Pour garantir la qualité des emplois après l’apprentissage et mieux cibler les dépenses, il est nécessaire de responsabiliser et d’impliquer davantage les entreprises.
Dossier / Travailler mieux, un recueil de propositions
Pour garantir la qualité des emplois après l’apprentissage et mieux cibler les dépenses, il est nécessaire de responsabiliser et d’impliquer davantage les entreprises.
Poursuivre ses études en menant de front une première expérience sur le marché du travail directement en lien avec le contenu de sa formation et ses objectifs professionnels est largement plébiscité par les jeunes. De fait, à la suite de politiques volontaristes, l’apprentissage a connu une très forte hausse depuis 2020 ; +78% entre 2020 et 2022 et +33% entre 2021 et 2023 (Thao Khamsing, 2024). Cependant, répondre à cette demande coûte très cher aux finances publiques, sans que l’efficacité du dispositif soit clairement démontrée. Le total des dépenses publiques afférentes à ce dispositif pour l’année 2022 était estimé entre 16,8 et 20 milliards d’euros (Cour des comptes, 2024 ; Coquet, 2023). Le développement de l’apprentissage s’est traduit par un changement radical de la structure des bénéficiaires. La part d’apprenti.e.s préparant un diplôme du supérieur est passée de 40% en 2018 à 63% en 2022 (Coquet, 2023). Or les évaluations portant sur la période précédant les réformes suggèrent que passer par ce type de dispositif n’a pas d’effet sur l’insertion des diplômé.e.s du supérieur (Brébion, 2019).
Cependant, les jeunes (même diplômé.e.s) sont plus exposés à des formes de précarité de l’emploi à l’entrée sur le marché du travail que les générations précédentes au même âge (Lemistre, 2022 ; Peugny, 2023). Le développement massif de l’apprentissage n’a pas réduit ces écarts. Un rapport récent du Céréq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) montre que si les diplômé.e.s en apprentissage accèdent un peu plus facilement à l’emploi que les autres, cet effet ne persiste pas dans le temps (Dabet et al., 2023).
Le développement des aides renforce l’effet d’aubaine important des entreprises qui auraient embauché leur apprenti.e de toute façon après la période d’apprentissage. Il renforce également le risque de substitution de l’apprentissage rendu moins coûteux par les aides, à des emplois réguliers notamment moins qualifiés, pour les entreprises qui n’embauchent pas leurs apprentis au terme de leur apprentissage. Cependant, supprimer purement et simplement l’accès au dispositif pour les diplômes de l’enseignement supérieur, afin de le concentrer sur les jeunes préparant un diplôme de niveau inférieur peut s’avérer contre-productif dans la mesure où il s’agit d’un des dispositifs qui participe désormais de l’aide à l’autonomisation des étudiants (voir la proposition « mettre en place une garantie de revenu pour les études »).
Pour améliorer le dispositif de l’apprentissage, réduire son coût et cibler les jeunes pour lesquels l’alternance est un véritable avantage pour accéder au marché du travail, il conviendrait de transformer le dispositif actuel d’aide aux entreprises en une avance dont le remboursement serait conditionné à des objectifs en termes de qualité de l’insertion dans l’emploi de l’apprenti.e.
En recrutant un.e apprenti.e, l’employeur reçoit l’équivalent des aides actuelles sous la forme d’une avance et s’engage à garantir la qualité de l’insertion de son apprenti.e, qu’elle/il soit embauché.e dans son entreprise ou non. Après l’apprentissage, si un certain nombre d’indicateurs de qualité de l’insertion dans l’emploi sont remplis, l’avance n’est pas remboursée. Dans le cas contraire, l’employeur rembourse les aides dont il a bénéficié.
Sans être limitatifs (cf. la proposition d’index de la qualité de l’emploi de Christine Erhel), deux critères simples peuvent être introduits pour mesurer la qualité de l’insertion : la durée entre la fin de l’apprentissage et l’obtention d’un premier emploi (s’il s’agit d’un CDD d’au moins 6 mois ou d’un CDI), et un objectif de salaire de ce premier emploi en lien avec le diplôme visé.
Pour les entreprises qui emploient des apprenti.e.s visant un diplôme du supérieur, ce contrôle a posteriori de la qualité de l’insertion par les OPCO (opérateur de compétence) devrait permettre de limiter à la fois les effets de substitution et les effets d’aubaine. Si pour un type de diplôme (d’un niveau et d’une spécialité donnée) les objectifs de qualité sont suffisamment ambitieux, cela conduira à cibler les dépenses publiques de l’apprentissage dans le supérieur sur les insertions de qualité.
Par ailleurs, pour les entreprises qui emploient des apprenti.e.s ne visant pas un diplôme du supérieur, ce mécanisme pourrait contribuer à limiter la « smicardisation » pour les débuts de carrière, dès lors que des objectifs de salaire supérieurs au Smic sont fixés pour les apprenti.e.s travaillant dans des branches dans lesquelles les négociations salariales ne sont pas dynamiques.
Du point de vue de l’efficacité des politiques publiques, les évaluations disponibles montrent les limites des effets de l’apprentissage pour les diplômés du supérieur sur le marché du travail et l’importance de son coût (Brébion, 2019 ; Coquet, 2023 ; Dabet et al., 2023). Néanmoins, dans le cadre français, le dispositif participe d’une aide à l’autonomisation des étudiants qu’il est nécessaire de développer.
Les contrats d’apprentissage donneront lieu à des conventions tripartites entre les personnes en apprentissage, l’entreprise et l’OPCO. Ces conventions tripartites établiront les objectifs d’insertion à partir d’un référentiel qui serait fixé au niveau de France Compétence en lien avec les partenaires sociaux.
4 Mots clés
Alternance, insertion, qualité de l’emploi, dynamique salariale
par & , le 20 novembre
Pierre Courtioux & Malo Mofakhami, « Améliorer l’insertion professionnelle des apprentis . Proposition 6 », La Vie des idées , 20 novembre 2024. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Ameliorer-l-insertion-professionnelle-des-apprentis
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