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Dossier / L’Algérie, cinquante ans après

L’arabisation, un mythe ?
Pouvoirs et langues dans l’Algérie indépendante


par Tristan Leperlier , le 28 mars 2012


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Périodiquement remobilisée en Algérie depuis l’Indépendance, l’arabisation est tout d’abord un discours, légitimant celui qui s’en empare par le mythe nationaliste des origines. Quant à ses réalisations concrètes, elles sont, au delà de questions identitaires bien réelles, le fruit d’un rapport de force sans cesse renégocié entre groupes linguistiques, que la hiérarchisation des langues approche ou éloigne du pouvoir.

Cinquante après l’Indépendance, les résultats de l’arabisation en Algérie, c’est-à-dire l’ensemble des politiques linguistiques mises en œuvre depuis l’Indépendance en faveur de l’arabe moderne standard, sont incontestables. La majeure partie de la population en a une maîtrise au moins passive (lecture, écoute), si ce n’est active, comme en témoigne par exemple la popularité croissante des chaînes de télévision arabophones. Toutefois, en dehors même des quelque 20 à 30% de berbérophones, la population connait une situation de diglossie entre, d’une part, cet arabe standard international appris à l’école, et d’autre part l’arabe dialectal, parlé quotidiennement ; ces deux « variétés » de l’arabe ne se sont rapprochées l’une de l’autre sous l’effet de la scolarisation que de manière partielle. Surtout, et bien que cible proclamée des politiques linguistiques algériennes, le français est loin d’avoir perdu toute position dans la société, sa place dominante dans l’économie en particulier n’ayant été que bien peu remise en cause. On pourrait donc, en un premier sens, parler de l’arabisation comme d’un mythe dans la mesure où ses réalisations ne sont pas à la mesure de son programme.

Ce serait cependant figer bien abusivement dans sa définition radicale une idéologie politique investie depuis cinquante ans de valeurs et de fonctions très différentes. On ne saurait concevoir la politique linguistique algérienne comme le projet uniforme et la réalisation continue qu’elle présente d’elle-même, mais bien plutôt comme le fruit de négociations permanentes entre élites politiques, économiques et culturelles pour obtenir ou conserver à leur groupe linguistique une place dominante dans la société. Aussi bien, c’est moins à travers ses résultats qu’en tant que discours que l’on peut penser le caractère mythique de l’arabisation : il renvoie en effet aux fondements de la nation, et permet, par sa radicalité de façade, de relégitimer régulièrement le pouvoir dans son identité anticolonialiste, démocratique, panarabiste et islamique, en désignant les ennemis extérieurs comme intérieurs. À l’occasion du Cinquantenaire de l’Indépendance algérienne, cette réflexion sociologique et politique sur l’histoire de l’arabisation tente ainsi d’éclairer, au-delà des proclamations idéologiques, les enjeux de pouvoir inhérents à toute politique linguistique.

La langue arabe comme mythe national

Fondée en 1931, « l’Association des Oulémas musulmans algériens » [1] reprend à son compte la formule d’Abdelhamid Ben Badis, « L’Islam est notre religion, l’arabe notre langue, l’Algérie notre pays. » Or, comme dans toutes les revendications identitaires nationalistes qui ont éclaté depuis le XIXe siècle, la revendication de l’arabe comme langue nationale algérienne n’a rien d’une évidence. La période coloniale voit en fait émerger un discours nationaliste construisant l’arabe moderne standard comme langue de la nation en lutte.

Il n’est que de considérer les 8 à 10 millions de berbérophones (ou « tamazightophones ») pour se convaincre du fait que l’arabe moderne n’est, pas plus qu’une autre, la langue « naturelle » de la « nation » algérienne telle qu’on l’entend habituellement. Mais bien plus, l’unité factice du nom confond différentes variétés d’arabe : l’arabe classique, langue issue du Coran et utilisée par l’élite arabo-musulmane pendant douze siècles ; l’arabe moderne standard, normalisé au XIXe siècle à partir de l’arabe classique par les intellectuels de la Renaissance arabe (Nahda) du Proche-Orient ; et le dialecte dit algérien, vernaculaire variant d’une région à l’autre et utilisé quotidiennement. Le coup de force identitaire paraît d’autant plus important que pour la population illettrée de la première moitié du siècle la compréhension de l’arabe littéral (moderne ou classique) était impossible.

