Au Centre Pompidou à Paris, « Je suis Innocent », la rétrospective consacrée à l’artiste algérien Adel Abdessemed interroge : innocent pourquoi ? innocent de quoi ? Malgré les provocations mises en scène par l’artiste, l’exposition montre une œuvre qui se complaît dans le spectacle de la violence, sans être en aucun cas engagée.
La rétrospective consacrée à Adel Abdessemed, au Centre Pompidou jusqu’au 7 janvier 2013, est une exposition politique, à la fois dans sa conception et dans son contexte de programmation. Le titre choisi par l’artiste, « Je suis innocent », résonne comme un plaidoyer pro domo et l’inscrit d’emblée dans une logique d’ordre judiciaire, ou du moins conflictuelle. Le Musée national d’art moderne et contemporain choisit quant à lui de mettre en valeur un artiste franco-algérien appartenant à la génération post-coloniale. Né en 1971 à Constantine, Adel Abdessemed a vécu les premières années de sa vie dans une communauté où les trois monothéismes se côtoient sans heurts. Il entreprend des études d’art, d’abord à Batna puis à Alger. Il a vingt ans lorsque commence la vague d’actes terroristes qui plonge le pays dans la guerre civile pendant une décennie. Il quitte l’Algérie en 1994 après l’assassinat du directeur de son école et vient poursuivre ses études en France, à l’École des Beaux-arts de Lyon. Après des séjours à Berlin et New-York au début des années 2000, il est aujourd’hui l’un des jeunes fers de lance de la fondation François Pinault, qui prête pour l’occasion l’une des pièces majeures de l’exposition (Décor, 2011-2012). Programmée entre les monographies consacrées à Gerhard Richter et Salvador Dali, l’exposition rend sa place d’honneur à un art contemporain vivant et actuel.
Mais la rétrospective du travail d’Adel Abdessemed ne fait pas consensus. Elle est même assez largement critiquée dans la presse culturelle et généraliste. Une pièce, présentée gratuitement sur le parvis du Centre Pompidou, semble attirer les critiques : le Coup de tête de Zidane (2012) est une sculpture monumentale qui trône devant le musée. Elle représente l’instant décisif du choc entre la tête de Zidane et celle de Materazzi lors de la finale de la coupe du monde de 2006. Des cadres du football français ont demandé à Zidane de faire déboulonner cette utilisation venimeuse de sa propre image [1]. Valérie Duponchelle, officiant pour Le Figaro, semble quant à elle apprécier les provocations d’un art « choc » [2]. Dans Le Monde, Philippe Dagen voit la « démesure » des moyens comme la caractéristique fondamentale du travail d’Abdessemed et semble le prévenir contre le danger de récupération de son œuvre par le marché [3]. Plus virulents, des critiques s’émeuvent ou se scandalisent, notamment Olivier Cena dans Télérama :
« [Abdessemed], écrit-il, conçoit […] en fonction de l’actualité. Mais il arrive après le journaliste. Il n’informe pas, il commente – et surtout le pire : le méchant coup de tête de Zidane de 2006 plutôt que ses deux jolis buts de la tête de 1998 [4]. »
Pour le journaliste, l’artiste ferait l’apologie de la violence avec des références trop lourdes à l’actualité tout en reprenant les méthodes de production industrielle du pop art. On pourrait aussi voir dans ces figures réalistes et monumentales des affinités avec l’art totalitaire des années trente ou les statues de joueurs de football aujourd’hui très à la mode en Grande-Bretagne [5]. Incontestablement, Abdessemed y fait référence en plasticien, de manière ironique, mais on n’y trouvera aucune dénonciation non plus. Ici réside peut-être le cœur de son travail : en mettant en scène le surgissement d’une agressivité taboue dans la confrontation sportive, le travail d’Abdessemed n’est politique qu’en vertu de la mise en scène de la violence. L’artiste lui-même affirme qu’« il n’y a pas de beauté sans choc et sans convulsion [6] ». Si son travail s’ancre dans des thèmes politiques, Abdessemed n’est pourtant en aucun cas un artiste engagé ou même critique. Il représente simplement ces moments d’« effraction » ou d’« intrusion » qui font tous les actes de violence [7].
