile sont nombreuses. Certaines sont familières : séparation des banques commerciales et des banques d’affaires, interdiction d’activités de compte propre spéculatif par les banques commerciales et redéfinition globale de leurs contours, interdiction du pantouflage de la haute fonction publique dans les banques privées et suppression de la mobilité entre la régulation et la direction des grandes banques, qui provoque des conflits d’intérêts. L’objectif est double : éviter que le retournement des cycles de levier et les taches solaires qui caractérisent les cycles financiers de l’économie mondialisée ne réduisent l’octroi de crédit à l’économie réelle, et garantir la sécurité de la totalité des dépôts des citoyens (p. 183).
Mais Gaël Giraud prône également deux mesures bien plus radicales : la modification du mandat de la Banque centrale européenne (BCE) pour remplacer l’objectif unique de lutte contre l’inflation par un double objectif de financement de la transition écologique et d’emploi, et l’imposition d’un ratio de réserves des banques commerciales auprès des banques centrales équivalent à 100% de la valeur de leurs comptes courants (p. 211), soit à peu près cent fois le ratio qui prévaut aujourd’hui dans la zone euro. Selon Giraud, cette dernière proposition, défendue entre autres par des économistes aussi différents que Milton Friedman et Irving Fisher [6], implique la disparition du risque d’illiquidité d’une banque (les déposants n’ayant plus de raison de craindre que leurs dépôts puissent être en danger), la possibilité d’un retour aux avances au Trésor des banques centrales nationales, et le remboursement des dettes publiques ainsi que d’une partie du financement de la transition écologique par les comptes des trésors publics à la BCE.
Les deux axes de réformes (régulation financière et financement par la BCE de la transition écologique) se complètent : sans une régulation financière largement renforcée, le financement de la transition écologique par la BCE continuerait d’alimenter la spéculation et les taches solaires, accentuant ainsi l’inefficacité et l’instabilité du système financier.
Une contrainte réelle : le changement climatique
Pour éviter un réchauffement climatique compris entre 5 et 6 degrés d’ici la fin du XXIe siècle, aux conséquences potentiellement catastrophiques, il faut impérativement décarboner notre système productif. Pour l’auteur, cette transition énergie-climat est aux décennies à venir ce que fut l’invention de l’imprimerie au XVe siècle ou la révolution industrielle aux XVIII et XIXe siècles (p. 87).
Mais une telle transition n’empêcherait-elle pas notre économie de croître ? C’est tout l’inverse. Selon Gaël Giraud, les deux tiers de la croissance économique des pays industrialisés pendant les Trente Glorieuses provenaient de l’augmentation de l’utilisation de ressources fossiles (p. 81). L’incapacité de l’économie mondiale à augmenter sa consommation d’énergie fossile par habitant explique, selon Giraud, pourquoi la croissance annuelle du PIB mondial par habitant stagne autour de 1% en moyenne depuis 1980.
Quels sont les principaux axes de la transition écologique qui nous permettrait d’échapper à des années de stagnation économique et au chômage de masse qu’elles impliquent ? Gaël Giraud identifie trois grands chantiers prioritaires riches en potentiel d’activité et d’emploi : rénovation thermique du bâtiment, transformation des modes de transportation, et transformation des modes de production d’énergie. Ce programme fait écho à ceux proposés, entre autres, par l’association négaWatt [7] ainsi que par le comité d’experts du Conseil national de la transition écologique, présidé par l’ingénieur et économiste Alain Grandjean.
Le coût de la transition écologique pour l’Europe est estimé à environ 3 000 milliards d’euros sur dix ans (p. 94). Or le rendement des investissements dans la transition écologique est insuffisant pour satisfaire l’appétit des investisseurs et attirer les sommes requises : le rendement des grandes banques européennes et des majors pétrolières était compris entre 5 et 15% par an environ ces dernières années, alors que les investisseurs ne peuvent espérer qu’un rendement d’environ 3% par an (selon Giraud) des investissements dans la transition écologique. De plus, ces rendements sont incertains – cette incertitude est cruciale, car elle empêche notre système financier de se projeter dans l’avenir.
