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Chine, recherche et politique
Entretien avec Isabelle Thireau & Sébastian Veg


par La rédaction , le 6 octobre 2023


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Alors que la Chine s’est imposée comme une puissance économique et géopolitique incontournable, Isabelle Thireau et Sebastian Veg s’interrogent sur la relative faiblesse des études universitaires en France sur le sujet et des liens entre recherche, diplomatie et politique étrangère.

Isabelle Thireau est directrice de recherche au CNRS et directrice d’études à l’EHESS. Son travail porte sur les transformations normatives et les enjeux de légitimité, morale et politique, au sein de la société chinoise des XXe et XXIe siècles.


Sebastian Veg est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, spécialiste de l’histoire intellectuelle de la Chine moderne et contemporaine. Il a précédemment dirigé le Centre d’études français sur la Chine contemporaine à Hong Kong.


Ils ont organisé une table ronde, le 9 juin 2023 à l’EHESS, pour savoir si le constat d’une relative faiblesse du débat public sur la Chine et plus largement sur l’Asie était partagé par des intervenants de différents horizons (diplomates, journalistes, think tanks, universitaires) et comment cette absence était perçue et expliquée par différents acteurs.

La Vie des idées : Vous déplorez aujourd’hui la faiblesse du débat public et de la recherche sur la Chine en France. Est-ce une nouveauté, et est-ce spécifique à la Chine ou plus généralement propre à l’Asie ou d’autres continents ?

I. T.& S. V : Plutôt que par nos perceptions éventuellement subjectives, commençons par quelques chiffres. En effet, les recherches sur l’Asie en France, pour autant qu’on peut les quantifier, sont dans une situation de faiblesse structurelle. Le Livre Blanc des recherches sur l’Asie publié en 2016 [1] estime qu’il y a 645 chercheurs et enseignants-chercheurs statutaires spécialisés sur l’Asie (Asie centrale, méridionale, orientale et Asie du Sud-Est), rattachés à un laboratoire de recherche en France (même si les chiffres ne sont sans doute pas directement comparables, la Cour des Comptes estimait à 23 000 le nombre de chercheurs et enseignants-chercheurs statutaires en SHS en France en 2012). Ces chiffres recouvrent évidemment des déséquilibres très importants, la Chine étant certainement de loin la zone la mieux (ou la moins mal) lotie.

De même, le nombre de thèses soutenues par an, consacrées en totalité ou en partie à l’Asie, recensées sur la base en ligne Asie-Thèses, est faible, et il est en baisse régulière depuis un « pic » de 349 thèses soutenues en 2013. Cette baisse s’est accélérée depuis la pandémie, comme dans d’autres disciplines, mais semble particulièrement accentuée sur l’Asie, avec 175 thèses soutenues en 2019 (total de thèses soutenues en SHS : 4486), 67 en 2020 (total SHS : 3695), 138 en 2021 (total SHS : 4299), et seulement 92 en 2022 (total SHS : 4161) [2]. Si cette tendance se confirme, on reviendrait ainsi au niveau des années 1970 (88 thèses par an en moyenne soutenues sur l’Asie) ou 1980 (134 thèses par an en moyenne) [3]. Pour les thèses comme pour les postes, on en revient toujours à une proportion comprise entre 2 et 3 % du total des recherches en SHS. Ces chiffres sont à mettre en regard du poids démographique et économique de l’Asie, qui représente près de 60% de la population mondiale et près de 40% de la production mondiale mesurée en PIB nominal.

 La Vie des idées : Le constat d’une inadéquation entre la qualité du débat public et les enjeux diplomatiques liés à la situation actuelle de l’Asie en général et de la Chine en particulier semble largement partagé. Le président français a voulu défendre une position singulière vis-à-vis du statut politique de Taïwan en déclarant que « La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise ». Comment expliquer ce décalage ?

I. T.& S. V : Il est effectivement difficile aujourd’hui de ne pas partager ce constat. Lorsque le président Macron, rentrant d’une visite officielle en Chine en avril 2023, a tenu des propos controversés à la presse dans l’avion du retour, il a eu au moins le mérite de déclencher, pour la première fois avec une telle intensité, un débat public sur la politique de la France envers la Chine. Cette discussion s’avère d’autant plus nécessaire dans un contexte où les pouvoirs publics semblent désireux, malgré une première expérience peu concluante [4], de donner une nouvelle impulsion institutionnelle et financière aux recherches sur la Chine contemporaine.

