Y a-t-il une « philosophie chinoise » ? Telle est la question qui, implicitement ou explicitement, traverse la plupart des articles qui composent le numéro 72 de Rue Descartes. Question assez ancienne des histoires de la philosophie chinoise, qu’elles soient écrites en Chine ou ailleurs [1] ; question pourtant loin d’être résolue ou, du moins, d’avoir trouvé une réponse qui fasse consensus. Ce numéro de Rue Descartes essaie d’y trouver une réponse dans un universalisme pluraliste caractérisé à la fois par le dialogue transculturel et par un souci d’universalité. Mais il n’arrive pas totalement à se défaire de la nation comme horizon de la réflexion philosophique.
Les trois tournants de la philosophie chinoise
Le numéro ne s’est pas contenté de faire une simple mise à jour des débats philosophiques récents : il s’agit — comme le souligne Jiang Dandan dans son introduction au numéro — de revenir sur la « quête identitaire » qui a hanté la philosophie chinoise tout au long du XXe siècle et qui a été récupérée avec intensité depuis les années 1980. Jiang Dandan distingue trois moments essentiels dans l’évolution récente de cette quête identitaire. Le premier, qui a eu lieu au cours des années 1980, a été celui de la « dés-idéologisation » de la réflexion philosophique. Le deuxième, développé dans les années 1990, correspond à une « renaissance de la culture traditionnelle chinoise » et à la division en deux camps, celui de la Nouvelle Gauche (xin zuopai) et celui du libéralisme (ziyou zhuyi). Le troisième, enfin, qui s’est développé dans les années 2000, consiste en une reformulation de la quête identitaire dans le sens du « dialogue transculturel » et de la recherche d’« universalité ».
Malgré l’hétérogénéité des sujets abordés et les différences d’approche parmi les auteurs, Jiang Dandan inscrit ce numéro de Rue Descartes dans la problématique de ce troisième moment. Nous avons mis ici à profit sa grille de lecture pour prolonger ses réflexions sur la quête identitaire de la philosophie chinoise, fil conducteur du présent compte rendu. Chaque contribution allant cependant bien au delà de cette problématique, nous laissons au lecteur la tâche de juger de la valeur de chaque article, d’un grand intérêt aussi bien pour l’histoire intellectuelle contemporaine que pour chacune des branches concernées de la philosophie.
Horizon national et horizon philosophique
De façon quelque peu schématique, on peut dire qu’il y a parmi les articles de ce numéro trois façons différentes de s’inscrire dans la problématique de la quête identitaire de la philosophie chinoise. Pour un premier groupe, la réflexion philosophique se projette aussi bien dans le passé que dans l’avenir comme une activité conditionnée par les frontières culturelles de la nation : son horizon est, pour ainsi dire, un horizon national. Pour un deuxième groupe, l’horizon national est effacé de l’avenir de la réflexion philosophique, mais il est projeté conservé sous la forme de « tradition » ou de « culture » dans un passé conçu comme un passé national. Pour un troisième groupe, enfin, l’horizon national est effacé aussi bien du passé que de l’avenir de la philosophie. Même si les contributeurs de ce numéro de Rue Descartes ne sauraient être inscrits facilement dans l’une ou l’autre de ces approches, on peut néanmoins y repérer les traces d’un débat, et des façons différentes de se positionner.
