Les gated communities, ou ensembles résidentiels fermés, passent pour des ghettos où les nantis choisissent de se retirer, par peur de l’autre et désir exacerbé de sécurité. Selon Eric Charmes, un tel jugement gagnerait à être nuancé : plusieurs des critiques suscitées par les gated communities sont mal fondées
Partout dans le monde, des quartiers résidentiels se ferment aux visiteurs non autorisés [1]. Ces fermetures prennent des formes très diverses, allant des gardes armés postés à l’entrée d’une résidence huppée à la barrière du type passage à niveau restreignant la circulation automobile dans une rue pavillonnaire. Les espaces enclos sont également de tailles et de formes très diverses : du quartier comprenant plusieurs milliers d’habitants au groupement de quelques dizaines de personnes ; de l’ensemble de pavillons organisé autour d’une simple rue privée au complexe de tours de plusieurs dizaines d’étages doté de nombreux équipements et aménités. Mais, par delà cette diversité, on note partout une volonté des citadins de dresser des obstacles entre leur espace résidentiel et le monde extérieur [2].
Cette prolifération de barrières, de portails et autres dispositifs de restriction d’accès suscite, depuis les années 1990 aux États-Unis et depuis le début des années 2000 en France, une forte attention médiatique [3]. Cette attention résulte tout d’abord de ce que le phénomène prend de l’ampleur. Aux États-Unis, Edward Blakely et Mary-Gail Snyder estimaient au milieu des années 1990 que, dans les États les plus touchés, notamment à l’ouest et au sud du pays, 40 % des nouveaux programmes immobiliers étaient ceints de murs ou de barrières [4]. En 2001, dans certaines métropoles étasuniennes telles que Houston, près du quart des habitations se trouvaient d’ores et déjà dans un ensemble clos [5]. En France, les esprits ont d’abord été frappés par le succès rencontré par des promoteurs toulousains, et notamment par Monné-Decroix, qui propose des appartements dans des résidences collectives closes et sécurisées. Aujourd’hui, les barrières sont de plus en plus fréquentes autour des nouveaux ensembles immobiliers.
Ce phénomène émergent éveille un fort intérêt car il rend particulièrement visibles des évolutions sociales inquiétantes. Ces ensembles résidentiels fermés, connus dans le monde anglo-saxon sous l’appellation gated communities, se trouvent ainsi accusés de nombreux maux [6]. Ils apparaissent alternativement : comme une source d’approfondissement de la ségrégation spatiale, avec la constitution de ghettos de riches ; comme l’expression de la peur de l’autre et du sentiment d’insécurité ; comme la manifestation d’une privatisation rampante des villes ; ou encore comme une preuve de la crise du lien social et des espaces publics urbains. Ces critiques sont souvent entremêlées, dans la mesure où par exemple le sentiment d’insécurité pèse sur le lien social ou sur la volonté des plus aisés de se mettre à l’écart. On peut toutefois les distinguer analytiquement. Nous proposons donc dans cet article de les aborder tour à tour et d’étudier leur pertinence.
Des ghettos de riches ?
Les ensembles résidentiels fermés qui suscitent le plus d’attention médiatique sont évidemment les plus huppés d’entre eux. En France, le domaine de Terre blanche, non loin de Cannes, avec ses luxueuses maisons et son entrée imposante a particulièrement frappé les esprits [7]. Cet enfermement volontaire [8] est souvent présenté de manière ironique en mobilisant l’image du « ghetto de riches » et ceci, non seulement dans les médias, mais aussi chez les universitaires. Un ouvrage publié en 2009, dirigé par Thierry Paquot et qui est une référence importante de la littérature scientifique francophone sur les gated communities, porte comme titre : « Ghettos de riches » [9]. Cette image appelle néanmoins deux réserves importantes.
