Dossier coordonné par Florent Guénard & Igor Martinache
Photo : (cc)atomicShed/flickr
La Coupe du Monde de football est le spectacle le plus médiatisé qui soit, l’événement planétaire par excellence. La Vie des Idées propose une série d’articles destinés à comprendre les raisons de cet empire toujours plus étendu.
Prendre la Coupe du Monde de football comme objet de réflexion ne va pas sans difficulté. C’est, au moins, être confronté à un double obstacle.
Passionnel d’abord : car la Coupe du Monde, de l’enthousiasme fanatique au dégoût prononcé face à un spectacle auquel il est difficile de se soustraire, laisse rarement indifférent. Surinvesti, suscitant les émotions collectives les plus intenses, le football échappe à toute mesure.
Rationnel ensuite : la Coupe du Monde semble résister aux catégories figées qu’on lui applique afin d’en rendre compte. N’y voir, ainsi, qu’une caricature de la société du spectacle, n’est-ce pas risquer de se méprendre sur la nature du sport lui-même, qui, même savamment mis en scène, n’est jamais écrit d’avance et déjoue toute tentative de scénario ? N’y voir qu’un gigantesque marché, où les investissements économiques promettent des retombées financières sans égal, n’est-ce pas de la même manière réduire la portée d’un jeu dont les enjeux ne suffisent pas à troubler ce qui lui reste de légèreté ? Mais, renversant la perspective, n’y voir qu’une concurrence symbolique universelle, n’est-ce pas tomber dans un irénisme rêveur qui refuserait de constater que le monde reste divisé entre les nations ? N’y voir que le spectacle, grandiose, d’une égalité démocratique mondiale, où toutes les nations, soumises à la même règle, ne se distingueraient que par l’effort et le mérite, n’est-ce pas tomber dans l’illusion, peut-être savamment entretenue, que la division profonde qui sépare le Nord et le Sud n’existe pas — que la fiction démocratique est la démocratie, que la représentation de la réalité est la réalité ?
Une perspective trop radicale, à laquelle pousse la démesure du spectacle le plus médiatisé qui soit, laisse nécessairement dans l’insatisfaction. C’est l’empire du foot qu’on s’interdit peut-être alors de comprendre : la fascination qu’il exerce, l’universalité qu’il construit, les tensions qui le traversent. C’est à essayer de comprendre ce qui organise cet empire que ce dossier est consacré. Il propose six axes de réflexion :