L’objectif « Zéro artificialisation nette », ou ZAN, suscite de nombreux débats, souvent très techniques. Pourquoi empêcher les villes de s’étendre sur les espaces naturels, les forêts et les terres agricoles ? S’agit-il comme l’affirment certains élus d’une mesure « ruralicide » ?
La loi Climat et résilience votée en 2021 a fixé pour 2050 l’objectif d’une artificialisation nette égale à zéro [1]. À cette date, toute surface artificialisée devra être compensée par la désartificialisation d’une surface équivalente. On reviendra plus loin sur la définition de l’artificialisation, qui soulève d’importantes difficultés, mais à terme, la création d’un nouveau lotissement pavillonnaire ou d’une zone commerciale sur des terres agricoles nécessitera la renaturation d’une surface équivalente, par exemple avec la création d’un parc urbain. Autant dire que les extensions urbaines deviendront difficiles.
Une mesure aussi radicale est justifiée par le fait que l’urbanisation progresse à un rythme inquiétant. Dans les années 2010, une formule a marqué les esprits : « un département tous les dix ans » [disparait sous l’effet de l’étalement urbain]. Cette formule, on le verra, est exagérée, mais elle a permis d’alerter sur des problèmes écologiques majeurs. À force de production non maitrisée de zones d’activités, d’extensions maison après maison de dizaines de milliers de hameaux, il devient de plus en plus difficile d’ignorer la dégradation des paysages, le coût de la desserte par les réseaux, les coupures des corridors écologiques, les impacts sur la biodiversité. L’imperméabilisation des sols (liée à l’artificialisation, même s’il faut distinguer les deux phénomènes) a quant à elle des conséquences dramatiques pour les inondations. Elle accentue en outre les îlots de chaleur et contribue plus largement au réchauffement climatique. Enfin, l’urbanisation touche trop souvent des terres d’une grande valeur agronomique.
Et pourtant, ces problèmes ne suffisent pas à faire du ZAN une évidence. Si la nécessité de prendre mieux soin des sols suscite un large consensus, l’objectif ZAN est bien mal en point. Un premier coup lui a été porté par le Sénat en 2023. Sous le couvert d’une adaptation du dispositif, divers aménagements en apparence techniques ont mis en cause l’objectif même [2]. À l’heure où cet article est écrit, poussant son avantage après la dissolution de l’été 2024, le Sénat propose d’assouplir un peu plus le ZAN avec une proposition de loi nommée TRACE, pour « Trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux ».
Comment a-t-on pu en arriver là ? On peut y voir une manifestation de la contre-révolution écologique en cours. Maintenant que des actions fortes sont discutées sinon engagées, que des cadres juridiques contraignants sont fixés, les opposants se mobilisent, et poussent à des reculs. On ne peut pourtant pas s’en tenir à cette explication. Le ZAN bouleverse profondément les équilibres sociaux, économiques et politiques établis dans les territoires ruraux. Il est par ailleurs un dispositif technocratique et centralisé dont la mise en œuvre soulève de véritables questions, y compris pour l’écologie. Ces questions se posent d’autant plus que IeZAN vise avant tout la préservation des terres agricoles, et ceci indépendamment de la manière dont elles sont exploitées. Cette absence de contraintes écologiques pour l’agriculture est d’ailleurs l’une des clés du vote de l’Assemblée nationale en faveur du ZAN. De ce point de vue, on peut se demander jusqu’où les mouvements écologistes doivent le défendre, du moins dans la forme que lui a donnée la loi Climat et résilience.
La spécificité française
L’Union européenne invite depuis 2011 l’ensemble des pays membres à viser d’ici 2050 une artificialisation nette égale à zéro, mais, à ce jour, la France est le seul pays européen à avoir pris des dispositions juridiquement contraignantes pour atteindre cet objectif [3]. Ce constat peut sembler paradoxal : la France est un pays moyennement dense. En comparaison notamment de la Belgique, des Pays-Bas ou de l’Allemagne, qui sont très loin d’avoir pris des dispositions comparables, la France a encore beaucoup de place disponible pour l’urbanisation. Et elle ne connait pas un rythme d’artificialisation particulièrement effréné, du moins si on met en rapport les surfaces nouvellement artificialisées avec la superficie totale du pays (les chiffres sont plus préoccupants si on calcule le rythme d’artificialisation par habitant) [4].
La spécificité de la France en matière de lutte contre l’artificialisation tient pour partie au fait que si le problème est moins massif que dans d’autres pays européens, il a une dimension qualitative particulièrement problématique. L’urbanisation y est en effet nettement plus émiettée qu’ailleurs. Cet émiettement résulte du très grand nombre de communes (actuellement 35 000), et de leur maitrise de l’urbanisme. Certes, cette compétence leur a été dévolue avec les lois de décentralisation du début des années 1980. Chaque commune, aussi petite soit-elle, peut réglementer l’usage des sols et notamment la possibilité de construire sur des terres agricoles. Bien sûr cette compétence est encadrée par des lois et nécessite des moyens pour être exercée, mais globalement, ces quarante dernières années, l’extension de l’urbanisation s’est décidée dans des conseils municipaux.