A la manière de Herder [2] et du nationalisme européen du XIXe siècle, les nationalistes arabes algériens ont postulé un lien génétique entre les deux variétés constituant la traditionnelle diglossie entre variété haute (arabe littéral) et variété basse (arabe dialectal) de la langue en question. Comme son nom l’indique en arabe (dârija, lié à l’idée de degré), le dialecte est pensé comme l’altération, la dégradation d’une langue pure, claire (fus’ha, qui désigne l’arabe classique). Ce mythe d’une origine linguistique commune à des peuples aujourd’hui séparés comme après Babel se retrouve dans tous les traités scientifiques du XIXe et du début du XXe siècle, par exemple dans les recherches sur l’indoeuropéen et l’aryanisme [3]. Dans le cas de l’arabe, les spéculations historiques rejoignent des préoccupations religieuses, puisque la langue originelle est aussi langue de la Révélation du prophète Mohamed. Il s’agit donc de purifier la langue parlée de ses emprunts au berbère et au français, accidents de l’histoire permis par le laisser-aller de la « masse abjecte » [4], pour retrouver la « vraie » langue arabe. On voit à quel point cette construction de l’arabe comme langue nationale algérienne est liée à une construction de l’histoire de la nation, censée commencer lors de la conquête arabe au VIIe siècle et s’approfondir avec les invasions des tribus Beni Hilal au XIe siècle, apportant la langue en même temps que la religion.

Cependant, certains linguistes actuels tels qu’Abdou Elimam [5] avancent que le vernaculaire actuel aurait un substrat non arabe mais punique, langue des antiques Carthaginois, langue sémitique également. Derrière la polémique scientifique, ce sont bien des enjeux politiques qui se jouent, car, affirmant cela, Abdou Elimam débaptise la langue parlée « d’arabe dialectal » pour lui préférer le terme de « maghribi » (langue du Maghreb) ; et rompt du même coup le lien mythique entre langue parlée et langue arabe classique ou moderne, tissé par les nationalistes musulmans et panarabes : c’est l’identité arabo-musulmane de l’Algérie qui est en question. Il ne s’agit pas ici de prendre position dans ce débat, mais de montrer que les propositions linguistiques sont récupérées dans le sens d’idéologies identitaires ; et que l’arabe comme langue nationale algérienne, partagée par l’ensemble de la population, est autant une construction que dans toutes les autres configurations nationalistes.Si cette construction identitaire a pu porter ses fruits, ce n’est pas seulement en raison de la tradition, antérieure à la pensée nationaliste, de confusion entre les variétés dialectale et littérale de l’arabe ; confusion favorisée par le statut prestigieux de cette dernière, langue de la Révélation ou encore du panarabisme dont Nasser portait alors haut les couleurs. C’est aussi parce qu’elle symbolisait « l’autre » du colonisateur. L’arabe, du fait de son statut particulier de langue religieuse et écrite, avait été l’objet de toutes les attentions inquiètes de l’administration coloniale, qui alla jusqu’à la déclarer « langue étrangère » en 1938 [6]. Elle pouvait dès lors, par métonymie avec l’islam, se constituer comme « patrie de référence identitaire » [7]. C’est pourquoi l’on assiste au paradoxe de non-arabophones défendant l’arabe comme langue nationale. Certains berbérophones peuvent ainsi formuler leurs revendications en arabe standard ; ou certains écrivains francophones, s’estimant traîtres à la nation, voire « aliénés » (Kateb Yacine), tenter d’écrire dans une langue qu’ils n’avaient pas apprise (Assia Djebar), voire arrêter d’écrire (Malek Haddad). Rares sont en effet les expériences littéraires en langue maternelle (arabe dialectal ou tamazight) en dehors de celles de Kateb Yacine.

Ce rejet du français fait débat au sein même du mouvement de Libération. Ainsi tel dirigeant du GPRA déclarait, « il nous faut être réalistes et considérer que la langue n’est qu’un véhicule, un matériel pour exprimer les idées » [8], et prônait par là le maintien du français en Algérie, langue de la majeure partie des élites. Mais à la question que lui auraient posée les colonisateurs de gauche, « pourquoi ne pas continuer à utiliser les langues occidentales pour décrire les moteurs ou enseigner l’abstrait », c’est-à-dire promouvoir un bilinguisme à l’indépendance, le Tunisien Albert Memmi répondait dans Portrait du colonisé :

Là encore, pour le colonisé, il existe dorénavant d’autres urgences que les mathématiques et la philosophie et même que la technique. […] [Le colonisé] ira jusqu’à s’interdire les commodités supplémentaires de la langue colonisatrice ; il la remplacera aussi souvent et aussi vite qu’il pourra. Entre le parler populaire et la langue savante, il préfèrera la savante, risquant dans son élan de rendre plus malaisée la communication recherchée. L’important est maintenant de reconstruire son peuple, quelle qu’en soit la nature authentique, de refaire son unité, de communiquer avec lui et de se sentir lui appartenant. […] Il s’interdira l’usage de la langue colonisatrice, même si toutes les serrures du pays fonctionnent sur cette clef ; il changera les panneaux et les bornes kilométriques, même s’il en est le premier embarrassé. Il préfèrera une longue période d’errements pédagogiques plutôt que de laisser en place les cadres scolaires du colonisateur […] Ainsi il ne devra plus rien au colonisateur, il aura définitivement brisé avec lui. [9]

