Dans L’Ombre du monde, Didier Fassin entreprend une « anthropologie de la condition carcérale ». Il s’appuie pour cela sur une enquête menée dans une maison d’arrêt pour hommes, dans laquelle sont enfermés des prévenus en attente de jugement et des personnes condamnées à de courtes peines. Son enquête s’est déroulée durant sept mois répartis sur quatre ans, entre 2009 et 2013. Le livre s’ouvre par un compte rendu d’audience. Dans un tribunal presque vide, un homme est jugé pour un délit routier. Son procès a les traits ordinaires de la comparution immédiate. Le tribunal s’appuie sur une enquête sociale sommaire, examine la longueur de son casier judiciaire, un avocat rencontré peu avant demande qu’on lui laisse une chance, et une condamnation à une peine de prison ferme est prononcée : « c’est ici que tout commence ».
Perdre son temps
En racontant la catastrophe personnelle qu’est l’entrée en prison pour des hommes déjà aux prises avec des difficultés nombreuses, Didier Fassin tord le cou à l’idée abstraite que les magistrats se font parfois des vertus du « choc carcéral » comme moment de prise de conscience salutaire. Le lecteur suit ainsi l’analyse du quotidien d’une maison d’arrêt : la promiscuité imposée par la surpopulation, l’absence d’intimité incarnée par l’œilleton, la rareté des activités et du travail, les délais pour obtenir une consultation auprès d’un dentiste ou d’un psychologue, les libérations que les conseillers d’insertion et de probation surchargés n’ont pas le temps de préparer, et, surplombant l’ensemble, l’ennui d’un temps gâché. Le livre fait sentir, selon les termes d’un enquêté, « cette impression de perdre son temps, de ne rien faire d’intéressant, de ne rien apprendre, de réaliser un travail sous-qualifié, de ne cultiver ni son corps ni son esprit, de passer des journées stériles occupées à des gestes insignifiants, nourriss[ant] le sentiment d’une existence sans valeur » (p. 192). Le livre montre l’intensité des parloirs qui rompent avec cette monotonie, si attendus, et parfois sources d’angoisse et de souffrances, si le visiteur ou la personne détenue manquent à l’appel, ou si le visiteur est porteur d’une mauvaise nouvelle personnelle ou judiciaire.
Didier Fassin porte un regard attentif aux enjeux quotidiens de la vie prisonnière et aux tentatives des détenus pour la rendre plus vivable, par des échanges d’objets, des moments échappés à la surveillance qui permettent, par exemple, de cuisiner dans une cellule. Cette vie n’est évidemment pas exempte de hiérarchies et de rapports de force, visibles par exemple dans la circulation des objets précieux. C’est le tabac – menu plaisir nécessaire et monnaie d’échange d’un monde clos, pour l’obtention duquel les prisonniers les plus pauvres dépendent de surveillants accommodants ou des codétenus. Ce sont aussi les téléphones portables – interdits mais très présents, qui sont parfois jetés par-dessus les murs de la prison et que les détenus les plus vulnérables tentent de récupérer au risque d’une sanction disciplinaire.
Ces constats ne sont pas inconnus des lecteurs de la sociologie des prisons et des rapports d’instances extérieures qui se penchent sur le monde pénitentiaire, notamment ceux de Jean-Marie Delarue, premier contrôleur général des lieux de privation de liberté [1]. Ils sont portés ici par un regard et une écriture sensibles à la vie et à la parole des personnes rencontrées.
Prison réformée ou reformée ?
Une dimension plus singulière de l’enquête est qu’elle a été menée sur plusieurs années, entre 2009 et 2013, durant une période marquée par deux tendances aux conséquences contradictoires. D’un côté, le vote en 2009 d’une loi pénitentiaire a donné un nouveau socle législatif aux règles applicables en prison, inspiré, au moins en partie, par les recommandations exprimées par le Conseil de l’Europe sous la forme des Règles pénitentiaires européennes, dont une version actualisée a été adoptée en 2007. De l’autre, l’inflation carcérale a accru la surpopulation des maisons d’arrêt et dégradé les conditions de détention.
