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Essai Économie

Comment se débarrasser de la dette publique ?

Autour de : André Grjebine, La dette publique et comment s’en débarrasser, Puf


par Henri Sterdyniak , le 12 octobre 2015


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La création monétaire par les banques centrales peut-elle nous débarrasser de la dette publique ? La zone euro peut-elle être réformée en ce sens ? Henri Sterdyniak et André Grjebine confrontent leurs analyses autour du livre que ce dernier a récemment publié.

Autour de : André Grjebine, La dette publique et comment s’en débarrasser, Puf 2015, 152 p., 15 €.

Les Presses universitaires de France ont publié début 2015 un ouvrage d’André Grjebine intitulé : « La dette publique et comment s’en débarrasser » et sous-titré : « Désendetter les États Européens sans compromettre la croissance, c’est possible ! » Sous le titre : « En finir une fois pour toutes avec la dette publique », Daniel Fortin écrit dans les Échos qu’il « s’agit d’une proposition choc, d’un essai brillant et passionnant ». Pour Sandra Moatti d’Alternatives économiques, il s’agit « d’une proposition séduisante…d’un livre stimulant et rigoureux ». André Grjebine aurait-il trouvé une méthode miracle pour réduire sans larmes les dettes publiques ? Telle est la question à laquelle le titre et le sous-titre du livre nous obligent à répondre.

Pourquoi la dette publique ?

Rappelons tout d’abord quatre points saillants de la situation actuelle.
  Fin 2014, les dettes publiques de la quasi-totalité des grands pays développés sont à un niveau extrêmement élevé : 251% du PIB au Japon, 105% aux États-Unis, 90% en Grande-Bretagne, 94 % dans la zone euro (75% pour l’Allemagne, 98% pour la France, 132% pour l’Italie).
  En même temps, les taux d’intérêt et les taux d’inflation sont retombés à des niveaux exceptionnellement faibles. Cela montre que les dettes publiques (et les déficits qui les ont créées) sont de nature keynésienne (nécessaires pour la régulation macroéconomique) et non de nature classique (induits par une mauvaise gestion des finances publiques [1]).
  Les pays de la zone euro se sont engagés par le traité de Maastricht et le Traité budgétaire à réduire leur déficit public structurel en dessous de 0,5% de leur PIB et leur dette publique en dessous de 60%, ce qui est contradictoire avec les besoins de l’équilibre macroéconomique et les oblige à pratiquer des politiques d’austérité en période de dépression économique.
  Le Traité Constitutionnel Européen interdit à la BCE de financer directement les dettes publiques des États membres de sorte que celles-ci ne sont plus garanties par un « prêteur en dernier ressort ». Depuis 2010, les marchés financiers imposent donc des primes de risques sur la dette des pays les plus fragiles.

L’originalité de l’ouvrage est de se placer dans un schéma théorique que la quasi-totalité des économistes (et moi, le premier) récusent, mais qui a toujours eu ses partisans fervents, en particulier aujourd’hui sur Internet. Selon celui-ci, nos économies souffriraient d’un défaut irrémédiable : le lien entre monnaie et endettement ; aussi faudrait-il séparer la monnaie du crédit, réserver la création monétaire à l’État et faire financer la dette publique à taux zéro par la Banque Centrale [2]. Ainsi, dans son introduction, André Grjebine indique : « la seule solution envisageable...serait sans doute de modifier le système monétaire en instituant un système de ‘monnaie sans endettement’ » (p. 17). Il se propose « d’analyser les théories qui mettent en avant les avantages d’une création monétaire par l’Etat plutôt que par les banques commerciales » (p. 18). Il se plaint que « cette doctrine aussi originale, soit aussi peu connue » [3] tout en reconnaissant que celle-ci, issue des travaux d’Irving Fisher et de Maurice Allais, est difficilement applicable aujourd’hui, en ajoutant bizarrement que « L’objet de cet ouvrage n’est pas d’ouvrir ce débat » (p. 19). Ainsi, l’ouvrage comporte à la fois une analyse précise des difficultés actuelles, des critiques pertinentes sur la gouvernance de la zone euro, des explications contestables basées sur la dénonciation du lien monnaie/endettement et des propositions de réformes miraculeuses, mais illusoires, pour résorber les dettes publiques.

Dans l’introduction, l’auteur note que les dettes publiques sont devenues importantes dans tous les grands pays développés. La spécificité de la zone euro est qu’elle cherche à réduire l’endettement public par des politiques d’austérité qui maintiennent la zone dans la stagnation. Mais pourquoi les dettes publiques ont-elles ainsi augmenté ? On ne peut que regretter que l’auteur ne se pose pas vraiment la question. Si les dettes publiques sont nécessaires compte tenu d’un excès d’épargne, la priorité n’est sans doute pas de s’en débarrasser. En fait, Grjebine montre bien, pages 34 et 35, que le problème est l’endettement privé, quand il finance des activités spéculatives et non l’endettement public, dont la forte croissance depuis 2007 n’a fait que compenser l’effort de désendettement du privé. Le titre (comme le sous-titre) de l’ouvrage est alors surprenant. La question, qu’il aurait fallu poser, n’est donc pas de se débarrasser des dettes publiques, mais de modifier le fonctionnement de nos économies pour qu’elles ne soient plus nécessaires.