On est surpris du caractère prémonitoire de ces pages quant à la préférence donnée à la rationalité identitaire par rapport à la rationalité économique pour la politique linguistique algérienne. Le choix de l’arabe comme langue nationale peut être vu comme un choix en négatif par rapport à la langue française, et donc aussi paradoxalement un choix par imitation (il faut également à l’ex-colonisé une « langue savante »). Aussi n’est-ce pas tant parce qu’il était peu diffusé dans la population algérienne que le français n’a pas pris la place de « langue officielle associée » qu’a conservé l’anglais en Inde : l’arabe standard n’était pas plus parlé. C’est plutôt que l’arabe était parvenu à devenir un emblème national, même chez certains de ceux qui ne le parlaient pas. Et peut-être aussi du fait de la faiblesse relative de l’opposition berbérophone, qui n’avait pas, face à l’arabe, la force numérique des Tamouls face à l’hindi [10]. Or ce sont précisément les rapports de forces entre locuteurs des trois principales langues d’Algérie qui permettent de rendre compte de l’histoire de l’arabisation, loin du mythe d’un programme unitaire et consensuel.

Du mythique au politique : L’arabisation, une méthode de pouvoir

Sans chercher à la minorer, on peut tout de même affirmer que la conviction idéologique selon laquelle l’arabe standard devait remplacer comme langue nationale un français aliénant ne permet pas seule de rendre compte des politiques linguistiques post-coloniales. Les enjeux de pouvoir doivent également être analysés, tant la hiérarchisation linguistique assure aux différents groupes de locuteurs des positions sociales différentes : à l’intérieur, une politique linguistique telle que l’arabisation est en effet, au moins à court terme, un outil d’exclusion de ceux qui ne parlent pas la langue promue.

Pendant la guerre d’Indépendance, les clivages du mouvement indépendantiste sont moins linguistiques ou ethniques que relevant de la question de la religion, et surtout de la conception de la « révolution nationale ». Lors de la « crise berbériste » de 1949 [11], ces « berbéristes » étaient certes pour beaucoup des Kabyles, mais ils se distinguaient moins par un programme de promotion de leur langue que par leurs positions laïques et en faveur d’une lutte armée rapide ; Hocine Aït Ahmed, par exemple, avait obtenu la création de l’Organisation Spéciale en 1947. Les proclamations de Messali Hadj en faveur du panarabisme peuvent donc se comprendre autant comme une manière de se concilier les faveurs de la Ligue arabe et de Nasser, ou celles des Oulémas qui demandent l’arabisation, que de ne pas se laisser déborder par ces activistes. La mise en avant de l’arabe est autant idéologique que stratégique, pour les exclure en tant que laïcs non arabophones et les stigmatiser comme « berbéro-matérialistes ».

On peut expliquer cette situation par des facteurs conjoncturels, comme l’émigration qui a amené nombre de Kabyles à être proches des communistes du fait de leur exil prolétarien en France (mais c’était également le cas de Messali Hadj) ; il faut aussi souligner la méfiance que les « politiques kabyles » de la France avait pu susciter chez ceux qui en étaient exclus [12]. On pourrait développer de semblables analyses à propos des débats autour de la plateforme de la Soummam. Le rejet politique progressif des Berbères pendant la guerre n’est donc pas lié uniquement à leur caractère berbère : il s’explique bien plus par des considérations politiques autres (la religion, l’activisme révolutionnaire) ; qui peuvent être interprétées également comme des discours objectivant des enjeux de pouvoir personnels aux plus hauts niveaux du mouvement indépendantiste (Ferhat Abbas, Messali Hadj, Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella...).

Le développement de la doctrine de l’arabisation pendant la guerre d’Indépendance n’est donc pas à interpréter uniquement comme un rejet du français par des francophones qui se seraient tous sentis « aliénés » par cette langue [13] ; mais aussi comme un moyen pour certains de rejeter des rivaux idéologiques et des concurrents politiques pour le leadership du mouvement nationaliste. Par la suite, bien loin d’être une réalisation progressive et uniforme, la politique d’arabisation suit les aléas de la vie politique algérienne, et des enjeux de pouvoir qui lui sont liés : elle fait l’objet de négociations perpétuelles entre élites pour la conservation ou l’octroi du pouvoir économique et/ou politique. Ainsi, alors que la présidence de Ben Bella, formée de fonctionnaires francophones de la gauche laïque, avait peu entrepris en termes de politiques linguistiques pro-arabe, le coup d’État de Boumédienne s’accompagne de mesures véritables en faveur de l’arabisation. Au-delà de sincères sympathies idéologiques, puisque il avait été formé lui-même à la Zitouna de Tunis et à Al-Azhar du Caire, sa politique linguistique permet par la même occasion d’exclure une partie du personnel politique proche du président qu’il avait fait chuter (au profit, entre autres, des membres de l’Association des Oulémas Musulmans Algériens et de leurs élèves).