Là réside un des principales sources du problème. L’écart de prix entre les terres agricoles et les terrains à bâtir est considérable [5], avec en moyenne 600 euros contre 90 000 euros pour un terrain de 1000 m². Cet écart représente une plus-value potentielle de plusieurs centaines de milliers d’euros pour un hectare de terre agricole (une fois déduits les coûts d’aménagement ainsi que quelques taxes). Et encore s’agit-il d’une moyenne. Si, dans les campagnes isolées, le prix du terrain à bâtir est très faible, faute de demande, autour des grandes villes ou dans les zones touristiques, la plus-value peut se compter en millions. Comment, dans ces circonstances, un conseil municipal d’une commune de quelques centaines d’habitants, où siègent plusieurs propriétaires fonciers, peut-il résister à la tentation de rendre constructible des terrains agricoles ? Or, dans la France des 35 000 communes, les conseils soumis à de telles tentations sont nombreux : les campagnes attractives, autour des grandes villes et dans les espaces touristiques, rassemblent environ la moitié des bassins de vie ruraux [6]. À cela s’ajoute le fait que, dans les petites communes, il est difficile de mobiliser les compétences et les savoir-faire nécessaires à un urbanisme de qualité, ceci d’autant plus que l’État a largement réduit son appui dans ce domaine (la tendance au retrait s’est infléchie depuis la fin des années 2010, mais les moyens disponibles restent très limités).
Ainsi, les ouvertures à l’urbanisation ont été décidées principalement selon les intérêts des propriétaires fonciers, sans logique d’ensemble en termes d’aménagement. Dans les espaces ruraux périurbains ou touristiques, les bâtiments se sont dispersés non seulement autour des bourgs, mais aussi le long des routes et autour des dizaines de milliers de hameaux et d’écarts qui parsèment le territoire français. La conception des extensions s’est en outre généralement réduite à un travail de bornage et de division parcellaire d’un champ. Cette dispersion mal coordonnée d’opérations de faible qualité architecturale et urbanistique a profondément affecté les paysages (les urbanistes parlent fréquemment de « mitage »).
Mitage d’un paysage du Sud de la France
cliché Eric Charmes, 2022
Cette dispersion a alimenté la perception d’un pays submergé par les maisons individuelles. Le territoire est en effet principalement vu depuis les routes, le long desquelles les pavillons ont proliféré avec, autour des nœuds routiers, leur cortège de centres commerciaux et de zones d’activités économiques. Cette dispersion perturbe également fortement les activités agricoles. Elle a démultiplié les surfaces de contact entre espaces cultivés et zones habitées, ce qui a favorisé les conflits, autour de l’épandage des pesticides, des odeurs, de la circulation des engins agricoles, du bruit nocturne lors des moissons, etc. [7] Pire, certains terrains agricoles se trouvent enclavés par l’urbanisation et deviennent très difficiles à exploiter. Tout cela a contribué à la mobilisation du ministère de l’Agriculture.
Quand les mondes ruraux se protègent contre eux-mêmes
Face aux élus qui qualifient le ZAN de mesure « ruralicide » [8], il faut insister sur le rôle de ce ministère. L’origine du ZAN ne se trouve pas seulement dans des revendications ou exigences écologiques, le ministère de l’Agriculture a joué un rôle central dans le cadrage des débats sur l’artificialisation [9]. La revue Agreste primeur, conçue par ses services statistiques, a largement contribué à imposer l’idée d’une artificialisation effrénée [10]. En 2009, elle a marqué les esprits en titrant « Le développement des maisons individuelles consomme 400 000 hectares d’espaces naturels de 1992 à 2004, soit près de 1 % du territoire » [11]. Ce pourcent est vite devenu « un département tous les 10 ans », image souvent reprise par les médias et les responsables politiques, certains dramatisant un peu plus la situation en assimilant l’artificialisation des sols à de la « bétonisation » [12].
Des spécialistes ont contesté cette dramatisation. L’image de la bétonisation est en effet abusive [13], dans la mesure où le décompte de l’artificialisation livré par Agreste Primeur inclut les jardins urbains. En outre, la base de données mobilisée, Teruti-Lucas, donnait un taux d’artificialisation du territoire de 9,3 %, contre 5,5 % pour la base utilisée par les aménageurs et l’Union européenne, Corine Land Cover [14]. La différence provient du fait que les mesures de Teruti-Lucas reposent sur des sondages réalisés à partir de points très précis, alors que Corine Land Cover évalue l’artificialisation à partir d’un carroyage dont la maille de base couvre 25 ha, ce qui conduit à négliger les bâtiments isolés et les hameaux agricoles. Ces batailles de chiffres ne sont pas sorties des cercles des spécialistes, mais il faut en retenir que le ministère de l’Agriculture a choisi les chiffres les plus alarmistes, et que ceux-ci ont structuré les débats.
