Si les critiques du néo-libéralisme sont nombreuses, si l’usage du terme « néo-libéral » pour qualifier des politiques économiques et sociales anti-étatistes est répandu, force est de constater que son histoire en est encore à ses débuts : comment ce courant s’est-il constitué ? Comment les théories qui s’en réclament se sont-elles formées ? Comment les acteurs de cette histoire se sont-ils rapportés les uns aux autres ?
Serge Audier, dans Néo-libéralisme(s) (Grasset), entend répondre à ces questions. Dans cet ouvrage, il s’attache en effet à produire une « archéologie intellectuelle » d’un mouvement de pensée difficile à saisir tant ses sources sont nombreuses et ses évolutions différenciées. Le livre offrant là une réflexion à la fois générale et minutieuse sur ce qu’on désigne par le terme « néo-libéralisme », la Vie des Idées a choisi de proposer sa recension à trois lecteurs, adoptant chacun une perspective différente. Le débat porte autant sur les choix méthodologiques de l’auteur, que sur la consistance, intellectuelle et politique, à donner au terme de « néo-libéralisme » dans différents contextes historiques.
– Le philosophe Vincent Valentin souligne la richesse de l’ouvrage et son apport : prendre au sérieux l’histoire du néo-libéralisme et en finir avec le discrédit systématique qui l’accompagne généralement. Cependant la déconstruction à laquelle Serge Audier se livre peut tendre à un résultat paradoxal : dissoudre à ce point l’unité du concept qu’on finit par douter de son existence.
– L’historien Jean Solchany salue à son tour l’ampleur du travail réalisé par Serge Audier ; l’ouvrage, qui s’efforce de remonter aux sources d’un courant à la fois influent et diffus, fera date. Mais sa démarche, l’histoire intellectuelle, est peut-être trop exclusive : elle pousse à négliger l’histoire sociale et culturelle et tend à minorer l’importance des réseaux qui donnent au néo-libéralisme son unité.
– L’historien Émile Chabal soutient enfin, dans son compte rendu, que si le travail de Serge Audier est indispensable pour comprendre la nature plurielle du néo-libéralisme, il ne précise pas suffisamment les transformations de cette idéologie dans les années 1970.
– Serge Audier, dans sa réponse à ces lectures, estime que les interprétations traditionnelles (foucaldiennes, bourdieusiennes, marxistes), si elles ont d’immenses vertus, ont fini par figer le néo-libéralisme, alors qu’il est indispensable de rendre compte de sa dimension plurielle, qui vient en grande partie de la différence des contextes historiques. Ne pas le faire conduirait à se méprendre sensiblement sur l’influence du néo-libéralisme.
Pour citer cet article :
Nicolas Delalande & Florent Guénard, « Le néo-libéralisme et son histoire »,
La Vie des idées
, 3 juillet 2012.
ISSN : 2105-3030.
URL : https://laviedesidees.fr/Le-neo-liberalisme-et-son-histoire
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