Ainsi, chez ceux qui font coïncider horizon national et horizon philosophique, on y repère une interrogation implicite sur ce qui distingue la philosophie chinoise d’autres philosophies (notamment la « philosophie occidentale »). La philosophie chinoise y est représentée comme une philosophie nationale, propre à une Chine dont les frontières culturelles, identifiables en tant que telles dans le passé, sont vouées à se conserver dans l’avenir. Le rapport avec d’autres philosophies y est conçu sous la forme d’un « dialogue » entre traditions. L’article de Du Xiaozhen, « Y a-t-il une traduction chinoise du mot ‘être’ ? », en est un bon exemple. L’auteur y fait une analyse de la polysémie du verbe « être » dans quelques langues occidentales et conclut que, plutôt que de regretter l’impossibilité de sa traduction en chinois, il faudrait en profiter pour rappeler le sens multiple du mot. Cependant, elle conserve l’opposition Chine / Occident comme grille de lecture des traditions philosophiques lorsqu’elle affirme que de la traduction « de cette notion [la notion d’« être »] dépend non seulement la compréhension de la pensée occidentale, mais aussi le niveau et la qualité de nos recherches sur cette pensée (...). Lorsque nous réfléchissons à une traduction fidèle du verbe ‘être’ [en chinois], nous nous efforçons en même temps d’enrichir, dans le contexte de la culture chinoise, notre lexique philosophique » (p. 18). La Chine comme horizon culturel est ainsi projetée aussi bien dans le passé que dans l’avenir de la réflexion philosophique.
La deuxième approche que l’on retrouve dans plusieurs articles de ce numéro de Rue Descartes est celle qui, tout en préservant l’horizon national pour le passé, tente de le supprimer pour l’avenir. C’est l’approche la plus partagée parmi les auteurs. Dans l’entretien que Yang Guorong accorde à Jiang Dandan intitulé « Le chemin de la philosophie », Yang affirme qu’« au début du XXe siècle, Wang Guowei, entre autres, avait déjà relevé qu’il ne fallait pas dans la recherche faire de distinction entre Chine et Occident ; je pense que cet horizon devrait également être présent dans la recherche philosophique » (p. 106). Yang Guorong propose, pour l’avenir de la philosophie, un horizon indépendant des cadres nationaux ; cependant, lorsqu’il s’agit du passé, la philosophie reste circonscrite aux limites imposées par un horizon national : « La philosophie chinoise apparaît comme relativement faible sous l’aspect de la systématisation formelle. En comparaison, la philosophie occidentale a, dès ses origines, accordé relativement plus d’importance à la définition de concepts, à l’inférence argumentative entre les propositions, etc. » (p. 106). L’article de Jiang Dandan, « De l’éthique environnementale à l’éthique de la vie : Dialogue transculturel autour de Zhuangzi », a une vision semblable : bien qu’elle cherche à formuler une « éthique de la vie » et à reconstituer une « culture écologique », et que son introduction témoigne d’une conscience profonde des limites de l’horizon national dans la réflexion philosophique, l’auteur revient à cet horizon lorsqu’elle affirme que « les courants de pensée ayant émergé en France à partir de l’après-guerre, qui ramènent la philosophie à la vie concrète, nous paraissent enrichissants pour promouvoir des possibilités de dialogue transculturel avec la pensée traditionnelle chinoise, qui donne également à ces préoccupations une place centrale » (p. 92). En d’autres termes, elle reconnaît l’existence d’une tradition nationale de pensée passible d’être transformée en sujet d’un « dialogue ». De même, l’article de Fabian Heubel (« L’Aistéthique : transformation énergétique et culture de la fadeur », section « Périphéries ») d’une part évoque la culture de la fadeur et la culture des lettrés comme une façon d’identifier une tradition de pensée en Chine jusqu’au XXe siècle ; de l’autre, il développe son concept d’« aistéthique » dans une perspective « transculturelle » qui cherche à se détacher de l’horizon national : il formule ce concept à partir d’une lecture des écrits de Xi Kang (223-262) ou d’auteurs modernes comme Gernot Böhme ou François Jullien (entre autres), toujours selon les besoins de la recherche conceptuelle. Dans ces articles, les auteurs laissent donc intact le caractère national des traditions culturelles (notamment sous la forme de « dialogue transculturel », qui transforme les « cultures » en sujets), mais font un effort pour écarter de la production de nouveaux concepts les limites imposées par le cadre restreint de la nation.
