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Dossier / Travailler mieux, un recueil de propositions

Instaurer un droit des salariés d’avoir leur « mot à dire » sur leur travail
Proposition 2


par Thomas Coutrot & Coralie Perez , le 13 septembre


Les équipes de travail doivent bénéficier d’une demi-journée par mois sur le temps de travail pour se réunir et discuter, entre collègues et avec le délégué au travail réel, de la façon dont elles pourraient mieux travailler.

Conditions de travail difficiles, perte de sens, manque de reconnaissance, accidents et maladies professionnelles, les maux du travail sont nombreux. Fondé sur les acquis des sciences du travail, le recueil de propositions « travailler Mieux » vise à répertorier les mesures susceptibles d’améliorer la qualité du travail en France.

Le problème

La participation des salariés aux décisions qui concernent leur travail et la prévention des atteintes à leur santé est un facteur majeur d’efficacité et de bien-être au travail (Rapport 2023 des garants des Assises du travail). Pourtant le management en France est particulièrement vertical, et les salariés français sont, relativement au reste de l’UE, parmi les moins consultés sur ces décisions. Les risques psychosociaux et la perte de sens du travail qui en résultent ont un coût économique et sanitaire élevé. En outre, l’absence de consultation sur les lieux de travail a des conséquences négatives sur la vitalité de la démocratie dans la cité. Le droit d’expression des salariés (loi Auroux du 4/08/1982) figure toujours dans le Code du travail, mais il est tombé en désuétude : il faut rénover ce droit.

La proposition

Afin d’avoir leur mot à dire sur l’organisation de leur travail, les équipes de travail bénéficieront d’ une demi-journée par mois sur le temps de travail pour se réunir et discuter, entre collègues et avec le délégué au travail réel, de la façon dont elles travaillent actuellement et pourraient mieux travailler, tant du point de vue de la qualité des produits et services que de leur impact sanitaire et environnemental, et des propositions permettant d’avancer dans ce sens.

Comment ça marche ?

L’échec de la loi Auroux sur l’expression des salariés vient certes de l’opposition patronale et du faible engagement, à l’époque, de la plupart des organisations syndicales, mais aussi, selon Jean Auroux lui-même, d’une insuffisante codification : laissée à la discrétion de la négociation d’entreprise, sa mise en œuvre, le plus souvent organisée par les managers, n’a pas toujours suscité l’adhésion des salariés qui pouvaient se sentir contraints dans leur parole en raison de la subordination qui les lie à l’employeur.

Ce bilan, conjugué à l’intérêt actuel des partenaires sociaux pour cette question (souvent évoquée par le terme de « dialogue professionnel ») et à l’importance des enjeux économiques et sanitaires, justifie une rénovation du droit d’expression autour de trois axes : un accroissement du temps alloué aux salariés (passant d’un minimum de 6 heures par an à ½ journée par mois), une animation des réunions par les « délégués au travail réel » (DTR, cf. proposition précédente) en l’absence de la hiérarchie, et enfin une obligation de réponse explicite de celle-ci aux propositions portées par les DTR au Comité Sécurité, Conditions et Délibération du Travail (CSDT).

Pour assurer efficacement leurs fonctions, et en particulier l’animation des réunions d’expression, les DTR bénéficieront de formations spécifiques à l’élucidation des enjeux individuels et collectifs du travail réel (P. Davezies, Les défis de la formation des acteurs syndicaux, 2022).

Sur quels travaux de recherche la proposition est-elle fondée ?

La position médiocre de la France concernant la participation des salariés aux décisions sur leur travail est bien documentée (M. Bigi, D. Méda, « Prendre la mesure de la crise du travail en France », 2023) ; à l’inverse de l’Allemagne ou des pays scandinaves, la part des « entreprises apprenantes » diminue en France, au profit du modèle « lean », moins participatif (S. Benhamou, E. Lorenz E., Les organisations du travail apprenantes : enjeux et défis pour la France, France Stratégie, 2020. La participation des salariés aux décisions dans leur travail favorise à la fois le dynamisme économique (N. Greenan, S. Napolitano, « Investir dans la capacité d’apprentissage de l’organisation pour la double transition digitale et écologique », 2023) et la santé psychique (T. Coutrot, « La participation des salariés protège-t-elle du risque dépressif ? », Premières Synthèses Dares n°61, 2017). A l’inverse, le manque d’autonomie au travail et l’impossibilité de s’exprimer sur son travail ont des conséquences négatives sur l’engagement civique et les comportement politiques des salariés (T. Coutrot, Le bras long du travail. Conditions de travail et comportements électoraux, Ires, 2024)

Comment mettre en œuvre ?

La rénovation du droit d’expression des salariés suppose un projet de loi amendant le code du travail.

par Thomas Coutrot & Coralie Perez, le 13 septembre

Pour citer cet article :

Thomas Coutrot & Coralie Perez, « Instaurer un droit des salariés d’avoir leur « mot à dire » sur leur travail. Proposition 2 », La Vie des idées , 13 septembre 2024. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Instaurer-un-droit-des-salaries-d-avoir-leur-mot-a-dire-sur-leur-travail

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