Il faut d’abord noter que le débat public sur la politique étrangère en général est peut-être moins développé en France du fait de la culture jacobine, de la faiblesse des débats parlementaires, qui dans d’autres pays permettent souvent d’auditionner différents acteurs de la société civile, mais aussi d’un certain manque de formalisation du processus d’élaboration de la politique étrangère. À titre d’exemple, le ministère des Affaires étrangères allemand vient de publier en trois langues (allemand, anglais, chinois) un document de « Stratégie envers la Chine » [5] au terme d’un processus de plusieurs années mené aussi bien au sein des partis de la coalition gouvernementale que dans les différents services de l’État. L’avantage d’un tel processus est non seulement d’encadrer et de stabiliser les grandes lignes de la politique étrangère, mais aussi de prendre en compte de nombreux travaux de recherche, voire d’auditionner leurs auteurs, créant ainsi des liens plus étroits entre recherche et décision. Il serait certainement souhaitable de développer la préparation de livres blancs de ce type sur des sujets importants où les chercheurs ont des compétences spécialisées que l’administration ne possède pas toujours, ou représentent une diversité de points de vue qui n’est pas toujours bien appréhendée dans l’administration.

La Vie des idées : Est-ce simplement un problème de communication, ou de différences culturelles, entre les spécialistes universitaires et l’administration ?

I. T.& S. V. : Les différences de perception entre universitaires d’une part et diplomates ou responsables politiques de l’autre existent sans aucun doute et certaines sont tout à fait légitimes. Ce n’est pas aux chercheurs de prendre des décisions politiques ni de jouer aux « visiteurs du soir ». Mais ce qui nous inquiète est la faiblesse sous-jacente de la recherche française sur la Chine et l’Asie. Comme on le voit dans les statistiques citées plus haut, l’essor économique et diplomatique de la Chine, ainsi que la montée des tensions stratégiques en Asie orientale n’ont pas été accompagnés en France d’un effort de développement de la recherche consacrée à cette région dans son ensemble, sous-représentée pour des raisons historiques dans l’université française, qu’il s’agisse de recrutements de chercheurs [6] ou des financements sur projets. Les disciplines sont inégalement représentées, avec notamment un manque de sociologues, économistes, géographes ou historiens du monde contemporain ; à l’intérieur d’un pays comme la Chine les régions sont inégalement étudiées et leur diversité dès lors insuffisamment prise en compte pour appréhender les processus à l’échelle nationale ; les jeunes chercheurs qui travaillent sur l’Asie en dehors de ses frontières s’inscrivent difficilement dans les découpages académiques existants. Par conséquent, beaucoup d’acteurs qui n’ont pas de connaissance de première main de la région, ou qui ignorent par exemple les analyses développées par les chercheurs de la région sur leurs propres sociétés, interviennent dans ce débat et le font sans forcément clarifier leur positionnement ou donner les informations nécessaires à évaluer leur crédibilité.

La Vie des idées : Les difficultés, encore récemment renforcées, d’accès libre aux sources historiques ou statistiques chinoises, ou la censure politique, peuvent-elles aussi expliquer la faiblesse de la recherche française sur la Chine ?

I. T.& S. V : Non. Ces difficultés existent bel et bien et suscitent des discussions en France comme ailleurs. Ces contraintes affectent avant tout, il faut le souligner, les chercheurs en sciences sociales en Chine même, une situation dont on trouve un indice dans l’évolution du Academic Freedom Index en Chine [7] : depuis 2010, et surtout 2012, la liberté de recherche et d’enseignement, la liberté d’échange et de diffusion académique, l’autonomie institutionnelle des universités et l’intégrité des campus ont fortement décliné. D’un côté, la carrière des chercheurs chinois est orientée par le nombre de leurs publications à l’étranger ; de l’autre, les collaborations avec les chercheurs étrangers sont considérées avec soupçon. Pour les chercheurs étrangers, cette situation implique de penser à nouveaux frais le type d’enquête en sciences sociales pertinent aujourd’hui en Chine, au regard du type d’enquête accessible mais aussi du principe de précaution à adopter pour protéger nos interlocuteurs, dans et hors sphère académique. Mais la recherche française sur la Chine s’est développée depuis des décennies en faisant déjà face à toutes sortes de contraintes, même si elles étaient plus modérées. Simplement, sa vitalité ne trouve pas facilement à s’exprimer dans la sphère académique.