Reste à savoir jusqu’où le ministère de l’Agriculture pensait aller dans la mise en cause des classements de terres agricoles en zones constructibles. Les enjeux politiques dépassaient largement l’enrichissement de quelques gros propriétaires fonciers. Dans les campagnes attractives, les plus-values tirées de l’urbanisation des terres agricoles ont souvent été utilisées pour soutenir des agriculteurs en difficulté financière [15] (étant précisé qu’une large majorité d’exploitants ne sont pas propriétaires de leurs terres). Et là où les plus-values n’existent pas, des communes peuvent quand même ouvrir à l’urbanisation pour répondre au souhait de jeunes ménages de « faire construire », attente très forte et structurante dans les campagnes peu attractives. Ces communes le font d’autant plus volontiers que retenir ou attirer de tels ménages peut sauver une école menacée de fermeture. Construire en extension d’un hameau peut aussi être nécessaire pour loger des ouvriers agricoles ou pour la reprise d’une exploitation : lorsque les vendeurs conservent leur demeure, il faut pouvoir loger les nouveaux arrivants. Une exploitation agricole peut aussi avoir besoin de nouveaux bâtiments pour abriter du matériel ou des animaux. Toutes ces dynamiques, centrales dans les équilibres socio-politiques des campagnes, sont mises en cause par la volonté de mettre un terme aux extensions bâties.
La victoire tant attendue dans la lutte contre l’étalement urbain ?
Quoi qu’il en soit, les alertes du ministère de l’Agriculture sur l’artificialisation ont trouvé une écoute attentive dans les administrations centrales en charge de l’urbanisme et de l’aménagement. Le mitage des territoires préoccupe ces administrations depuis notamment le rapport Mayoux, livré en 1979 et resté fameux. Il faudra toutefois attendre l’an 2000 et la loi Solidarité et renouvellement urbain pour que la lutte contre l’étalement urbain devienne un objectif politique central. D’autres textes ont par la suite conforté cet objectif, mais les conséquences pratiques sont restées modérées. Les administrations en charge de l’urbanisme et de l’aménagement ont eu bien du mal à mettre de l’ordre dans les extensions urbaines. Même dans les secteurs protégés par la loi littoral, la pression à l’urbanisation trouve des failles par lesquelles s’infiltrer, comme la possibilité laissée par la loi d’étendre les villages, terme qui, en Bretagne, désigne de simples hameaux [16].
À la fin des années 2010 toutefois, l’émiettement de l’urbanisation et l’absence de planification d’ensemble sont de plus en plus sévèrement critiqués. Quarante ans après le rapport Mayoux, le problème est devenu massif. Et son importance pour l’aménagement du territoire s’est affirmée avec l’émergence politique d’un problème nouveau : le déclin des centres des villes petites et moyennes, marqué par une paupérisation des habitants, des fermetures de commerces en nombre et une montée de la vacance dans les logements. Or l’une des principales causes de ce déclin est claire : l’étalement urbain, ou plus exactement la concurrence des maisons individuelles installées dans les champs des villages voisins, concurrence redoublée par la multiplication des zones commerciales et artisanales implantées autour des nœuds routiers [17]. Les élus des villes en déclin sont ainsi devenus plus sensibles à la cause de la lutte contre l’étalement urbain.
Dans ce contexte, l’inquiétude montante du ministère de l’Agriculture face à l’artificialisation offre l’opportunité de dépasser l’opposition ancienne entre des urbanistes qui tentent de s’opposer à l’étalement urbain et des mondes agricoles qui entretiennent cet étalement car ils en tirent parti. L’opportunité apparait d’autant plus belle que la mobilisation monte chez les écologistes, inquiets de la « bétonisation ». Le ZAN résulte de cette convergence d’intérêts. En tout cas, la loi Climat et résilience, qu’il ne faut certes pas réduire au ZAN, est votée dans un large consensus, avec 87 % des suffrages exprimés à l’Assemblée nationale [18].
