Quatre-vingt-dix ans après, la Grande Guerre continue de hanter la mémoire des sociétés européennes et de nourrir les interrogations des historiens et des sciences sociales. À ceux qui craignaient que la mort du dernier poilu entraîne un oubli des sacrifices consentis par les combattants et les sociétés en guerre entre 1914 et 1918, la commémoration du quatre-vingt-dixième anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918 apporte un singulier démenti. De nombreuses parutions, des expositions, une cérémonie réunissant plusieurs chefs d’État à l’ossuaire de Douaumont, des documentaires, etc. : la profusion des formes d’expression historiques et mémorielles témoigne, s’il en était besoin, que l’intérêt pour la Grande Guerre est bien vivant.
Ce dossier, qui réunit un article de Jean-Yves Le Naour, un entretien avec Stéphane Audoin-Rouzeau et plusieurs comptes rendus d’ouvrages parus récemment, offre une présentation des grands sujets de discussion qui animent le débat historique depuis une quinzaine d’années. Mais les questions d’interprétation soulevées par la Grande Guerre n’intéressent pas seulement les historiens. À travers les interrogations sur les formes du consentement, les pratiques d’obéissance et de refus, la circulation des rumeurs ou les traces mémorielles et symboliques de l’évènement guerrier, l’historiographie de la guerre de 14-18 pose en effet des questions à l’ensemble des sciences sociales. Si la Grande Guerre s’est achevée avec l’armistice du 11 novembre 1918, son étude et son interprétation sont, quant à elles, loin d’être épuisées.