La Vie des idées : Que faudrait-il faire pour remédier à cette situation ?

I. T.& S. V : L’État semble conscient de l’insuffisance des recherches sur la Chine contemporaine et semble disposé à y remédier, mais il penche aujourd’hui pour la mise en place par le haut d’un institut de policy-making focalisé sur la Chine et piloté par le sommet de l’État. Ce serait, selon nous, une manière de compliquer encore la situation actuelle. La priorité devrait plutôt être, à notre avis, de nourrir la recherche fondamentale à tous les niveaux (postes, contrats doctoraux, financements sur projet) en élargissant le périmètre à l’Asie contemporaine dans son ensemble. De plus, il est essentiel que les chercheurs spécialistes de l’Asie ne possèdent pas uniquement des connaissances « aréales », aussi importantes soient-elles (notamment la maîtrise des langues), mais s’inscrivent aussi pleinement dans des champs disciplinaires généralistes, condition nécessaire pour que leurs travaux puissent contribuer aux discussions académiques tout autant qu’au débat public.

Il est vrai que le monde de la recherche connaît lui aussi des cloisonnements regrettables. Certes, tous les chercheurs ne partagent pas la même posture par rapport à la contribution aux décisions publiques ; entre retrait ou forte implication, il y a toute une gamme de positionnements qu’on se doit de respecter. Pour autant, beaucoup d’entre nous sont aujourd’hui directement affectés dans leur travail par les crispations politiques dans la région. Celles-ci mettent à l’épreuve certains découpages et catégories empiriques jusqu’ici acceptés (on hésite désormais à parler de « monde chinois » ou de « grande Chine »), transforment la manière dont les communautés académiques locales orientent leurs travaux et leurs publications, et restreignent les possibilités d’enquête, quelle que soit la discipline, pour les chercheurs appartenant à des institutions étrangères.

Il serait donc bienvenu de décloisonner davantage l’espace de la recherche en France, y compris entre recherche fondamentale et recherche opérationnelle, par exemple par l’organisation de débats entre chercheurs, sans recourir forcément à la forme du colloque universitaire, afin de créer une plus grande familiarité réciproque, surtout parmi les chercheurs en début de carrière. Plutôt que de créer une structure centralisée, identifiée à tel ou tel établissement, il s’agirait d’inciter à la mise en place d’initiatives décentralisées mais ouvertes, comme un atelier doctoral. En effet, d’excellents travaux sont réalisés en thèse et il existe bel et bien une nouvelle génération de chercheurs formés aux différentes sciences sociales qui ont soutenu leur thèse au cours des cinq dernières années.

De même, on pourrait souhaiter une meilleure circulation entre recherche fondamentale et recherche opérationnelle, entre universités, think tanks, voire diplomatie, dès le doctorat qui doit être mieux valorisé (avec la possibilité d’effectuer un stage professionnel dans le cadre du doctorat, ce qui est actuellement impossible) et tout au long de la carrière (à travers des bourses favorisant la mobilité entre administration et think tanks, ou à travers les Unités mixtes des Instituts de Recherche français à l’étranger, entre autres). Il ne s’agit surtout pas de revendiquer pour la recherche un rôle privilégié dans la décision politique, mais de favoriser une plus grande familiarité entre différents mondes et différents langages, et une meilleure compréhension dans le monde politique et médiatique de la pertinence des travaux issus de la recherche.

La Vie des idées : De telles mesures pourraient aider au développement de la recherche, mais comment faire en sorte que ces dernières alimentent les réflexions sur la politique étrangère ?