Malheureusement, la suite ne s’est pas déroulée comme espéré. Certains élus de petites communes, notamment celles très résidentielles proches des grandes villes, où les habitants veillent jalousement à la préservation de leur cadre de vie champêtre, ont bien vu dans le ZAN une justification supplémentaire à leurs politiques foncières malthusiennes, limitant fortement les nouvelles constructions. Mais beaucoup d’autres élus, particulièrement dans les territoires ruraux, se sont inquiétés pour l’avenir de leur commune, pour leur capacité à retenir leurs jeunes et à attirer de nouveaux ménages. Ils se sont aussi inquiétés, sans vraiment le dire, du sevrage de la rente urbaine qui leur était imposé. Ces élus ont eu beau jeu de souligner l’abondance d’espaces disponibles dans leur finage, contrairement aux villes où tout est bétonné. Pourquoi donc interdire toute nouvelle urbanisation là où champs et forêts dominent encore les paysages ?
À cela s’est ajouté un fort ressentiment face à une mesure qui, de fait, était une reprise en main de l’urbanisme par l’État. Le ZAN a été vu comme la goutte de trop dans un processus plus large de mise en cause du pouvoir des communes. Ce processus a été engagé avec la montée en puissance de l’intercommunalité, contre laquelle beaucoup de communes rurales sont très remontées. Les réformes successives de la fiscalité locale, dont la récente suppression de la taxe d’habitation, ont également été vécues par les élus communaux comme une restriction de leur autonomie politique [19].
En tout cas, l’État a trouvé face à lui le Sénat, qui s’est saisi de cette situation pour entretenir son lien historique avec les territoires ruraux. Quel que soit l’avenir de la proposition de loi TRACE actuellement en discussion [20], le Sénat a d’ores et déjà obtenu des assouplissements significatifs du ZAN [21], notamment avec l’instauration d’une « garantie communale », d’abord nommée de manière évocatrice « garantie rurale ». Cela assure à chaque commune dotée d’un document d’urbanisme la possibilité d’ouvrir au moins un hectare à l’urbanisation. Vu le nombre de communes en France, cela représente un potentiel d’urbanisation considérable, le quart de ce qui est prévu par la loi dans la première décennie d’application [22]. Cela met en péril un des objectifs centraux du ZAN, la planification à une échelle large, intercommunale et régionale.
Un dispositif technocratique et descendant
Le ZAN ne vise pas une artificialisation nulle, mais une artificialisation nette égale à zéro. Il s’inscrit ce faisant dans la logique plus générale de la compensation, qu’il s’agisse de compensation carbone ou de compensation des pertes de biodiversité. Le ZAN établit pour sa part des bilans entre espaces artificialisés et désartificialisés. Et comme pour les autres formes de compensation, le calcul de ces bilans soulève de très nombreuses questions. Ces questions sont techniques : comment s’assurer d’un véritable gain écologique et comment établir des équivalences entre des zones dénaturées et d’autres renaturées [23] ? Elles sont aussi philosophiques : la compensation a une dimension marchande et financière qui met un prix sur des choses qui ne devraient pas en avoir [24].
On s’en tiendra ici aux aspects techniques [25]. Selon les termes d’un décret publié en 2023 (et que le Sénat entend annuler) [26], les espaces végétalisés des villes sont classés non-artificiels à deux conditions : qu’ils comprennent au moins 25 % de couvert arboré (ceci pour favoriser les plantations d’arbres et pour écarter entres autres les pelouses des terrains de foot) ; et qu’ils couvrent plus de 2 500 m² (indépendamment des limites parcellaires). Pourquoi ce seuil ? Pour ne pas trop figer les quartiers résidentiels, et laisser ouverte la possibilité d’y construire des logements supplémentaires. En effet, s’il n’est plus possible d’étaler les villes, il convient que les espaces déjà urbanisés puissent se transformer et accueillir de nouveaux logements. Or retenir un seuil inférieur à 2 500 m² aurait conduit à protéger les jardins en trop grand nombre. Ainsi, pour ne pas faire obstacle à la densification des quartiers pavillonnaires, la plupart des potagers de banlieue seront classés de la même manière que les pelouses synthétiques [27].
Le décret de 2023 établit d’autres équivalences discutables. Ainsi, la destruction d’un bois pluriséculaire est équivalente à l’urbanisation d’une ancienne carrière : dans les deux cas il s’agit d’artificialisation, les carrières étant considérées comme des espaces non artificialisés. À l’opposé, la création d’un golf, si le parcours comprend quelques arbres judicieusement placés, ne devrait pas être considérée comme de l’artificialisation, quand bien même cela ferait disparaître une exploitation maraichère. De même, la pose de panneaux solaires en couverture d’une prairie dans laquelle les animaux peuvent continuer de pâturer n’est pas considérée comme artificialisante.
Ces équivalences comptables montrent la limite de l’encadrement administratif des mesures de compensation et autres bilans écologiques. La chose a trois grands inconvénients. Cela ouvre tout d’abord la porte à des comportements opportunistes, la loi étant respectée à la lettre mais pas dans l’esprit. Les calculs des bilans absorbent ensuite une énergie considérable, dans les administrations, dont pourtant les moyens déclinent, et parmi les élus, qui s’échinent à comprendre comment tel nouveau bâtiment agricole impactera leur compte d’artificialisation. Enfin, et surtout, cela mine la légitimité politique du dispositif.
