Les différentes contributions de ce dossier se proposent de dépasser les enjeux électoraux, et de replacer les manifestations contemporaines d’extrême droite dans une histoire longue.
Les différentes contributions de ce dossier se proposent de dépasser les enjeux électoraux, et de replacer les manifestations contemporaines d’extrême droite dans une histoire longue.
En 2002, Jean-Marie Le Pen, candidat du Front national, accédait au second tour de l’élection présidentielle – résultat qui suscitait une indignation massive. Vingt ans après, l’extrême droite a conquis en France un grand nombre de voix et de cœurs. On explique souvent cette progression par l’effacement des anciennes lignes de clivage idéologique, dans un contexte de relégation des partis de gouvernement et de « radicalisation » générale. En somme, le paysage politique contemporain serait brouillé par la conjonction des « extrêmes ». Ce type d’analyse laisse croire qu’il est désormais impossible de définir et de circonscrire l’extrême droite, d’ailleurs traversée de tendances multiples qui prolongent et complètent les anciens attachements nationalistes, populistes, fascistes.
Les études qui seront ici réunies montrent au contraire que l’histoire intellectuelle et la sociologie des différents groupes locaux permettent de délimiter les « territoires de l’extrême droite ». Malgré leur fractionnement, ces groupes se reconnaissent en effet dans une série de valeurs, d’images et de formules issus des XIXe et XXe siècles. Quoique les médias actuels ou les réseaux sociaux aient contribué à banaliser leur discours, on ne peut dire que ceux-ci aient donné à l’extrême droite un autre visage : les supports et le public se sont certes transformés, mais les moyens d’action combinent nouveauté et tradition, ainsi qu’en témoignent par exemple les autocollants « Lisez Maurras » récemment placardés sur certains campus universitaires. Au demeurant, ces moyens d’action ne diffèrent guère de ceux mobilisés à l’autre bout du spectre politique.
Dépassant les enjeux électoraux, les différentes contributions à ce dossier replacent les manifestations contemporaines d’extrême droite dans une histoire longue, afin d’éclairer leur puissance d’attraction : pourquoi prétend-on encore qu’il n’y a de style littéraire qu’à l’extrême droite ? Qu’est-ce qui fait qu’un mouvement monarchiste comme l’Action française, né dans le sillage de l’Affaire Dreyfus, se maintient dans la durée, et séduit encore des jeunes ? Comment ses militants, ou ceux de Génération identitaire – dissous en 2021 pour provocation à la haine et à la discrimination – parviennent-ils à rester mobilisés ? Quelles relations ces organisations entretiennent-elles entre elles, et avec le Rassemblement national, à l’heure où ce dernier joue la carte républicaine pour se fondre dans la masse ? L’étude des cultures matérielles et symboliques, croisée avec celle du fonctionnement interne aux structures, permet de mieux cerner les raisons de l’adhésion des militants de base, mais aussi des cadres.
par , le 1er mars 2022
Sarah Al-Matary, « Identités de l’extrême droite française », La Vie des idées , 1er mars 2022. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Identites-de-l-extreme-droite-francaise
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