La première réserve porte sur la mobilisation de la figure du ghetto. Il suffit d’entrer dans une gated community pour avoir des doutes sur la pertinence de cette figure. En règle générale en effet, une gated community n’est rien d’autre qu’un ensemble résidentiel. Il ne s’y passe rien et, en journée, dans les plus aisées d’entre elles, l’animation est principalement le fait du personnel domestique. Pour leurs habitants, les gated communities sont généralement des quartiers dortoirs. L’essentiel de la vie quotidienne se déroule ailleurs, que ce soit pour le travail, les loisirs, les études ou les achats. Mieux, c’est précisément parce que les citadins passent l’essentiel de leur temps ailleurs que dans leur quartier et parce qu’ils ne font pas, ou plus, communauté avec leurs voisins, que les gated communities connaissent un tel succès. Autrefois, dans les quartiers vivants, où les liens locaux étaient nombreux et forts, il existait ce que Jane Jacobs a appelé les « yeux de la rue » [10], et chacun, commerçant, passant, riverain, participait à une surveillance collective. Dans un tel contexte, les habitants ressentaient peu le besoin de recourir à des dispositifs techniques ou à du personnel spécialisé pour contrôler les comportements. Mais, dans les espaces résidentiels contemporains, où la norme est de ne pas se mêler des affaires des autres et où le voisin est rarement un ami, un collègue ou un parent, les habitants ne souhaitent pas s’impliquer dans le contrôle des espaces collectifs et préfèrent déléguer cette tâche à des prestataires extérieurs ou à des dispositifs techniques. De ce point de vue, on doit comprendre le développement des gated communities non pas comme l’affirmation d’un repli communautaire, mais exactement comme le contraire, c’est-à-dire comme la conséquence de l’affaiblissement des liens communautaires locaux, ce que Philippe Robert appelle l’érosion de la « socialité vicinale » [11] (érosion qui résulte principalement de l’importance des mobilités résidentielles et quotidiennes). C’est dire à quel point la mobilisation de la figure du ghetto peut entraîner des contresens. L’usage du terme ghetto ne peut résister à cette critique que pour certaines gated communities peuplées par des retraités. Dans ce cas effectivement, les occupants tendent à vivre entre eux, à l’intérieur d’un espace clos de murs. Mais cela reste une condition insuffisante pour qualifier les gated communities de ghettos, même en s’autorisant l’ironie du paradoxe et en prenant des libertés avec le sens commun.
La seconde réserve porte sur l’association entre gated communities et richesse. Certes, les barrières les plus visibles et les plus étanches sont celles qui entourent les résidences des riches. Mais cette association entre richesse et fermeture se révèle très discutable si on élargit le regard et si on recense l’ensemble des situations où des habitations sont entourées d’espaces qui sont à la fois : sous un régime de gestion privée ; entourés de barrières ou de clôtures les isolant de leur environnement ; et à accès restreint (ce qui sont les trois critères généralement retenus dans la littérature scientifique pour définir les gated communities [12]). Prenons le cas des États-Unis, pays qui fait référence dans la littérature. Ce pays est aussi l’un des rares où une enquête statistique sérieuse a été menée à l’échelle nationale pour mesurer l’ampleur du phénomène [13]. Cette enquête a montré que les pauvres sont légèrement plus concernés que les riches. La chose n’est guère surprenante. Les ensembles de logements sociaux, notamment ceux construits selon les principes de l’urbanisme moderne, sont particulièrement touchés par les opérations de clôture et de sécurisation des espaces collectifs. Dans de nombreux pays, ces ensembles sont restructurés au travers d’initiatives qualifiées de résidentialisation [14]. Cette dernière prend des formes diverses et s’effectue suivant des modalités variables, mais dans la plupart des cas, elle comporte la division des espaces libres, d’une part en parcelles privées chacune associée à un immeuble particulier, d’autre part en espaces publics se rapprochant du modèle de la rue traditionnelle. Et ce redécoupage de l’espace s’effectue fréquemment par la pose de barrières délimitant les parcelles privées et par l’installation de dispositifs de contrôle filtrant les accès à ces parcelles. Il s’agit en quelque sorte de transformer chaque immeuble en résidence privée. L’objectif est à la fois de mieux contrôler les circulations (notamment de canaliser les déplacements des potentiels fauteurs de trouble), de permettre aux habitants de mieux s’approprier les espaces qui entourent leur immeuble et de faciliter la gestion des espaces libres (aux bailleurs les parcelles privatisées et à la municipalité les espaces publics transformés en rue).