Séparer le crédit et la monnaie ?

Le chapitre 1 reprend l’analyse d’Irving Fisher, Maurice Allais, Hyman Minsky et Richard Koo : le jeu combiné du crédit et de la spéculation est foncièrement instable. L’optimisme des investisseurs financiers les incite à s’endetter pour acheter des actifs financiers (ou immobiliers), ce qui fait monter leurs prix, ce qui justifie l’opération et incite à de nouveaux achats financés par de nouveaux endettements. L’activité économique est impulsée. Toute notion de risque est oubliée. Les ratios d’endettement apparaissent bas, compte tenu de la hausse du prix des actifs. À un moment donné, les marchés se rendent compte que la rentabilité anticipée ne pourra être obtenue ; que les cours ont atteint des niveaux exorbitants. Ils veulent tous vendre, ce qui provoque un effondrement des prix des actifs. Les investisseurs se retrouvent surendettés, ce qui induit une longue et douloureuse phase de désendettement où la chute de la demande et donc de la production ne permet pas l’amélioration des ratios de bilan.

Trois solutions sont envisageables pour éviter cette instabilité. Celle que les autorités financières internationales prétendent mettre en place actuellement consiste à développer des normes macro-prudentielles pour obliger les banques à tenir compte de ratios d’endettement plus pertinents (crédit/revenu plutôt que crédit/actif) et à accumuler des fonds propres supplémentaires en période de boom spéculatif. Cela sera-t-il suffisant ? Une vision plus radicale propose de réduire le poids de la finance spéculative en séparant les banques de dépôts des banques de marchés et d’affaires, en interdisant aux banques de dépôts d’intervenir sur les marchés financiers et de prêter aux fonds spéculatifs pour réserver le crédit bancaire aux administrations, aux entreprises productives, aux crédits à la consommation et au logement.

Pour Grjebine, le système actuel est foncièrement pervers car, comme la monnaie a comme contrepartie de l’endettement, la nécessité d’avoir de la monnaie en circulation oblige à avoir de l’endettement, et même du surendettement. Ainsi écrit-il : « La crise va empirer aussi longtemps qu’on aura pas trouvé une solution pour réduire durablement l’endettement aussi bien public que privé, sans provoquer de contraction de la monnaie en circulation » (p. 59) ou bien « il faut extirper le surendettement comme moyen d’alimentation « naturel » et permanent des économies en monnaie » (p. 109). Mais il ne montre pas en quoi le besoin de monnaie obligerait au surendettement. On ne voit guère le lien entre la masse monétaire en circulation (les billets et dépôts à vue, dont le poids n’a guère augmenté avec l’exubérance financière), la dette publique et le développement prodigieux et excessif des activités financières.

La solution préconisée par Grjebine, à la suite de Henry Simmons, Irving Fisher et Maurice Allais, serait d’interdire aux banques de faire de la création monétaire en portant à 100% le taux de réserve obligatoire à la Banque centrale sur les dépôts à vue, de sorte que les banques n’auraient le droit de faire du crédit que sur ressources d’épargne. La monnaie, au sens strict, les billets et les dépôts à vue, n’aurait comme contrepartie que de la dette publique puisque la Banque centrale financerait la dette publique avec les réserves déposées par les banques, donc avec les dépôts à vue. Son montant pourrait être strictement contrôlé par la Banque centrale selon une norme prédéfinie. C’est pourquoi Milton Friedmann, apôtre de ce contrôle, soutenait le projet. La monnaie serait séparée du crédit privé. Les banques auraient deux départements sans relations : une partie « banque de dépôts » qui recevrait des dépôts à vue et les placerait totalement à la Banque centrale et une partie « banque de crédit » dont les ressources supposées être de l’épargne pourraient être utilisées pour faire du crédit. C’est ce que Grjebine nomme « une monnaie sans endettement », ce qui est bizarre puisque la monnaie au sens M1 (les billets et dépôts à vue) aurait toujours comme contrepartie de l’endettement public, tandis que la monnaie au sens de M3-M1 (les dépôts moins liquides) aurait toujours comme contrepartie de l’endettement privé. L’auteur ne précise pas ce que deviendrait la partie de la dette publique qui ne pourrait pas être financé par M1. Faut-il croire en une égalité magique entre M1 et la dette publique ?

Cette proposition est fondée sur une vision périmée et injustifiable selon laquelle les dépôts à vue seraient de nature foncièrement différente des dépôts à terme, des comptes sur livret et même des autres placements des ménages. Elle oublie que, dans une économie financière moderne, les dépôts à vue sont de l’épargne et qu’en sens inverse, la plupart des placements sont des sources de liquidité.