Enfin, la troisième approche de l’« identité » de la philosophie chinoise dans les articles de ce numéro repose sur un effort d’effacement, explicite ou implicite, de tout horizon national. Ainsi, le professeur Chen Jiaying nous propose, dans son article « Cerner la notion de temps », une réflexion dans laquelle il critique la dichotomie fictive entre une conception chinoise et une conception occidentale du temps ; il réfléchit à partir des textes en chinois, en français ou en allemand, et ne cherche pas à trouver aux idées une origine dans la culture nationale. L’article de Zhang Yinde (« Utopie et anti-utopie : le cas de Ge Fei ») rompt aussi avec l’horizon national en formulant, à partir d’une analyse de l’« utopie désenchantée » des romans de Ge Fei, des réflexions générales sur les relations entre utopie et modernité. Quant aux deux articles de la section « Compléments », celui de Frédéric Wang (« La transmission de la Voie : de Han Yu (768-824) aux néo-confucéens contemporains ») et celui de Thierry Meynard (« Existe-t-il un bouddhisme chinois ? Les débats actuels en Chine autour du Yogacara »), ils effacent tous les deux l’horizon national en abordant frontalement le caractère construit des traditions. Mais leur approche témoigne d’une relative extériorité par rapport aux débats soulevés dans les premiers articles, ceux de la rubrique « Corpus ». Frédéric Wang montre l’écart entre les récits du nouveau confucianisme contemporain sur la « transmission de la Voie » et les récits qui se sont succédés depuis Han Yu ; ce faisant, il met en suspens la continuité de la « tradition chinoise ». Quant à Thierry Meynard, il montre la façon dont la dichotomie chinois / non chinois a divisé et divise toujours les milieux bouddhistes autour de l’existence d’un bouddhisme proprement chinois, notamment autour de la tradition du Yogacara. Aux impasses culturalistes créées par la question « le bouddhisme chinois est-il authentiquement bouddhiste ? », Meynard trouve une sortie en affirmant l’autonomie du message bouddhique face aux traditions nationales. Le bouddhisme, dit-il, « n’est ni indien, ni chinois, ni occidental ».
Sauf ces derniers articles, la plupart témoigne donc d’une relation étroite entre horizon national et horizon philosophique : la nation (dans un sens culturel) est articulée avec la philosophie sous forme de projection d’un horizon, que ce soit dans le passé ou dans l’avenir. Cette articulation est en effet l’un des piliers de ce que l’on pourrait appeler l’« universalisme pluraliste » du troisième tournant de la philosophie chinoise, qui, tout en proposant une certaine forme d’universalité, conserve les horizons nationaux comme garantie d’une diversité culturelle [2].
Les paradoxes de l’article de Xu Jilin
L’article de Xu Jilin, « Valeurs universelles ou valeurs chinoises ? Le courant de pensée de l’historicisme dans la Chine contemporaine », témoigne des paradoxes de l’universalisme pluraliste qui caractérise les discours du troisième tournant de la philosophie chinoise : d’une part, visée universaliste ; de l’autre, difficulté à se défaire de l’horizon national. C’est donc parce qu’il est le seul à aborder ce paradoxe de façon frontale et exhaustive que nous avons réservé une place à part à l’analyse de son article. En effet, tandis que certaines de ses affirmations nous obligent à le considérer parmi ceux qui essaient de se défaire de la nation comme déterminant culturel, d’autres conservent, au contraire, l’horizon national comme horizon des réflexions philosophiques.
La critique que Xu Jilin adresse à ce qu’il appelle l’historicisme chinois constitue une remise en question radicale du nationalisme culturel qui s’est développé en Chine ces dernières décennies. Pour lui, comme la « pensée de l’historicisme » ne croit pas à une modernité fondée sur des valeurs universelles, elle finit par proposer la création de valeurs propres, singulières, fondées sur la « collectivité nationale ». Sa critique de cette « pensée de l’historicisme » dans la Chine contemporaine va très loin, jusqu’à mettre en question l’« Occident » et la « Chine » en tant qu’unités nationales ou culturelles : « Comme les différents récits universalistes ont été remis en question [par la pensée de l’historicisme], l’unique valeur certaine s’est rabattue sur le corps vital de la nation, à savoir la Chine. Mais la question est : qu’est-ce que la Chine ? Derrière tous ces récits nationaux des ‘valeurs chinoises ‘, du ‘modèle chinois’, ou de la ‘subjectivité chinoise’, il y a un présupposé dualiste encore inconscient, celui de la Chine et de l’Occident conçus comme des ensembles totalisés » (p. 57-58). En mettant en crise la Chine et l’Occident comme unités culturelles, Xu Jilin enlève à l’opposition entre valeurs chinoises et valeurs universelles les deux piliers qui la soutiennent.