Mais ce n’est pas tout. Pour tout bilan territorialisé se pose la question de l’échelle. L’objectif ZAN est national. Il est ensuite décliné à l’échelle des régions, des intercommunalités (avec les Scots ou schémas de cohérence territoriale) puis des communes. La position en bout de chaine de ces dernières a alimenté leur ressentiment face à une mesure vue comme descendante. En réaction, elles ont cherché à obtenir les meilleurs quotas d’artificialisation. Car quotas il y a. D’ici 2050, et l’objectif d’un zéro net, les collectivités locales doivent suivre une « trajectoire » de réduction de l’artificialisation, définie pour la décennie en cours (de 2021 à 2031) comme une diminution de moitié de l’artificialisation constatée lors de la décennie précédente. La loi a en outre ouvert la possibilité que ces trajectoires soient différentes, avec des possibilités d’artificialisation plus importantes pour certains territoires et moindres pour d’autres, la moyenne étant calculée à l’échelle des régions. Il en résulte des négociations parfois âpres [28] qui opposent notamment les villes, qui disent avoir plus de besoins car elles ont plus d’habitants, et les campagnes, qui voient mal comment attirer des habitants sans leur proposer des maisons avec jardin. La vieille concurrence entre villes et campagnes se trouve ici ravivée. Un autre motif de discussion concerne le décompte des projets d’intérêt national, comme par exemple les autoroutes. Évidemment, les communes ont souhaité, et obtenu avec l’aide du Sénat, que ces projets soient sortis de leurs quotas [29].
Toutes ces négociations font passer au second plan les dimensions qualitatives de l’urbanisme et des projets de territoire. Les chiffres et les bilans comptables pèsent d’autant plus que le ZAN s’inscrit dans une logique de pilotage par les indicateurs et de « gouvernement à distance ». L’État ayant largement retiré ses moyens d’ingénierie des territoires locaux pour les concentrer dans les régions (avec les DREAL) et les administrations centrales, il tend à confier aux opérateurs locaux le soin d’établir des bilans codifiés en termes comptables. Une fois agrégés, ces bilans alimentent des tableaux de bord censés permettre d‘évaluer l’efficacité des politiques publiques. L’urbanisme était jusqu’ici resté à l’écart de ces logiques. Le ZAN change la donne.
Le pilotage par les indicateurs : tableau de bord national de la « consommation » par urbanisation des espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF). Ces chiffres servent à évaluer l’artificialisation dans l’attente de données plus précises mesurées par l’IGN [30].
Fins de mois et fin du monde
En tant que dispositif mettant en cause les lotissements pavillonnaires, le ZAN ne pose pas seulement problème aux producteurs de maison, il met certains acquéreurs en difficulté [31]. La maison individuelle est le vecteur majeur de l’accession à la propriété des ménages modestes. En effet, une part importante des prix immobiliers étant liée aux prix des terrains, l’accession est facilitée lorsque ces derniers sont faibles. C’est la raison pour laquelle la part des accédants les plus modestes augmente avec l’éloignement des centres des métropoles. Par ailleurs, l’habitat collectif est plus coûteux à construire que l’habitat individuel [32]. Si les appartements dominent dans les grands centres urbains, c’est parce que l’habitat collectif permet de répartir une charge foncière que peu de ménages peuvent assumer seul. À distance des centres, les terrains sont moins coûteux, et l’avantage financier va à l’habitat individuel. Cet avantage s’accentue lorsqu’on achète une maison dont les finitions sont à terminer, hors d’eau hors d’air. Quand on est ouvrier et que l’on a des amis ouvriers, c’est souvent par cette porte que l’on devient accédant à la propriété. Le ZAN, en restreignant l’offre de terrains à bâtir et donc en en augmentant les prix, met en cause cette mécanique [33].
Face à cette inquiétude sur l’accession à la propriété dans les milieux populaires, beaucoup [34] rsoulignent que la France compte 3,1 millions de logements vacants [35]), et que beaucoup d’entre eux se trouvent dans des territoires où l’on continue à construire des maisons neuves sur des terres agricoles. Ces logements vacants sont certes souvent inadaptés. Mais il vaut mieux les adapter que d’artificialiser des espaces naturels ou agricoles. Le problème est que cette adaptation a un coût. Remettre au goût du jour des maisons de villages aux pièces étroites et sombres alignées le long d’une voie passante est possible mais coûteux, et nécessite généralement des opérations d’aménagement d’ensemble. Les acteurs publics ont aujourd’hui bien du mal à les réaliser. Ce ne sont pas seulement les financements qui font défaut, mais aussi la maitrise publique des marchés fonciers.