La violence pour toute histoire
Dès l’entrée de l’exposition, un cheval peint en blanc montre sa croupe dans une ruade. Ce Cheval de Turin (2012) est immobilisé dans une position de déséquilibre, comme le sont Zidane et Materazzi devant le musée. Cette croupe offerte au regard fait comme un pied de nez au visiteur et le prévient de la violence, physique ou symbolique, qu’il va devoir endurer. Au cours de l’exposition, plus policés, de nombreux panneaux rappellent la nature choquante de certaines images. Souvent, cette violence ne paraît pas située, elle n’est pas celle d’un contexte historique particulier. D’une œuvre à l’autre, l’artiste mêle sans gêne des références à la Crucifixion et d’autres à des émeutes de banlieue. Practice Zero Tolerance est un travail constitué de trois carcasses de voitures calcinées reproduites en céramique (2006 et 2008). L’artiste aurait eu l’idée de ces réalisations en écoutant les déclarations de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, sur la « tolérance zéro » dans les banlieues après les émeutes de 2005.
Le fil de fer barbelé, déjà présent dans Wall Drawing (2006), neuf cercles accrochés en série, est réemployé de manière plus radicale dans Décor (2011-2012). Cette pièce, cœur de l’exposition, est constituée de quatre Christs crucifiés apparaissant presque à taille réelle et en ronde bosse grâce au façonnage du métal. L’artiste a fait draper ce fil enrichi de lames de rasoir pour obtenir un relief assez grossier mais terriblement évocateur. Ces lames tressées en bouquet sont les signes d’un sang absent. Du coup de tête de Zidane à la Crucifixion, Abdessemed délaisse la chronologie et la situation pour mettre en scène un drame de la mythologie collective, que celle-ci soit religieuse, sociale ou sportive.
Étienne Balibar développe depuis plusieurs années l’hypothèse d’une « phénoménologie de la cruauté » pour rendre compte de la violence extrême : celle de la destruction des corps dans le génocide et de l’effraction dans le corps d’un sujet [8]. La perception de la cruauté serait de l’ordre de l’irrationnel, empêchant la conceptualisation et mettant au défi les sciences sociales, et ne pourrait par conséquent trouver sa pleine expression que dans l’image littéraire ou iconique. En représentant des cadavres, Abdessemed réussit parfaitement à mettre en scène cette cruauté et à faire prendre conscience au spectateur de la part d’irrationalité de l’acte violent. Comme pour montrer la violence la plus élémentaire, l’artiste représente abondamment la souffrance animale. Son œuvre fait d’ailleurs scandale chez les défenseurs de la cause. À une époque où il est devenu tabou de tuer un animal pour les besoins d’un film, Abdessemed présente une vidéo intitulée Usine (2008) dans laquelle des animaux sauvages et domestiques s’entretuent. Grenouilles, scorpions, serpents, volailles et chiens se battent pour former une vision féroce et perverse de la chaîne alimentaire.
La vidéo suscite chez le spectateur une fascination grégaire. Mais la pièce maîtresse de l’exposition est peut-être une tapisserie monumentale d’animaux sauvages empaillés, entrelacés et calcinés : Who’s afraid of the big bad Wolf ? (2011-2012). De la surface irrégulière formée par une fourrure uniformément brûlée de huit mètres sur quatre, une odeur musquée ou fumée se dégage presque encore. L’objet provoque une fascination morbide. Entre l’allusion au conte de fées et la vanité classique, renards, loups, chevreuil, daims, lapins s’entassent en fixant le spectateur de leurs yeux de verre. On ne peut s’empêcher de penser à un charnier humain ou à une apocalypse écologique. Entre ironie et vanité, c’est une vision infernale qu’Abdessemed souhaite susciter dans l’esprit d’un spectateur enveloppé par les cadavres. L’animal mort devient la métaphore de tous les massacres de l’histoire.
