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Témoins au féminin

À propos de : Giovanna Parmigiani, Feminism, Violence and Representation in Modern Italy. « We are Witnesses, Not Victims », Bloomington, Indiana University Press


par Mona Gérardin-Laverge , le 17 juillet 2020


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Une enquête sur les violences faites aux femmes en Italie et sur l’engagement des militantes montre comment la lutte porte aussi sur les représentations culturelles, politiques, esthétiques et éthiques.

Le contexte de cette enquête est celui d’un renouveau, dans les années 2010, des luttes féministes en Italie autour de la question des violences faites aux femmes, et notamment des féminicides. En effet, après une période de relative invisibilité des mouvements féministes (années 1990-2000) le débat public sur le terme « féminicide » et la réalité à laquelle il renvoie, ainsi que l’engagement des militantes pour faire reconnaitre l’existence de violences sexistes et sexuelles structurelles, donnent un nouveau souffle au féminisme.

Du crime passionnel au féminicide

En Italie, entre 2012 et 2017, une femme est tuée presque tous les deux jours par son compagnon (p. 1, note 1). Pour désigner ce phénomène, on peut employer le terme de « féminicide », qui renvoie au meurtre d’une femme en raison de sa condition de femme. Ce terme permet de produire une analyse structurelle et politique des meurtres : en français, par exemple, il est de plus en plus mobilisé pour remplacer le terme de « crime passionnel », qui romantise la violence et met l’accent sur des facteurs individuels et psychologiques plutôt que sur des facteurs sociaux, comme les rapports de genre, l’éducation des hommes cisgenres à la violence, la structuration du couple hétérosexuel et de la famille, etc. En Italie, si le terme « féminicide » suscite de nombreuses résistances antiféministes (liées au refus d’avoir une analyse critique et structurelle des violences faites aux femmes), il s’impose néanmoins dans le débat public au cours des années 2010, et la conscience de l’ampleur des violences faites aux femmes se généralise. De nombreuses initiatives, associations, collectifs et campagnes féministes naissent pendant cette période.

Fondé sur une enquête réalisée pendant vingt mois dans la région italienne du Salento entre 2011 et 2016, ce livre [1] documente les luttes féministes menées dans la région contre les violences faites aux femmes, et met en évidence l’importance politique des luttes portant sur les stéréotypes et les représentations culturelles, qui défient l’imaginaire patriarcal des violences et des femmes, et ouvrent de nouveaux possibles pour les vies des femmes aujourd’hui. Parmigiani se concentre principalement sur la région du Salento, particulièrement à gauche, très engagée contre les violences faites aux femmes, et qui a une histoire féministe importante (des « macare » médiévales, les « sorcières », femmes non-conformes à l’ordre social et détentrices de l’art de soigner, aux luttes des ouvrières dans les manufactures de tabac notamment dans les années 1930).

Parmigiani mène une enquête au sein de plusieurs groupes féministes, anciens, comme l’Union des Femmes en Italie, créée en 1944 et issue du parti communiste italien (p. 51), ou récents, comme l’association DNA Donna, centre dédié à la lutte contre les violences faites aux femmes dans la ville de Soleto, à la fondation duquel Parmigiani participe (p. 115). Ce dernier exemple souligne l’engagement de Parmigiani dans son enquête, qu’elle qualifie d’« observation participante » (p. 2), et qui la conduit à nouer des liens amicaux et politiques particulièrement importants avec nombre de ses informatrices.