Certes, les ménages qui ne pourront plus accéder à la propriété pourraient se voir proposer des logements locatifs, mais, dans l’état actuel du système économique et politique (sauf transformation majeure donc), être propriétaire au moment de l’arrivée de la retraite reste un moyen assez sûr de s’assurer l’essentiel, à savoir un toit, surtout lorsque les pensions s’annoncent basses.
Bref, une question majeure posée par le ZAN est celle de l’accession à la propriété, et au-delà de la constitution d’un patrimoine pour les classes populaires et même moyennes. Les acteurs de la construction ont bien compris cet argument et en font largement usage [36]. Certains représentants de la profession endossent même avec gourmandise (et une certaine dose d’hypocrisie) un rôle de défenseurs des plus modestes face à des interlocuteurs qui, usuellement, leur reprochent de trop se préoccuper de rentabilité.
En tout état de cause, un parallèle peut être fait avec la taxe sur les carburants. Renchérir leur coût pour en diminuer l’usage a peut-être un sens dans une logique purement économique. Le problème est que les ménages sont inégaux face à ce renchérissement. Le mouvement des Gilets jaunes est venu montrer à qui en doutait ou l’ignorait, la dimension territoriale très marquée de ces inégalités. Il a aussi montré leur force politique. Or, si le mouvement des Gilets jaunes a pris corps à partir du renchérissement des transports, ce renchérissement a été nourri par une pression immobilière qui pousse les ménages à résider loin de leur lieu de travail [37]. Le ZAN accentue cette pression. À l’avenir, les tensions sur le marché de la maison individuelle pourraient être d’autant plus marquées qu’avec l’appui du télétravail, les plus aisés retrouvent le goût de la maison à la campagne [38]. L’offre est donc en train de se contracter au moment où la demande augmente. Certes, par rapport à la taxe sur les carburants, l’effet du ZAN est plus lent et moins immédiatement visible. Mais il sera aussi beaucoup plus difficile de revenir en arrière…
Les limites écologiques du ZAN
Face à ces critiques, les défenseurs du ZAN invoquent les enjeux écologiques. Ils sont confortés par l’Union européenne qui, outre la feuille de route de 2011 déjà mentionnée, a repris cet objectif dans sa « stratégie pour la protection des sols » communiquée en 2021 [39].
La position de la Convention citoyenne pour le climat constituée en 2019 est aussi régulièrement invoquée. Pourtant, la Convention a proposé de « lutter » contre l’artificialisation, ce qui est très différent de l’objectif d’une artificialisation égale à zéro (même nette) [40]. Cette modération est délibérée. La recommandation de la Convention était en effet de « lutter contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain en rendant attractive la vie dans les villes et les villages » [41]. L’alerte sur les enjeux pour les territoires ruraux était claire. Dans le détail de la recommandation, l’arrêt des extensions urbaines n’était explicitement demandé que pour les zones commerciales. Et effectivement, si une action forte était essentielle « pour rendre attractive la vie dans les villes et les villages », c’était celle-ci. Lutter contre la vacance commerciale est une des clés de la revitalisation des centres des petites villes et des bourgs [42].
Pourquoi le gouvernement est-il allé plus loin que la Convention citoyenne pour le climat, alors que, malgré les engagements du président de la République, de nombreuses autres propositions sont restées sans suite ? Une enquête reste nécessaire, mais les enjeux du ZAN n’étaient pas seulement agricoles ou écologiques. Il faut signaler le soutien appuyé de certains grands opérateurs de l’immobilier, notamment Nexity et Vinci, ce dernier s’étant engagé à appliquer le ZAN dès 2030 [43]. Sans minorer la « responsabilité sociale » que ces groupes estiment avoir dans le domaine, leur modèle économique repose avant tout sur la reconversion de sols déjà urbanisés et la fabrication d’ensembles immobiliers importants et denses, logique qu’encourage le ZAN. Le ZAN converge aussi avec le modèle de développement des grandes villes, fondé sur la concentration des investissements et la densification.
Que le ZAN serve des intérêts autres qu’écologiques ne le disqualifie évidemment pas. Malheureusement, le ZAN soulève plusieurs problèmes pour l’écologie. Le premier est pragmatique : la radicalité de l’objectif a braqué une part importante des élus et le résultat pourrait bien être contreproductif, comme l’illustre la garantie communale, qui marque un important recul.