Adel Abdessemed n’évoque pas la violence dont il a pu être la victime ou même le témoin au cours de son exil. Déjouant les attentes d’un spectateur avide d’exotisme facile ou d’un discours sur l’Algérie contemporaine, Abdessemed ne fait aucune référence directe à l’histoire de son pays. Par contre, il fait des allusions constantes aux clichés de l’actualité et aux discours journalistiques qui peuvent entrer en résonance avec sa propre identité (les émeutes de banlieue, le conflit israélo palestinien, les catastrophes aériennes etc.). Difficile par exemple de ne pas lire les néons de Color jasmin (2012) comme une allusion à la révolution du même nom. Oui (2000) est un morceau de résine de cannabis en forme d’étoile placée dans une boîte de plexiglas perforée pour que le spectateur profite de toutes ses senteurs. Dans le dessin animé God is design (2005), l’artiste met bout à bout trois mille cinquante dessins inspirés de l’art ornemental du Maghreb. Il questionne ainsi l’aniconisme islamique sans se priver de représenter des personnages nus dans certaines autres de ses œuvres.
Hope (2011-2012) est une immense barque de fortune remplie de sacs poubelles moulés en résine. Suspendue au plafond, cette embarcation amène dans l’esprit du spectateur l’image des traversées clandestines de la Méditerranée par des milliers de migrants. Les sacs deviennent autant de linceuls mortuaires de fortune. La représentation de l’étranger et celle de Dieu hantent la production de l’artiste, mais presque rien de sa propre identité ne filtre dans la réutilisation des clichés européens sur le Maghreb. Toutes ces évocations restent allusives et sont laissées à la responsabilité du spectateur. Seule la violence de la mise en scène semble être du ressort de l’artiste. Plutôt que la représentation d’un événement précis de l’histoire, c’est la cruauté comme fait transhistorique – du Christ aux migrants du XXIe siècle – et anhistorique – les animaux morts – que tente de représenter Abdessemed.
Le témoignage ne semble pas être pour l’artiste une valeur. Son travail tend plutôt vers l’allégorie. Ses œuvres incitent le spectateur à la fois à la fascination et à la prise de distance. Il provoque mais ne critique pas, il heurte mais ne témoigne pas. Son œuvre manie et recompose la violence politique, mais elle ne la dénonce pas. L’artiste lui-même refuse la notion d’engagement et toute conception messianique de l’art :
« Quand on parle d’engagement, dit-il dans son dernier entretien paru, on s’attend toujours à une œuvre d’art capable de faire tomber un gouvernement. On peut faire tomber un État pour des raisons politiques, et non pour des raisons poétiques… »
Abdessemed redéfinit plutôt l’engagement de l’artiste comme un « défi plastique », reprenant par là même le sens existentiel du mot : il s’agit surtout d’engagement personnel et affectif dans son propre travail [9]. Il ne parle pas d’art d’intervention, dans le sens d’un art reconfigurant les données traditionnelles du sensible, comme dans certaines actions du street art ou du hacking. Il ne travaille pas non plus le documentaire, défini par Dominique Baqué comme l’avenir de l’art politique [10]. L’espace d’épanouissement d’Abdessemed n’est pas la rue ou Internet, mais le musée et la galerie. Ses œuvres ne disent rien, elles ne sont pas engagées : ses Christs en fil barbelé, ses carcasses d’engins pliés, ses vidéos d’animaux s’entre dévorant ne disent rien. Sa plus grande réussite est plutôt d’évoquer chez le spectateur, grâce à un travail très conscient, les traumas de l’histoire en restant en deçà du langage, dans la zone presque imperceptible de la peur collective et irrationnelle. À l’image de ses quatre Christs, l’œuvre d’Abdessemed n’est ainsi jamais univoque : toujours entre le blasphème et la fascination envers Dieu, entre la reprise cynique des clichés médiatiques et l’intérêt pour la catastrophe collective. L’efficacité plastique de ces dispositifs est indéniable, le spectateur est heurté et forcé de s’interroger. L’artiste représente la violence avec virtuosité, mais semble ne pas la combattre.