Il est intéressant de noter toutefois qu’à la fin de sa présidence Boumédienne nomme au ministère de l’éducation Mostefa Lacheraf, partisan du bilinguisme français-arabe, et connu pour ses positions très critiques envers la politique linguistique entreprise jusqu’alors. C’est que la politique d’arabisation en Algérie doit être comprise comme une négociation permanente entre, d’une part, les pressions des arabistes, qui ont pour eux le discours considéré comme légitime de la lutte nationaliste et égalitariste que nous évoquerons par la suite ; et d’autre part les nécessités économiques d’une « classe-État [14] » qui fonctionne en français en son propre sein, mais également pour les besoins de son commerce et celui des autres dominants économiques du pays.

En effet, pendant les années de guerre, la France s’est mise à former en français de manière accélérée un nombre considérable de fonctionnaires musulmans (100 000) [15], pour lesquels l’arabe standard est presque une langue étrangère. Cette administration francophone a été pour beaucoup dans le maintien, pragmatique, du français dans l’administration de l’Algérie nouvellement indépendante, et ce, par la force de l’inertie, jusqu’à aujourd’hui. Du fait de la relative lenteur de l’arabisation, de nombreux cadres politiques et économiques continuent à être formés en français dans les années 1970. L’ouverture à l’économie libérale à la fin des années 1980, et surtout depuis les années 2000 (fin de la guerre civile), a permis un retour idéologique du français comme langue du développement économique (à la manière de l’anglais en Inde à partir des années 1990). Par ailleurs les relations avec la France ne peuvent être négligées dans ce contexte, puisque les relations économiques entre les deux pays sont extrêmement étroites. L’impérialisme économique français a besoin de voir se développer la francophonie en Algérie, qui contribue à maintenir le pays dans son orbite économique ; le pouvoir algérien y est également favorable, puisque pour assurer leurs positions, les intérêts français acceptent de verser des commissions, d’après le système de la « Françalgérie » que décrit François Gèze [16]. On peut également interpréter l’introduction de l’anglais dans le système scolaire en 1996 comme une manière, certes de moins faire dépendre son économie de la France en essayant d’attirer les capitaux américains qui se concentrent au Maroc [17] ; mais également de faire pression sur la France pour conserver son soutien tacite dans la violence anti-terroriste, et le système des commissions, en la menaçant par là de se détourner de son économie.

L’arabisation progressive de l’Algérie, en tant que planification rationnelle commandée par des impératifs idéologiques, est, en ce sens, un mythe. Elle est bien plutôt le fruit de négociations perpétuelles au sommet du pouvoir entre des groupes adverses afin d’accéder ou de rester en position de domination, et entre le pôle économique acquis au français, et le pôle politique plus favorable à l’arabe. Selon Lahouari Addi, « à réfléchir, il n’y a pas de concurrence entre l’arabe et le français en Algérie, il y a néanmoins concurrence entre groupes formés en arabe et groupes formés en français pour le contrôle des postes dans l’État rentier » [18], c’est-à-dire entre les « francisants » et les « arabisants ». Nous dirions plus exactement que si l’arabisation a permis à des élites formées plus en arabe qu’en français d’accéder à des postes à responsabilité, elle a marginalisé non pas tant les francophones que ceux qui n’ont pas été formés en arabe, entre autres donc certaines élites kabyles (mais pas uniquement), qui continuent toutefois, par leur maîtrise du français, à tenir une partie de l’économie [19] (elle se fait encore en français pour sa partie la plus rentable). On pourrait ainsi dire que le résultat de ces négociations est une arabisation partielle de l’Algérie, puisque seul le bilinguisme arabe-français permet d’accéder au pouvoir politique comme économique.

L’arabisation, discours mythique nationaliste et égalitariste

Mais au-delà de ses applications concrètes, l’arabisation est avant tout un discours. Chargée de symboles, la langue arabe permet de relégitimer le pouvoir du FLN en donnant des gages de nationalisme et d’égalitarisme : proclamer sa promotion suffit à rappeler l’origine mythique de la société et de l’État algériens, c’est-à-dire la lutte anticolonialiste de laquelle ils sont censés être issus.

Tenu paradoxalement par des élites formées pour la majeure partie en français et non en arabe, le discours d’arabisation peut en effet se comprendre comme une manière de légitimer le nouveau pouvoir auprès de la population « arabophone » acquise à ce symbole de la lutte pour l’Indépendance. Ainsi Ben Bella déclarait le 1er novembre 1962 « Notre langue nationale, l’arabe, va retrouver sa place ». Or les faits contredisent ce discours, pourtant repris dans la Constitution. Les mesures d’arabisation sont quasi nulles durant la présidence de Ben Bella, qui signe au contraire de multiples accords de coopération, en particulier éducatifs, avec la France. La popularité du discours d’arabisation, toujours lié à ceux de la Révolution et de l’islam, butte sur le pragmatisme qu’Albert Memmi refusait de voir dans le texte cité plus haut.

