Le débat sur l’ « obsolescence programmée » l’associe à l’« arnaque » ou au « vice caché ». L’histoire de cette notion montre cependant que l’obsolescence a été publiquement préconisée par des industriels, économistes, marketers, publicitaires, conseillers en économie domestique.
En dépit de nombreuses recherches, lois et plaintes déposées contre de grandes marques, la notion d’obsolescence programmée fait débat en France. Si l’expression est désormais connue, elle reste utilisée avec circonspection, car associée à une théorie du complot ou un réflexe technophobe. Sans doute parce qu’elle reste définie, de part et d’autre du débat, comme une forme de tromperie, d’arnaque ou de vice caché. Or si la référence à ces trois concepts permet d’éclairer certains cas, elle ne permet ni de se débarrasser des sempiternelles critiques de la notion d’obsolescence programmée, ni de traiter en son ensemble le problème de la durabilité.
En effet, l’histoire de l’obsolescence montre que, loin d’avoir été pratiquée en secret, elle a été publiquement promue, et continue de l’être, comme source de progrès, de prospérité, d’égalité ou d’émancipation. Des conflits liés à la mécanisation des moyens de production aux produits jetables, de la constitution du marketing en profession aux promesses d’humanité augmentée par la micro-informatique, le renouvellement systématique des objets a été érigé en signe, en source voire en essence même de leur valeur. Cet article propose d’évoquer quelques moments-clé de cette histoire, afin d’éclaircir le rôle central que joue le gaspillage dans les économies occidentales, et de questionner les limites des politiques actuelles en faveur de la durabilité.
« L’obsolescence programmée » : un débat actif, mais réducteur
Le débat sur l’obsolescence programmée commence en France avec une campagne de l’association Les Amis de la Terre. C’est elle qui, par des écrits, conférences, interventions médiatiques, propose cette expression pour traduire planned obsolescence. Son premier rapport, publié avec le Cniid (Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets, devenu Zéro Waste France en 2014) en 2010, expose les effets néfastes du renouvellement rapide des produits sur l’environnement, le pouvoir d’achat et les conditions de travail. En 2011, est diffusé sur Arte Prêt à jeter, un documentaire qui, à l’appui d’archives, d’interviews et d’expérimentations techniques, présente l’obsolescence programmée comme « le mécanisme secret situé au cœur de notre société de consommation » et en propose une critique inspirée par l’écologie et la décroissance. Sa diffusion suscite aussitôt des critiques, présentant l’obsolescence programmée comme un « mythe » inspiré par le « complotisme ». Dans les médias, les questions soulevées par ce film sont réduites à un débat binaire : « l’obsolescence, mythe ou réalité ? ». L’obsolescence devient un sujet de soupçon – quelque chose à quoi on « croit » ou ne « croit » pas, qu’il faudrait « prouver » ou « démystifier », en menant enquêtes et contre-enquêtes [1].
Ce débat eut rapidement des conséquences politiques. En 2013, le sénateur EELV Jean-Vincent Placé déposa un projet de loi faisant de l’obsolescence programmée un délit. Non voté, il entraîna cependant des prises de position au Sénat, relança l’agitation médiatique et mobilisa les acteurs de la lutte pour la durabilité. Ces derniers obtinrent en 2014 le vote de l’extension de la durée de garantie légale de 6 mois à 2 ans dans le cadre de la Loi consommation, et le vote du délit d’obsolescence programmée, dans le cadre de la Loi de Transition énergétique pour la croissance verte. Elle y est définie comme « l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement » et punie de 2 ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende.
Ces victoires continuèrent néanmoins de susciter le scepticisme, y compris chez les défenseurs de la durabilité. Beaucoup craignirent que la loi, qui ne précise pas quelles sont ces « techniques » qui réduisent la durée de vie, soit inapplicable. Dans les médias, elle fut décrite comme une loi à « vertu pédagogique », « risqu[ant] de ne pas changer grand-chose », d’être un « coup d’épée dans l’eau ». Opposés à cette interprétation pessimiste de la loi, déterminés à en montrer l’applicabilité et à poursuivre la lutte pour la durabilité, une ancienne assistante parlementaire de Placé, un avocat, un membre d’EELV et un consultant en économie sociale et solidaire fondèrent en 2015 l’association Halte à l’Obsolescence Programmée (HOP). Elle compte aujourd’hui 23000 sympathisants et se consacre au plaidoyer, à la recherche, à la sensibilisation et au dépôt de plaintes : en 2017, elle a attaqué plusieurs fabricants d’imprimantes, puis Apple, pour obsolescence programmée et tromperie. Fin 2019, elle a porté plainte contre Amazon pour pratiques commerciales trompeuses, relevant un manque d’information sur la durée de garantie légale de produits vendus sur la plateforme.
