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Recension Philosophie

La morale a minima

À propos de : R. Ogien, L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine, Grasset.


par Marc-Antoine Dilhac , le 21 décembre 2011


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En examinant simplement les problèmes moraux de tous et de chacun, Ruwen Ogien adopte la position d’une éthique minimale : son ouvrage se lit comme un bon polar, dans lequel l’inspecteur démontrerait contre toute attente qu’il n’y a peut-être ni crime, ni victime, ni meurtrier.

Recensé : Ruwen Ogien, L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine, et autres questions de philosophie morale expérimentale, Paris, Grasset, 2011. 280 p., 18, 50 €.

C’est un livre qui se veut modeste dans sa portée, une simple « introduction générale à l’éthique » (p. 9) et qui se contente, à première vue, de présenter les différentes conceptions morales plausibles et les problèmes de justification éthique fondamentaux. C’est un ouvrage que les philosophes, enseignants ou étudiants avancés, classeront volontiers dans la catégorie des livres de vulgarisation, presque grand public. C’est là précisément ce qui le rend digne d’intérêt et devrait inciter philosophes et non-philosophes à le lire. Ruwen Ogien, spécialiste de philosophie morale et promoteur de l’éthique minimale, prend le parti de s’adresser à tous dans un style tout à la fois léger, drôle et incisif, en analysant les intuitions morales qui sont dans l’ensemble communes aux philosophes et aux non-philosophes et qui ne justifient pas que l’on donne « plus de poids aux jugements de cette “élite morale” qu’à ceux de chacun et de tout le monde » (p. 30).

Cette « introduction générale à l’éthique » poursuit-elle néanmoins un projet philosophique précis et peut-on en dégager une thèse ? Il me semble qu’il y a bien une esquisse doctrinale et qu’au bout du chemin tortueux que trace Ruwen Ogien, on trouve cette affirmation paradoxale : l’éthique est trop fragile pour se permettre d’avoir des fondations. L’ouvrage met ainsi à la disposition du public les outils conceptuels pour comprendre l’antifondationnalisme et le minimalisme moral, l’un conduisant à l’autre.

Expériences de pensée morale

L’ouvrage se compose de deux parties de longueur inégale, suivies d’un glossaire et d’une bibliographie qui permettra d’explorer les pistes de réflexion ouvertes par l’auteur. La première partie, sur laquelle on va s’attarder parce qu’elle est la plus longue, évoque en dix-neuf sections des expériences de psychologie morale parmi les plus fécondes et les plus fameuses. Cette partie ludique nous plonge d’abord dans les délices des dilemmes moraux où l’on joue la vie et la mort. Vous aurez ainsi à choisir de vous jeter à l’eau pour sauver un enfant de la noyade ou de ne pas plonger afin de préserver vos chaussures neuves ; de sacrifier un homme pour épargner la vie de cinq traminots d’un accident ferroviaire ou de ne rien faire et garder les mains pures ; de vous brancher à vie sur une machine qui vous donne un plaisir réel et constant en créant dans votre cerveau l’illusion de vivre des expériences agréables ou de mener une existence au cours de laquelle on éprouve plaisir et peine mais dans laquelle on reste un agent, etc.

Les dilemmes moraux ne constituent pas le seul type d’expérience de pensée mobilisé par l’auteur. Sont présentés également des tests de justification morale : si deux adultes ont un rapport sexuel incestueux mais consentant, peut-on justifier la réprobation morale universelle que cet acte suscite ? Est-il plus acceptable de vouloir se débarrasser d’un violoniste que l’on vous a branché sur le dos, sans votre consentement, en le condamnant à une mort certaine, que d’avorter ? Si tout est écrit, est-on tout de même responsable du mal que l’on fait ? Et du bien ? Comme on le voit, ces expériences sont hétéroclites et renvoient parfois à des problèmes métaphysiques plus traditionnels comme, par exemple, celui de la responsabilité morale en l’absence de libre arbitre.

