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La « crise » du capitalisme vue par Amartya Sen

lundi 30 mars 2009



par Nicolas Delalande

Recensé : Amartya Sen, « Capitalism beyond the crisis », New York Review of Books, 26 mars 2009.

Amartya Sen, prix Nobel d’économie 1998, s’interroge dans la dernière livraison de la New York Review of Books sur l’avenir du capitalisme face à la crise mondiale du système économique et financier. À distance des nouveaux convertis qui appellent à « refonder » le capitalisme ou à le « moraliser » pour mieux faire oublier qu’ils étaient, hier encore, les plus ardents défenseurs de la dérégulation, Sen considère qu’il est peut-être moins urgent d’inventer un nouveau modèle que de revenir aux sources véritables de l’économie de marché. Son analyse se veut par conséquent plus historique que prophétique : la crise doit être l’occasion de s’intéresser à l’histoire des idées économiques et de mieux comprendre comment le système a pu s’éloigner de ses objectifs initiaux et conduire à de telles dérives.

Mais, pour Sen, c’est moins la figure de Keynes, abondamment citée ces derniers temps, que celles d’Adam Smith et d’Arthur Cecil Pigou qui devraient faire l’objet de toutes les attentions. Le retour de l’État, sous la forme de plans de sauvetage, de nationalisations ou de programmes de grands travaux, est souvent justifié au nom de la théorie keynésienne. Sen estime pourtant que la pensée de Keynes n’apporte pas l’ensemble des réponses utiles pour repenser les conditions d’une économie qui puisse être à la fois juste et efficace.

Des écrits de Smith, l’économiste indien retient la nécessité de faire reposer l’économie sur une diversité d’institutions et de valeurs, en partie marchandes et non-marchandes. Smith lui-même n’était pas un idéologue du marché, précise Sen : l’auteur de La Richesse des nations avait pleinement conscience de l’importance des politiques d’aides aux plus démunis et des services publics, n’en déplaise à ceux qui ne veulent voir en lui que le théoricien de la main invisible. Chez Pigou, auteur contemporain de Keynes mais moins célèbre que lui, Sen souligne la réflexion sur les causes psychologiques des cycles économiques, indispensable pour comprendre la crise financière actuelle, et l’attention qu’il accorde à la répartition des richesses et à l’économie des inégalités.

En définitive, Amartya Sen ne partage pas l’idée selon laquelle tout serait à réinventer pour produire un nouvel ordre économique, mais semble suggérer qu’une meilleure combinaison du marché et des services publics et une répartition plus juste des richesses pourrait permettre de renouer avec un développement économique moins inégalitaire et moins instable que celui des trente dernières années.

L’article en ligne : http://www.nybooks.com/articles/22490.


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