Elle oublie surtout que, dans une économie monétaire, le crédit aux entreprises et aux ménages est indispensable pour anticiper la production et pour compenser l’épargne future. Dans une économie monétaire, c’est l’investissement (et en particulier le crédit) qui génère ex post l’épargne nécessaire pour le financer ; on ne peut imaginer un fonctionnement tel que l’épargne préexisterait à l’investissement, de sorte que le crédit pourrait être contraint par l’épargne ex ante. Le crédit doit être régulé pour éviter tant l’inflation que la dépression ; c’est la responsabilité de la régulation bancaire, de la politique monétaire et de la politique budgétaire. Mais cela ne peut être obtenu ni par une norme arbitraire d’évolution de la masse monétaire, ni par une norme arbitraire de déficit public, ni par une séparation arbitraire monnaie/épargne.

Malheureusement, Grjebine ne présente pas un schéma précis et cohérent du fonctionnement d’un système bancaire qui ne pourrait plus créer de monnaie et qui ne pourrait plus avoir recours au refinancement de la Banque centrale. Que deviendrait le marché monétaire ? Comment seraient fixés les taux d’intérêt s’il n’existe pas un lieu où la Banque Centrale contrôle le coût des ressources des banques ? Dans une telle économie, les banques devraient obligatoirement augmenter le taux de leurs crédits pour rationner les emprunteurs en cas de hausse des perspectives de demande. L’auteur évoque la possibilité de prêts de la Banque centrale aux banques mais cela diminuerait les ressources disponibles pour l’État si la norme de masse monétaire doit être respectée. En fait, les expériences historiques, américaine comme allemande, dans les années 1970-80, ont montré que toute norme arbitraire d’évolution de la masse monétaire entraînait des fluctuations incontrôlées des taux d’intérêt et devait vite être abandonnée.

Selon André Grjebine, le risque de panique bancaire serait évité, puisque les banques de dépôts ne pourraient faire faillite. Mais ce risque n’existe pas aujourd’hui quand la Banque Centrale est le prêteur en dernier ressort des banques. Il existerait dans le système proposé puisque les banques de crédit pourraient être en difficulté, n’ayant plus accès au refinancement de la Banque Centrale.

Selon l’auteur, les intérêts versés par l’État diminueraient fortement. Il oublie que cela dépendrait du taux auquel seraient rémunérées les réserves obligatoires des banques. Si elles le sont aux taux du marché, l’État ne fait aucune économie de taux d’intérêt. Si elles ne sont pas rémunérées, les banques n’auront aucun intérêt à collecter des dépôts à vue, sauf à faire payer les déposants. Les déposants seraient alors les victimes de la réforme puisque les banques les feraient payer pour accepter des dépôts à vue (qu’elles ne pourraient placer de façon rentable), puisque leurs autres dépôts ne seraient plus liquides et sans risques.

André Grjebine prétend que « la création monétaire n’exigeant plus la création simultanée d’un endettement privé, l’économie va connaitre une forte baisse de ce dernier » (p. 46) ; je ne comprends pas comment les entreprises ou les ménages pourraient ainsi se passer de crédit. Les ménages qui s’endettent pour acheter un appartement, les entreprises qui ont besoin de crédit de trésorerie ne le font pas pour créer de la monnaie, ni même pour en détenir.

André Grjebine cite Irving Fisher selon lequel, avec ce système, la principale recette de l’Etat pourrait ainsi provenir de la création monétaire (p. 48). En fait, les billets en circulation représentent en 2015 environ 10% du PIB de la zone euro, les dépôts à vue environ 33%. Avec une croissance nominale de la zone euro de 3,5% l’an, le financement monétaire ne représenterait que 1,5% du PIB de la zone (contre 0,35% actuellement), ceci au détriment des détenteurs de dépôts à vue qui devraient payer pour que les banques les acceptent.

Ainsi, le projet 100% Monnaie ou de séparation stricte entre crédit bancaire et monnaie n’est pas réfléchi, ni sur le plan macroéconomique, ni sur le plan monétaire et bancaire. Aussi n’est-il pas pris au sérieux aujourd’hui par la plupart des économistes, même si de temps en temps certains bizarrement le redécouvrent [4].

Les définitions de la monnaie

De manière conventionnelle, on peut donner plusieurs définitions de la monnaie, qui aboutissent à des mesures différentes de la masse monétaire :

M0 est la base monétaire, c’est-à-dire la monnaie figurant au passif de la banque centrale (pièces, billets, réserves des banques).
M1 comporte les pièces, billets et les dépôts à vue .
M2 inclut M1 ainsi que les comptes sur livret et les dépôts à termes inférieurs ou égaux à deux ans.
M3 est composé de M2, des OPCVM monétaires et des titres à échéance inférieures à deux ans émis par les institutions financières monétaires.

Faire financer la dette publique par la Banque centrale ?

Le chapitre 2 met quelque peu de côté ce projet de réforme monétaire pour se concentrer sur un projet moins ambitieux. On ne peut qu’être d’accord avec ses points de départ : l’État n’est pas un ménage ; il doit accepter des déficits publics si nécessaire et éviter les politiques d’austérité en période de récession. Il ne peut y avoir des effets d’éviction [5] quand les taux d’intérêt sont déjà à leur plancher. Les dettes publiques doivent être garanties par la Banque centrale. La gouvernance de la zone euro où les États membres n’ont pas de prêteur en dernier ressort n’est pas satisfaisante, puisque les marchés financiers peuvent imposer des taux élevés aux pays en difficulté.