Cette radicalité n’était en outre pas nécessaire. En effet, même si, hypothèse hautement improbable, chaque ménage français occupait une maison sur une parcelle de 1000 m² (ce qui est la situation moyenne dans le périurbain selon la base Teruti-Lucas évoquée plus haut), et même en considérant une croissance démographique significative, on arriverait à une artificialisation légèrement supérieure à 11 % d’ici 30 ans. Deux points de plus que l’artificialisation établie avec les données de Teruti-Lucas, et encore cette nouvelle artificialisation comprendrait-elle beaucoup de jardins [44]. En réalité, l’étalement a déjà eu lieu. Même s’il était appliqué dès maintenant, le ZAN arriverait tard. Aujourd’hui, l’enjeu de l’étalement est devenu plus qualitatif que quantitatif, au sens où il s’agit de mieux contrôler les extensions, de faire en sorte qu’elles confortent les bourgs et les petites villes plutôt que de miter le territoire. De ce point de vue, la loi Climat et Résilience acte d’un renoncement à cette maitrise qualitative des extensions urbaines. Face aux logiques foncières précédemment décrites, dans un contexte de manque de moyens techniques pour faire du projet en milieu rural, il a été jugé préférable de mettre un terme aux projets d’extension, ou du moins de les contraindre fortement.
Par ailleurs, en restreignant les extensions urbaines, le ZAN fait monter la pression en faveur de la densification. Cette pression suscite des résistances que certains réduisent au syndrome nimby (not in my backyard) [45], c’est-à-dire à l’égoïsme de citadins qui refusent de voir des immeubles pousser à côté de chez eux (surtout quand les logements projetés sont sociaux). La densification soulève pourtant d’importantes questions écologiques. L’adaptation des villes au réchauffement climatique passera par la végétalisation, notamment pour lutter contre les îlots de chaleur. Or, dans une métropole comme Lyon, environ 70 % des espaces urbains végétalisés sont des jardins individuels ou des espaces verts d’ensembles locatifs et de copropriété [46]. Ces espaces végétalisés, si bien sûr ils sont aménagés correctement, peuvent non seulement réduire les ilots de chaleur mais aussi contribuer à la gestion des eaux pluviales, à la biodiversité [47], à l’agriculture urbaine. Ils peuvent également améliorer la santé des citadins [48]. Le bilan écologique des avantages de leur élimination par densification par rapport à l’urbanisation d’espaces dédiés à l’industrie céréalière est loin d’être clair. Ce sujet reste un objet d’interrogations scientifiques [49].
En outre, la définition de l’artificialisation manque de consistance écologique. Le décret publié en 2023 pour fixer la nomenclature des sols artificialisés a beaucoup déçu les spécialistes des sols urbains [50]. L’objectif étant de faire des bilans à partir de plans d’urbanisme, l’artificialisation est définie en fonction des couvertures des sols et de leurs usages. Elle tient peu compte de leur épaisseur, et notamment de la couche superficielle à l’intérieur de laquelle se nouent tout un ensemble de processus essentiels à la vie sur terre [51]. Ces processus interreliés, qui mettent en jeu la biodiversité (dont, à l’échelle planétaire, un quart de se trouverait dans les sols), le cycle de l’eau, l’agronomie ou encore la captation du carbone ne sauraient être appréhendés selon une logique binaire.
De ce point de vue, peut-on considérer comme véritablement écologique une loi qui défend l’agriculture actuelle sans lui imposer d’adaptation [52] ? En effet, en lien avec la généalogie du ZAN décrite plus haut, l’artificialisation est définie dans la loi Climat et résilience comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage » [53]. Ainsi formatée, la notion d’artificialisation conduit à considérer qu’en vertu de leur « potentiel agronomique » un champ de céréales dont la terre est compactée par les labours et laissée nue l’hiver n’est pas artificiel, tandis qu’un potager de banlieue l’est car il se trouve dans un environnement fortement bâti.
Pourtant, le potager est un sujet central pour l’écologie, surtout lorsqu’il est partagé. À l’inverse, en termes pédologiques, les enjeux sont d’abord dans les espaces cultivés [54]. Selon la base Teruti-Lucas, si environ 9 % du territoire français est urbanisé, l’agriculture en couvre plus de la moitié. À cela s’ajoutent les forêts qui couvrent quant à elles près d’un tiers du territoire, en étant à 80 % dédiées à la sylviculture. Bien sûr, ce n’est pas parce que les pratiques agricoles dominantes posent problème que cela absout les extensions pavillonnaires, mais l’avenir des sols dépend d’abord de l’évolution des modèles agricoles et sylvicoles aujourd’hui dominants.
Sortir de l’opposition entre mondes urbains et ruraux
Malgré les protestations, tensions et questions suscitées par le ZAN, l’optimisme demeure possible car les débats ont accompagné une prise de conscience des enjeux pédologiques, et plus largement écologiques, associés aux sols. Beaucoup d’urbanistes et d’aménageurs, dont l’auteur de ces lignes, ignoraient toute l’importance des sols pour la biodiversité ou une agriculture écologique. À présent, la réduction des sols à du foncier plus ou moins constructible n’est plus permise. Pour le Sénat lui-même, la « sobriété foncière » est une exigence indiscutable.