Dans son livre, HOP décrit l’obsolescence programmée comme une « forme d’arnaque » [2] : une réduction de la durée de vie dissimulée, qu’il faut révéler. Cette caractérisation semble faire autorité. Dans le Code de la consommation, l’obsolescence programmée est définie au chapitre « tromperies » du titre « fraudes » ; la secrétaire au Ministère de la transition écologique et solidaire qualifie l’obsolescence programmée de « double arnaque » ; les sympathisants d’HOP utilisent autant ce mot que celui de « gâchis » pour décrire le problème ; dans les médias, les exemples d’obsolescence programmée sont traités sur le registre de l’enquête. De fait, c’est au nom de sa redondance avec le délit de tromperie que la première version du délit d’obsolescence programmée avait été, en 2013, rejetée. Pourtant, les deux plaintes portées par HOP sont des plaintes en « obsolescence programmée et tromperie », ce qui suggère que les deux délits sont distincts ; en février 2020, la DGCCRF a condamné Apple pour « pratiques trompeuses par omission » et non obsolescence programmée.
Cette confusion contribue à déplacer le problème et sa prise en charge depuis la lutte contre la réduction de la durée de vie des produits vers la lutte contre sa dissimulation : si l’obsolescence est une arnaque, faire connaître le peu de durabilité d’un produit suffirait à en réduire les ventes. D’où la promotion de la « transparence » et d’une meilleure information du consommateur, stratégies qui ont triomphé en décembre 2019, lors des débats à l’Assemblée Nationale autour de la « Loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ». On y trouve principalement des mesures d’information. L’apposition d’un indice de réparabilité sur certains produits électroniques et électroménagers est préférée à l’allongement de leur garantie légale ; l’affichage du logo Triman incitant au recyclage est préféré à l’interdiction des emballages et suremballages ; des mentions légales incitant au réemploi sont préférées à des interdictions de publicité pour certains produits polluants.
Or le problème de l’obsolescence est-il d’être cachée ? N’est-ce pas un problème en soi que les objets durent peu ? Une définition trop restrictive de l’obsolescence programmée laisse de côté tous les produits officiellement « jetables », dont la faible durée de vie est affichée sur l’emballage, expliquée dans le mode d’emploi, vantée dans la publicité. Qui ignore qu’un briquet « 3000 flammes » sera jeté ? Qu’un stylo à bille non rechargeable finira à la poubelle ? Nombre des produits qui ont envahi notre quotidien aux XXe et XXIe siècles revendiquent leur obsolescence : elle a servi d’argument de vente pour les caractériser comme pratiques, peu chers, hygiéniques, ludiques… De même, la succession des modes, qui incite à remplacer des biens fonctionnels, implique un travail de communication qui est public, et n’aurait pas de sens s’il ne l’était pas : c’est ce qu’on appelle la publicité.
Au vu de ces limites, il faut rappeler que l’histoire de l’obsolescence n’est qu’en partie une histoire de secret industriel.
Obsolescence, machines et progrès – controverses autour de l’industrialisation
Dès la fin du XVIIIe siècle, la mécanisation de certains secteurs de production (textile, mines, imprimerie...) en Europe de l’Ouest génère des conflits sociaux et des débats autour de l’obsolescence des moyens de production et des compétences. En Angleterre, France, Allemagne ou Belgique, artisans et ouvriers accusent les machines d’être des « tueuse[s] de bras »]. Dans les médias, les écrits des économistes ou les procès d’ouvriers mobilisés, la théorie du « déversement naturel de la main-d’œuvre » leur est opposée. Selon cette théorie, « la machine ne conduit pas à des substitutions de travailleurs par d’autres, mais à une redistribution plus générale de la force de travail et des qualifications à l’échelle de l’ensemble de l’économie » [3]. À grand renfort de statistiques macroéconomiques, les industrialistes présentent le renouvellement des équipements comme un facteur de croissance, par la création de nouveaux emplois moins pénibles.
L’économiste Frédéric Bastiat soutenait par exemple en 1850 que « les industries sont solidaires » et que « ce qui est économisé sur l’une profite à toutes » [4]. La dévaluation réciproque des équipements industriels est une forme légitime d’obsolescence, que Bastiat distingue de la destruction des objets. Casser une vitre et la remplacer ne génère pas de réel bénéfice mais constitue un gaspillage : « en généralisant, nous arrivons à cette conclusion inattendue : la société perd la valeur des objets inutilement détruits. […] Destruction n’est pas profit ». La prospérité est calculée par des indicateurs qui tiennent compte de l’ensemble de la production, et non de la distribution, des richesses. Ignorer l’expérience singulière de la pauvreté ou du chômage est selon Bastiat une vertu scientifique : « généralis[er] », c’est comprendre les faits économiques.