Malgré ces remarques pertinentes, Grjebine veut réduire l’endettement public. Il propose donc de « désendetter les États par une monétisation à grande échelle des dettes publiques » (p. 59) et soutient : « La Banque centrale peut émettre de la monnaie pour diminuer l’endettement public » (p. 60). Cette proposition est fausse. Comptablement, la dette détenue par la Banque centrale demeure dans la dette publique. Comparons deux pays : dans le premier, la Banque centrale détient 100 milliards de titres privés et les banques commerciales, 100 milliards de titres publics. Dans le second, c’est l’inverse. Cette différence n’a aucune conséquence économique. Il serait absurde que la dette publique soit plus faible de 100 milliards d’euros dans le second pays. Économiquement ensuite : imaginons que la Banque centrale achète 100 milliards de titres publics aux banques. En échange, le refinancement des banques auprès de la Banque centrale diminuera de 100 milliards. La richesse de l’ensemble « État + Banque centrale » ne sera pas affectée. Ils économiseront le taux d’intérêt sur la dette, mais perdront le taux du refinancement. Or les deux sont approximativement égaux en l’absence de risque de faillite publique. C’est une opération blanche.

André Grjebine écrit : « La monétisation des dettes publiques revient à accroire la monnaie en circulation » (p. 65). Mais cela est faux. La masse monétaire n’a aucune raison de varier par cette opération. Pour que la masse monétaire augmente, il faudrait que les banques distribuent plus de crédit, mais elles n’ont a priori aucune raison de le faire [6].

En période normale, le passif de la Banque centrale est de taille limitée : celle-ci ne dispose que d’une seule ressource gratuite : les billets en circulation, de l’ordre de 10% du PIB dans la zone euro en 2015. Elle ne peut convaincre les épargnants de détenir plus de billets. Ces 10% ont comme contrepartie les réserves de change (3% du PIB), le refinancement des banques et les titres publics. Le passif de la Banque centrale comporte aussi des dépôts des banques, qui ont gonflés depuis la crise, mais qui sont rémunérés à un taux proche de celui du marché monétaire. En temps ordinaire, au delà de 7% du PIB de détention de titres publics, la Banque Centrale doit s’endetter auprès des banques commerciales et perd de sa capacité à orienter le marché monétaire. Aussi la dette publique ne peut pas être largement monétisée. La Banque centrale doit se contenter de la garantir et d’assurer qu’elle trouvera toujours preneur.

La dette publique doit trouver des détenteurs. Ceux-ci veulent être rémunérés à un taux satisfaisant. Ainsi, en 2007, avant la crise, la France s’endettait à 10 ans à 4%. Elle n’aurait pas trouvé de détenteurs de sa dette à un taux plus faible. Elle n’aurait pas trouvé d’agents privés disposés à détenir plus de billets de banque pour financer le Trésor à taux nul.

Annuler la dette publique ?

En fait, la stratégie préconisée par Grjebine pour réduire le poids des dettes publiques, stratégie qu’il n’ose pas développer clairement, mais qu’il évoque en passant (p. 19, 65 ou 88), serait que la Banque Centrale annule les dettes publiques qu’elle vient d’acquérir, en prenant ainsi ces dettes à sa charge. Certes, la Banque Centrale aurait alors un bilan déséquilibré, des fonds propres négatifs, mais selon l’auteur, cela n’a pas d’importance car la Banque Centrale est émettrice de monnaie (p.65). En réalité, une banque, même une Banque centrale, doit avoir un capital positif. Les États de la zone euro (les actionnaires de la BCE) devraient obligatoirement reconstituer son capital. On ne peut se débarrasser de la dette publique en la remplaçant par un déficit dans le capital de la BCE (ou ne n’importe quel autre organisme public). Ce serait un pur artifice qui est, bien sûr, interdit par la comptabilité privée ou nationale. Considérons une situation où l’Etat a une dette publique de 100% du PIB et la Banque centrale des fonds propres de 5% du PIB. La Banque centrale peut certes racheter la dette publique et l’annuler. L’Etat ne sera plus endetté, mais la Banque Centrale aura des fonds propres négatifs de 95% du PIB, dont l’Etat devra assurer le service. Plaisante façon de se débarrasser de la dette publique ! Rien ne sera changé quant aux contraintes des finances publiques. Les marchés ne seront pas dupes. En fait, pour annuler la dette publique, il faudrait faire défaut auprès des créanciers, leur annoncer que l’Etat ne remboursera pas leurs créances.

Un projet proche a été proposé par Pierre Pâris et Charles Wyplocz (PADRE, Politically acceptable Debt Restructuring in the Eurozone, CEPR, 2014). La BCE s’endetterait pour acheter une partie importante des dettes publiques des pays de la zone Euro, en proportion de leur part dans son capital. Elle les transformerait en titres perpétuels ne rapportant pas d’intérêt. La BCE aurait des résultats négatifs. Au lieu de toucher des dividendes de la BCE, les pays membres devraient chaque année combler ses pertes. Les dettes publiques seraient ainsi nettement réduites. Comme celui de Grjebine, le projet repose sur un artifice comptable. L’opération serait neutre pour les finances publiques des États. Les charges d’intérêt seraient remplacées par des transferts à la BCE d’un même montant. Elle ne réduirait pas leur charge.