Les autres expériences présentées par Ruwen Ogien consistent à mettre les individus dans des situations qui permettent d’évaluer moralement leurs comportements : si un inconnu vous demande de lui faire la monnaie d’un dollar, dans quelle mesure le fait que vous soyez dans un environnement plaisant, baignant dans l’odeur des croissants chauds, va-t-il affecter la probabilité que vous rendiez ce service ? Si vous participez à une expérience scientifique dans laquelle vous devez sanctionner par des décharges électriques les mauvaises réponses d’un individu que vous ne connaissez pas, jusqu’à quel voltage allez-vous monter avant de refuser de poursuivre l’expérience ?

Cette première partie plonge le lecteur dans la plus grande perplexité non seulement parce que les expériences de pensée que l’auteur nous invite à revivre sont pour le moins exotiques, mais surtout parce que nos intuitions morales sont constamment mises en question et nos conceptions morales remises en cause. Par intuition morale, il faut comprendre à la fois un jugement moral spontané, antérieur à toute réflexion, et la perception de propriétés morales des actions, ce qui implique dans ce cas une conception réaliste. Ainsi, lorsque nous croyons avoir trouvé une théorie morale adaptée à nos convictions spontanées (que ce soit l’utilitarisme hédoniste, la morale du devoir catégorique ou l’éthique de la vertu), l’auteur fait varier le scénario des expériences initiales de telle sorte que nous sommes conduits à exprimer des convictions contradictoires. Une fois utilitariste quand, dans la peau d’un pilote, on décide de dévier un avion en perdition sur la zone d’habitation la moins peuplée ; une autre fois déontologiste quand, considérant qu’autrui ne doit pas être traité comme un simple moyen, nous répugnons à pousser un homme sur une voie de chemin de fer pour arrêter un tramway qui fonce sur cinq traminots. La stratégie de Ruwen Ogien est habile : le pari de captiver le lecteur est gagné, comme celui de lui faire sentir la fragilité de ses intuitions.

On pourra regretter le caractère systématiquement aporétique de ces premières sections que l’auteur conclut souvent par une question ouverte, mais parfois aussi par une question rhétorique comme dans la section consacrée à l’amoraliste : « Plutôt que de s’engager dans ce genre de projet [de conditionnement moral], ne vaut-il pas mieux laisser l’amoraliste tranquille ? » (p. 136) La réponse est connue d’avance. On peut se demander pourquoi Ruwen Ogien n’a pas choisi d’avancer démasqué en soutenant explicitement une doctrine ou une thèse. Est-ce parce que son entreprise n’est pas d’édifier ni d’entrer dans des controverses morales ? Ce serait cohérent avec les intentions qu’il manifeste dans la préface et l’introduction : n’attendons pas de lui qu’il nous apprenne à vivre, ni qu’il tranche des dilemmes moraux complexes, mais seulement qu’il nous donne les outils conceptuels pour analyser ces cas et éviter des arguments fallacieux.

Pourtant, dans quelques sections portant sur des questions bioéthiques qui lui tiennent manifestement à cœur et sur lesquelles on connaît son engagement public, il rompt avec cette règle. Ainsi dans la section 13 (« On vous a branché un violoniste dans le dos ») qui traite de l’avortement, l’auteur avance ainsi sa propre thèse : « Personnellement, j’estime qu’il faut laisser les femmes libres de prendre les décisions qu’elles jugent appropriées dans leur propre cas, hors de tout contrôle moral de leurs raisons. Si elles sont libres d’avorter, elles doivent l’être quel que soit leur motif. » Et de conclure : « Et vous ? » (p. 176). Ce passage pose pourtant problème : ce n’est pas que l’auteur défende une position morale particulière, puisque c’est précisément l’absence d’engagement en général que l’on peut regretter, mais c’est qu’il ne fournit aucune argumentation en sa faveur. Or, formulée ainsi, la thèse se présente comme un non sequitur : ce n’est pas parce que les femmes sont libres (c’est-à-dire ont le droit) d’avorter pour certaines raisons (viol, malformation grave du fœtus, risque de décès de la mère) qu’elles devraient pouvoir le faire pour n’importe quelle raison ; de même, ce n’est pas parce que l’on a le droit de tuer pour certaines raisons (légitime défense, situation de guerre) que l’on doit avoir le droit de le faire pour n’importe quelle raison. L’argument de fond, qui aurait mérité d’être explicité, est que les femmes qui sont les principales concernées par cet acte sont les mieux placées pour évaluer les raisons d’y recourir – et ce sont même les seules qui en ont la légitimité. Cet argument clairement anti-paternaliste revient à exclure les considérations sur la dignité humaine qui autorisent des entraves graves (ou non) à la liberté personnelle. Cela ne signifie pas pour autant que l’on doive renoncer à toute évaluation morale des raisons de tuer, comme le laissait malheureusement penser la formulation précédente.