L’ambivalence est certes l’un des critères majeurs d’appréciation de l’œuvre d’art, et la phrase « Je suis innocent » est là pour nous rappeler que l’autonomie du champ artistique protège Abdessemed des attaques en justice : en vertu de cette autonomie, personne ne réussira à faire déboulonner la statue du Coup de tête de Zidane [11]. Malgré tout, on ne peut s’empêcher de se poser la question de la situation d’Abdessemed dans le champ de l’art contemporain. Lorsqu’on le découvre, l’ambivalence propre à ses œuvres frise le consensus culturel. Loin de connaître les difficultés de nombreux artistes du Maghreb, Abdessemed est très intégré à un marché de l’art mondialisé qui est depuis quelques décennies aux mains des « méga-collectionneurs », selon l’expression de Catherine Millet [12]. De fait, cette rétrospective prend la suite d’expositions dans divers Fonds Régionaux d’Art Contemporain mais aussi au PS1, dépendant du Museum of Modern Art, et à l’influente galerie David Zwyrner de New York, où l’artiste travaille une partie de l’année. L’œuvre d’Abdessemed semble déjà avoir été absorbée par les institutions de patrimonialisation. Après la visite de l’exposition, il est clair qu’Abdessemed joue avec le patrimoine, notamment en misant sur la méthode conceptuelle du second XXe siècle : l’identité de son œuvre n’est pas à chercher dans le travail plastique mais dans le geste sous-jacent et dans l’impulsion première. Abdessemed s’autorise par conséquent tous les supports. On suivra Bernard Marcadé lorsqu’il écrit qu’il n’y « [p]as de culpabilité dans cette œuvre, mais une affirmation très nietzschéenne, une manière dionysiaque de faire cohabiter les réalisations les plus dissemblables [13] […]. »
Mais la mise en scène de la violence perd de sa force en s’inscrivant trop lourdement dans l’histoire des arts plastiques depuis soixante ans : la nudité, la vidéo, le déchet et le ready-made. Comment ne pas voir dans ces carcasses de voitures calcinées sculptées en céramique des réécritures à la fois violentes et sages des explosions de voiture pratiquées par Arman ? Et dans les carlingues d’avion, Bourek (2005) et de Telle mère tel fils (2008), l’héritage de César ? Abdessemed leur ajoute la référence vague et pourtant omniprésente à des émeutes de banlieue ou à des catastrophes aériennes, ainsi que la douceur maternelle d’un titre ironique.
Real time (2003) est une vidéo de quelques secondes diffusée en boucle captant la performance de couples en plein coït dans un espace ressemblant à une galerie. Mais cette vidéo est infiniment moins violente que les réalisations des actionnistes viennois dans les années 1960. L’artiste argumente en évoquant la répétition comme geste fondamental et rythmique. Dans cette constellation de citations et d’influences, l’exploration des peurs politiques prend le risque de s’amenuiser en jeu de langage. Même la référence à la religion court le risque de la facilité : à comparer les Christs d’Abdessemed avec Ghost de Kader Attia (2007), artiste de la même génération travaillant des problématiques comparables, cette seconde œuvre paraît plus efficace. Elle est une installation représentant une assemblée de femmes musulmanes en prière. Les silhouettes sont simplement évoquées par leur voile, drapés fragiles et savants en papier d’aluminium. Par ses dimensions, l’œuvre rappelle l’armée de soldats en terre cuite de l’empereur Qin, découverte à Xian. Les œuvres d’Attia et d’Abdessemed partagent le métal, la sérialité, la dimension religieuse et la spectralité. Pourtant, lorsque les Christs d’Abdessemed pastichent l’art chrétien dans un contexte profane, Ghost prend infiniment plus de risques idéologiques en représentant des femmes musulmanes – sans toutefois devenir une œuvre à thèse – et pousse à bout la logique de la répétition.
