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Recension Philosophie

Les nouveaux sujets de la souffrance cérébrale


par Evelyne Grossman , le 8 avril 2008


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Certaines affections neurologiques touchent l’identité des sujets et bouleversent leur économie affective. Confrontant neurologie, psychanalyse et philosophie, Catherine Malabou montre comment les patients atteints de ces pathologies (Alzheimer, Parkinson, blessés neurologiques, traumatisés de guerre…) nous obligent à repenser la question de la souffrance cérébrale et au-delà, celle de la plasticité destructrice.

Recensé : Catherine Malabou, Les nouveaux blessés. De Freud à la neurologie, penser les traumatismes contemporains, Bayard, 2007, 362 p.

Cette recension est suivie d’une lecture critique de l’ouvrage par Monique David-Ménard.

Cet article est publié en partenariat avec le Collège international de philosophie, qui organise dans le cadre des Samedis du Livre, une matinée sur l’ouvrage de C. Malabou le samedi 12 avril 2008 (9h30-12h30).

Depuis maintenant plus de dix ans, la philosophe Catherine Malabou élabore une pensée originale de la plasticité. De la publication de sa thèse sur Hegel (L’avenir de Hegel : plasticité, temporalité, dialectique, Vrin, 1996) à son gros livre sur Heidegger (Le change Heidegger. Du fantastique en philosophie, Léo Scheer, 2004), elle n’a cessé d’explorer les changements, transformations et métamorphoses des formes. En philosophie comme dans les arts plastiques, en ethnologie comme en génétique, la plasticité lui semble en effet constituer un schème opératoire de plus en plus prégnant. Dans le très beau catalogue qui prolongea le colloque « Plasticité » qu’elle organisa au Fresnoy, Studio national des arts contemporains de Tourcoing en 1999, et qui réunit les contributions de philosophes, artistes, écrivains, cinéastes et scientifiques, elle affirmait ainsi : « la plasticité demande d’accéder au concept » (Plasticité, Léo Scheer, 2000). C’est chose faite, sans doute, grâce à ce patient cheminement à travers l’art et la pensée. Ces dernières années, son parcours singulier l’a conduite à interroger l’usage que les neurosciences font du terme ; comment entendre, lorsqu’on est philosophe, des expressions comme « plasticité neuronale » ou « plasticité des synapses » (Que faire de notre cerveau ?, Bayard, 2004) ?

L’ouvrage qu’elle publie aujourd’hui est l’aboutissement tout à la fois de ces années de recherche et d’un traumatisme plus intime. Elle l’indique dès les premières pages : fruit de son enquête philosophique sur la notion de plasticité, ce livre est né aussi d’un deuil, celui de sa grand-mère atteinte de la maladie d’Alzheimer et devenue au fil du temps étrangère à elle-même, méconnaissable pour les siens. « J’ai appris, écrit-elle, que la maladie d’Alzheimer était une pathologie cérébrale. Se pouvait-il donc que le cerveau souffre ? Se pouvait-il que cette souffrance se manifeste sous la forme d’une indifférence à la souffrance ? D’une impossibilité de la souffrance à revenir à soi ? Se pouvait-il qu’il existe un genre de souffrance qui crée une identité nouvelle, l’identité inconnue de l’inconnu(e) qui la souffre ? Et se pouvait-il que la souffrance cérébrale soit cette souffrance-là ? » Tel est le point de départ de ce livre, à la fois personnel et savant : la souffrance cérébrale peut-elle constituer une nouvelle question philosophique ?

A partir d’une interrogation sur les « nouveaux visages de la souffrance », il s’agit donc de confronter les outils théoriques de la psychanalyse et ceux de la neurologie afin de jeter les bases d’une nouvelle réflexion philosophique donnant à la pulsion de mort freudienne la forme d’une plasticité destructrice neuronale. La relecture de la théorie du trauma chez Freud permet ainsi de se demander si, au psychotique, au névrosé, ne se serait pas de nos jours substitué le « blessé cérébral ». Le livre est ambitieux, on le voit ; il ne décevra pas les lecteurs prêts à faire l’effort de se hisser à son niveau d’exigence conceptuelle.