Une autre source de gêne réside dans l’apparente discontinuité de l’argumentation d’ensemble : de section en section, le lecteur est ballotté par les flots de telle ou telle doctrine, bousculé par les résultats contradictoires de telle ou telle expérience empirique, sans qu’il puisse distinguer, parmi ses intuitions, le bon grain de l’ivraie. La lecture de la section 19 « Les monstres et les saints » est particulièrement déroutante. Ruwen Ogien montre que l’éthique de la vertu postulant l’existence de caractères moraux n’est pas validée par les expériences de psychologie morale qui souligne au contraire l’influence du contexte de choix sur nos comportements. Ainsi l’odeur des croissants chauds peut augmenter notre empathie, comme le fait d’être pris dans la foule peut la diminuer. Mais s’il est vrai que l’odeur des croissants chauds a une influence sur la bonté humaine, avons-nous encore affaire à un problème moral ? Certes, cela signifie que l’homme n’est ni bon ni mauvais par disposition ou vertu, encore moins par nature, et que son comportement dépend de la situation. Cependant, cela ne porte en rien sur les normes morales que l’on reconnaît comme valides, ni même sur les valeurs que l’on admet comme bonnes. Ou alors, il faudrait dire que l’odeur des croissants chauds a une influence sur notre jugement moral spontané ou sur nos intuitions, de telle sorte que nous agissons en saint dans telle situation et en monstre dans telle autre. Mais si cela est vrai, ce n’est pas seulement l’éthique de la vertu qui est condamnée, c’est toute l’éthique. Et du reste, la manière dont on répondra aux dilemmes moraux (dois-je sauver l’enfant qui se noie ou préserver mes chaussures neuves ?) et le type de jugement que l’on aura sur telle question morale (l’inceste est-il acceptable entre des individus consentants ?) dépendent également de circonstances comme le fait de ne pas avoir été récemment agressé par un enfant dans la rue, de ne pas avoir été abusé par un parent, ou d’avoir été réveillé par l’odeur des croissants chauds s’exhalant de la boulangerie d’en bas.

Si le dessein de l’auteur était d’engendrer la confusion, cela serait une réussite ! Or, il me semble que c’est bien le but poursuivi dans cette première partie, justifiant ainsi, dans un deuxième temps, une clarification des enjeux éthiques par un examen philosophique des « ingrédients de la cuisine morale ».

Minimalisme moral

Dans la seconde partie, l’auteur explicite donc les problèmes méthodologiques que les casse-tête moraux de la première ont permis de mettre en place intuitivement. Après avoir rappelé qu’à la base de toute recette morale on trouve des intuitions (ne pas sauver l’enfant alors qu’on le peut n’est pas moral) et des règles de raisonnement (devoir implique pouvoir), l’auteur discute précisément la pertinence du recours aux expériences de pensée pour évaluer les doctrines morales. Qu’apprend-on à soumettre des individus à des questionnaires qui portent sur des situations virtuelles, abstraites et donc pauvres en déterminations ? Le traitement philosophique de leurs résultats est d’autant plus problématique que les décisions validées par les participants aux expériences de pensée peuvent être contredites par les comportements enregistrés dans des situations réelles de choix. Ainsi, tous les étudiants en théologie d’un groupe représentatif reconnaîtront qu’il faut aider son prochain et, par exemple, lui porter assistance s’il tombe et manque d’être piétiné. Or, en situation réelle, il suffit que les mêmes étudiants soient pressés de se rendre à un entretien pour que seulement 10% d’entre eux s’arrêtent spontanément afin de porter secours au malheureux. Cette discordance pragmatique signifie-t-elle que l’expérience de pensée n’a aucune pertinence ? Cela veut-il dire que les individus soient naturellement mauvais, ou intéressés, ou encore égoïstes ? Doit-on en conclure qu’ils sont hypocrites et que leurs réponses aux questionnaires ne méritent pas d’être prises en compte dans une enquête morale ?