Par ailleurs l’arabisation permet d’invoquer l’image du Français comme ennemi extérieur, ou du Berbériste comme ennemi intérieur, contre l’unité nationale durement acquise lors de la guerre de Libération. Mais avec la surenchère islamiste dans le sens de la politique d’arabisation, la légitimation du régime par la politique linguistique se fait plus complexe, car il ne pouvait se permettre de s’aliéner plus encore le soutien kabyle farouchement anti-islamiste. Dénoncé par le FIS et les GIA comme le Hizb Fransa, le Parti de la France, le gouvernement est contraint de donner des gages d’anticolonialisme et d’unité nationale, notamment par la loi de généralisation de l’arabe en 1992, repoussée plusieurs fois avant d’être appliquée en 1998.

Toutefois, dans le même temps, le pouvoir est contraint de prendre des mesures en faveur du tamazight (berbère) en 1995, puis en 2002 où il entre dans la Constitution comme « langue nationale » (mais pas officielle). Par ailleurs, une fois le danger islamiste éloigné, le président Bouteflika, dont on évoque volontiers l’attitude « décomplexée » vis-à-vis du français [20], prend des mesures en faveur de cette langue : l’enseignement du français est réintroduit dès la deuxième année scolaire, et les accords de coopération avec la France pour la formation des professeurs sont renforcés. Ceci pourrait montrer que le discours de légitimation nationaliste que constituait la politique d’arabisation tendrait à s’essouffler, d’une part du fait de la progressive reconnaissance des revendications imazighen (berbères), et d’autre part parce que la lutte anti-française se trouve désormais moins porteuse que la lutte antiterroriste. Malgré cela, le discours anti-français continue à être réactivé, comme à l’occasion de la loi de 2005 sur le rôle positif de la colonisation française en Afrique du Nord, et surtout lors de la fermeture des écoles privées francophones (illégales) en février 2006, pour causes de « déviation linguistique », d’« antinationalisme » et d’ « errements francisants » [21]. Dans la mesure où les écoles kabyles ont été les plus hostiles à cette mesure, elle a permis de revivifier l’image de l’ennemi national intérieur (le Kabyle autonomiste) et extérieur (le Français).

Alors que la colonisation était fondée, entre autres, sur une hiérarchisation des langues, couplée à la rétention de la langue dominante (puisque seule une minorité de la population, à l’exception notable de la Kabylie, a eu accès au français [22]), l’idéologie de l’arabisation contenait en elle l’idée d’égalité, au sens de démocratie, comme au sens d’égalité linguistique des chances à la promotion sociale.

Or, on l’a vu, cette croyance était fondée, non seulement sur l’oubli des langues berbères, mais également sur la confusion entre arabe dialectal et arabe littéral. En outre l’assimilation totale de la population, qu’elle parle arabe dialectal, berbère, ou français, par l’arabe standard (alors que le même processus d’assimilation à la langue du pouvoir a pris des siècles dans les États-nations européens) a longtemps buté sur un enseignement défectueux. Celui-ci a souffert dans les premières années d’un manque criant d’enseignants (ce qui explique en partie, comme au Maroc, le maintien de l’enseignement en français), puis d’une pédagogie médiocre : les Syriens, et surtout les Egyptiens recrutés, appliquèrent à l’enseignement de l’arabe la pédagogie traditionnelle d’apprentissage par cœur du Coran, que certains jugèrent peu efficace [23]. En 1991, on comptait en tout cas 800 000 élèves de 16 ans qu’on a appelé des « bilingues analphabètes » [24]. Cet enseignement défectueux n’a donc pas contribué à supprimer la diglossie traditionnelle, ou du moins à conjoindre bilinguisme et diglossie sur l’ensemble de la population, quand bien même de véritables progrès aient été accomplis dans l’enseignement de l’arabe standard depuis les années 1980.

Par ailleurs, comme on l’a déjà noté, on observe une disjonction entre la place conférée progressivement à la langue arabe par le pouvoir et son importance sociale réelle. En d’autres termes, l’arabisation a été bien plus lente dans la fonction publique, du fait de l’inertie du personnel en place [25], que dans l’éducation. Aussi la fin des années 1980 et le début des années 1990 voient-elles la première génération d’élèves formés exclusivement en arabe (malgré les cours de français que tous suivent également) entrer sur un marché du travail incapable de l’absorber, en particulier après les « ajustements structurels » imposés par le FMI. La crise islamiste des années 1990 peut donc se comprendre en partie comme une « lutte de classes linguistiques ». Les djihadistes se sont recrutés dans le prolétariat fraichement issu de l’exode rural (Mohamed Benrabah parle de 60% d’analphabètes de 18-22 ans chez ceux-ci [26]) mais aussi dans la jeunesse sans emploi scolarisée en arabe, voire diplômée des filières universitaires arabisées (humanité, droit, religion...). Les victimes du terrorisme furent ainsi parfois liées à la profonde frustration scolaire et linguistique de ces djihadistes : entre 1992 et 1995 par exemple, 100 enseignants ont été assassinés, 815 écoles détruites, de nombreux intellectuels francophones assassinés (comme Tahar Djaout). Selon Hafid Gafaïti, l’exigence formulée par ces nouveaux islamistes d’une application entière de l’arabisation doit être comprise « comme un pur dispositif d’accès à ces emplois plus ou moins monopolisés par leurs coreligionnaires francophones. » [27]