Premiers constats, propres à inquiéter la psychanalyse : les affects s’ancrent dans des processus neuronaux ou hormonaux et les neurologues ont mis en évidence l’existence d’un « cerveau émotionnel (emotional brain) ». Le « psychisme » freudien serait donc passé tout entier du côté du cerveau, et la fameuse « énergie psychique », support essentiel de la théorie de la libido, est ainsi sévèrement remise en cause par la neurologie contemporaine. La sexualité serait par conséquent soumise à ce que Catherine Malabou propose de nommer la « cérébralité ». Qui sont en effet ces nouveaux blessés ? Des malades, des traumatisés, des cérébro-lésés brutalement frappés d’une infirmité étrangère au fantasme et à la représentation et qui les laisse comme sidérés : « Nous savons qu’il suffit d’un rien – quelques ruptures vasculaires, minimes quant à leur taille et leur étendue – pour que l’identité soit atteinte, parfois irréversiblement. Nous le savons, mais ce savoir ne peut être mis en scène par le psychisme. […] Tout ce qui attache le sujet à lui-même et aux autres : auto-affection, désir, amour, haine, plaisir … peut se trouver emporté en un instant, ou dans le temps plus long d’une maladie neurodégénérative ». A l’événement sexuel se substitue donc l’événement cérébral. Plus encore, les altérations de la personnalité causées par ses dommages cérébraux exigent une nouvelle approche thérapeutique qui ne peut plus se fonder, comme la psychanalyse, sur la reviviscence du passé ou l’investigation de traces mnésiques. Il est possible en effet que les nouveaux blessés ne régressent pas et donc que la maladie ne constitue pas en soi « une forme de vérité au regard de l’histoire ancienne du sujet. » (p. 345)

Autre point fondamental sur lequel insiste Catherine Malabou tout au long de son livre : tous les déficits cérébraux ont une répercussion sur les sites inducteurs d’émotion et ce qui caractérise les nouvelles identités des patients neurologiques, c’est précisément la désaffection, la froideur, bref la désertion d’une part de la psyché. Le lien entre blessure traumatique et comportement d’indifférence est patent, souligne-t-elle. Or, « de ces psychismes “froids”, la psychanalyse n’a jamais rien dit. » Ré-interrogeant longuement l’hypothèse freudienne (si controversée par les psychanalystes eux-mêmes) d’une pulsion de mort inhérente à la vie, tendant à ramener tout être vivant à l’état anorganique, la philosophe formule ainsi l’hypothèse que l’indifférence et la désaffection dont font preuve les cérébro-lésés seraient les manifestations d’une pulsion de mort neuronale, autrement dit l’œuvre d’un processus d’autodestruction. (p. 196). Revanche de Freud sur la neurologie, seule sa théorie de la libido pourrait rendre compte de cette désintrication des pulsions, ce véritable « se laisser mourir » qui semble conduire l’organisme « à ne plus obéir qu’à l’impératif interne de sa propre disparition. »

Ce sont des questions fondamentales, parfois vertigineuses que pose ce livre. Celle-ci par exemple : qu’en est-il de la survie du psychisme à son propre anéantissement ? Ou encore : faut-il avec Freud penser la structure d’effacement du sujet comme l’indestructible de la destruction (p. 223). On reconnaîtra parfois la (trop ?) grande virtuosité dialectique de celle qui explora autrefois la plasticité des processus hégéliens, ainsi lorsqu’elle reproche à Lacan d’avoir, dans son analyse du Réel, manqué « l’hypothèse d’une rencontre qui manque irrémédiablement à être manquée. » (p. 229). Fort heureusement, l’engagement personnel de sa démarche philosophique, la précision et la richesse bibliographique d’une enquête extrêmement documentée qui va des textes psychanalytiques fondamentaux aux travaux récents des neurosciences rendent le plus souvent lumineuse sa progressive exploration de ces « nouvelles blessures ».