Les violentes provocations d’Abdessemed ne sont pas critiques, elles n’interpellent pas. Saturées de citations, ses œuvres prennent le risque de ne plus faire référence qu’au monde de l’art aux dépens de l’histoire. De privilégier le spectacle de la violence par rapport à la recherche de ses significations. L’artiste souligne que Who’s afraid of the big bad Wolf ? reproduit les dimensions de Guernica et fait écho aux teintes brunes du tableau de Picasso. Mais il omet de préciser que son œuvre n’a en aucun cas été produite en référence directe à un acte de guerre. Guernica est une stèle commémorative, Who’s afraid of the big bad Wolf ? se contente d’une référence à la version anglophone des Trois petits cochons.
L’artiste dit aussi que les quatre Christs en fil barbelé sont un hommage au retable de Grünewald et manifestent sa fascination pour la Crucifixion. Pourtant, le titre, Décor, et la sérialité sont là pour donner un vernis subversif et blasphématoire au tout. Le grotesque de leur titre contredit totalement la violence énergique de ces œuvres. Abdessemed semble ne pas aller au bout de sa mise en scène de la violence. Le détour humoristique montre qu’il n’ose pas se départir de l’héritage dadaïste et de celui de Marcel Duchamp. Inversement, son Coup de tête monumental pèche par manque d’humour : la sculpture aurait été tout aussi efficace si elle avait été produite à taille réelle et judicieusement placée sans socle au centre d’une salle d’exposition. L’artiste, et sans doute aussi ses commanditaires, ont au contraire choisi la monumentalité et le parvis du Centre Pompidou comme lieu d’exposition. Ce faisant, ils ont choisi l’exposition de masse, le scandale public comme publicité. La sculpture kitsch s’exhibe en objet déjà potentiellement reproduit à l’infini comme produit dérivé footballistique. Ainsi, malgré l’évidente qualité plastique de nombreuses pièces, comme Who’s afraid of the big bad Wolf ? et tous les travaux autour du fil barbelé, les œuvres d’Abdessemed courent le risque de se cantonner à l’académisme de la seconde moitié du XXe siècle ou de devenir de purs objets de consommation. Deux obstacles majeurs à la belle démesure de l’artiste.
Adel ABDESSEMED, Entretien avec Pier Luigi Tazzi, Arles, Actes Sud, 2012, 115 p.
Philippe-Alain MICHAUD (éd.), Adel Abdessemed. Je suis innocent, Londres et Paris, Steidl et Éditions du Centre Pompidou, 2012, 248 p. HERITIER, Françoise, dir. : De la violence séminaire de Françoise Héritier, Paris, O. Jacob, 2 vol. 1996 & 1999.
Pour citer cet article :
Florian Mahot Boudias, « Adel Abdessemed : la violence à l’œuvre »,
La Vie des idées
, 24 décembre 2012.
ISSN : 2105-3030.
URL : https://laviedesidees.fr/Adel-Abdessemed-la-violence-a-l
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[6] Adel ABDESSEMED, Entretien avec Pier Luigi Tazzi, Arles, Actes Sud, 2012, p. 61. Voir aussi le catalogue de l’exposition : Philippe-Alain MICHAUD (éd.), Adel Abdessemed. Je suis innocent, Londres et Paris, Steidl et Éditions du Centre Pompidou, 2012, 248 p.