Il ajoute : « Parce que la francophonie a été associée dans l’esprit populaire au pouvoir élitiste, oppressif, et illégitime du gouvernement, l’élite francophone a essayé d’étendre sa propre vie en invoquant un faux populisme fondé sur l’arabisation. » [28]. Ce populisme du gouvernement conduit à un paradoxe remarquable : la poursuite de l’arabisation par le président Zeroual sous la pression des islamistes a permis en fait de renforcer la domination de l’élite algérienne en phase avec l’économie réelle qui fonctionne en français. Comme l’écrit Gilbert Grandguillaume, « l’hypocrisie sociale de la couche dirigeante était devenue manifeste : utilisant le français pour son pouvoir et sa reproduction, elle prônait l’arabe pour les autres, les condamnant de ce fait à la marginalisation par rapport au fonctionnement réel du pays [29] ».

De fait, la couche dirigeante est désormais au moins bilingue (arabe standard/français). Même parmi les concepteurs de l’arabisation, nombreux sont ceux qui cherchent et trouvent les moyens d’enseigner à leurs enfants le français, malgré les mesures de plus en plus restrictives pour son apprentissage [30]. Alors qu’en 1988 la Mission culturelle française est interdite aux Algériens et aux couples mixtes [31], et que l’on vote à plusieurs reprises une loi de généralisation de l’arabe (1992-1998) qui n’est d’ailleurs pas strictement appliquée dans les faits [32], de nombreux lycées privés francophones s’ouvrent dans une illégalité encouragée (avant d’être rappelés à l’ordre ou fermés en 2006 comme on l’a vu). Le lycée Descartes, déplacé d’Alger et rebaptisé lycée Bouâamama, continue en étant moins visible à former la future élite politique, économique et en partie intellectuelle d’Algérie ; et les études supérieures se poursuivent au besoin à l’étranger, en Tunisie ou en Europe [33] pour les filières arabisées en Algérie.

Paradoxalement donc, au lieu de contribuer à l’égalisation politique et sociale, l’arabisation, partielle par manque de moyens et de volonté politique, a permis dans les faits la reproduction d’une élite politico-économique bilingue. Le discours d’arabisation est donc bien un discours mythique au sens où il confère une légitimité au pouvoir quelle que soit l’application effective de lois parfois contradictoires.

Conclusion

Revenir, cinquante après l’Indépendance, sur l’idéologie et la politique d’arabisation en Algérie permet de prendre quelque distance avec une représentation de celle-ci comme production idéologique par elle-même légitime, pure de toute stratégie, et aux applications systématiques. Pas plus que dans une autre construction nationale la politique linguistique algérienne ne relevait de l’évidence. Faire de l’arabe moderne standard la langue nationale s’appuyait sur une construction identitaire nécessairement contestable ; et qui n’a pas manqué d’être contestée, après une décennie d’union nationale autour de la figure charismatique de Boumédienne, par les élites formées en français, par les partisans du dialectal comme langue nationale, et par les mouvements berbéristes puis imazighen à partir des années 1980. À ce mythe d’une essence arabe ou arabophone des Algériens s’ajoute l’illusion rétrospective de l’arabisation comme un processus régulier issu d’une idéologie clairement affirmée et consensuelle. Celle-ci ne résiste pas à l’analyse puisque, bien au contraire, la politique linguistique est soumise aux aléas de négociations permanentes entre les différentes élites : elles maintiennent ou modifient ainsi une hiérarchisation linguistique qui conditionne le pouvoir économique ou politique des différents groupes de locuteurs. La situation relativement défavorable des berbérophones ne s’explique pas uniquement par des considérations identitaires, mais également par des enjeux de pouvoir, qui défavorisent non pas tant les francophones que les non-arabophones. Bien plus, l’arabisation est un mythe au sens où il s’agit d’un discours des origines, refondant régulièrement la légitimité du pouvoir dans ses sources de lutte anticoloniale, c’est-à-dire nationaliste, unitaire, et égalitariste. Discours en bonne partie populiste, il n’affecte pas l’éducation des élites algériennes qui peuvent contourner les règles générales pour continuer à se former dans les deux langues. Encore périodiquement réactivé et efficace auprès de certaines populations, ce discours mythique semble toutefois avoir perdu de sa force et donc de son usage devant la contestation identitaire amazigh et le développement de l’idéologie économique libérale favorable au français.

par Tristan Leperlier, le 28 mars 2012

Aller plus loin

Sites web

  • On peut consulter les articles de Gilbert Grandguillaume, spécialiste de la politique linguistique algérienne, sur son site
  • Pour une introduction (militante) à la question du tamazight (berbère) qui n’était pas traité ici, voir ce site de l’université Laval.