Xu Jilin prend ainsi parti pour l’universalisme des valeurs. Mais cette prise de position, paradoxalement, ne revient pas à se défaire de la nation comme substrat de l’universalité des valeurs. En effet, pour concilier son universalisme avec l’horizon national de la réflexion, il revendique le pluralisme culturel : « il existe des valeurs communes qui peuvent communiquer entre des valeurs différentes. Bien que les différences entre les cultures nationales soient grandes, la partie centrale se superpose ; ces valeurs cruciales et ces buts ultimes sont ouverts, et c’est ce que l’humanité recherche communément » (p. 66). Si dans la recherche des « valeurs ultimes » Xu Jilin brise les horizons nationaux pour se tourner vers des « valeurs universelles », dans sa vision pluraliste de cette recherche les nations restent intactes, aussi bien comme traditions que comme projection dans l’avenir. C’est pourquoi « la Chine devrait reconstruire des valeurs chinoises dans la perspective de la civilisation universelle » (p. 66) : aspiration à l’universel qui conserve pourtant la nation comme horizon de la réflexion. C’est peut-être le paradoxe non seulement de Xu Jilin, qui le ressent avec un certain dramatisme, mais aussi de l’universalisme pluraliste qui — d’après l’introduction de Jiang Dandan à ce numéro — caractérise ce troisième tournant du « philosopher » en Chine (p. 6-8).
« Nation » et « philosophie » : quelques réflexions finales sur un paradoxe
Le problème de la relation entre nation et philosophie est d’autant plus intéressant pour un public francophone que plusieurs débats qui ont eu lieu en France ces dernières années, en même temps que les débats en Chine, ont été marqués par un renforcement de la « quête identitaire » et de la recherche de « valeurs » (universels ou non) dans les limites d’un horizon national. Gérard Noiriel a consacré un essai aux débats sur l’identité nationale en France dans lequel il a signalé chez certains intellectuels français des paradoxes qui, à notre avis, sont semblables à ceux de certains intellectuels chinois [3]. En effet, quand Gérard Noiriel dénonce tout ce que la quête d’une « identité nationale » efface de l’horizon de la réflexion, nous y retrouvons un nombre de critiques qui pourraient être facilement appliquées aux intellectuels chinois préoccupés par cette quête identitaire. En ce qui concerne la philosophie chinoise, nous pouvons nous demander jusqu’à quel point il est possible de se servir de la nation pour expliquer les différences entre les « philosophies » ou, plus précisément, entre des formes différentes de réflexivité. Ne risquons-nous pas d’effacer des dimensions de l’expérience sociale des intellectuels qui, pour le développement de leurs formes de réflexion, sont beaucoup plus significatives que la nation ?
Ces dimensions de l’expérience sociale des intellectuels, qui vont bien au-delà du cadre national, peuvent être divisées en deux. La première est le cadre transnational de cette expérience. Les contributeurs chinois de ce numéro de Rue Descartes, par exemple, sont pour la plupart des universitaires, certains d’entre eux bilingues, très ouverts aux circuits universitaires de circulation d’idées qui vont des États-Unis et d’Europe jusqu’en Chine et au Japon. Ces universitaires, certes, « philosophent » dans le territoire chinois, mais il serait illusoire de voir chez eux l’expression de leur « culture nationale » : le cadre de leurs réflexions va bien au-delà des frontières politiques du territoire chinois, et bien au-delà aussi de la frontière culturelle de la langue (quelle que soit l’importance que l’on attribue à la langue pour la constitution d’un horizon culturel). Cette transnationalité des cadres de réflexion met aussi en question la continuité historique et culturelle de la philosophie chinoise. En effet, les formes de réflexivité d’un universitaire de Shanghai ou de Pékin ne sont-elles pas plus proches de celles d’un universitaire parisien que de celles d’un lettré d’époque impérial ? L’universalisme pluraliste du troisième tournant de la philosophie chinoise reconnaît le cadre transnational de la réflexion philosophique en Chine, mais il semble tenir cette philosophie dans les limites d’un horizon culturel enraciné dans l’histoire nationale.