Dans l’établissement étudié par Didier Fassin la tension entre ces tendances est visible dès l’entrée en détention. Un quartier pour les arrivants a été aménagé, qui respecte les normes européennes. Il vise à ce que les premiers contacts avec des surveillants et des codétenus se fassent avec des personnes choisies pour leur bienveillance. Cet espace est plus accueillant que celui de la garde à vue auquel il succède fréquemment, mais il ne fait que repousser de quelques jours l’entrée dans la prison ordinaire : « plus dure » est alors « la chute » (p. 174), en particulier par la cohabitation forcée dans une cellule. Dans ce contexte, les règles destinées à protéger les détenus peuvent se retourner contre eux : un prévenu suicidaire est placé avec un autre prévenu « clochardisé » parce qu’il ne doit pas être placé avec un condamné (p. 176). Pour obtenir un changement de cellule, des prisonniers refusent parfois de réintégrer celle dans laquelle ils sont affectés, au risque d’une sanction disciplinaire.
Au-delà de la surpopulation, le livre montre comment l’institution gère les contraintes nouvelles que lui impose la loi. Par exemple, la fouille corporelle des prisonniers, pratiquée de manière systématique à la fin des parloirs, a de longue date été considérée comme une pratique attentatoire à la dignité. La loi pénitentiaire a prévu que celles-ci devraient désormais être justifiées par la présomption d’une infraction ou par des motifs d’ordre et de sécurité. Confrontée à cette norme nouvelle, le premier mouvement de l’administration a été … de continuer à faire comme avant. Mais ce statu quo a été condamné par des recours portés devant les juridictions administratives. Contrainte de formaliser un usage sélectif des fouilles, la direction de la maison d’arrêt a commencé par édicter des critères si larges que 80 % des prisonniers y satisfaisaient (antécédents de possession de stupéfiants ou de téléphone, comportement suspect au parloir, personnes vulnérables, « détenus particulièrement surveillés »), avant de se résoudre à des critères plus restreints (60 personnes sur 800), fondés notamment sur les résultats des dernières fouilles effectuées. Cette trajectoire illustre de manière exemplaire les processus d’incorporation du droit en détention. D’abord réticente, l’administration se saisit de la règle et des marges qu’elles contient – elle n’interdit pas radicalement la fouille corporelle – pour en faire un droit d’accès sélectif, autrement dit, un outil de gestion : « en choisissant qui faire entrer ou sortir de la liste des détenus soumis à cette épreuve, l’administration se donne en effet de nouveaux moyens de pression sur la population carcérale par un double jeu de punition et de récompense » (p. 389).
L’observation sur la durée permet de montrer le cheminement de progrès modestes mais pas anecdotiques, concernant par exemple le système de location des télévisions et la disponibilité de plaques chauffantes dans les cellules. Didier Fassin décrit la transformation de l’aide apportée aux détenus les plus pauvres. L’administration agissait selon une logique charitable d’aide à ceux qu’elle nommait « indigents », qui devaient par ailleurs avoir fait bonne figure. Ainsi, « on mobilisait du temps, de l’énergie, des affects et des arguments pour décider de l’attribution de 5 ou 10 euros ». Le dispositif a connu une transformation vers une forme qui s’approche d’un droit, même s’il connaît des exceptions redonnant à l’administration une certaine discrétion – les prisonniers demeurent exclus des minimas sociaux. Comme le dit un professionnel, le nouveau dispositif conduit à donner « plus » en discutant « moins » (p. 361). D’autres transformations sont plus ambivalentes. Les prisons sont régulièrement mises en cause en raison du nombre important de suicides de prisonniers. En la matière, l’administration a réagi d’une manière qui consiste d’abord à se protéger de l’accusation d’inaction. Elle surveille davantage les détenus repérés comme présentant un risque suicidaire, notamment la nuit : mais ce « harcèlement bienveillant » est perturbant, potentiellement anxiogène pour les prisonniers et se distingue peu des mesures mises en place pour des détenus particulièrement surveillés pour des raisons de sécurité.