L’obsolescence des machines est également replacée dans un grand récit de l’histoire des techniques : le « progrès ». Charles Babbage, mathématicien anglais engagé en politique, soutenait dans les années 1830, dans un livre maintes fois réédité, que l’obsolescence est l’envers d’un progrès scientifique et technique qui profite à toute la société. S’il n’explicite pas les voies de cette diffusion mécanique du progrès, il se félicite de constater que le remplacement des machines advient en son temps plus rapidement (environ tous les cinq ans) que l’usure naturelle ou la défaillance accidentelle. Pour en tirer profit, un fabricant doit adopter au plus vite les machines les plus compétitives, mesurant leurs rendements et ceux des ouvriers qui les actionnent afin de distinguer les plus performants de ceux qui sont « dépassés » [5]. Pour Babbage, cette pression exercée sur les ouvriers garantit le progrès social et moral : selon lui, la baisse des coûts de production abaisse mécaniquement les prix à la consommation, et « l’art de produire un bon article au meilleur prix » a pour effet de « donner à l’ouvrier un caractère de bien plus haute valeur que celui qu’il possède actuellement ». Ce progressisme a également servi à justifier la colonisation européenne tout au long des XIXe et XXe siècles, à la fois comme prédation industrielle (mainmise sur des ressources captées par les économies métropolitaines) et comme opportunité commerciale (exportation de produits des nouvelles industries vers les colonies). Ainsi l’industrie du savon présenta-t-elle l’ouverture de ses marchés par des colons comme « fardeau de l’homme blanc » en charge de « civiliser » et d’ « éclairer » les « recoins les plus sombres du monde » (ma traduction) (voir fig. 0).
À l’approche quantitative de la productivité, est opposé le constat d’une baisse de la qualité : des artisans se plaignent de ce que les machines font moins bien que la main, dénonçant par exemple, dans la cordonnerie, « la grossièreté et la lourdeur uniforme des empreintes à la mécanique ». À l’approche mécanique du progrès, répondent les analyses de l’obsolescence comme aliénation. Karl Marx, dans les passages du Capital où il étudie les machines, répond à Babbage que l’usage concurrentiel de l’obsolescence prolonge la durée de la journée de travail, conduisant les fabricants à solliciter plus souvent leurs machines, de crainte qu’elles ne soient bientôt dépassées par celles de leurs concurrents. Parce que les moyens de production ont, dans un système capitaliste, une « usure morale » plus rapide que leur « usure matérielle », il faut travailler plus, pour les rentabiliser plus vite [6]. L’obsolescence manifeste la dynamique du capitalisme : toute institution y « tombe en désuétude » avant même de s’« ossifier » [7]. Pour Paul Lafargue, gendre de Marx, l’industrialisation conduit à « l’âge de la falsification » et du gaspillage de classe, plutôt qu’à l’avènement du loisir : pour continuer à vendre, il faut produire toujours plus, mais de moindre qualité, et entretenir une bourgeoisie oisive [8]. La critique de l’obsolescence et du progressisme intégra également les apports du darwinisme : en 1872, le romancier anglais Samuel Butler décrivait dans (Erewhon un monde imaginaire où les machines auraient toutes été détruites, car leur évolution bien plus rapide que celles des autres espèces vivantes menaçait d’obsolescence l’humanité même [9]. Le darwinisme transforma également les théories de la mode.
Obsolescence, beauté et nouveauté – controverses autour de la mode
Chez Babbage ou les économistes politiques, on lisait qu’il y a deux types de biens : ceux qui se consument par l’usage (nourriture, allumettes) et ceux qui y résistent (meubles, vêtements). Cette distinction bien tranchée était mise en péril lorsqu’ils étudiaient les variations du « goût du jour » [10], l’industrie de « la mode et la fantaisie » [11]. L’instabilité de ces marchés était alors associée à une classe ou un genre : les écrits sur la mode répétaient que les femmes et/ou les riches sont par nature portés à se lasser plus vite de leurs biens, soumettant l’histoire à la logique de la distinction [12]. Fin XIXe, émergent de nouvelles explications mêlant darwinisme et sciences sociales. Pour certains auteurs inspirés de Charles Darwin, les habitudes et les styles vestimentaires évoluent comme des organismes, par transmission héréditaire de caractères acquis [13]. Pour le sociologue Thorstein Veblen, l’ « évolution » des sociétés a mené à la domination de la « classe de loisir », que manifeste la « consommation ostentatoire ». Selon lui, les classes dominantes, pour attester du fait qu’elles n’ont pas besoin de travailler, surconsomment, et font consommer leur entourage. Les femmes sont les premières chargées de cette consommation par délégation : pour montrer que leurs épouses ne travaillent pas, les hommes riches dépensent leur fortune en habits et accessoires coûteux, inconfortables et éphémères. Selon Veblen, la féminité d’une tenue « se réduit essentiellement à l’efficacité des obstacles qu’elle oppose à tout effort utile ». Une tenue inconfortable, empêche l’activité et montre le loisir : « on n’a pas seulement demandé aux femmes de briller par leur loisir, mais aussi de se rendre carrément invalides. » [14] Dépenser en nouveautés est une obligation, car être à la mode implique un effort continuel, qui montre que l’on n’a rien d’autre à faire, précisément, que de chercher à l’être. Le gaspillage est défini comme une « dépense improductive » sans cesse renouvelée. Parce qu’il manifeste la supériorité économique et sociale, il est adopté par les autres classes.