Nouvelles BCE et gouvernance européenne au service des biens communs
Un deuxième argument est utilisé pour faire valoir la nécessité d’une nouvelle donne. Pour Gaël Giraud, la croissance économique est rendue possible par la création monétaire, parfois au prix de l’inflation (p. 125). C’est pour cette deuxième raison, en plus de l’incapacité du secteur privé à le faire, que Giraud propose de financer la transition écologique par la création, par la BCE, de monnaie interne (p. 156). La monnaie interne peut être définie comme un actif ayant un passif (c’est-à-dire une dette) pour contrepartie, par opposition à la monnaie externe, qui est un actif détenu en l’absence de passif (c’est-à-dire de dette) (p. 147). Un exemple de monnaie interne est un prêt immobilier accordé par une banque commerciale à un ménage. On pourrait penser que toute la monnaie est interne, mais il existe en réalité une quantité significative de monnaie externe dans l’économie. De la monnaie externe est créée, par exemple, lors d’un défaut de paiement de dette par un acteur privé ou public : la monnaie originellement créée par la banque ne refluera jamais vers son bilan, et devient ainsi « externe ». À la crainte d’hyperinflation que pourraient avancer les détracteurs de l’idée de créer de la monnaie interne pour financer la transition écologique, Gaël Giraud répond que seule la création non contrôlée de monnaie externe peut engendrer l’hyperinflation. Il appuie sa thèse par une lecture de l’hyperinflation allemande des années 1920 comme une conséquence de la création massive de monnaie externe, privatisée par les banques allemandes. Selon Giraud, la croissance même rapide de monnaie interne ne peut pas engendrer d’hyperinflation. La faiblesse de l’inflation face à la croissance rapide de la base monétaire des principales banques centrales depuis près de vingt ans tend à confirmer cette théorie (p. 131).
C’est pourquoi le financement de la transition écologique doit se faire via la création monétaire par la BCE, après l’avoir placée sous le contrôle d’une « Union politique européenne ». Le collatéral qui servirait de garantie aux prêts pourrait inclure des « obligations de projet » finançant exclusivement des projets d’avenir liés à la transition, émises par exemple par la Banque européenne d’investissement ou les banques nationales d’investissement (p. 162).
Gaël Giraud fait appel à la notion de biens communs européens pour fixer un cadre intellectuel et politique au plan de transition. L’auteur définit les biens communs comme des biens qui ne relèvent directement ni du droit de la propriété privée ni du droit public (p. 166). Ce sont des biens non exclusifs (c’est-à-dire dont l’accès ne peut être empêché par l’exercice de la propriété privée) et rivaux (c’est-à-dire que leur utilisation exclut toute utilisation par une autre personne).
Les deux biens communs essentiels sont d’une part la liquidité et le crédit, et d’autre part les ressources naturelles. Selon Gaël Giraud, ils ont été privatisés par les traités européens et doivent revenir dans la sphère pertinente pour les biens communs – la gestion par les institutions européennes. De même, le domaine fiscal et les réseaux intra-européens sont des biens communs dont la gestion devrait être transférée à l’échelle européenne. La protection sociale est quant à elle un bien public qui doit rester administrée au niveau national – son transfert au niveau européen pouvant signifier la fin du modèle social européen.
Les propositions les plus audacieuses de l’auteur portent sur l’architecture de la zone euro : créer des taux d’intérêts différenciés pour les zones Nord et Sud de la zone euro, qui sont dans des situations économiques très différentes, et remplacer la monnaie unique par un « euro-nord » et un « euro-sud », ce dernier pouvant être dévalué autant de fois que nécessaire pour rétablir la compétitivité prix des pays du Sud de la zone euro (p. 213-214). Théoriquement, une telle scission de la zone euro corrigerait certains défauts de construction de la monnaie unique, comme la divergence industrielle entre le Nord et le Sud de l’Europe qui s’est amplifiée depuis sa création en 1999. Mais on peut penser que ce divorce poserait des difficultés légales et politiques qui semblent difficilement surmontables à ce stade : l’Allemagne accepterait-elle que les dettes souveraines française et italienne soient reconverties en « euros-sud » (dont la valeur serait largement inférieure à celle de l’euro) et donc, de fait, restructurées ? Il est permis d’en douter.
Portée de l’analyse
Si les idées présentées ne sont pour la plupart pas entièrement nouvelles [8], la force de l’ouvrage tient à la mise en relation de ces idées dans le cadre d’un projet de société. Le livre s’adresse donc au grand public, mais il intéressera aussi les non-spécialistes portés sur l’économie, le fonctionnement des banques et du système financier et les problématiques énergétiques.
Le livre a le grand mérite de recentrer le débat sur les questions qui comptent et de formuler des propositions techniquement envisageables et cohérentes sous-tendues par une stratégie économique de long terme. Cependant on peut lui adresser quatre critiques complémentaires. Les trois premières concernent le cadre intellectuel de l’analyse tandis que la dernière a trait à l’économie politique des changements institutionnels proposés.