Chronologie de la question linguistique en Algérie

  • 1938 : L’arabe déclaré langue étrangère en Algérie.
  • 1963 : La première constitution algérienne proclame en son article 5 « La langue arabe est la langue nationale et officielle de l’État ». 10h d’arabe hebdomadaire à l’école.
  • 1966 : ordonnances sur l’arabisation de la justice.
  • 1968 : ordonnance sur la connaissance obligatoire de l’arabe pour les fonctionnaires.
  • 1976 : interdiction et nationalisation des écoles privées.
  • 1977 : Mostefa Lacheraf, partisan du bilinguisme, est nommé ministre de l’éducation à la fin de la présidence de Boumédienne.
  • 1980 : manifestations d’étudiants pour le renforcement de l’arabisation dans la fonction publique. « Printemps berbère » d’émeutes à l’occasion de l’interdiction d’une conférence de Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle.
  • 1991-1998 : loi sur la généralisation de l’utilisation de la langue arabe dans tous les domaines de la vie économique et sociale promulguée en 1991 et suspendue en 1992, reprise dans une ordonnance en 1996, applicable en 1998.
  • 2001 : « Printemps noir » en Kabylie.
  • 2002 : Reconnaissance du tamazight « comme seconde langue nationale à côté de l’arabe ». Introduction de l’enseignement du français en deuxième année du primaire (au lieu de la quatrième année).
  • 2005-2006 : fermeture des écoles privées (francophones) qui se sont développées illégalement dans les années 1990.

Pour citer cet article :

Tristan Leperlier, « L’arabisation, un mythe ?. Pouvoirs et langues dans l’Algérie indépendante », La Vie des idées , 28 mars 2012. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/L-arabisation-un-mythe

Nota bene :

Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article, vous êtes invité à proposer un texte au comité de rédaction (redaction chez laviedesidees.fr). Nous vous répondrons dans les meilleurs délais.

Notes

[1Association qui coordonna les efforts de la nébuleuse réformiste en Algérie et dont les militants, après 1962, revendiquèrent avoir joué un rôle important dans l’histoire du mouvement national. Voir Merad Ali, Le Réformisme musulman en Algérie de 1925 à 1940 : Essai d’histoire religieuse et sociale, Paris, Mouton et Cie, 1967, et James McDougall, History and the Culture of Nationalism in Algeria, Cambridge, Cambridge University Press, 2006.

[2Johann Gottfried von Herder (1744-1803) est la référence première de la pensée substantialiste du nationalisme, selon laquelle on peut s’attacher à révéler les cultures propres à chaque peuple, le Volksgeist, qui existerait simplement de manière latente, comme endormi. Herder pensait qu’au-delà des variétés dialectales de l’allemand existait, profondément, une langue commune, d’origine.

[3Ces recherches philosophiques, historiques, et linguistiques du XIXe siècle postulent, à partir de ressemblances entre certaines langues, une langue d’origine commune, l’indo-européen, portée essentiellement par un peuple, les Aryens, dont tous les peuples européens descendraient.

[4Safalat al’amma était l’une des manières dont Ben Badis qualifiait le peuple parce qu’il parlait l’arabe dialectal.

[5Abdou Elimam, Le maghribi, langue trois fois millénaire, Alger, éd. ANEP, 1997.

[6Djamila Saadi-Mokrane, «  The Algerian Linguicide  », in Anne-Emmanuelle Berger (dir.), Algeria in others’ languages, Ithaca, Cornell University press, 2002.

[7Benjamin Stora , Histoire de l’Algérie coloniale (1830-1954), Paris, La Découverte, 2004.

[8Cité dans Mohammed Harbi, Le FLN, mirage et réalité. Des origines à la prise de pouvoir (1945-62), Paris, Editions J.A., coll. «  Le sens de l’histoire  », 1985, p. 322.

[9Albert Memmi, Portrait du colonisé  ; précédé de Portrait du colonisateur, Paris, Gallimard, 2002 [1957], p. 149-152.

[10Les États du Sud de l’Inde fortement peuplés, où la pénétration de l’hindi est très faible, en particulier le Tamil Nadu, se sont opposés à la généralisation du hindi, ce qui a permis le maintien de l’anglais comme «  langue officielle associée  ».

[11Amar Ouerdane, «  La “crise berbériste” de 1949, un conflit à plusieurs faces  », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 1987, vol. 44, n°1, pp. 35–47.

[12Alain Mahé, Histoire de la Grande Kabylie, XIXe-XXe siècles. Anthropologie historique du lien social dans les communautés villageoises, Paris, Bouchène, 2002, pp.154-157. Alain Mahé refuse d’utiliser pour l’Algérie l’expression «  politique berbère  », généralement employée à propos de la politique française au Maroc (le fameux dahir berbère). Pour ce qui nous intéresse, les «  politiques kabyles  » se sont surtout traduites par une plus forte scolarisation en Kabylie. Toutefois, en dehors d’un choix certes réfléchi de diviser pour mieux régner, cette politique s’explique de manière fortement contingente. Le caractère «  rebelle  » de la Kabylie montagnarde a conduit à sa faible colonisation, et donc à une faible résistance des colons à l’installation d’écoles. Par ailleurs la très forte émigration en France (la moitié des Algériens en métropole à la fin de la guerre) explique en partie aussi la forte connaissance du français.