Cette analyse va être abstraite des principes évolutionnistes et technocratiques (Veblen plaide en effet pour un gouvernement des ingénieurs, plutôt que des financiers ) de Veblen, et d’un certain nombre de nuances qu’il introduit [15], pour devenir au début du XXe siècle le principe de nouvelles techniques de vente. Aux États-Unis, le marketing, la publicité et le design industriel naissant se saisissent de ce lien entre mode, pouvoir et émulation sociale mis à jour par la sociologie, ainsi que des découvertes récentes de la psychanalyse et la psychologie comportementale, pour théoriser l’art d’influencer les goûts du « consommateur ». Les « études de marché » promettent la « Gestion Scientifique de la Force de Vente » [16]. Selon Percival White, auteur en 1927 de l’un des premiers manuels de marketing, il faut abolir la « loi de Say », ou « croyance [selon laquelle] les marchés [seraient] trouvés une fois les biens produits » : parce que la mécanisation a permis de produire en masse, il faut trouver des débouchés en masse, en « reli[ant] toutes les activités de marketing à un système d’organisation scientifiquement planifié ». La planification de l’obsolescence est également soutenue par une nouvelle génération d’artistes commerciaux qui associent redesign des produits et démocratisation de la beauté. Ils adressent aux fabricants de nouvelles obligations : « rester dans le coup », ne pas « passer à côté de la demande en nouveautés ».
Cette injonction toucha notamment les secteurs électroménager et automobile. Selon l’historien Giles Slade [17], en 1923, le succès commercial d’un modèle « redesigné » de Chevrolet aurait convaincu le directeur de General Motors (GM), Alfred Sloan, de la possibilité de concurrencer Ford, dont la Model T dominait le marché, et dont la communication était fondée sur l’exaltation de la solidité et de la réparabilité. GM se mit à sortir chaque année un modèle de voiture différent, daté et annoncé par des publicités soulignant sa nouveauté et son style. Pour Slade, il s’agit d’une forme d’ « obsolescence psychologique », qu’il distingue de l’ « obsolescence technique », car les changements de design peuvent être produits plus souvent, et à moindres frais, que les changements techniques. Cependant, l’étude de la communication commerciale montre que GM joue sur les deux tableaux : les publicités usent et abusent de l’adjectif « nouveau », l’appliquant aussi bien à des fonctionnalités techniques qu’à des qualités visuelles. Ce qui caractérise GM, c’est moins la découverte que la beauté fait vendre que l’insistance sur la nouveauté : toute modification, technique (comme le passage aux six cylindres) ou esthétique (comme les gammes de couleurs), est constituée en signe visible du changement par la datation des modèles et la communication. Proposer un « changement annuel de modèle » fut ainsi une stratégie officielle, publique et efficace pour GM. Sloan ouvrit en 1928 le premier « département du style » de l’industrie et se félicitait de voir que « les lois du stylisme parisien sont devenues des facteurs dans l’industrie automobile » [18].
Le succès de GM inspira les publicitaires : l’expression « obsolescence progressiste » fut lancée à la fin des années 1920 par J. George et Christine Frederick, publicitaires engagés dans la promotion de leur métier. Dans un article de 1928 pour Advertising and Selling, J. G. Frederick constatait que « Ford a dû s’agenouiller devant le dieu obsolescence » et recommandait d’« acheter les choses, non pas pour les user jusqu’à la corde, mais pour les jeter ou les revendre après une courte période ». D’après son épouse, c’est aux genoux des femmes que Ford se serait incliné, reconnaissant à la suite de GM l’importance du confort et du style. L’ « obsolescence progressiste » serait un « état d’esprit » ouvert au changement, une « capacité » à jeter et une « volonté » de dépenser en nouveautés particulièrement développée chez les Américaines [19]. Les femmes, moins rationnelles que les hommes, « aimeraient psychologiquement le changement », auraient par nature un « esprit révolutionnaire, y compris concernant le travail qui [leur] est traditionnellement affecté : les tâches domestiques ». Elle recommande le « gaspillage créatif » : acheter, jeter, racheter. D’autres publicitaires appliquèrent ses idées (fig.1).