En Afrique ou en Amérique latine, les quartiers populaires ou pauvres sont également très concernés par les fermetures de rues et d’espaces collectifs [15]. Evidemment, les barrières qui sont érigées dans ces quartiers n’ont pas le même aspect que celles qui sont érigées dans les quartiers chics. Dans les pays africains, les différences sont particulièrement criantes. Là où, dans un quartier aisé, on trouve un garde qui contrôle 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 les entrées et sorties, dans un quartier pauvre, on trouve une barrière que les entrants et les sortants doivent manœuvrer eux-mêmes et qui la plupart du temps reste ouverte. Là où, dans un quartier chic, des véhicules de sociétés privées patrouillent en permanence et disposent de moyens importants d’intervention (y compris dans certains pays le droit de tirer), dans les quartiers populaires, les habitants doivent se débrouiller eux-mêmes. Ces différences conduisent à des inégalités importantes face à la sécurité des biens et des personnes. Elles révèlent l’abandon par les États du monopole de la violence légitime (du moins à l’échelle des quartiers résidentiels) et l’incapacité de ces États d’assurer eux-mêmes la sécurité de leurs administrés. Ces différences expliquent également, et justifient pour partie, l’attention portée à l’enfermement des riches. Il n’empêche, l’enfermement résidentiel n’est pas leur apanage. Les gated communities les plus exclusives montrent avant toute chose des inégalités, non un enfermement ou un repli sur l’entre-soi qui serait propre aux riches.
Le cas de la France permet d’apporter une contradiction supplémentaire au discours convenu sur les ghettos de riches. L’exemple le plus souvent mobilisé dans les médias et dans la littérature scientifique française est celui des résidences réalisées par le promoteur toulousain Monné-Decroix [16]. Ce promoteur a atteint une envergure nationale en vendant des appartements dans des résidences entièrement closes avec piscine et espaces verts, disposant d’un gardien et dotées d’un système de vidéo-surveillance interne (avec possibilité pour les habitants de visionner les images sur leur télévision). Mais, loin des forteresses de riches dépeintes par certains [17], les résidences Monné-Decroix qui ont attiré l’attention étaient le plus souvent occupées par des jeunes couples locataires, aux revenus moyens, attirés là par ce qu’ils percevaient comme un loyer modéré pour le cadre de vie proposé. En réalité, le promoteur doit ses premiers succès à la vente de logements à des investisseurs, dans le cadre de dispositifs de défiscalisation. Mieux, la possibilité de défiscaliser étant conditionnée par le respect d’un plafond pour les loyers, Monné-Decroix a cherché à maximiser la rentabilité des placements qu’il proposait en localisant ses résidences dans des zones relativement délaissées, où le foncier était peu coûteux. En mettant l’accent sur l’aspect supposément attractif de la sécurité, le promoteur a d’abord cherché à rassurer des investisseurs. Il leur permettait ainsi d’espérer que, malgré la faible cote du quartier, il leur serait facile de trouver des locataires solvables.
Une escalade sécuritaire ?
« L’aspect supposément attractif de la sécurité », venons-nous d’écrire. En ajoutant cet adverbe, nous ne souhaitons pas entrer dans le débat sur la réalité de l’insécurité ou sur le rôle de la peur des vols et des agressions dans les choix politiques et les comportements individuels. Il s’agit plus modestement d’interroger le poids des préoccupations sécuritaires dans le développement des gated communities. De nombreux observateurs considèrent que ces préoccupations sont un facteur clé. Citons, parmi de nombreux autres, un article publié dans Le Monde diplomatique en 2002 commentant le développement des résidences Monné-Decroix : « À Toulouse, la peur de l’autre et un sentiment d’insécurité porté à son paroxysme ont créé les conditions d’une escalade sécuritaire qui s’est traduite par la prolifération des résidences “sécurisées” » [18]. La crainte des vols et des agressions a sans aucun doute contribué au développement des gated communities. En tout cas, ce développement coïncide avec l’augmentation rapide du nombre de délits enregistrés [19]. Et dans certains pays, notamment en Afrique ou en Amérique latine, les taux de criminalité et les risques sont tels qu’il serait déraisonnable pour quiconque en a les moyens de ne pas chercher à se protéger (il ne s’agit évidemment pas ici de justifier l’ordre social et en particulier les inégalités qui sont à l’origine de cette violence, mais seulement de noter que le risque de subir une agression violente ou un vol est élevé).
Au demeurant, la recherche de la sécurité physique et matérielle n’est pas une explication suffisante du phénomène. Dans leur enquête de référence réalisée au cours des années 1990 sur les gated communities aux États-Unis, Edward Blakely et Mary Gail Snyder en avaient identifié trois grands types : les gated communities sécuritaires bien sûr ; les gated communities de prestige (un lourd portail à l’entrée d’une résidence permet de signifier son opulence aux visiteurs et aux passants), et les clubs à accès réservé (sur le modèle du club de loisir, dont les resorts et les villages de vacances sont de bons exemples). Parmi ces trois types, les gated communities sécuritaires étaient loin de dominer le paysage. À l’époque de l’enquête, le type du club était par exemple le plus commun dans la sunbelt du sud des États-Unis [20]. Et les promoteurs le savent, associant volontiers les clôtures qu’ils proposent à l’image de l’exclusivité plutôt qu’à celle de la sécurité (et ils le font d’autant plus que la sécurité renvoie à des sentiments négatifs [21]).