Un Trésor européen ?

Le chapitre 3 est moins original. André Grjebine recherche « une stratégie de financement de la croissance par une voie autre que celle de l’endettement des entreprises et des ménages » (p. 106). Cela devrait l’amener à prôner l’endettement des États. Mais, cela est quelque peu contradictoire avec le titre de son ouvrage, comme avec les exigences des États vertueux. En fait, il se rallie à la proposition d’un Trésor Européen qui émettrait des euro-obligations pour financer les investissements publics dans la zone euro. Les États-membres devraient, eux, équilibrer leurs budgets courants structurels. Ainsi, une partie importante des dettes publiques passerait à l’échelon communautaire. Mais c’est un tour de prestidigitation, pas un vrai désendettement. Il est peu probable que l’Allemagne et les États vertueux soient dupes de la manœuvre : la dette du Trésor Européen serait répartie entre les États membres ; elle serait comptée à l’intérieur de l’enveloppe des 60% de limite des dettes publiques. Ce serait bien sûr le cas si le Trésor Européen ne faisait que prêter aux États membres (comme le suggère l’auteur, p. 116). Le projet a cependant l’avantage de donner un objectif économiquement fondé au solde structurel. En effet, selon la vraie règle d’or des finances publiques (énoncé par Lorenz Von Stein en 1885 et Paul Leroy-Beaulieu en 1891), il est légitime d’avoir un déficit structurel égal à l’investissement public [7]. Par contre, le projet pose des problèmes institutionnels difficilement surmontables : une grande partie des investissements publics sont réalisés par les collectivités locales ; une autre concerne des infrastructures lourdes ; une autre concerne la défense. Peut-on accepter qu’ils soient arbitrés par un Trésor Européen ?

Pour conclure

La dette publique est détenue par des agents économiques qui s’attendent à être rémunérés. Il n’existe pas de moyen de faire baisser les dettes publiques sans larmes. Soit, il faut un défaut partiel, au détriment des épargnants (mais, dans le cas de la France, il est délicat de s’en prendre à des personnes qui ont choisi de nous prêter sans prime de risque). Soit, il faut trouver de nouvelles ressources publiques qui nuisent peu à la demande comme une hausse de l’impôt sur le patrimoine des ménages ou celles des droits de successions. Soit, il faut s’engager dans une lente expropriation, en maintenant durablement les taux d’intérêt sur les dettes publiques en dessous du taux de croissance, ce qui nécessite une forte régulation bancaire pour éviter que le bas niveau des taux d’intérêt n’induise des bulles financières ou immobilières. Plus fondamentalement, il faut réduire l’excès d’épargne en remettant en cause la financiarisation, la montée de la part du capital dans la valeur ajoutée et celle des inégalités de revenus.

Prisonnier d’une vision erronée (c’est le lien entre monnaie et crédit qui expliquerait le surendettement), l’auteur refuse de voir que la dette publique est nécessaire quand l’épargne est excessive par rapport à l’investissement et quand les épargnants veulent détenir un actif sans risque rémunéré. On ne peut s’en débarrasser. La monnaie sans endettement, l’étatisation de la création monétaire, la monétisation des dettes publiques, leur destruction par la Banque Centrale sont des leurres. Certes, il faut combattre l’orthodoxie monétaire et budgétaire, mais avec des armes plus solides.

La réponse d’André Grjebine

La critique d’une théorie ou d’un ouvrage est la bienvenue. Elle permet à l’auteur de clarifier et d’approfondir son propos. Il est cependant souhaitable qu’elle procède par argumentation, plutôt qu’en multipliant des affirmations péremptoires et inutilement agressives. Je ne répondrai donc ici qu’aux arguments.

Tout d’abord, je regrette la confusion que fait Henri Sterdyniak entre ma présentation du Plan d’Irving Fisher et des arguments avancés par celui-ci ou par ceux qui partageaient ses idées et mes propres propositions. J’explique pourtant clairement « qu’une application stricto sensu de la stratégie élaborée par Irving Fisher et ses collègues supposerait une modification majeure des circuits économiques. L’objet de cet ouvrage n’est pas d’ouvrir ce débat. Il est plutôt de se demander dans quelle mesure ces idées pourraient suggérer des pistes pour répondre à la situation actuelle de la zone euro, plus particulièrement au problème posé par le surendettement des États » (p. 19) Cette confusion est d’autant moins excusable que H.S. souligne lui-même la différence que je fais entre les deux approches un peu plus loin (« le ch. 2 met quelque peu de côté ce projet de réforme monétaire pour se concentrer sur un projet moins ambitieux »).