Ces analyses ne furent que partiellement remises en question pendant la crise. Certes, après 1929, l’obsolescence fut fustigée dans certains médias. Pour le philosophe Kenneth Burke, l’idée selon laquelle la prospérité collective repose sur le « plus haut taux possible de destruction des ressources nationales » autorise l’apologie du gaspillage, du divorce, de l’esclavage ou de la guerre [20] ; pour Aldous Huxley, influencer les désirs permet le contrôle social [21]. Cependant, les publicitaires américains continuèrent d’en appeler le peuple à « tourner la page d’un passé où les gens se contentaient de peu et faisaient durer les choses », arguant qu’« user les choses jusqu’à la corde ne mène pas à la prospérité » [22] ; à la radio anglaise, John M. Keynes suggérait en 1931 aux « maîtresses de maison pleines de patriotisme » d’acheter le plus possible, profitant de la baisse des prix, et de « raser tout le sud de Londres » pour créer de l’emploi [23].
En cette période de renouveau des modèles dirigistes, d’autres théoriciens moins célèbres préconisèrent publiquement la planification de l’obsolescence, à l’échelle étatique et non seulement industrielle. On connaît ainsi un texte, publié par un courtier en immobilier, qui promeut l’encadrement juridique et fiscal de la durée de vie des biens de consommation, appelant l’État à provoquer leur « mort ”légale” » [24]. L’importance historique de ce texte, première occurrence connue de l’expression « obsolescence planifiée », est cependant largement surévaluée [25]. Plus significatifs des enjeux de la période sont les sorties des publicitaires concernant la légitimité de leur métier en temps de crise, ou les débats sur l’avenir du capitalisme, perçu comme un modèle autoritaire et injuste. À l’approche mécanique de la prospérité, Lewis Mumford oppose ainsi la critique de la notion de croissance et la théorisation d’un socialisme machinique [26] ; inspiré par l’analyse marxienne des crises du capitalisme, Joseph Schumpeter prédit sa disparition par socialisation progressive des moyens de production [27].
L’obsolescence, le jetable et le neuf – controverses autour du gaspillage
Commercialisés depuis le XIXe siècle, les produits jetables furent d’abord en papier (sacs, cols et manchettes de chemises, papier toilette, pailles, gobelets), en métal (boîtes de conserves, lames de rasoir, canettes, capsules) ou en dérivés du coton (protections menstruelles, mouchoirs). L’introduction des plastiques sur le marché du jetable consolida ce dernier, dans les deux sens du terme : il massifia le recours aux jetables, et rendit leurs déchets plus durables. Le premier flacon jetable en polyéthylène fut produit en 1951 par l’entreprise américaine Plax pour le déodorant Stopette. Un film publicitaire de 1952 montre une femme expliquant que ce produit permet l’accomplissement de ses devoirs de « femme au foyer américaine » : « passer sa journée à courir » et « être la plus belle possible au dîner ». De très courte durée de vie, les objets issus de cette industrie sont perçus comme fragiles (on les surnomme junk, scrap, rubbish), mais promus comme pratiques, économiques et hygiéniques (voir fig. 2). Ils sont vendus en quantité : l’industrie plastique états-unienne connaît une croissance annuelle de 15,9 % entre 1948 et 1970 [28]. L’entreprise française Bic commercialisa ses stylos à bille en 1950 et ses briquets jetables en 1973 ; l’entreprise japonaise Fuji lança l’appareil photo jetable en 1986. Citons également la pile alcaline, commercialisée en 1956 par Union Carbide, pour souligner combien les produits jetables, loin d’être tous « à usage unique » et de matière légère, vinrent concurrencer des produits durables techniquement complexes.
Dès les années 1950, le jetable fit débat aux États-Unis. Après avoir publié une critique de la publicité en 1958, le sociologue Vance Packard publia en 1960 une critique de « l’art du gaspillage » [29], déplorant ses effets moraux (avarice, individualisme) et géopolitiques (dépendance énergétique). Il y cible explicitement les producteurs de jetable et les théoriciens de l’obsolescence planifiée. Notamment, le designer Brooks Stevens, qui prétendait alors avoir inventé cette expression. S’il ne fut pas le premier à l’employer, il en fit un usage intense, et très idéologique : tandis qu’en 1956, il écrit et dit dans ses conférences qu’elle consiste à « instiller chez le consommateur le désir de posséder quelque chose d’un peu plus récent, d’un peu plus beau, un peu plus tôt que nécessaire » [30], il ne prétend plus, à la fin de la décennie, l’ « instiller », mais l’identifie directement à ce désir [31]. Ce glissement résume tout le déni de responsabilité du designer : face aux critiques, il prétend « anticiper la demande future » et non plus l’influencer. De même, pour se déresponsabiliser de l’obsolescence, des marketers la naturalisent : selon la théorie du « cycle de vie des produits », les produits doivent être conçus comme des organismes. Pour être « préplanifiée », leur durée de vie doit être décomposée en quatre « phases » : développement, croissance, maturité, déclin final [32] (voir fig. 3) (ma traduction). Ce pseudo-darwinisme présente la course au renouvellement comme seul moyen de « survie » des entreprises.