Ainsi, en Europe ou en Amérique du Nord, les gated communities sont rarement des forteresses ceintes de hauts murs. Seules les résidences des plus aisés sont hautement sécurisés (telles que la villa Montmorency à Paris où résident des vedettes des médias et des grands patrons). Aux États-Unis par exemple, il est souvent possible de s’infiltrer dans une gated community en passant derrière un véhicule qui entre. Et, dans bien des cas, les barrières ne filtrent que les flux automobiles. Les piétons continuent d’accéder librement. En outre, les dispositifs de sécurité sont rarement renforcés par une présence humaine, avec par exemple des gardes. Et pour des cambrioleurs déterminés, l’accès reste relativement aisé, ne serait-ce que parce que les règlements de sécurité imposent souvent de préserver une possibilité d’accès pour les services d’urgence. Les habitants le savent d’ailleurs et ne se font guère d’illusions sur la sécurité apportée par les portails et les clôtures. Des enquêtes ont ainsi montré [22] que les locataires des résidences Monné-Decroix portent un regard très mitigé sur les dispositifs de sécurité dont ils sont supposés bénéficier.
La conclusion est similaire quand on étudie non plus la production nouvelle des promoteurs, mais les fermetures d’espaces collectifs auparavant ouverts dans les quartiers résidentiels (c’est-à-dire les barrières et autres dispositifs de contrôle d’accès qui apparaissent à l’entrée de rues pavillonnaires et autour d’immeubles). Le sentiment d’insécurité n’est qu’un adjuvant dans le processus qui conduit à une fermeture. La première préoccupation des habitants est la régulation des comportements dans leur voisinage, plutôt que l’insécurité stricto sensu (au sens de peur du cambriolage, du vol de voiture ou de l’agression). Les deux sources de troubles les plus fréquemment mentionnées sont, d’une part les automobiles, d’autre part les adolescents et les jeunes adultes [23].
Les rues pavillonnaires sont en règle générale à l’écart des flux circulatoires, mais il suffit de quelques chauffards pour que les riverains se plaignent, notamment pour leurs enfants. Dans les rues pavillonnaires qui ne sont pas des culs-de-sac, il arrive donc que des riverains se mobilisent pour bloquer l’un des points d’accès à leur rue et éliminer tout passage d’« extérieurs ». Ils peuvent alors poser une petite barrière automatique ou des plots, interdisant ainsi le passage des voitures, mais pas systématiquement celui des piétons, ni même l’entrée des voitures par l’accès laissé libre, preuve que la sécurité est bien un souci secondaire. Des restrictions plus fortes peuvent être mises en place, avec par exemple un portail, mais là encore la sécurité n’est pas toujours une priorité : il peut s’agir de réguler le stationnement, notamment lorsque se trouvent à proximité un équipement sportif, un commerce ou une école qui attirent des automobilistes en quête d’espace pour se garer.
Les adolescents sont aussi un souci majeur. Dans les quartiers résidentiels, des groupes se forment le soir pour discuter ou pour jouer au football par exemple. Les éclats de voix gênent les voisins, qui se plaignent de ne plus pouvoir dormir fenêtres ouvertes, notamment l’été. D’autres habitants se lamentent devant les canettes de bière et les cartons à pizza vides qui traînent le lendemain. Le sentiment d’insécurité renforce chez beaucoup de personnes l’impression négative ainsi laissée. Des comportements illicites sont en effet facilement attribués à ces jeunes, notamment le trafic de drogue. La réaction la plus courante est de solliciter l’intervention des forces de l’ordre. Mais ces dernières ont des tâches qui leur paraissent plus urgentes et n’interviennent pas volontiers face à des comportements qui, de toute façon, sont difficiles à sanctionner et à contrôler. Des riverains peuvent alors décider d’imposer des restrictions physiques à l’usage des espaces collectifs. Cela peut se traduire par la pose de barrières.