[13Le sentiment et le discours de l’«  aliénation identitaire  » est très marqué à cette période. Voir entre autres Kateb Yacine, dernières pages du Polygone Etoilé, Paris, Ed. du Seuil, 1997, p. 180-182.

[14Rachid Ouaissa et Hartmut Elsenhans, La classe-État algérienne, 1962-2000 : une histoire du pouvoir algérien entre sous-développement, rente pétrolière et terrorisme, Paris, Publisud, 2010.

[15Pierre Vermeren, Maghreb : la démocratie impossible  ?, Paris, Fayard, 2004.

[16François Gèze, «  Françalgérie : sang, intox et corruption  », Mouvements, 2002, vol. n°21-22, n°3.

[17Jean-François Coustillière, «  Les États-Unis : une puissance méditerranéenne  », Méditerranée, 74, Été 2010.

[18Lahouari Addi, L’Algérie et la démocratie : pouvoir et crise du politique dans l’Algérie contemporaine, Paris, Ed. la Découverte, coll. «  Textes à l’appui. Série Histoire contemporaine  », 1994.

[19Hafid Gafaïti, «  The Monotheism of the Other, Language and De/construction of National Identity in Postcolonial Algeria  », in Anne-Emmanuelle Berger (dir.), Algeria in others’ languages, Ithaca, Cornell university press, 2002.

[20Comme au Sommet de Beyrouth (18-20 octobre 2002), premier sommet de la Francophonie auquel l’Algérie participait au titre d’invité spécial : «  L’Algérie a conscience que l’usage de la langue française permet à nos jeunes d’élargir leur horizon et de participer à l’évolution du monde moderne.  »

[22Comme ironisait Mostefa Lacheraf : «  On nous dit qu’on nous avait imposé l’usage du français. […] [dans] un pays qui compte près de 85% d’analphabètes bien qu’il soit resté pendant 130 ans en contact direct avec la langue française  », cité dans Louis-Jean Calvet, Linguistique et colonialisme : petit traité de glottophagie, Paris, Payot, p. 313.

[23Mohamed Benrabah, Langue et pouvoir en Algérie : histoire d’un traumatisme linguistique, Paris, Séguier, 1999, p. 105 sqq. Il avance par ailleurs, comme de nombreux auteurs, que beaucoup des enseignants égyptiens étaient des Frères musulmans, dont Nasser se débarrassait.

[24Djamila Saadi-Mokrane, art.cit.

[25La fonction publique est en effet la seule marge de manœuvre sur l’emploi que les gouvernements algériens se soient autorisés : ils n’ont pas obligé le secteur privé (certes faible) à l’arabisation, comme au Québec qui imposait aux entreprises de plus de 50 salariés de parler français.

[26Sur cette question de l’enseignement de l’arabe, voir Mohamed Benrabah, Langue et pouvoir en Algérie : histoire d’un traumatisme linguistique, Paris, Séguier, 1999.

[27Hafid Gafaïti, art.cit., «  as a mere device for gaining access to those jobs more or less monopolized by their French-speaking co-religionists  » [traduction de l’auteur].

[28Hafid Gafaïti, art. cit., p. 52, «  Because Francophonie has been linked in the popular mind to the governments elitist, oppressive, and illegitimate rule, the Francophone elite has tried to extend its own life by advocating a false populism based on Arabization  » [traduction de l’auteur].

[29Gilbert Grandguillaume, «  Arabisation et légitimité politique en Algérie  », in Salem Chaker (dir.) et Institut National des Langues et Civilisations Orientales, Langues et pouvoir : de l’Afrique du Nord à l’Extrême-Orient, Aix-en-Provence, Edisud, 1998, p. 20.

[30C’est le cas de Boumédienne et du ministre Talib Ibrahimi selon Khalida Messaoudi et Élisabeth Schemla, Une Algérienne debout : entretiens avec Élisabeth Schemla, Paris, Flammarion, 1995, p. 59.

[32Ibidem.

[33Dans un appel lancé à Paris par le RCD-Émigration, intitulé «  Les autres fossoyeurs de l’Algérie  », il est écrit : «  Les défenseurs les plus zélés de cette loi (sur l’arabisation entrée théoriquement en vigueur le 5 juillet 1998) se gardent bien de l’appliquer à leurs enfants, préférant pour eux Paris, Washington, Manchester ou Tunis devenue la capitale algérienne du bac français  », La Tribune, 6 juillet 1998, p. 4.  ; cité dans Foudil Cheriguen, «  Nommer pour exister : de l’ethnonyme comme enjeu politique  », Mots, 1998, vol. 57, n°1, p. 35.

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