Preuve de l’incontestable intérêt du livre, les nombreuses interrogations qu’il soulève et qui invitent à prolonger un dialogue entre des disciplines peu enclines parfois à confronter leurs élaborations théoriques. On se demandera par exemple si son hypothèse d’une « théorie générale du trauma » (p. 36-38) ne rassemble pas trop rapidement dans un même vaste « paysage psychopathologique » des troubles et blessures psychiques aussi disparates que les maladies neurodégénératives, les attaques cérébrales et traumatismes crâniens, l’autisme et l’épilepsie, jusqu’aux troubles obsessionnels compulsifs et autres syndromes d’hyperactivité. Plus encore, dans un similaire mouvement d’élargissement du biologique au social un peu problématique (ou qui du moins nécessiterait de plus amples explications), le concept de lésion cérébrale se voit annexer toutes les formes de traumatismes, qu’ils soient sociopolitiques (maltraitance, guerre, attentats terroristes, abus sexuels…) ou causés par les cataclysmes naturels. En outre si, comme le rappelle Catherine Malabou, on sait maintenant que tous les traumatismes s’accompagnent de dommages cérébraux, rien n’indique que la froideur, la désertion ou le retrait émotionnel en soient une conséquence aussi générale qu’inéluctable. Bien des récits de neurologues décrivent au contraire des victimes d’accidents vasculaires devenus hémiplégiques en proie à la rage impuissante de ne pouvoir bouger un membre ou, soudain aphasiques, désespérés de ne pas se faire entendre, voire des cérébro-lésés envahis d’affects et d’émotions irrépressibles. La conclusion sociale et politique qu’elle tire alors d’une supposée universelle froideur contemporaine (« la difficulté à être touché est le mal de notre époque, le résultat paradoxal des blessures », p. 267) pourrait de la même façon être aisément contestée voire renversée. Nombreuses sont les analyses de philosophie politique actuelles qui suggèrent tout au contraire l’envahissement des affects et la mutation compassionnelle de nos sociétés [1].

Au-delà de ces appréciations politiques, c’est toute la question de la souffrance et de son expression qui est ici posée. Car après tout est-il légitime de parler de souffrance cérébrale, au sens propre d’une douleur ressentie, éprouvée dans le corps ? Souffre-t-on du cerveau comme l’on souffre d’une rage de dents, d’une entorse ou de coliques néphrétiques ? Et inversement, n’existe-t-il pas d’authentiques souffrances psychiques (dépression, angoisse…) sans organe lésé ? Qu’est-ce qu’une souffrance qui ne s’éprouve pas ? Peut-être la psychanalyse, un peu rapidement disqualifiée de nos jours, elle qui avec Freud explora « la belle indifférence » des hystériques ou, chez l’Homme aux rats, « l’horreur d’une volupté qu’il ignore lui-même », pourrait-elle encore suggérer à ces troublantes questions des réponses en termes de déni, de projection ou de dissociation du sujet.

Ce n’est pas en effet le moindre paradoxe de cet ouvrage qui érige l’indifférence et la désaffection généralisée en loi de nos universelles blessures que d’être en même temps profondément émouvant. Le défi qu’affronte ce livre n’est pas mince : comment penser ensemble la puissance traumatique de l’événement extérieur et l’hypothèse d’une plasticité négative, destructrice, proche de ce que Freud a nommé pulsion de mort ? Le caractère « impérissable » de la vie psychique, affirmait-il, est l’une des expressions de la pulsion d’autodestruction présente dans tout individu vivant. En ce sens, « l’impérissable est la mort même » (p. 201). Sommée de choisir entre deux matérialismes, celui de Freud ou celui des neurosciences, Catherine Malabou ne choisit pas ; elle parie pour « la valeur créatrice de la destruction à l’œuvre dans la formation d’identités désertées, inédites et méconnaissables. » Ce qu’elle sauve alors, ou ce qu’elle reconstruit, c’est le mythe du caractère impérissable de l’humain. Ce qui gagne en dernier ressort, c’est l’humanité du cérébro-lésé, son être-pour-la-mort. Quand bien même son cerveau serait peu à peu détruit, persisterait en lui, plus puissante que la décomposition biologique, mécanique, la force immanente qui le pousse à l’autodestruction, qu’on nomme cette force pulsion, désir ou loi ontologique. « L’indifférence des cérébro-lésés ressemble de bien près à l’inertie. La vie des anosognosiques ressemble de bien près à la mort. La lésion cérébrale, le choc, le traumatisme seraient les effets d’une loi ontologique plus ancienne qu’eux ; ils ne seraient que des occurrences du retour à la passivité immémoriale du non-vivant. » (p. 201) Alors, comme dans le rêve de Proust cité en exergue, la grand-mère réapparaît en rêve vivante, morte : impérissable.