Sur ce sujet comme sur d’autres, Didier Fassin montre que les agents pénitentiaires font, pour la majorité d’entre eux, ce qu’ils peuvent pour entretenir des relations humaines avec les hommes détenus. Dans son analyse du métier « en quête d’honneur » des agents pénitentiaires, l’auteur s’appuie sur la comparaison entre ses travaux en détention et ceux portant sur les policiers qui forment les brigades anti-criminalité (BAC) [2]. Les deux corps professionnels sont évidemment hétérogènes, mais son idée principale est que le contact permanent avec les prisonniers, au contraire des relations sporadiques entretenues par les policiers qu’il a étudiés, transforme en profondeur leurs rapports avec les personnes enfermées (p. 265). La fréquence des échanges et la nécessité d’une coopération minimale pour faire fonctionner l’institution éloignent les surveillants des catégorisations raciales que l’auteur a mis en avant dans son précédent ouvrage. Par exemple, par un renversement complet des stéréotypes colportés jusqu’au plus haut niveau de l’État, les Roms détenus sont considérés par les surveillants comme faisant partie des détenus qui ne posent pas de problème et comme des travailleurs particulièrement sérieux (p. 273).
Droit, violence, sécurité
La limite fondamentale des réformes est qu’elles sont prises dans les contraintes du maintien de l’ordre en détention, tel qu’il est défini par l’administration. Les chapitres centraux (7 à 10) analysent les enjeux liés à la violence, au droit, à la sécurité et à la répression à l’intérieur de la prison. Didier Fassin relate un incident impliquant un homme qui signe des raps sous le nom de « Corsaire » : détenu habitué de la prison, jadis victime de violence, désormais masse de muscles et boule de nerfs, dont la relation avec l’administration est faite d’alternances de compromis et de raidissements qui se terminent par des affrontements physiques (p. 301). Corsaire est un cas spécifique mais il rend visible les rapports problématiques entre le respect des règles et le maintien de l’ordre en détention. La limitation de l’arbitraire carcéral passe par l’établissement de règles. Mais si « les ajustements multiples du règlement, qu’ils relèvent du pragmatisme ou de la morale ou souvent des deux, rendent le quotidien plus supportable et la détention plus paisible, leur usage incohérent, inintelligible, voire malveillant peut s’avérer propice au désordre » (p. 410). Or, dans ce cas, le maintien de l’ordre prévaut toujours : immédiatement par l’intervention pour maitriser la personne qui proteste, mais aussi à froid, lorsqu’une commission de discipline statue sur la sanction.
Cette commission ressemble à un petit tribunal qui décide de la culpabilité puis de la peine. Un assesseur extérieur y a fait son entrée, au côté d’un directeur et d’un gradé pénitentiaires. Mais la question de la culpabilité est vite réglée : il n’y a pas d’enquête, et le renvoi devant la commission repose sur le rapport rédigé par un surveillant. Douter de la culpabilité de la personne détenue, c’est désavouer la parole d’un surveillant, ce qui est quasi impossible, même si des doutes importants s’expriment. La commission a une latitude pour déterminer la sévérité de la sanction, mais, là encore, une sanction sans proportion avec la gravité supposée de l’incident est une forme de désaveu. C’est dans ce cadre très contraint que les directeurs adaptent tant bien que mal leurs décisions à leur compréhension de l’incident. Pourtant, leurs décisions ont des conséquences considérables. Des pages sombres font sentir la souffrance et la puissance de destruction tournée contre eux-mêmes des hommes placés au quartier disciplinaire, suite à des incidents dont l’origine est bien souvent leur détresse elle-même. Au-delà du passage au quartier disciplinaire, la sanction a des effets cumulatifs parce qu’elle motive des refus d’accès à un poste de travail en détention, le retrait de réductions de peine, une appréciation négative d’une demande d’aménagement de peine. Bref, en prison, « tous les droits dont peuvent disposer les détenus (…) demeure[nt] toujours subsidiaires par rapport à la logique de l’ordre carcéral » (p. 368) et « une peine ne vient jamais seule » (p. 431).