Face à la prolifération des déchets, émerge aussi une critique environnementale du jetable. Le biologiste américain Barry Commoner propose ainsi en 1971 de mesurer l’impact biochimique des objets, par une « analyse de toutes les rubriques importantes de la fabrication, de l’utilisation et de la mise au rebut, dans une perspective qui tiendrait compte de toutes les conséquences écologiques » [33]. Les produits jetables génèrent des déchets et requièrent un grand apport d’énergie et de matières premières pour être re-produits ou recyclés ; ils constituent un gaspillage et témoignent d’une approche linéaire de la nature qui invisibilise les effets écologiques des activités humaines. Commoner ouvrit ainsi la voie à l’analyse du cycle de vie et à la défense d’une vision « circulaire » de l’économie, centraux dans l’écologie contemporaine. En 1972, le rapport du Club de Rome, The limits to Growth, concluait déjà que le recyclage n’est pas une solution et qu’il faut favoriser l’éco-conception et la sobriété.
La critique du « développement » post-colonial joua également un rôle important dans la déconstruction de la notion de progrès, de même que la critique féministe. Dès 1963, la journaliste Betty Friedan livrait un portrait désenchanté des Américaines de son temps : la frustration et le désespoir qu’elles éprouvent résultent selon elle de leur assignation à un domestique redéfinit par le consumérisme, qui les transforme en « machines à acheter » tout en les maintenant dans l’isolement [34]. Pour les féministes des années 1970 qui, contrairement à Friedan, ne limitèrent pas leur analyse aux femmes de classe moyenne, on ne peut critiquer le productivisme (exploitation du travail productif) et le patriarcat (exploitation du travail reproductif) sans critiquer le double emploi et les inégalités.
Enjeux contemporains
Les grandes annonces d’obsolescence des êtres humains du fait de l’innovation technologique réapparaissent régulièrement. Depuis les années 1980, c’est le développement de l’informatique qui suscite le plus de prophéties. Par exemple, l’informaticien Raymond Kurzweil, aujourd’hui ingénieur en chef chez Google, a publié depuis 1990 plusieurs best-sellers annonçant de grandes révolutions techniques et cosmologiques : après le remplacement de la force humaine par la force machinique, on assisterait au remplacement de l’intelligence humaine par l’intelligence artificielle, dont l’ « évolution » suivrait un rythme exponentiel.
Ces considérations sont très relayées par les médias, malgré leur caractère stéréotypé et leurs limites scientifiques. En effet, la prétendue « loi » de Moore, dont s’autorisent Kurzweil et la plupart des transhumanistes pour prédire le développement exponentiel de l’informatique et l’advenue de la « Singularité », est une invention a posteriori : c’est la reformulation en loi, à partir des années 1980, de la feuille de route d’un fabricant de semiconducteurs désireux, dans les années 1960, de planifier l’obsolescence de ses propres produits pour en maîtriser les coûts [35]. En réalité, ces prophéties sont inspirées de modèles marketing : Kurzweil reprend le modèle du « cycle de vie des produits » et le mesure aussi bien en années qu’en dollars [36]. Comme les marketers des années 1960, il prétend que ses modélisations décrivent une réalité naturelle, plutôt qu’elles ne prescrivent un choix humain.
Ces considérations ont des effets sur la manière dont nous vivons la technique et le travail. L’obsolescence des travailleurs est intégrée par le management, qui mit en avant dès les années 1990 la « flexibilité interne » des entreprises, « organisations apprenantes » proposant une « formation permanente ». Aujourd’hui, des spécialistes en RH célèbrent la « formidable accélération du progrès technique (robotisation, intelligence artificielle, data sciences…) », qui garantirait que « deux ou trois ans suffiront bientôt pour se sentir dépassés ». Les travailleurs doivent s’adapter, développer leurs « soft skills », qualités humaines inconnues des robots et « remèdes à l’obsolescence programmée des compétences ». Ces qualités relèvent en grande partie du registre personnel, voire intime (« empathie », « aisance relationnelle », « présentation »). Elles valorisent la flexibilité (« adaptabilité », « équanimité », « résilience », « humilité ») et excluent de fait celles et ceux dont le capital culturel ne permet pas une telle aisance dans la manipulation des codes sociaux.
Ainsi, les prophéties progressistes cohabitent avec des injonctions à l’investissement total et une précarisation accrue. Cette ambivalence est typique, selon le sociologue Antonio A. Casilli [37], de l’émergence de l’économie des plateformes numériques, qui prétendent libérer du travail tout en multipliant, parcellisant et sous-traitant les tâches sans lesquelles leurs algorithmes ne peuvent fonctionner. La généralisation du digital labor signifie la raréfaction de l’emploi, au sens d’un métier contractualisé et protégé, mais la multiplication de micro-tâches effectuées par des « travailleurs du clic » sans contrat ni salaire garanti, invisibilisés à l’autre bout des chaînes de sous-traitance internationales sur lesquelles repose l’économie des start-ups.