Sexualité ou cérébralité

Par Monique David-Ménard

Il est très remarquable qu’une philosophe s’emploie à confronter les hypothèses de la psychanalyse sur la sexualité, pulsions et trauma réunis, à l’analyse de faits différents qu’elle propose de regrouper sous le nom de cérébralité : la cérébralité, ce n’est pas seulement l’ensemble des troubles qui peuvent affecter le système nerveux central, c’est le retentissement psychique d’un accident qui détruit la personnalité antérieure d’un patient, que ce soit dans la maladie d’Alzheimer ou dans les chocs militaires. Un « événement » de nature absolument extérieure, sans rapport avec des facteurs subjectifs, entraîne une destruction nerveuse et psychique qui n’est nullement une modification de la mémoire mais un travail de la destruction qui produit une nouvelle configuration d’identité. Complétant ses travaux antérieurs sur la plasticité, Catherine Malabou assume le paradoxe selon lequel la destruction produit une forme sous l’effet de facteurs cérébraux concernant les émotions et non les pulsions. Cela suppose de mettre en avant le cerveau non pas seulement comme un appareil à cognition mais comme le lieu de formation des affects.

A partir de ces faits, les hypothèses freudiennes sur la sexualité deviendraient, sur plusieurs points, caduques : Freud aurait d’abord conçu une relation de l’extérieur et des facteurs internes aussi bien dans la formation des névroses en général que dans les traumas, puis il aurait finalement, dès Au-delà du principe de plaisir (1920) réuni sous le nom de libido un facteur endogène dont les accidents comme les violences liées aux guerres ou aux maladies du système nerveux déroulent leurs effets dans un appareil de l’âme doué d’une essentielle capacité à se déformer sous l’effet de ce qu’il nomma refoulement ou effraction. L’importance du temps dans la sexualité, qui élabore après coup les traces d’événements d’abord inassimilables à l’enfant, grâce à l’écart temporel entre la vie infantile, la vie pubertaire, adolescente, puis adulte, se trouverait radicalement remise en cause par des faits liés à l’organisation cérébrale.

Que la biologie du cerveau fasse apparaître un type de causalité différent de ce que Freud nomma « l’étiologie des névroses », nul n’en disconviendra. Que Catherine Malabou s’emploie à suivre la différence et l’incompatibilité de ce qu’on est tenté d’appeler des paradigmes incompatibles – sexualité ou cérébralité – et qu’elle montre sur quels points ces concepts donnent des conceptions générales du « je » fort différentes soit.

Mais comment la pertinence de cette confrontation peut-elle être mise à l’épreuve de la clinique ? Très vite dans son livre, l’auteur affirme que « Les travaux des neurologues contemporains m’ont permis de découvrir cette impossibilité de trancher entre les effets d’un trauma politique et effets d’un trauma organiques. »( p.19-20). Cette affirmation ne sera plus mise à l’épreuve par la suite. Or, si on confronte les concepts de sexualité et de cérébralité, ne faut-il pas examiner comment ils s’entrecroisent dans des situations cliniques ? Catherine Malabou affirme que jamais les psychanalystes ne font ce travail de démêler les deux logiques concurrentes, mais c’est inexact : les psychanalystes travaillant avec des patients cérébraux-lésés lors des réveils de coma ont montré que la double approche, loin d’invalider l’un des deux paradigmes, est capable d’évaluer ce qui relève des troubles cognitifs et émotionnels et ce qui relève de la sexualité au sens freudien du terme – je pense par exemple aux travaux d’Hélène Oppenheim (La pensée naufragée Clinique psychopathologique des patients cérébro-lésés , Anthropos 2000) que Catherine Malabou ne cite pas. Que la psyche liée au cerveau affectif ne soit pas la même que « l’appareil de l’âme » freudien, on en conviendra aisément. Mais, faute d’une mise à l’épreuve clinique, on reste dans l’exposé de deux modèles conceptuels et l’affirmation selon laquelle l’un réfute l’autre ou l’autre l’un reste inopérante.

D’autre part, conceptuellement, Catherine Malabou emploie une même conception de la causalité dans les deux champs. Et ce concept de cause est emprunté aux sciences de la nature. Or, plus d’un siècle après la naissance de la psychanalyse, est-on condamné à opposer la causalité et le sens ou l’interprétation ? Catherine Malabou ne tient aucun compte des réévaluations de cette opposition par exemple par Lacan qui tente de repenser la cause dont il s’agit dans les phénomènes dits de l’inconscient – lapsus, oublis, actes manqués, pensées du rêve, symptômes (Le Séminaire, livre XI, les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Seuil 1973). La répétition, dans le champ expérimental du transfert, n’est ni du sens ni de l’énergie. Elle concentre la détermination des destins pulsionnels qui, grâce à ce dispositif, peuvent aussi se transformer.