Ces chapitres auraient pu rendre davantage compte du fait que ces enjeux de violence, de droit, de sécurité et de répression sont pour une large part les différentes faces de la même question. De ce point de vue, il est dommage que le livre n’engage pas une discussion plus forte avec le travail qu’Antoinette Chauvenet, Corinne Rostaing et Françoise Orlic ont consacré à la violence carcérale. Didier Fassin ne partage pas leur classification des violences entre actes avec ou sans « motif immédiat », catégorie au sein de laquelle elles placent les violences dont sont victimes les délinquants sexuels. Mais ces auteures ne prétendent pas que certaines violences seraient « sans motifs ». Didier Fassin appuie justement son analyse de ces violences sur l’idée que la prison enferme « des hommes entre eux, contraints à chaque instant de manifester leur masculinité » (p. 304). Antoinette Chauvenet, Corinne Rostaing et Françoise Orlic écrivent pour leur part que les auteurs d’agressions sexuelles sont stigmatisés parce que leur crime « frappe d’infamie l’image de la virilité ». Il n’y avait pas là matière à ne pas tenir davantage compte de leur contribution sur les relations entre la structure défensive de l’institution, le déficit de légitimité des règles en prison et la nature intrinsèquement instable de l’ordre carcéral. [3].
Les rationalités des politiques pénales
L’Ombre du monde étend son analyse de la condition carcérale vers les politiques pénales qui influencent les entrées et sorties de détention. Didier Fassin partage avec d’autres auteurs l’idée que « l’État punitif est un mode de gouvernement des inégalités » : « la focalisation sur des délits mineurs et sur des populations marginalisées indique bien que la répression ne vise pas à punir de façon équitable les infractions les plus préjudiciables à la société » (p. 500). En ce sens, estime Didier Fassin dans sa conclusion, la condition carcérale n’est pas « la part d’ombre » du monde contemporain « à cause de ceux qu’on enferme dans les prisons, comme le voudraient le sens commun et le discours politique, mais à cause des inégalités sociales qu’elle contribue à reproduire et des injustices ordinaires qu’elle permet de légitimer » (p. 504).
L’une des forces du livre est de prendre au sérieux les effets cumulatifs des processus de sélection et de discrimination des jeunes hommes aux prises avec le système pénal, avant leur condamnation puis lorsqu’ils essaient de sortir de prison. Le livre donne ainsi à voir les trajectoires pénales de jeunes hommes pauvres, racisés (« noirs » et « arabes »), fréquemment arrêtés, rapidement jugés, finalement enfermés, dont la vie professionnelle précaire déplaît aux juges et nuit à la formulation de leurs projets de réinsertion et de libération. Le livre plaide pour des analyses ambitieuses des mécanismes de sélection sociale des personnes aux prises avec la répression, de la définition légale des délits au travail de la police, et du prononcé des peines à leur exécution.
Le travail de Didier Fassin s’inscrit dans une décennie d’augmentation rapide du nombre de prisonniers. L’orientation répressive des politiques pénales s’est traduite par la volonté de mettre à exécution de manière plus systématique les peines de prison ferme, l’imposition de peines automatiques (les peines-planchers), le traitement expéditif (« en temps réel ») d’un nombre croissant d’affaires, et la condamnation à des peines de prison d’auteur de délits jusque-là davantage sanctionnés par d’autres peines, en particulier les délits routiers. Cette augmentation des flux a nourri une surpopulation qui s’est concentrée dans les maisons d’arrêt, lieu d’enfermement des prévenus et des condamnés à de « courtes peines » [4].