Une enquête incarnée

Parmigiani a été formée aux questions féministes et de genre dans un contexte nord-américain. Elle souligne à plusieurs reprises sa surprise face au cadre théorique et à l’approche féministe de ses enquêtées. En effet, alors que Parmigiani se situe dans un paradigme intersectionnel, qui considère que le sexe est construit en interaction avec d’autres rapports sociaux comme la race, la classe ou l’âge, et queer, qui conteste le binarisme de genre et l’hétéronormativité, le paradigme de ses informatrices est celui de la « différence sexuelle » inspiré de L. Irigaray et du groupe français Psychanalyse et politique [2]. Peu sensibles aux questions d’intersectionnalité, elles assimilent le sexe et le genre (p. 41), s’intéressent à la subjectivité plus qu’aux questions de droit (p. 42) et considèrent que les « femmes », sujets légitimes de la lutte féministe, sont définies par la violence dont elles peuvent potentiellement ou réellement être les cibles. Elles ne considèrent pas que ce sont l’auto-définition, la possession ou non de certains privilèges et de certains droits qui définissent l’identité de genre. Parmigiani s’étonne de cette conception essentialiste du genre et des positions transphobes auxquelles elle peut conduire certaines de ses informatrices (p. 26-27).

Si Parmigiani explicite ainsi une certaine distance à l’égard de l’approche féministe de ses enquêtées, elle souhaite cependant rendre précisément compte de leur perspective sans chercher à la ramener aux débats nord-américains. Si cette démarche parait tout à fait légitime, en particulier dans le cadre d’une enquête anthropologique, on s’interroge en revanche sur l’assimilation rapide du paradigme intersectionnel et queer à une approche nord-américaine : n’existe-t-il pas des mouvements féministes queer et intersectionnels en Italie dans les années 2010 ? Ni de débat interne aux féministes italiennes sur le différentialisme et l’approche matérialiste et/ou queer du genre et de la domination ?

Reste que la volonté de rendre compte le plus fidèlement possible du point de vue de ses informatrices conduit Parmigiani à mener une enquête précise et incarnée sur les groupes féministes du Salento. Elle s’engage dans certains groupes militants, participe à de nombreuses initiatives, prend position dans des conflits internes au monde militant et noue de fortes relations politiques et amicales avec plusieurs de ses informatrices. Pour rendre compte de cette démarche, elle ponctue son livre de courts récits à la première personne du singulier, qui racontent tel voyage, tel événement, tel moment passé avec l’une ou l’autre. Souvent, l’analyse théorique et générale part d’un récit de ce type. Si cette construction peut parfois déstabiliser, et si la montée en généralité ne parait pas toujours clairement justifiée, le choix de ce type d’écriture permet en revanche d’appréhender de manière précise, incarnée et vivante le rapport de Parmigiani à son terrain d’enquête, et notamment le type de relation et le degré d’intimité qu’elle a avec ses informatrices.

Violences contre les femmes et luttes de représentation

La proximité et l’engagement que Parmigiani entretient avec son terrain d’enquête lui permettent de rendre compte de la manière originale dont ses informatrices pensent la question des violences faites aux femmes. En effet, si ces dernières ont évidemment conscience des aspects physiques et économiques de la violence, elles s’intéressent avant tout à la manière dont la violence structure la construction subjective et le vécu des femmes. Elles insistent sur son impact existentiel, et lui accordent un rôle central dans leur définition du féminisme. Elles considèrent que les violences forment un continuum dont le féminicide est la manifestation la plus extrême. Très critiques à l’égard du traitement médiatique et politique des violences, qui véhicule une idéologie patriarcale et une représentation des femmes comme étant essentiellement et par nature des « victimes » passives à protéger, les féministes du Salento développent un activisme visant explicitement à changer les représentations. C’est-à-dire à modifier la manière de voir, de sentir et de penser les violences, pour les femmes elles-mêmes, et dans l’opinion publique. Pour cela, elles développent différentes initiatives dont Parmigiani rend compte dans son ouvrage : des campagnes d’affichage, des événements culturels, un militantisme quotidien sur les réseaux sociaux, des luttes sur le langage et le choix des mots. Alors que les militantes féministes s’étaient retirées de l’espace public pendant une vingtaine d’années, la volonté de lutter sur les représentations les conduit à réinvestir cet espace, et à organiser davantage de manifestations publiques (par exemple des « die in  », forme d’action dans laquelle les manifestantes simulent la mort, et qui est absente, d’après Parmigiani, du répertoire d’action féministe des années 1970-1980).