I. T.& S. V : Les chercheurs en sciences humaines et sociales ont en effet la perception d’être peu sollicités ou peu impliqués dans l’élaboration de la politique étrangère, alors même que le ministère des Affaires étrangères se dit désireux de les entendre davantage et de susciter le débat en son sein. Deux difficultés peuvent être identifiées. D’abord, s’agissant de l’Asie, l’imaginaire d’une altérité culturelle insurmontable domine encore largement la haute administration et le monde économique. De même, on constate que le point de vue géopolitique, marqué par les considérations stratégiques et les « grands récits » produits par les États, reste trop dominant, souvent au détriment d’une compréhension des dynamiques internes dans les régions concernées, alors même que des recherches qui ne portent pas immédiatement sur les problématiques de l’État ou des relations internationales dans leur dimension actuelle éclairent également, à l’évidence, la compréhension de la Chine et de l’Asie. Il convient de répondre à ces défis de deux manières. Sur le plan théorique, il faut réaffirmer la pertinence des outils des sciences sociales, leur capacité à rendre plus intelligibles des transformations complexes, lentes ou soudaines, en abordant l’Asie contemporaine à travers les disciplines plutôt que seulement selon une méthodologie propre (la « sinologie » par exemple). Sur le plan pratique, il faut mieux familiariser le monde de la haute administration et de l’entreprise avec les outils des sciences sociales. Des espaces de médiation ou d’échange, dépassant les liens personnels ou les intérêts institutionnels, pourraient favoriser une plus grande familiarité entre les universitaires travaillant sur l’Asie contemporaine et l’administration.

On s’accorde également sur la nécessité de concevoir de meilleurs espaces de diffusion de la recherche en direction du public généraliste. Ce besoin se fait sentir dans un contexte de crise mondiale du public scholarship, la démarche par laquelle les chercheurs partagent leurs résultats dans la sphère publique, quelle que soit leur discipline. Les médias traditionnels sont souvent demandeurs d’un format « tribune » ou « prise de position » qui peut aboutir à opposer artificiellement deux postures (« pour ou contre »), à se focaliser sur les basculements définitifs au sommet de tel ou tel État au détriment d’observations moins tranchées émanant d’enquêtes dans la société, et ne convient pas aux chercheurs, ni d’ailleurs bien souvent aux journalistes.

Les réseaux sociaux ont pris un rôle majeur dans la diffusion de l’information scientifique, si bien que l’intervention sur ces réseaux est devenue la manière la plus directe pour les chercheurs de se rendre « visibles » pour les médias, voire pour les décideurs. Mais aujourd’hui les réseaux sociaux sont d’une part entrés en crise (envahis par la désinformation, le « bruit », les incivilités), et d’autre part de plus en plus surveillés par les États autoritaires comme la Chine (certaines interventions pouvant conduire à des refus de visa, voire à des poursuites pénales). Autant dire que tout le monde ne souhaite pas y prendre la parole.

Pour stimuler un débat public de meilleure qualité, on peut faire deux propositions. D’une part, du côté de la recherche, on peut mieux valoriser la « diffusion du savoir » dans les projets de recherche financés, notamment sur l’Asie contemporaine, selon des formats à élaborer et définir. De l’autre, on peut encourager la création de forums ou espaces intermédiaires, par exemple à travers des partenariats entre universités et médias généralistes articulés autour d’un ou plusieurs thèmes spécifiques, qui pourraient être portés aussi bien par des unités de recherche publiques que par des think tanks privés.

La Vie des idées : Vous avez évoqué le fait que la recherche scientifique actuelle « met à l’épreuve certains découpages et catégories empiriques jusqu’ici acceptés ». Pouvez-vous expliquer l’importance de ces remises en cause et leurs conséquences pour notre perception de la politique chinoise ?

I. T.& S. V : Il y aurait plusieurs réponses à cette question. Nous n’en citerons qu’une, l’usage complexe du mot « Chine » déjà brièvement évoqué. Non seulement le mot « Chine », dont on trouverait l’origine dans d’anciennes sources en langues perse et sanskrite, entretient des relations complexes avec ses équivalents en langue chinoise, Zhongguo ou Zhonghua, mais on l’utilise, comme le signale Arif Dirlik [8] , pour parler tout à la fois d’une région, d’un État, d’une société ou d’une culture. Utilisé sans autre précision, cet usage occulte la complexité temporelle, ethnique et spatiale de la région et suscite un embarras croissant lorsque, précisément, un tel processus de mise en équivalence et donc de réification est revendiqué par un État comme principale source de légitimité de revendications politiques particulières, dans le temps ou dans l’espace. Dans la situation géopolitique conflictuelle qui surgit, l’usage des termes pertinents implique alors une réflexivité et une inventivité particulières des chercheurs en sciences sociales pour préciser leurs objets et de leurs perspectives. Mais il en va de même des débats sur la politique chinoise qui doivent prendre appui sur un effort d’historicisation et de mise en visibilité des distinctions qui importent.