De fait, les discours sur l’émergence d’une société « post-industrielle » ou « dématérialisée » ne s’autorisent que des biais de perception générés par une division internationale du travail injuste : le chômage procède des délocalisations et du dumping social, non de l’avènement d’une société de loisir entièrement automatisée. En rendant invisibles les travailleurs du clic malgaches, les ouvrières chinoises ou les récupérateurs de D3E( « Déchets d’équipements électriques et électroniques ») ghanéens, on laisse croire que les machines sont autonomes, que les objets se fabriquent d’eux-mêmes ou qu’ils disparaissent dès qu’on les jette.
Contre quoi il faut visibiliser l’impact social et environnemental massif de nos biens, notamment ceux que la publicité identifie le plus à la mode et à l’innovation : le textile et l’informatique. Je suggère, pour commencer, ces deux documentaires : The True Cost et La tragédie électronique.
L’obsolescence a non seulement été pratiquée, mais promue, et continue de l’être, par des discours à caractère idéologique, qui travestissent les décisions et pratiques humaines en grandes lois naturelles ou historiques et reproduisent des systèmes de domination. Ces discours de marketers, économistes, designers, publicitaires ou dirigeants d’entreprises sont publics et documentés ; leurs limites scientifiques peuvent être montrées.
Fig. 0. « Faire avancer la lumière » et la « civilisation » en vendant du savon. Publicité Pear’s Soap de 1899, mettant en scène l’amiral Georges Dewey (ma traduction).
Fig. 1. « La nouveauté fait frissonner les femmes ». Publicité Chevrolet 1937, contenant 8 fois le terme « nouveau » ou ses dérivés (ma traduction).
Fig. 2. La « courbe en S » permettant de planifier le cycle de vie des produits. Graphique de Theodore Levitt, reproduit dans « Exploit the Product Life Cycle » (ma traduction).
Fig. 3. « Plus pratiques et plus hygiéniques », « économiques », « américaines » et « modernes » : cette publicité Kleenex de 1953 réunit les principales allégations du marketing des produits jetables.
Pour citer cet article :
Jeanne Guien, « Qu’est-ce que l’obsolescence ? »,
La Vie des idées
, 24 mars 2020.
ISSN : 2105-3030.
URL : https://laviedesidees.fr/Qu-est-ce-que-l-obsolescence
Nota bene :
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[1] L’accusation de conspirationnisme la plus lue et citée reste le billet de blog d’Alexandre DELAIGUE, « Le mythe de l’obsolescence programmée », publié quelques jours après la diffusion de Prêt à jeter. Entre 2011 et 2018, j’ai pu dénombrer environ 40 titres médiatiques reprenant l’alternative « mythe ou réalité ? ». En 2018, une infographie publiée par le Ministère de la transition écologique et solidaire précisait que « 9 français sur 10 pensent que l’obsolescence est une réalité ». Des exemples plus récents peuvent être vus dans ces vidéos de 2019 : « Obsolescence programmée : une conspiration ? » de Stupid Economics et « Alerte Lechypre : le coût de la négligence des consommateurs » de BFM Business.
[2] Samuel SAUVAGE et Laëtitia VASSEUR, Du jetable au durable. En finir avec l’obsolescence programmée, éd. Gallimard, coll. Alternatives, Paris 2017, p. 25.
[3] Vincent BOURDEAU, François JARRIGE et Julien VINCENT, Les luddites. Bris de machines, économie politique et histoire, éd. Ere, Maisons-Alfort 2006, p. 77.
[4] Frédéric BASTIAT, Œuvres Complètes, V, éd. Guillaumin et Cie, Paris 1854, p. 375.
[5] Charles BABBAGE, On the economy of machinery and manufactures [1832], éd. Pall Mall East, Londres 1835, p. 285 (ma traduction).
[6] Karl MARX, Le capital. Critique de l’économie politique, I [1867], éd. P.U.F., Paris 2006, p. 454-6.
[7] Friedrich ENGELS et Karl MARX, Manifeste du parti communiste [1872], éd. 10-18, Saint-Amand 1962.
[8] Paul LAFARGUE, « Le droit à la paresse » [1881], éd. Allia, Paris 2001, chap. III.
[9] « Ce qui me fait peur, c’est la rapidité avec laquelle [les machines actuelles] sont en train de devenir quelque chose de différent de ce qu’elles sont à présent. […] Nous ne pouvons pas compter sur un progrès, dans la puissance physique ou intellectuelle de l’homme, qui corresponde, et qui puisse s’opposer, au bien plus grand développement auquel semblent destinées les machines. » Samuel BUTLER, Erewhon ou de l’autre côté des montagnes [1872], éd. Gallimard, coll. « L’imaginaire », Paris 1981, p. 241.