Parmigiani analyse ces luttes représentationnelles grâce aux outils développés par J. Rancière pour penser le politique. En effet, Rancière considère que le politique introduit du conflit et du dissensus dans un ordre social inégalitaire qui prétend faire consensus et cherche à faire disparaitre l’existence d’alternatives à l’organisation sociale telle qu’elle est. Ce consensus est « une machine de pouvoir pour autant qu’il est une machine de vision [3] », c’est-à-dire qu’il produit nos manières de voir, sentir et penser le monde. L’ordre social inégalitaire est fondé, d’après Rancière, sur un « partage du sensible », c’est-à-dire sur le découpage de différents statuts et places sociales qui ne donnent pas les mêmes droits ni la même légitimité aux individus pour organiser la vie commune. Ce partage inégalitaire a une dimension proprement sensible, expérientielle : les groupes sociaux subalternes ne sont pas seulement dominés, mais ils ne sont pas entendus, leur langage étant assimilé à un simple bruit [4]. Parmigiani reprend ce cadre d’analyse pour comprendre l’importance accordée à la représentation par les féministes du Salento : leur démarche est de promouvoir le « dissensus » pour contrer les représentations patriarcales dominantes des violences et des femmes, développer et faire reconnaitre des représentations alternatives, changer le « sens commun » (p. 131). Par exemple, la lutte menée par l’UDI pour faire reconnaitre le mot « féminicide » est à la fois idéologique, politique et représentationnelle : elle vise à introduire un mot dans l’usage ordinaire pour rendre une réalité visible, et changer la perception commune sur un phénomène (p. 87).

« Nous sommes des témoins, pas des victimes »

Une des principales cibles des luttes représentationnelles des militantes du Salento, c’est le stéréotype de la femme victime passive de la violence physique, sexuelle, psychologique et symbolique. D’après ces militantes, l’appréhension des violences faites aux femmes par la figure de la « victime » domine les discours médiatiques, politiques, institutionnels et juridiques italiens. Cela a plusieurs conséquences néfastes : cela naturalise le statut de victime, comme s’il était lié à la faiblesse et à la passivité intrinsèques des femmes, comme s’il constituait leur essence. Cela peut contribuer à naturaliser la violence elle-même : si les femmes sont par nature des victimes, la violence n’est-elle pas naturelle, conséquence d’une inégalité de nature entre les hommes et les femmes ? La diffusion de ce paradigme victimaire dans le traitement des violences faites aux femmes a pour conséquence que la plupart des campagnes institutionnelles mettent en scène des femmes battues, blessées, voire mortes, des corps maltraités, couverts de bleus, de sang, etc. Pour Parmigiani et ses enquêtées, ces images renforcent l’imaginaire patriarcal, d’autant plus qu’elles sont reprises dans des campagnes publicitaires, qui utilisent des images frappantes et spectaculaires de violences comme des outils marketing.

Pour contrer cette représentation, de nombreuses campagnes féministes développent l’idée que les femmes sont des « témoins » plutôt que des « victimes » des violences. Les militantes interrogées par Parmigiani l’expliquent par différentes raisons : d’abord, la figure de la témoin est moins passive que celle de la victime et davantage susceptible de développer une forme d’empowerment. Il est vrai que, généralement, les témoins sont différents des victimes d’un crime, alors que dans le cas des violences, témoin et victime sont la même personne. Mais dans le contexte d’un procès, le témoin est celui qui « rend service » à la justice : comme le souligne l’une des militantes, les femmes qui luttent contre les violences rendent aussi service à la société en « témoignant contre le patriarcat » (p. 140). La figure de la témoin semble ainsi plus politique, active, revendicative et féministe que la figure de la victime. Si l’on comprend aisément la critique de la figure de la « femme victime », le choix de la figure alternative de la témoin pose néanmoins question, et pourrait être davantage expliqué dans le livre : pourquoi avoir choisi cette figure plutôt qu’une autre, plus combattive par exemple ? Quels sont les enjeux sociaux et politiques de ce choix ? La référence à un cadre juridique est-elle déterminante ? Ces questions étant posées, la lutte menée par les militantes du Salento pour déconstruire l’imaginaire patriarcal sur les violences ainsi que la naturalisation du statut de victime n’en est pas moins particulièrement intéressante, dans la mesure où elle met au jour les effets néfastes et contre-productifs de certaines campagnes médiatiques et institutionnelles ayant pourtant l’objectif louable de lutter contre les violences faites aux femmes.