Bien sûr de tels comportements expriment des pathologies du lien social [24], notamment dans les relations entre les adultes et les jeunes, mais il serait réducteur de les analyser principalement comme les conséquences d’un sentiment d’insécurité qui conduirait à systématiquement voir dans autrui un danger ou une menace. Le sentiment d’insécurité existe et tend les relations sociales, mais il est, pour ce qui concerne les fermetures des espaces résidentiels, un catalyseur plus qu’un moteur. La protection contre les atteintes aux biens et aux personnes n’est pas la principale motivation des citadins, ceux-ci sont plutôt mobilisés par des troubles qui suscitent leur agacement ou leur énervement, qu’il s’agisse de jeunes qui font du bruit, ou d’automobilistes qui passent un peu vite ou stationnent sans respecter le panneau « voie privée, stationnement réservé aux riverains ». Autrement dit, et ceci vaut pour de nombreux pays, les fermetures de rues privées visent moins la sécurisation (au sens de limitation des possibilités d’agression ou de vol) que la régulation des usages et des comportements (au sens de mise en application d’un règlement interne). Cette observation renvoie à ce qui a été dit plus haut sur le lien entre le développement des gated communities et le fait que les quartiers ne font plus communauté et que, par conséquent, leurs habitants ne sont plus en mesure d’en assurer eux-mêmes le contrôle. Autant, voire plus que la montée d’une peur de l’autre ou d’un sentiment d’insécurité, les gated communities traduisent l’éclatement spatial des lieux de la vie quotidienne et le fait que le quartier n’est plus que rarement le principal lieu de vie des citadins.
Une privatisation du domaine public ?
L’association entre le développement des ensembles résidentiels fermés et la privatisation s’impose comme une évidence [25]. Dans la définition donnée plus haut, le caractère privé des espaces collectifs est même constitutif de la gated community. À l’entrée des ensembles fermés, on trouve souvent un panneau portant une mention du type « propriété privée » ou « résidence privée ». La relation entre le public et le privé que manifestent les gated communities est toutefois beaucoup plus complexe qu’une simple extension du domaine privé réduisant le domaine public à la portion congrue. Et dévoiler cette complexité est nécessaire pour saisir les véritables enjeux des gated communities, et mesurer à quel point, du point de vue de l’intérêt public, ces dernières sont des instruments ambivalents [26].
Dans de nombreuses villes, les demandes de rétrocession de rues, c’est-à-dire de classement de rues privées dans le domaine public sont fréquentes. Nous n’avons pas connaissance d’études détaillées à ce sujet, mais la demande de publicisation pourrait bien être plus forte que la demande de privatisation. C’est très certainement le cas dans de nombreuses banlieues pavillonnaires anciennes. En effet, pour limiter leur impact sur les finances publiques, les ensembles pavillonnaires sont fréquemment aménagés avec des fonds privés, ce qui signifie notamment que les voies et les réseaux qui desservent les maisons individuelles sont construits par un lotisseur ou par un aménageur privés et sont payés par les ménages acquéreurs. Parfois ces voies sont immédiatement rétrocédées à la collectivité locale, mais souvent elles demeurent propriétés privées. Les habitants s’en accommodent fort bien jusqu’à ce que se profile la perspective d’une réfection du revêtement de la chaussée ou des réseaux d’assainissement. De tels travaux sont fort onéreux et un élément vient à l’esprit des habitants : « en général, ce sont les municipalités qui entretiennent les rues et les réseaux ». Mais c’est à la condition que ces rues appartiennent au domaine public. Un projet de rétrocession peut alors s’élaborer. Certaines municipalités réagissent favorablement à un tel projet, mais pas toujours. Elles sont particulièrement réticentes lorsque la voie est une impasse (et qu’elle n’a donc d’intérêt que pour ses riverains) et qu’elle est en mauvais état (et que les dépenses risquent donc d’être importantes pour la collectivité). Ce faisant, de nombreuses demandes de classement de rue dans le domaine public sont rejetées. Ce qui est relativement compréhensible si on considère que les rues en question sont les équivalents fonctionnels des halls d’entrée, des cages d’escalier et des parkings des immeubles d’habitation collective et que rares sont ceux qui songent à faire entrer de tels espaces dans le domaine public. Le problème est que, lorsque les riverains prennent connaissance de ce refus, ils ont tendance, par réaction, à réaffirmer le caractère privé de leur rue, notamment en en restreignant l’accès, pour éviter que des « extérieurs » ne la dégradent [27].