Les lectures de Freud qui s’en tiennent aux catégories du XIXe siècle finissant et des débuts du XXe se font la tâche facile : lorsque Paul Ricoeur en 1966 opposait l’énergie au sens comme des concepts- clefs pour comprendre et critiquer la psychanalyse, il s’inscrivait dans les débats entre comprendre et expliquer qui ont fait les beaux jours de l’herméneutique et du physicalisme. Mais est-ce à partir de là qu’il faut penser clinique et théorie des pulsions ? Lorsque la « neuropsychanalyse » prend pour argent comptant une lecture organiciste des circuits énergétiques et informationnels de l’appareil dit psychique freudien (à la suite de Pribram et Gill), tient-elle compte du fait que, chez Freud, parler de circuits neuroniques et parler de représentations sont, dès 1895, deux langages sur la même chose ? Et pourquoi Freud parle-t-il de « l’appareil de l’âme » ? Les faits dont traite la psychanalyse mettent en crise les concepts de l’organique et du psychique. Ce que Freud nomme pulsions en 1915 est un montage inédit de facteurs hétérogènes : énergétique, thermodynamique (travail), symbolique (substituabilité des objets), grammatical. Cela signale le problème du site épistémologique des pulsions sexuelles au lieu de l’enterrer en ramenant les faits recueillis dans la clinique des névroses et des psychoses à une conception de la causalité que cette dernière oblige plutôt à redéfinir.

Il faut saluer l’ouvrage de Catherine Malabou qui contribue à confronter la psychanalyse à ce qui n’est pas elle. Mais ne réunit-elle pas à son tour des faits dont l’appartenance à un même type de phénomènes devrait être mieux établie ?

Dans L’Hystérique entre Freud et Lacan. Corps et langage en psychanalyse (Editions universitaires 1983), dans Tout le plaisir est pour moi, (Hachette Littérature 2000), je n’ai cessé de développer cette redéfinition nécessaire du concept de pulsion, cette relecture de l’énergétique freudienne après Lacan (qui voulait la remplacer par la topologie), ainsi que la confrontation entre les modèles freudiens et ceux des sciences cognitives et neuro-biologiques. (Psychanalyse et cognition, éditions Campagne Première 2000, et « Y-a-t-il un concept psychanalytique de l’action ? » in Acte, action, comportement, Neuropsy, octobre 2002).

Et il est certain que la neuro-biologie met en lumière des phénomènes qui devraient inciter la psychanalyse à sortir de l’impérialisme du sexuel. Les pulsions sexuelles sont un genre de réalité que ni les sciences naturelles ni les sciences du langage ne parviennent à concevoir. Cela ne veut pas dire qu’elles rendent compte de tout ni que la sexualité soit le paradigme qui rend compte de l’être humain dans tous ses aspects. Mais sur la manière dont la cérébralité et la sexualité ont à se confronter en établissant, à partir de certains phénomènes cliniques et expérimentaux, les conditions et les limites de leur pertinence, ne faut-il pas décrire plus précisément les rencontres et les malentendus ? Et les malentendus qui se développent sur certains points, et par exemple sur ce qu’il faut entendre par « trauma » ne sont-ils pas plus instructifs que la concurrence de deux concepts dont l’un devrait remplacer l’autre ou l’autre l’un ?

par Evelyne Grossman, le 8 avril 2008

Aller plus loin

Collège de philo

Cet article est publié en partenariat avec le Collège international de philosophie, qui organise dans le cadre des Samedis du Livre, une matinée sur l’ouvrage de C. Malabou le samedi 12 avril (9h30-12h30).

Amphi Stourdzé, Carré des Sciences, 1 rue Descartes, 75005, Paris, sous la responsabilité de Pascal Sévérac. Intervenants : Monique David-Ménard, Evelyne Grossman, Marc Jeannerod, Catherine Malabou.

Pour citer cet article :

Evelyne Grossman, « Les nouveaux sujets de la souffrance cérébrale », La Vie des idées , 8 avril 2008. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Les-nouveaux-sujets-de-la

Nota bene :

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Notes

[1Cf. Myriam Revault d’Allonnes, L’homme compassionnel, Seuil, 2008

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