Une politique de représentation orientée vers le devenir des femmes

La lutte contre la représentation des femmes comme des victimes va de pair avec le développement et la promotion d’une autre image des femmes. Parmigiani explique que, dans le Salento, cette démarche prend une dimension particulière en interagissant avec les valeurs et l’imaginaire culturel traditionnels. Le trope des « femmes-victimes » est localement interprété au travers de l’association des femmes aux « pleurs », et du complexe « de l’honneur et de la honte » qui gouverne traditionnellement les relations des hommes et des femmes. Pour les féministes que Parmigiani rencontre, ce complexe définit les femmes par un regard patriarcal. Elles associent explicitement la figure de la victime à la tradition et à une certaine docilité à l’égard du patriarcat. Dans ce contexte, ne pas se laisser réduire à cette figure est une marque de modernité et de progressisme. Les féministes cherchent ainsi à lui substituer une version féministe et moderne de la féminité, et rejettent les pleurs au profit de la « dignité ». Pour Parmigiani, la performance de « dignité » que font ses informatrices leur permet de rompre avec les récits traditionnels qui réduisent les femmes à des victimes de façon commensurable et compréhensible pour leur environnement (p. 136). Parmigiani met donc au jour une première stratégie représentationnelle, qui consiste à réinterpréter et se réapproprier certaines valeurs pour lutter contre un imaginaire traditionnel.

Elle dégage une autre stratégie, consistant à proposer des représentations oxymoriques des femmes pour produire certains effets qu’elle appelle « perlocutoires [5] ». Par exemple, une campagne d’affiches féministes à Taurisano met en scène des femmes mortes qui parlent. Les représentations qui intéressent Parmigiani juxtaposent ainsi des éléments contraires : passif/actif, sujet/objet, victime/témoin.

Ces représentations oxymoriques sont à mettre en lien avec un dernier phénomène identifié par Parmigiani : ses informatrices ne performent pas une féminité féministe moderne dans leur vie de manière parfaitement cohérente ou homogène. Bien souvent, ces femmes font « comme si ». Pour Parmigiani, il ne s’agit en fait pas de « faire semblant », mais de mêler ce qu’on veut devenir à ce qu’on est dans nos actions, pour le faire advenir. Par exemple, elles font comme si elles étaient « degne  », c’est-à-dire dignes et reconnues comme telles (« worthy and dignified  ») pour modifier la représentation qu’elles et les autres se font d’elles-mêmes. Elles mêlent ainsi les dimensions politique, éthique et esthétique, et s’engagent dans une politique transformatrice par le biais d’une politique du sensible (chapitre 6). Le lien qu’elle fait entre politique du sensible et politique du devenir ouvre, à son sens, un dialogue entre son cadre d’analyse ranciérien et l’approche foucaldienne de l’éthique, qui met l’accent sur l’ascèse et le travail de soi sur soi pour penser la vie éthique des sujets. Cette approche permet de mesurer le caractère politique des démarches centrées sur l’individu, et d’accorder une importance de premier plan aux dimensions éthique et esthétique de la vie politique.

Conclusion

Cet ouvrage documente de façon vivante la manière originale dont les féministes du Salento combattent les violences faites aux femmes, par une lutte sur les représentations ayant des visées culturelles, politiques, esthétiques et éthiques. Le rapport de Parmigiani à ses enquêtées, son implication dans leurs activités militantes et son intérêt pour la dimension représentationnelle des luttes féministes (comme la volonté de remplacer la figure de la « victime » par celle de la « témoin », par exemple) font de ce livre une enquête incarnée, et une contribution originale à l’analyse féministe des violences de genre.