Le ZAN a donc redéfini les termes du débat. Comment consolider cet acquis ? Difficile de répondre. Si on prend le point de vue de l’écologie politique, quatre questions restent ouvertes. La première est, pour reprendre une formule qui a fait mouche, l’articulation des « fins de mois » et de « la fin du monde ». Cette question est centrale. Derrière le ZAN, une partie du pacte social français se trouve mise en cause pour les classes populaires.
La seconde question est relative à la place des initiatives locales. Au vu du passé, et même du présent, faire confiance aux élus locaux pour garantir un usage des sols moins inconséquent peut paraître difficile. Mais jusqu’où l’État peut-il imposer ses vues à des dizaines de milliers d’élus (et même des centaines de milliers, en comptant les membres des conseils municipaux et intercommunaux) ? Et quand bien même il le pourrait, serait-ce souhaitable ? Pour l’écologie politique, la réponse à cette question renvoie au débat entre celles et ceux pour qui les urgences écologiques nécessitent un retour à une planification autoritaire et celles et ceux pour qui, inspirés par les mouvements des communs, le municipalisme ou les pensées libertaires, il faut faire ici et maintenant et que le changement ne peut venir que du bas, du local. Dans cette seconde perspective, les petites communes rurales peuvent constituer un levier majeur de transformation [55].
Planification centralisée ou pas, il convient incontestablement de modifier les règles du jeu. Mais, et c’est la troisième question, quelles règles faut-il transformer ? L’enjeu est-il vraiment de mettre un terme aux extensions urbaines ? Plutôt que d’agir sur les symptômes, ne faut-il pas intervenir sur les causes, à savoir les plus-values retirées du classement en zone constructible ? Ces plus-values trouvant leur origine dans l’action des collectivités locales, il serait logique qu’elles reviennent à ces dernières plutôt qu’à des propriétaires privés.
Quatrième question : la catégorisation des sols dédiés à l’agriculture. Cette question, relativement simple en théorie, est politiquement très délicate. L’enjeu est majeur pourtant. Redéfinir le ZAN pour imposer des contraintes à l’agriculture changerait beaucoup de choses. Cela créerait une pression très forte en faveur de l’agroécologie. Parallèlement, les communes seraient poussées à inclure l’agriculture dans leurs projets de territoire. Cela conforterait les démarches déjà engagées de projets agri-urbains [56], où les collectivités locales se mêlent d’agriculture pour favoriser les circuits courts et l’agroécologie (notamment parce que les citadins sont souvent très inquiets des épandages de pesticides et autres produits chimiques dans leur voisinage). Cela donnerait aussi et surtout une consistance politique à la périurbanisation, particulièrement intense en France. Aujourd’hui les couronnes périurbaines des villes rassemblent plus de 40 % de la population française [57]. Or ces couronnes rassemblent également deux-tiers des exploitations agricoles (en nombre comme en superficie [58]). Mondes ruraux et mondes urbains se sont profondément entremêlés, liant leurs destins. Pour reconnecter l’humanité et le vivant, comme le demandent avec insistance certaines pensées écologistes, l’enjeu est d’articuler les dimensions campagnardes et citadines des territoires plutôt que de les opposer.
Éric Charmes, « L’arbre, le maire et le terrain constructible »,
La Vie des idées
, 14 février 2025.
ISSN : 2105-3030.
URL : https://laviedesidees.fr/L-arbre-le-maire-et-le-terrain-constructible
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[1] Je remercie Éric Alonzo et Max Rousseau ainsi que la rédaction de La vie des idées pour leurs relectures attentives et avisées des deux premières versions de ce texte. Bien entendu, je reste seul responsable des erreurs et approximations qui demeureraient.
[2] Voir plus bas l’analyse des initiatives du Sénat sur le ZAN.
[15] C’est ainsi que l’on a pu construire en zone inondable, avec des conséquences qui parfois ont été dramatiques. Voir le travail de Julien Langumier sur Cuxac d’Aude : https://journals.openedition.org/lectures/736?lang=es
[33] Il y a peu d’études précises en France sur le lien entre prix immobiliers et fonciers et règlementations des usages des sols. On peut signaler sur le cas des métropoles de Californie cette étude de Nils Kok, Paavo Monkkonen et John Quigley : hwww.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0094119014000278
[49] Un grand projet de recherche vient d’ailleurs d’être lancé sur ce sujet, le projet Villegarden qui rassemble de nombreux pédologues, écologues et chercheurs en sciences sociales : https://pepr-vdbi.fr/projets/projets-villegarden