La seconde dimension de l’expérience sociale des intellectuels est la dimension socio-professionnelle, comprenant toutes les contraintes culturelles liées à la nature de leur travail et à leur position de classe. La recherche de quelques fondements nationaux du discours philosophique, même sous la forme d’un universalisme pluraliste, risque en effet de cacher cette dimension fondamentale des cadres de réflexion. En quoi, par exemple, la « philosophie chinoise » telle qu’elle est pratiquée par un professeur à l’Université de Pékin interpelle-t-elle un jeune étudiant de philosophie qui vient d’être lancé sur le marché de travail ? Les trajectoires, positions et expériences sociales ne produisent-elles pas des soucis et des formes de réflexivité différentes à l’intérieur même de la communauté universitaire ? Le souci du caractère « chinois » de la philosophie risque d’effacer toutes les différences culturelles « verticales » (dans l’espace social) au profit des différences « horizontales » des nations — nations conçues, selon les mots de Xu Jilin, comme des ensembles totalisés. L’universalisme pluraliste, qui conserve des attachements à l’horizon national de la philosophie, se propose de sortir des différences « horizontales », mais a du mal à apprécier la profondeur des différences « verticales ».
Enfin, on pourrait aussi dire que les paradoxes de cet universalisme pluraliste renvoient aux paradoxes de la notion même de « philosophie ». De quel « philosopher » ces articles parlent-ils ? Inscrit dans la problématique de la « légitimité » de la philosophie chinoise, le numéro laisse quelque peu en suspens le problème de la définition et de l’existence même de la philosophie, en Chine ou ailleurs. Et pourtant, le problème de l’existence de la philosophie comme discipline n’est pas seulement un problème chinois : en effet, la philosophie a perdu depuis longtemps son évidence comme discipline. Jiang Dandan évoque à plusieurs reprises les travaux de Pierre Hadot, car c’est précisément lui qui a le plus contribué à mettre en crise l’évidence de la « philosophie » (notion, d’ailleurs, dont Jiang Dandan signale les limites). Il a notamment montré que, lorsque l’on regarde de près le mot « philosophie » et qu’on le compare avec le mot philosophia dans la Grèce ancienne, on voit que la continuité du signifiant « philosophie » n’équivaut pas à une continuité sur le plan des pratiques, même pas à une continuité sémantique [4]. Or si le mot « philosophie » est un nom sous lequel se cachent des pratiques hétérogènes et des contraintes symboliques et institutionnelles complexes, comment continuer à affirmer qu’elle a été associée en Occident à une forme de réflexivité spécifique ? Et si la continuité, voire la spécificité de la réflexion philosophique en Occident est mise en question, y a-t-il encore un sens à identifier, sous le mot zhexue, une forme de réflexivité analogue en Chine ?
L’universalisme pluraliste issu du troisième tournant de la philosophie chinoise permet de dénaturaliser l’horizon national et le discours philosophique, mais il n’arrive pas à se défaire de leur emprise ; ilreste en quelque sorte prisonnier de ces « ensembles totalisés » que sont la nation et, aussi, la philosophie. Et, de fait, tant que les intellectuels de ce troisième tournant s’attacheront au souci moderne d’une quête d’identité culturelle et d’une philosophie « chinoise », il leur sera difficile d’échapper à l’une et à l’autre. Cela dit, le présent numéro de Rue Descartes nous offre une excellente synthèse de ces impasses de l’histoire intellectuelle récente de la Chine continentale et constitue, par les questions qu’il pose, un pas en avant dans la critique de l’horizon national de la « philosophie ».