La grande force du livre de Ruwen Ogien est d’aborder les questions éthiques et métaéthiques les plus profondes à travers l’examen de ce problème qui pourrait sembler mineur. En effet, le traitement des intuitions dans la philosophie morale renvoie au problème de l’usage des faits dans les théories normatives. Les intuitions morales, même si elles ont une dimension normative (elles indiquent ce que l’on doit faire, ce qu’il est permis ou interdit de faire), peuvent également être traitées comme de simples faits psychologiques. Faut-il donc prendre en compte les faits dans les théories morales ? Cette question se joue sur deux niveaux : sur le plan éthique, quand il s’agit de formuler des conceptions et des principes moraux à partir des intuitions des individus ; sur le plan métaéthique, quand on examine les règles du raisonnement moral qui interdisent de dériver une norme à partir d’un fait (loi dite de Hume) ou d’imposer un devoir que l’on est dans l’incapacité de satisfaire.

Avec une rigueur dialectique qui donne le tournis, Ruwen Ogien parvient à montrer que les intuitions ne sauraient être prises pour argent comptant et que leur justification morale est soumise à la diversité des interprétations philosophiques : une même intuition sur le bien ou le juste pourra être interprétée en faveur de l’utilitarisme ou de la morale catégorique ; ou encore une action a beau être valorisée par une majorité, cela n’entraîne pas qu’elle soit bonne ou juste. Dans le même temps, il indique que l’on ne saurait se passer complètement des faits : en effet, on pourrait difficilement justifier moralement une action qui suscite une désapprobation générale. Cet argument est bien connu, mais ce qui est intéressant c’est sa fonction stratégique dans la démarche d’ensemble de l’auteur. Si les intuitions peuvent et ne peuvent pas être prises en compte dans la justification morale, c’est en vertu d’une complexité intrinsèque du domaine moral. Il ne s’agit pas d’une simple contradiction qui viole les règles du raisonnement moral et que l’on pourrait évacuer en considérant plus rigoureusement son objet. En réalité, les règles du raisonnement moral sont elles-mêmes flottantes et les exceptions trop nombreuses pour que l’on puisse clairement distinguer le domaine général de la règle et le domaine restreint de l’exception.

Que faut-il retenir de cette argumentation ? On pourrait interpréter la position de Ruwen Ogien comme une forme de scepticisme, non pas pyrrhonienne, mais disons modérée, qui invite à la modestie intellectuelle car « rien n’est à l’abri de la contestation et de la révision » (p. 301). Chaque cas appelle une réflexion actuelle qui ne se contente pas d’être l’actualisation d’une conception abstraite ou d’une intuition valant pour d’autres cas et d’autres contextes. Cependant, il serait tout à fait erroné de lire cet ouvrage comme un traité de casuistique qui nous fournirait un ensemble d’arguments prêts à l’emploi pour chaque cas, encore moins comme un enseignement sophistique qui offre arguments et contre-arguments selon la position morale qui a notre faveur. Le propos de l’ouvrage est de nous faire sentir que nous ne savons que peu de choses dans le domaine moral, et que nous devrions renoncer au projet de fonder des conceptions morales absolutistes qui s’excluent mutuellement. Il s’agit donc d’une position antifondationnaliste qui s’inscrit plus largement dans le cohérentisme d’un John Rawls (p. 10) et qui repose sur la méthode de l’équilibre réfléchi. Dès lors, on comprend bien l’intérêt de Ruwen Ogien pour les intuitions morales communes telles qu’elles sont révélées dans les expériences de philosophie morale, puisque l’équilibre réfléchi porte sur la cohérence de nos intuitions et de nos principes.