La Vie des idées : Vous plaidez pour un rapprochement entre la recherche et la politique étrangère, mais comment faire pour éviter que la première ne devienne alors subordonnée à la seconde ?

I. T.& S. V : Il ne s’agit surtout pas de confondre le rôle des chercheurs et celui des acteurs de la politique étrangère. Les chercheurs s’expriment librement dans l’espace public, c’est leur rôle, et ils peuvent porter un regard critique sur la politique étrangère de la France. Ils définissent eux-mêmes leurs sujets de recherche et si l’État les sollicite ils ont la liberté de contribuer ou non à la réflexion diplomatique. Cependant, nous insistons sur l’importance pour les chercheurs de contribuer au débat public et d’y trouver un espace, même si encore une fois différentes postures sont possibles.

Si l’État se décide à donner une impulsion financière aux recherches sur la Chine ou sur l’Asie, il est essentiel, de notre point de vue, de privilégier une architecture légère et transparente plutôt qu’un grand échafaudage institutionnel qui monopoliserait les moyens et créerait des cloisonnements là où il faudrait de la souplesse. La priorité doit être un effort pluriannuel de recrutement de chercheurs, d’enseignants chercheurs et de doctorants spécialistes de l’Asie – et il est essentiel que cet effort ait lieu dans les différentes disciplines des sciences sociales (départements ou instituts de sociologie, d’histoire, de sciences politiques…) et non seulement en études chinoises. Évidemment, les financements doivent passer par des appels à projets aux procédures claires et transparentes, adaptées aux enjeux des différentes actions envisagées et soumettant les évaluations et décisions de financement à des comités et des jurys mettant à distance les relations personnelles. Afin d’être véritablement ouverts à tous, ces appels devront également être de taille modeste. Mais cet effort devrait s’accompagner d’évolutions plus profondes pour favoriser l’émergence d’espaces d’échange et d’un langage commun. On peut imaginer des financements à géométrie variable, qui pourraient faire l’objet d’une restitution à « l’administration » ou bien d’un volet « débat public » ou d’un partenariat média. Ces projets pourraient aussi être lancés en direction des jeunes chercheurs et de leurs pairs en Europe et ailleurs, par exemple avec des contrats postdoctoraux ayant pour tâche la médiation entre recherche, administration et médias.

En somme, l’importance croissante de l’Asie nécessite de repenser la politique de recherche actuelle. Des financements spécifiques en sont une condition nécessaire mais pas suffisante, et devront s’accompagner d’une réflexion plus profonde sur les conditions d’un débat public de meilleure qualité. Un tel projet ne pourra aboutir qu’à condition de tirer le bilan des expériences passées, d’associer toutes les parties prenantes, et de s’appuyer sur des structures souples, transparentes et ouvertes.

par La rédaction , le 6 octobre 2023

Pour citer cet article :

La rédaction , « Chine, recherche et politique. Entretien avec Isabelle Thireau & Sébastian Veg », La Vie des idées , 6 octobre 2023. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Chine-recherche-et-politique

Nota bene :

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Notes

[1Jean-François Huchet, Livre Blanc des recherches sur l’Asie : https://resap.hypotheses.org/

[3La base Asie Thèses est accessible en ligne : https://www.gis-reseau-asie.org/theses

[4Régis Soubrouillard, «  Eurics : Le think tank fantôme du Président Macron  », Challenges, 24 mai 2023. https://www.challenges.fr/france/eurics-le-think-tank-europeen-fantome-d-emmanuel-macron_856202

[5Cf. «  Germany adopts its first comprehensive policy on China  », 13 juillet 2023. https://www.auswaertiges-amt.de/en/aussenpolitik/regionaleschwerpunkte/asien/strategy-on-china/2608618

[6Christian Henriot, «  Les aires culturelles, une politique en trompe-l’œil  ?  », Espaces-Temps, 11 avril 2023, https://www.espacestemps.net/articles/politique-aires-culturelles/ .s

[7Global Public Policy Institute, Academic Freedom Index on China, 2021. https://www.scholarsatrisk.org/wp-content/uploads/2021/02/CESCR_China.pdf

[8Arif Dirlik, «  Born in Translation : « China » in the Making of « Zhongguo »  », Boundary 2, 2015. https://www.boundary2.org/2015/07/born-in-translation-china-in-the-making-of-zhongguo/

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