Après quoi, Henri Sterdyniak me reproche de ne pas expliquer « pourquoi les dettes publiques ont-elles ainsi augmenté » et même de ne « pas vraiment se poser la question ». Ce qui ne l’empêche pas d’écrire quelques lignes plus loin : « Grjebine montre bien, pages 34 et 35, que le problème est l’endettement privé, quand il finance des activités spéculatives et non l’endettement public, dont la forte croissance depuis 2007 n’a fait que compenser l’effort de désendettement du privé ». Nous sommes donc apparemment d’accord sur l’origine de l’endettement public et il est étrange de prétendre que je ne l’explique pas alors que je le fais à plusieurs reprises dans le premier chapitre. Il n’en demeure pas moins que l’endettement public a suscité les politiques d’austérité – calamiteuses – qui ont été menées ces dernières années, ce qui justifie mon titre et mon sous-titre.

Il me reproche ensuite de ne pas montrer « en quoi le besoin de monnaie obligerait au surendettement ». La création monétaire se faisant essentiellement par crédit et celui-ci ayant pour contrepartie un endettement des agents économiques, la masse monétaire augmente de pair avec cet endettement. Le passage de l’endettement au surendettement est fort bien expliqué par Hyman Minsky auquel je consacre plusieurs pages au début du premier chapitre (« Minsky ou l’inéluctabilité du surendettement »). Dès lors que la plus grande partie de la création monétaire repose sur l’endettement des ménages et des entreprises, il est inévitable que son accroissement continu, pour accompagner la croissance de l’économie, conduise progressivement au surendettement… sauf dans le cas de pays, comme l’Allemagne, où une partie de la création monétaire est la contrepartie des entrées de devises induites par leurs excédents commerciaux extérieurs. Les cycles économiques que l’on observe le plus souvent consistent en une phase de développement de la demande et de la croissance par une progression des dettes privées (entreprises et ménages).

Comme le montre Minsky, l’expansion du crédit bancaire nourrit l’expansion économique. Au fur et à mesure que l’expansion se prolonge, les institutions financières tendent à être moins regardantes en ce qui concerne les prêts qu’elles accordent. En même temps, les ménages sont tentés de consommer et d’investir davantage, en particulier dans l’immobilier. Ils s’endettent donc toujours plus, éventuellement au delà de leurs capacités de remboursement. Les entreprises, elles, cherchent à attirer ou à retenir les investisseurs en leur offrant des rémunérations de plus en plus élevées. Elles sont donc amenées à s’engager dans des opérations de plus en plus aventureuses. Après un temps, les capacités productives ou l’offre existante d’actifs financiers ne suffisent plus à satisfaire la demande. Les prix des titres et des actifs immobiliers augmentent, révélant de nouveaux centres de profit et attirant de plus en plus d’investisseurs. C’est ce que Minsky appelle « l’euphorie ». Celle-ci suscite une surestimation des rendements attendus. À cette trajectoire pour ainsi dire « traditionnelle » est venu s’ajouter, durant la dernière crise, le tassement de la demande des moins favorisés, qui a été quelque peu compensé, en particulier aux États-Unis, par les facilités de crédit qui leur ont été consenties et leur ont permis de poursuivre leurs achats, en premier lieu de biens immobiliers. Les subprimes ont été l’exemple extrême de cet état de fait.

Mais venons-en à ma principale proposition : réduire l’endettement public en faisant racheter une partie de celui-ci par la banque centrale. Henri Sterdyniak affirme que « cette proposition est fausse » et que le fait que la dette publique soit détenue par des banques commerciales ou une banque centrale « n’a aucune conséquence économique ». En réalité, comme je l’explique dans mon ouvrage, « dans un système monétaire fondé sur une banque centrale nationale (intégrée), l’endettement du Trésor n’est pas de même nature, selon qu’il est contracté auprès d’agents économiques privés, d’institutions étrangères ou de la banque centrale du pays considérer. Le non remboursement d’une partie de ses créances ne menace pas une banque centrale, émettrice de monnaie. Pour utiliser une image, l’endettement du Trésor auprès d’une banque centrale appartenant à la même administration s’apparente à un endettement de la main gauche auprès de la main droite. La monétisation des titres publics, c’est-à-dire leur rachat par la banque centrale contre une émission de monnaie, revient à accroître la monnaie en circulation et à réduire la dette publique à l’actif des agents économiques et au passif de l’État dont la banque centrale est une composante. » (p. 65) C’est pourquoi je parle d’une « monnaie sans endettement » c’est-à-dire sans endettement à l’égard des agents qui n’appartiennent pas à l’État.

Patrick Artus ne dit pas autre chose : « l’État (ou la Banque centrale liée à l’État) crée de la monnaie, rachète une dette publique détenue par les agents économiques et la détruit » ou, de manière équivalente, conserve cette dette « dans le bilan consolidé de l’agent économique (État + Banque centrale, qui n’est qu’un seul agent économique, l’État « souverain »). La solvabilité de l’État est alors améliorée puisque le niveau de dette publique est réduit. » [« Attention à bien comprendre ce qu’est vraiment la monétisation », Flash économie – Natixis, 6/1/2012].

Le problème est qu’au sein de la zone euro, la BCE peut éviter une crise de liquidité des États en procédant à des achats de titres publics sur le marché secondaire et, plus souvent, en les prenant en pension c’est-à-dire en garantie, contre l’octroi d’un prêt. Mais, ce faisant, elle n’améliore pas la solvabilité des États. Ceux-ci sont toujours débiteurs d’une banque centrale qui leur est extérieure. Ils sont donc bien davantage soumis aux pressions des marchés que ceux dont les titres sont achetés par une banque centrale appartenant à la même administration que le Trésor émetteur des titres.