La question des violences sexistes et sexuelles (et notamment des féminicides) a été à l’origine, ces dernières années, d’une mobilisation féministe d’une ampleur inégalée à l’échelle internationale, donnant lieu à ce qu’on a pu appeler la « quatrième vague féministe » : des mouvements massifs et populaires contre les violences et pour les droits des femmes en Amérique latine, en Asie, en Afrique, en Amérique du Nord et en Europe, et la reprise internationale du mot d’ordre argentin contre les féminicides « Ni Una Menos », « Pas une de moins », repris en Italie par le mouvement « Non Una Di Meno » qui a donné lieu, ces dernières années, à de grandes grèves de femmes et à des manifestations réunissant des centaines de milliers de personnes. Comme elle le souligne elle-même dès l’introduction, ce contexte a changé la situation décrite par Parmigiani dans son ouvrage. S’il est particulièrement intéressant de documenter les initiatives féministes et les luttes locales contre les violences pour comprendre dans quel contexte s’est enracinée cette mobilisation d’une ampleur inédite, cette enquête invite à d’autres études, qui prendraient en compte les dialogues, traductions et circulations internationales, et qui analyseraient l’évolution des luttes féministes ces cinq dernières années.

Giovanna Parmigiani, Feminism, Violence and Representation in Modern Italy. « We are Witnesses, Not Victims », Bloomington, Indiana University Press, 2019, 214 p.

par Mona Gérardin-Laverge, le 17 juillet 2020

Pour citer cet article :

Mona Gérardin-Laverge, « Témoins au féminin », La Vie des idées , 17 juillet 2020. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Giovanna-Parmigiani-Feminism-Violence-Representation-Modern-Italy

Nota bene :

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Notes

[1Cet ouvrage de 214 pages, écrit en anglais, est tiré de la thèse de doctorat en anthropologie socio-culturelle soutenue par Giovanna Parmigiani en 2015 à l’Université de Toronto.

[2Ce groupe est un courant du MLF (Mouvement de Libération des Femmes) créé par Antoinette Fouque qui, dans les années 1970, développe une approche féministe « différentialiste », consistant à valoriser les différences entre hommes et femmes et les qualités dites « féminines » pour revendiquer « l’égalité dans la différence ». Ce courant est le grand adversaire du féminisme matérialiste, représenté notamment par Christine Delphy, Colette Guillaumin, Nicole-Claude Mathieu, Monique Wittig ou Paola Tabet, qui déconstruit l’idée de différence naturelle entre hommes et femmes, montre que les différences sociales sont en fait des hiérarchies qui viennent justifier la domination, et critique l’essentialisme qui fait de la condition matérielle et sociale des femmes une essence qui les définirait par nature.

[3Jacques Rancière, Chroniques des temps consensuels, Paris, Seuil, 2005, p. 8.

[4Jacques Rancière, La Mésentente : politique et philosophie, Paris, Galilée, 1995.

[5Le terme de « perlocutoire » renvoie à la conception du langage développée par le philosophe J. L. Austin. Dans les leçons éditées sous le titre Quand dire c’est faire, Austin commence par mettre en évidence le caractère performatif de certains énoncés qui, comme l’énoncé « Je lègue cette montre à mon frère » dans un testament, ne se contentent pas de décrire un état du monde, mais font ce qu’ils disent. Après avoir ainsi opposé les énoncés performatifs et constatifs, Austin revient sur cette distinction en affirmant que tout énoncé peut constituer un acte de parole en trois sens : locutoire, illocutoire et perlocutoire. Un acte de parole a des effets perlocutoires au sens où il affecte son auditoire et a un nombre indéfini de conséquences variées sur le monde (John L. Austin. Quand dire, c’est faire, Paris, Seuil, [1962] 1991). Les notions de performatif et de perlocutoire ont été mobilisées dans les études de genre, notamment par J. Butler, pour penser la construction et la déconstruction du genre, et la résistance aux discours de haine.

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