Gaël Giraud explique que la désaffection à l’égard des grandes institutions (l’État, l’Église) a créé une « panne eschatologique » de nos sociétés qui appelle un projet de société « capable de mobiliser les énergies collectives, de tracer l’horizon d’un avenir commun » (p. 88). Giraud propose la transition écologique comme alternative à l’utopie de la société de propriétaires. C’est une idée phare, et la transition écologique semble préférable à la course vers une illusoire société de propriétaires. On peut néanmoins reprocher à Gaël Giraud de rester, dans une certaine mesure, dans une vision centrée sur la sphère économique au lieu de proposer un approfondissement démocratique de nos sociétés. En outre, nos sociétés ont historiquement dépendu de récits apocalyptiques (parfois réalisés, comme lors de la Seconde Guerre mondiale) pour incarner des utopies. De ce point de vue, l’espérance « positive » proposée par Gaël Giraud semble potentiellement insuffisante pour induire nos sociétés à prendre des mesures de l’ampleur requise. Certains travaux décrivent l’avenir effrayant vers lequel nous nous dirigeons [9] et pourraient ainsi servir le projet de transition écologique en montrant l’effondrement qui nous attend si nous n’agissons pas de façon décisive.
Deuxièmement, la thèse de Gaël Giraud (sans transition écologique, en persévérant dans le schéma éco-énergétique hérité de la seconde révolution industrielle et en conservant les techniques classiques d’extraction d’hydrocarbures, nous sommes probablement condamnés à un régime de croissance atone) repose sur une hypothèse discutable, selon laquelle la croissance de l’économie est très sensible à la consommation énergétique par habitant. Si cette supposition se voit démentie, alors il serait raisonnable d’imaginer que l’on puisse retrouver à l’avenir un régime de croissance robuste même en l’absence de transition écologique et avec une stagnation de la consommation d’énergie fossile par habitant au niveau mondial. Giraud cite l’un de ses travaux [10] pour appuyer sa thèse selon laquelle les deux tiers de la croissance par habitant pendant les Trente Glorieuses étaient dus à l’augmentation de l’utilisation de ressources fossiles, mais l’ouvrage gagnerait à solidement étayer ce lien entre croissance économique et consommation d’énergie par habitant. Il faut cependant noter que le paramètre clef est la démographie, les projections (37% et 55% d’accroissement de la population mondiale d’ici 2050 et 2100, respectivement, selon les Nations Unies) impliquant une forte augmentation des émissions de gaz à effet de serre si la transition écologique n’est pas mise en œuvre.
Troisièmement, Gaël Giraud soutient que le principal obstacle au saut vers une nouvelle BCE dotée d’un mandat adéquat est politique et non pas technique, mais on pourrait faire valoir qu’un obstacle de taille est le cadre intellectuel dominant. La théorie monétaire de Giraud opposant monnaie interne et monnaie externe n’est pas largement partagée à ce stade et elle demande encore à être étayée par des travaux empiriques. [11]
Il en va de même pour l’idée que la BCE devrait accepter des obligations de projet liées à la transition écologique comme collatéral. En effet, quel serait alors le système de cotations utilisé pour déterminer la qualité de ces actifs ? Gaël Giraud ne l’explique pas, or il y a fort à parier que nombre d’économistes opposeront que ce n’est pas aux institutions européennes de juger de la viabilité des projets économiques, arguant que l’État (ou des institutions comme l’Eurosystème) ne doit pas « choisir les gagnants » (pick winners), que ce soit au niveau sectoriel ou de l’entreprise. Une prise en compte de ces contre-arguments renforcerait les propositions de l’auteur. Le défi est donc dorénavant de mener des recherches empiriques permettant de comparer la théorie de l’auteur aux approches dominantes.
Le dernier élément qui gagnerait à être davantage analysé est l’économie politique des changements préconisés, tant au niveau français qu’européen. Plusieurs questions importantes ne sont pas abordées. Quelles procédures de révision des traités européens adopter ? Comment convaincre les peuples des différents pays, en premier lieu l’Allemagne, de la désirabilité et de la faisabilité des transformations envisagées ? Comment aligner les intérêts des élites économiques avec ceux de la société, et comment faire comprendre à l’Allemagne que ses intérêts sont indissociables de ceux de l’Europe ? Sans consensus politique sur ces questions, on peut gager que des changements de gouvernance économique aussi fondamentaux que ceux proposés par Gaël Giraud seront difficiles à mettre en œuvre.
En conclusion, si la mise en relation des dysfonctionnements majeurs de l’économie financiarisée et du défi de la transition écologique est novatrice et de grande ampleur, et si les propositions de Gaël Giraud sont cohérentes et potentiellement salutaires, le lecteur pourra avoir des doutes sur la faisabilité des propositions et l’analyse de l’économie politique de la transition écologique reste à construire. L’Illusion financière constitue néanmoins une ressource précieuse pour le grand public et se situe dans la lignée de grands ouvrages proposant une analyse originale des mécanismes macro-financiers qui régissent nos économies. Ancré dans une lecture lucide du système monétaire et financier et des contraintes à une croissance soutenable, le livre de Giraud remet en cause d’importants postulats de la pensée dominante et ouvre la voie à de profondes transformations institutionnelles et économiques.