[10] Charles BABBAGE [1832], op. cit., p. 148-9 (ma traduction).
[11] Adam SMITH [1776], Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, I, éd. Flammarion, Paris 1991.
[12] Voir par exemple Abigail S. LANG (éd.), Mode et contre-mode. Une anthologie de Montaigne à Perec, éd. Institut français de la mode – Regard, Paris 2001.
[13] Voir notamment George H. DARWIN, L’évolution dans le vêtement [1872], éd. du Regard, Paris 2002.
[14] Thorstein VEBLEN, La théorie de la classe de loisir [1899], éd. Tel Gallimard, Paris 1970, p. 113 et 119.
[15] Pour Veblen, l’archaïsme est, autant que la dernière nouveauté, un objet de consommation ostentatoire. Les « étalons de vertu » de la classe de loisir sont « l’archaïsme et le gaspillage » (ibid., p. 264) car tous deux permettent d’exhiber la perte de temps. De plus, attentif à montrer que l’affairement des riches à consommer est un effort conséquent, Veblen distingue loisir ostentatoire et oisiveté ; ce que ne fera pas l’industrie publicitaire, qui met en avant un idéal de loisir pur.
[16] Franck COCHOY, Une histoire du marketing, éd. La Découverte, Paris 1995, p. 110.
[17] Giles SLADE, Made to Break : Technology and Obsolescence in America, éd. Harvard University Press, London 2006, p. 36.
[18] Cit. in. Daniel J. BOORSTIN, Democracy and its Discontents : Reflexions on Everyday America, éd. Random House, 1974 (ma traduction).
[19] Christine FREDERICK, Selling Mrs. Consumer, éd. The Business Bourse, New York 1929, p. 246 (ma traduction).
[20] Kenneth BURKE, « Waste. The future of prosperity », The New Republic, 16 Juillet 1930 (ma traduction).
[21] Aldous HUXLEY, Le meilleur des mondes [1932], éd. Plon, coll. « Le livre de Poche », Paris 1975.
[22] Ernesto Elmo CALKINS, « What Consumer Engineering Really Is » [1932], cit. in STRASSER, op. cit., p. 205-6 (ma traduction).
[23] John M. KEYNES, Sur la monnaie et l’économie [1931], éd. Payot, Paris 2009, p. 65-7.
[24] Bernard LONDON, L’obsolescence planifiée. Pour en finir avec la grande dépression [1932], éd. B2, Paris 2013.
[25] Fascicule publié à compte d’auteur en 1932, Ending Depression Through Planned Obsolescence ne devient une référence des discours sur l’obsolescence qu’au XXIe siècle, à partir des travaux de Slade et de Dannoritzer, qui traduit planned obsolescence par « obsolescence programmée ». Entre 2012 et 2019, ce texte fait l’objet de multiples rééditions, avec la même erreur de traduction ; une page Wikipédia consacrée à Bernard London est créée en 2013, expliquant qu’il a posé « les bases du principe d’obsolescence programmée ». Il semble ainsi avoir été bien plus lu dans les années 2010 qu’auparavant, et en un sens peu fidèle à son approche de l’obsolescence planifiée, comme planisme d’État.
[26] Lewis MUMFORD, Technique et civilisation [1934], éd. du Seuil, Paris 1950.
[27] Joseph A. SCHUMPETER, Capitalisme, socialisme et démocratie [1942], éd. Payot, Paris 1969.
[28] Jeffrey MEIKLE, American Plastic. A Cultural History, éd. Rutgers University Press, New Brunswick 1995, p. 22.
[29] Vance PACKARD, L’art du gaspillage [1960], éd. Calmann-Lévy, Paris 1962.
[30] Glenn ADAMSON, Industrial Strenght Design. How Brooks Stevens Shaped your world, pp. 203-205, éd. The MIT Press, Cambridge 2003, p. 129. (ma traduction).
[31] Brooks STEVENS, « The Clarification of ”Planned obsolescence” », ca. 1959, in. ADAMSON, op. cit. p. 203-205 (ma traduction).
[32] Theodore LEVITT, « Exploit the Product Life Cycle », Harvard Business Review, novembre 1965.
[33] Barry COMMONER, L’encerclement, éd. Seuil, Paris 1972, p. 175.
[34] Betty FRIEDAN, La femme mystifiée, I [1963], éd. Gonthier, coll. « Femme », Utrecht 1964, p. 68.
[35] Sacha LOEVE, « La loi de Moore : enquête critique sur l’économie d’une promesse », in. Marc AUDÉTAT (dir.), Sciences et technologies émergentes : pourquoi tant de promesses ?, pp. 91-113, éd. Hermann, Paris 2015.
[36] Raymond KURZWEIL, The Singularity is Near : How Humans transcends Biology, Penguins Books, 2005, p. 97.
[37] Antonio A. CASILLI, En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, éd. Seuil, coll. « La couleur des idées », Paris 2019.