Dans le même esprit, Henri Sterdyniak affirme que dire, comme je le fais, que la monétisation des dettes publiques revient à accroître la monnaie en circulation, « cela est faux ». Peut-il nier que monétiser des dettes publiques consiste pour la banque centrale à les racheter en émettant de la monnaie de base et, qu’en dehors des situations déflationnistes où les agents économiques ne sont pas demandeurs de crédits, il existe un lien entre la monnaie de base et les crédits à l’économie accordés par les banques ?

En fait, l’importance de la création monétaire suite aux achats de titres publics par la BCE dépend de ce que les investisseurs font des liquidités reçues. Ils peuvent les utiliser pour octroyer davantage de crédits aux entreprises et aux ménages. Ils peuvent également les placer dans un compte de réserves à la banque centrale ou les utiliser pour se désendetter. Ainsi, au cours de ses six premiers mois de fonctionnement du programme de Q.E., les banques du sud de l’Union Européenne, en particulier les banques italiennes, ont utilisé la monnaie obtenue en vendant leurs titres publics à la BCE pour accroître leurs crédits aux entreprises et aux ménages. (Cf. A.Grjebine, « La politique de la BCE est-elle dangereuse pour les États et les contribuables ? », La Tribune, 5/3/2015).

Ceci dit, le programme d’assouplissement quantitatif ne prévoit pas de « stérilisation » des injections de monnaie faites dans le cadre d’une telle politique (c’est-à-dire que la BCE ne détruit pas une quantité de monnaie équivalente à celle créée pour acheter les bons d’État). Ce qui est logique puisque l’objectif déclaré de ce programme est d’accroître les crédits à l’économie, de manière à porter le taux d’inflation moyen dans la zone euro aux environs de 2% en vu de favoriser une relance économique. En revanche, il est parfaitement concevable de procéder à une telle stérilisation dans le cadre d’une politique de désendettement des États membres de la zone euro.

Henri Sterdyniak s’en prend ensuite à la stratégie de désendettement que je préconise, et que, selon lui, je « n’ose pas développer clairement », ce qui ne l’empêche pas de citer trois passages où je le fais. Mais surtout, il passe sous silence le chapitre III intitulé « désendetter les États de la zone euro : les propositions ». Après avoir analysé les principales propositions pour ce faire, je décris la stratégie que je suggère (p. 115-117). Cette stratégie consisterait à ce que la BCE (ou une agence européenne créée à cet effet) rachète une partie des dettes publiques des États membres, quitte ensuite soit à les transformer en dettes perpétuelles, soit à porter à un très bas niveau, voire à zéro, les intérêts que les États devraient payer à la BCE sur ces dettes, soit enfin à décider que le remboursement de ces titres publics ne serait exigible que lorsqu’un État aurait atteint un niveau de croissance suffisant pour réduire le chômage.

Contrairement à ce qu’il affirme, les intérêts versés par l’État ne dépendent pas seulement des taux d’intérêt, mais également de la nature du détenteur des titres publics. Dans un système bancaire traditionnel, les titres que détient une banque centrale sont certes rémunérés, mais les bénéfices de celle-ci (par conséquent les intérêts qu’elle a perçus) sont reversés au Trésor public. Au sein de la zone euro, le mécanisme est quelque peu différent, la BCE répartissant ses bénéfices entre les États membres en fonction de la participation de chacun d’eux à son capital. Dans les deux cas, ces intérêts étant de toute façon partagés entre les Etats membres, leur réduction n’est donc pas préjudiciable pour la BCE. On peut en dire autant du programme d’assouplissement quantitatif. Même si l’objectif affiché de ce programme n’est pas de désendetter les États de la zone euro, il n’en demeure pas moins qu’il y procède de facto sans porter atteinte au bilan de la BCE.

Selon Henri Sterdyniak, une banque centrale ne peut pas annuler la dette parce qu’elle doit toujours « avoir un capital positif ». Même un économiste ultra-orthodoxe comme le Président de l’Institut IFO de Munich, Hans-Werner Sinn, tout en instruisant le procès des politiques d’assouplissement quantitatif, admet qu’« il est vrai qu’une banque centrale nationale peut fonctionner avec des fonds propres négatifs » (The Eurotrap, Oxford University Press, 2014, p. 265). En fait, si un débiteur important (État, entreprise ou ménage) s’avère incapable d’honorer ses dettes, une banque commerciale peut être acculée à la faillite. Elle doit, en effet, rembourser elle-même des créanciers. Or, elle n’a plus les actifs correspondants. Il n’en est pas de même pour une banque centrale. Celle-ci peut toujours rembourser parce qu’elle peut toujours créer de la monnaie.