Pour cette raison, Didier Fassin estime que « bien mieux que les établissements destinés à l’enfermement des condamnés à de plus longues peines (maisons centrales et centres de détention), les maisons d’arrêt révèlent ces évolutions de la politique pénale et leur traduction dans le monde carcéral » (p. 65). C’est vrai, mais une autre tendance importante a marqué ces dernières décennies : la croissance du nombre de prisonniers due à l’allongement des peines, et particulièrement, à l’allongement des longues peines des auteurs de crimes de sang et de crimes sexuels [5]. Ces tendances s’incarnent dans les prisons pour peine dont Didier Fassin dit à plusieurs reprises qu’elles offrent de meilleures conditions de détention. Ces conditions matérielles ne changent pas la violence que constitue l’enfermement lorsque ce n’est pas du temps mais sa vie qu’on perd en prison.
La trajectoire pénale des personnes condamnées à de longues peines n’est pas sans lien avec leur position sociale. D’une part, les auteurs d’homicide appartiennent majoritairement « aux milieux populaires, principalement ouvriers, et aux familles les plus pauvres » [6]. D’autre part, bien que le viol soit « un crime de tous les milieux sociaux », les auteurs qui sont dénoncés, poursuivis et condamnés sont ceux qui sont issus de milieu modeste [7]. Pour autant, les enjeux politiques liées à ces infractions diffèrent pour partie des questions liées à l’extension de la répression des pauvres pour des « délits mineurs », signe d’un « pouvoir de punir (…) affranchi de ses justifications rationnelles » (p. 57). D’une part, en matière criminelle, la volonté de prévenir de manière de plus en plus absolue le risque de récidive conduit à des politiques d’enfermement par sûreté. Pour le dire en des termes foucaldiens, l’enjeu critique porte alors moins sur la gestion différentielle des illégalismes que sur les outils contemporains de mesure et de gestion des risques et de la dangerosité. D’autre part, Didier Fassin note justement que l’augmentation du nombre de personnes condamnées pour des violences sexuelles est moins liée aux politiques pénales de répression de la délinquance des pauvres qu’aux « efforts accomplis pour criminaliser » des actes auparavant et encore maintenant largement impunis (p. 140). Comme l’a souligné Maryse Jaspard en comparant les résultats de l’enquête de 2005 sur les violences envers les femmes et le traitement des auteurs de violences sexuelles par la justice, il est à la fois nécessaire de briser le silence sur ces violences et impossible que la justice pénale traite « tous ces cas délictueux » [8], ce qui pose des questions politiques difficiles.
Il n’est pas question ici de reprocher à une enquête sur une maison d’arrêt de ne pas porter sur une maison centrale. Mais, s’il s’agit, comme le dit Didier Fassin dans sa conclusion, de penser la configuration présente de la condition carcérale, il faut mentionner que la maison d’arrêt violente et surpeuplée par les populations marginalisées des sociétés contemporaines n’est qu’un des spectres qui hante nos systèmes pénaux. L’autre est l’allongement indéfini des longues peines subies dans les cellules individuelles des prisons pour peine. Parce que ces peines ne concernent pas des « délits mineurs », dont on peut montrer qu’ils sont liés à l’action sélective de la police et aux effets de la précarité, elles sont plus difficiles d’accès pour la critique et (encore) plus absentes des positions des partis politiques.
Cela ne rend que plus nécessaire que des voix témoignent, comme le dit l’épilogue, du fait que la prison est « une maison de vivants ». Au début de The Society of captives, travail pionnier sur une prison du New Jersey dans les années 1950, Gresham Sykes disait déjà que le mur de la prison ne sert pas qu’à empêcher les évasions, mais aussi à cacher les prisonniers à la société qui, pour une large part, préfère oublier le traitement qu’elle impose aux hommes enfermés [9]. En rendant visible et en faisant comprendre la condition carcérale, « l’ethnographie critique » de Didier Fassin rappelle à son public que, pour reprendre le titre d’un livre des années 1970 des militants du Syndicat de la magistrature, les peines sont rendues « au nom du peuple français » [10].
Didier Fassin, L’Ombre du monde, une anthropologie de la condition carcérale, Seuil. Paris. 2015. 602 p., 25 €.