L’éthique de l’antifondationnalisme, si l’on peut dire, réside dans l’appel à la reconnaissance du pluralisme moral et à la tolérance. Si Descartes n’avait suspendu toute son entreprise philosophique au but de donner des fondements assurés à la morale, on aurait pu dire en le parodiant que ce dont il faut s’équiper – de manière permanente –, c’est d’une « morale par provision », attentive au contexte, flexible, et minimale. On sait par ailleurs que Ruwen Ogien défend une conception éthique minimaliste adossée au principe de non-nuisance. Selon ce principe formulé par John Stuart Mill dans De la liberté (1859), seules les actions qui infligent un dommage à autrui peuvent légitimement être sanctionnées et interdites par la puissance publique ; on y trouve une allusion à la fin de l’ouvrage : « Pour les minimalistes notre morale de base est beaucoup plus pauvre [que dans les conceptions maximalistes]. Elle exclut seulement les actions qui causent délibérément des torts aux autres. » (p. 304). La démarche générale de l’ouvrage consiste donc à déconstruire les conceptions morales fondationnalistes pour justifier le minimalisme, une éthique sans fondation, sans fondement. En effet, en affirmant que nos intuitions sont parfois conséquentialistes et parfois déontologiques, en montrant que les règles du raisonnement moral ne sont pas gravées dans le marbre des Tables de la Loi, Ruwen Ogien parvient à la seule conclusion raisonnable : il faut être modeste en éthique et ne pas adopter de grands systèmes philosophiques qui excluent a priori toute conception morale rivale. Le projet de Ruwen Ogien se comprend ainsi comme une critique épistémologique des théories morales les plus robustes qui exhibent clairement leurs méthodes et développent des arguments cohérents : celles-là seules méritent d’être discutées car elles offrent ce que Popper appelait « des falsificateurs virtuels », c’est-à-dire des éléments théoriques expérimentalement réfutables. La stratégie de Ruwen Ogien relève donc plutôt du faillibilisme poppérien que du scepticisme, quoique la forme modérée de scepticisme que nous évoquions plus haut se confonde sur bien des points avec le faillibilisme.

Cependant, il est dès lors légitime de se demander s’il y a encore de la place pour le pluralisme et la tolérance lorsque l’on adopte une éthique minimale. Le minimalisme éthique n’est-il qu’une option parmi d’autres, ou la seule conception morale raisonnable à l’exclusion de toute autre ? Du point de vue du minimalisme, la morale kantienne est-elle encore une option morale disponible et peut-on l’appliquer de manière exclusive dans sa vie ? On peut se poser les mêmes questions avec l’utilitarisme exigeant de Bentham ou de Mill. Il semble que du point de vue même de l’éthique minimale et sur la base de l’antifondationnalisme qui le soutient, nous ne devrions pas mobiliser ce type de conception pour discuter du sacrifice, de l’avortement, de l’euthanasie, et des autres préoccupations éthiques – le domaine de la faute morale, comme celui du bien, est ainsi réduit à très peu de choses. Un moyen d’échapper à cette difficulté consiste à soutenir, comme le fait Ruwen Ogien, que le principe de non-nuisance n’est pas un fondement qui permet de construire une éthique (fût-elle minimale), mais le fond moral auquel on peut ramener toutes ses croyances morales et que l’on découvre comme un dépôt au terme de l’entreprise critique. En élevant de grands principes sur des fondements plus substantiels, les autres doctrines éthiques inventent des crimes qui n’existent pas mais finalement ne résistent pas à nos intuitions bien formées.

par Marc-Antoine Dilhac, le 21 décembre 2011

Aller plus loin

Lire aussi, sur La Vie des idées  :

Ruwen Ogien, « Quelle morale, et pour qui ? L’éternel retour de la morale à l’école », 6 décembre 2012.

Pour citer cet article :

Marc-Antoine Dilhac, « La morale a minima », La Vie des idées , 21 décembre 2011. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/La-morale-a-minima

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