Dans un système monétaire fondé sur la confiance, la valeur d’une monnaie reflète son rôle comme instrument d’échanges plutôt que la qualité des actifs détenus par la banque centrale. (Cf. P. de Grauwe et A.Grjebine, « N’ayons pas peur des rachats de titres publics par la BCE ! Le Monde, 22/1/2015). Le problème posé par le bilan d’une banque centrale est donc avant tout comptable. Barry Eichengreen et Beatrice Weder di Mauro (« Faut-il avoir peur du quantitative easing ? » Le Monde, 25/2/2015) rappellent que « les banques centrales chilienne, tchèque et israélienne ont fonctionné avec un capital net négatif pendant des périodes prolongées sans mettre à mal leur politique. » A contrario, les États qui ont privilégié la préservation du bilan de leur banque centrale (convertibilité or, etc.), ont bridé leur politique monétaire et généralement connu, de ce fait, de longues périodes de stagnation. La principale difficulté, en l’occurrence, vient de ce que la BCE n’est pas la banque centrale d’un État, mais des 19 États membres de la zone euro. De ce fait, les remèdes comptables que l’on peut envisager pour remédier à une perte de valeur de ses actifs risquent de se heurter à la difficulté d’obtenir l’accord de tous les gouvernements concernés. Il peut donc effectivement être préférable de désendetter progressivement les États de la zone euro sans porter atteinte au bilan de la BCE.

Enfin, selon Henri Sterdyniak, « le projet pose des problèmes institutionnels difficilement surmontables : une grande partie des investissements publics sont réalisés par les collectivités locales ; une autre concerne des infrastructures lourdes ; une autre concerne la défense. Peut-on accepter qu’ils soient arbitrés par un Trésor européen ? » Mais, je ne propose évidemment pas que celui-ci ait la haute main sur l’ensemble des dépenses publics, mais seulement sur un certain nombre d’investissements qui seraient considérés comme prioritaires par les dirigeants européens. Les investissements mentionnés par Sterdyniak continueraient donc à être financés par les États comme ils le sont aujourd’hui.

En définitive, l’argument qui me parait le plus difficile à contester est celui des réticences de l’Allemagne et des autres « États vertueux ». D’autant plus qu’il n’est guère imaginable d’instituer une véritable politique budgétaire communautaire sans soumettre celle-ci à un contrôle démocratique qui risque d’être perçu comme un dessaisissement supplémentaire des instances nationales (ce « contre-argument » supplémentaire ne se trouve pas dans la note de lecture !). Est-il inimaginable de convaincre les dirigeants européens et les peuples que la seule alternative à cette avancée sera un enlisement progressif dans une stagnation séculaire des pays de la zone euro ? Tout en critiquant – selon moi, à juste titre – les politiques d’austérité qui répondent au surendettement de certains États, Henri Sterdyniak conclut qu’ « il n’existe pas de moyen de faire baisser les dettes publiques sans larmes » et propose de « réduire l’excès d’épargne en remettant en cause la financiarisation, la montée du capital dans la valeur ajoutée et celle des inégalités de revenus ». Est-ce ce programme pour le moins vaste, sinon utopique, qu’il considère comme un moyen de « combattre l’orthodoxie monétaire et budgétaire, mais avec des armes plus solides » ?

par Henri Sterdyniak, le 12 octobre 2015

Pour citer cet article :

Henri Sterdyniak, « Comment se débarrasser de la dette publique ? », La Vie des idées , 12 octobre 2015. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Comment-se-debarrasser-de-la-dette-publique

Nota bene :

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Notes

[1Hormis sans doute en Grèce.

[2Étrangement, l’auteur n’a pas jugé utile de faire figurer dans sa bibliographie les travaux des auteurs français qui partagent ses vues : Gabriel Galand et Alain Granjean, Philippe Derudder et André-Jacques Holbecq, Gaël Giraud, Christian Gomez, Etienne Chouard.

[3Elle est présentée et discutée dans : Henri Sterdyniak (2011) : Maurice Allais, itinéraire d’un économiste français, Revue d’Economie Politique, 2011/2.

[4Ainsi, Martin Wolf : Strip private money of Their Power to Create Money, Financial Times, 20/4/2014 ou plus bizarrement encore l’étude du FMI : Jaromir Benes et Michael Kumhof (2012) : The Chicago Plan Revisited. Celle-ci prétend que le 100% monnaie permettrait d’augmenter de PIB américain de 10% et de maintenir une inflation nulle. En fait, celle-ci repose sur des hypothèses fantaisistes :le contrôle de la masse monétaire permettrait une inflation nulle  ; les crédits aux ménages et les crédits de trésorerie ne seraient plus nécessaires  ; les ménages accepteraient de détenir des montants énormes de dépôts non-rémunérés de sorte que l’État pourrait se financer à très bas coût  ; les économies de charge d’intérêt permettraient une baisse des taux d’imposition, qui dans leur modèle néo-classique, entrainerait une très forte hausse de la production. Le FMI publie cette étude, mais ne propose pas de la mettre en œuvre.

[5C’est-à-dire de baisse des dépenses privées à la suite de hausse des dépenses publiques.

[6On le voit bien depuis la crise, la forte hausse du bilan des banques centrales n’a pas augmenté la monnaie en circulation au sens de M1, M2 ou M3 puisque les banques rechignent à distribuer du crédit.

[7Voir Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak (2012), Faut-il des règles de politiques budgétaires  ?, Revue de l’OFCE, n°126.

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