[7] Afin de tenter de saisir ce concept pour le moins lâche, on se référera à la première définition synthétique de la violence que Françoise Héritier donne au début de son séminaire au Collège de France : « Appelons violence toute contrainte de nature physique ou psychique susceptible d’entraîner la terreur, le déplacement, le malheur, la souffrance ou la mort d’un être animé ; tout acte d’intrusion qui a pour effet volontaire la dépossession d’autrui, le dommage ou la destruction d’objets inanimés (cela pour parler d’autres aspects de la violence contemporaine que nous laisserons de côté). Des violences se veulent légitimes : ce sont celles de la loi, et des peines appliquées à ceux qui l’enfreignent. Selon leur nature et leur diversité, elles posent la question des conditions de légitimité de la révolte et de l’insoumission. » Françoise HÉRITIER, « Réflexions pour nourrir la réflexion », in Françoise HÉRITIER (éd.), De la violence - I : séminaire de Françoise Héritier [1996], Paris, O. Jacob, 2005, p. 17.
[8] Voir Étienne BALIBAR, « Violence : idéalité et cruauté », in Françoise HÉRITIER (éd.), De la violence - I : séminaire de Françoise Héritier [1996], Paris, O. Jacob, 2005, p. 57 87 ; Étienne BALIBAR, Violence et civilité, Paris, Galilée, 2010, 418 p ; Pierre SAUVÊTRE et Cécile LAVERGNE, « Pour une phénoménologie de la cruauté. Entretien avec Étienne Balibar », Tracés. Revue de Sciences humaines [en ligne], 19 | 2010, mis en ligne le 30 novembre 2012. URL : http://traces.revues.org/index4926.html
[9] Adel ABDESSEMED, Entretien avec Pier Luigi Tazzi, Arles, Actes Sud, 2012, p. 56-57
[10] Voir Paul ARDENNE, Un art contextuel, création artistique en milieu urbain, en situation, d’intervention, de participation, Paris, Flammarion, 2002 ; Dominique BAQUÉ, Pour un nouvel art politique : de l’art contemporain au documentaire, Paris, Flammarion, 2004. LEMOINE Stéphanie et OUARDI Samira (éds.), Artivisme, Art, action politique et résistance culturelle, Paris, Alternatives, 2010
[11] On aurait ici tout intérêt à prolonger les analyses de Gisèle Sapiro sur les écrivains modernes dans le domaine des arts plastiques. Voir Gisèle SAPIRO, La responsabilité de l’écrivain : littérature, droit et morale en France, XIXe-XXIe siècles, Paris, Seuil, 2011
[12] Catherine Millet est critique envers des collectionneurs dont la capacité financière infléchit non seulement le marché mais aussi les goûts du milieu de l’art contemporain. Pour les autres acteurs, l’investissement a parfois valeur de jugement : « Quand Harald Szeemann sélectionnait les artistes de sa prochaine exposition, écrit-elle, on comprenait ses choix parce qu’il les argumentait. Quand François Pinault mise sur tel ou tel artiste, prend-il le risque de s’expliquer ? Et puis : quand on estimait que Szeemann était un peu trop arbitraire, il se trouvait un Daniel Buren pour dénoncer ses abus de pouvoir. Je n’ai pas entendu parler d’un artiste qui, collectionné par François Pinault, ait attaqué la façon dont celui-ci abusait peut-être de son pouvoir. » Catherine MILLET, « Éditorial », Art Press, n°395, décembre 2012, p. 5. Sur une question assez proche, voir Nathalie HEINICH, Le triple jeu de l’art contemporain : sociologie des arts plastiques, Paris, Éditions de Minuit, 1998, 380 p. et Rainer ROCHLITZ, Subversion et subvention : art contemporain et argument esthétique, Paris, Gallimard, 1994
[13] Bernard MARCADÉ, « Adel Abdessemed », Art Press, n°395, décembre 2012, p. 30.