La contribution des pouvoirs publics au développement des gated communities peut aller plus loin. Dans certains pays, notamment aux États-Unis, les ensembles résidentiels privés, de plus en plus souvent clos, sont promus dans une perspective de réduction des dépenses des collectivités territoriales. Les ensembles pavillonnaires privés fournissent en effet à leurs habitants tout un ensemble de services usuellement fournis par les collectivités publiques, tels que l’entretien des rues, la collecte des ordures jusque devant les portes et la sécurité, du moins à l’échelle locale. En systématisant ainsi le recours aux gated communities, certaines municipalités étasuniennes parviennent à réduire leur personnel à quelques dizaines de personnes, alors même qu’elles comportent plusieurs centaines de milliers d’habitants [28].
Les ensembles résidentiels fermés ne prolifèrent pas seulement dans un contexte de retrait de la puissance publique. Au Caire par exemple, la plus forte concentration de gated communities se trouve dans la ville nouvelle de Six-Octobre [29]. De même, à Rio de Janeiro, la plus forte concentration de gated communities se trouve à Barra da Tijuca, dans un secteur entièrement planifié par la puissance publique dans les années 1960 et aménagé dans les décennies qui ont suivi. Autour de Shanghai, la planification de quartiers nouveaux s’accompagne quasi systématiquement de la création d’énormes gated communities, rassemblant plusieurs milliers d’habitants. On peut notamment le constater dans la partie résidentielle du district de Pudong ou dans des villes nouvelles satellites telles que Songjiang. Les exemples de ce type pourraient être multipliés. Ils montrent que les gated communities ne sont pas nécessairement l’expression d’un retrait des pouvoirs publics. Dans les cas qui viennent d’être mentionnés, c’est précisément là où les pouvoirs publics manifestent le plus clairement leur puissance, leur capacité à organiser l’espace urbain, que les gated communities sont les plus grandes et les plus nombreuses. Elles sont en effet considérées comme des outils de saine gestion urbaine, délestant les budgets publics de la charge de certains équipements et services collectifs locaux.
De ce point de vue, les gated communities peuvent être considérées comme une incarnation particulièrement aboutie des partenariats public/privé et du régime de gouvernement néolibéral qui les fonde, avec l’association d’un recours maximal au marché et aux acteurs privés et d’une intervention publique forte ; association qui, selon les points de vue, peut être interprétée comme un moyen de mettre la puissance financière et opérationnelle du marché au service des intérêts collectifs (ce qui est la perspective orthodoxe) ou comme un moyen de mettre les outils d’action de la puissance publique à disposition du marché et des intérêts privés (ce qui est la perspective critique) [30].
Ce que l’on appelle les fermetures de rue permet d’illustrer un autre aspect des relations entre le développement des gated communities et l’intérêt public. Toutes les rues fermées ne sont pas privées. Dans différents pays, notamment en Amérique latine et en Afrique noire, des rues qui appartiennent au domaine public sont à accès restreint ou contrôlé. En réalité, l’accès reste formellement libre, mais dans les faits il est dissuadé, par exemple par la présence d’un gardien qui demande au passant de décliner son identité avant de lever une barrière et de le laisser entrer. Le cas est fréquent dans une ville comme Johannesburg. Dans cette dernière, cette privatisation de fait du domaine public est illégale, mais elle est tolérée. Elle l’est notamment pour des raisons fiscales. Si, officiellement, les responsables des administrations municipales critiquent les fermetures de rue publiques, officieusement, ils les considèrent comme un mal nécessaire. En effet, sans ces fermetures de rue, il est probable que les riverains déménageraient hors des limites de la municipalité. Ce faisant, la municipalité perdrait une partie de sa base fiscale et donc de sa capacité à agir, notamment en faveur des plus démunis.
C’est avec un raisonnement de ce type qu’Oscar Newman (connu comme un des pères fondateurs des idées qui guident aujourd’hui les opérations de résidentialisation) s’est fait l’avocat des fermetures de rues (et de leur privatisation) dans le centre des villes américaines [31]. Il y voyait un moyen de retenir les ménages les plus aisés et de limiter le fameux white flight vers les périphéries. Il avait en effet observé que, dans les rues privées et fermées, les ménages avaient une moindre propension à déménager pour les périphéries pavillonnaires. Ces fermetures étaient certes regrettables mais, pour Oscar Newman, elles étaient un moindre mal face à la spirale de dégradation des finances des municipalités centrales qu’entraînaient les départs des ménages de couche moyenne vers les municipalités des périphéries. Ces départs asséchaient les ressources fiscales de ces municipalités centrales alors même que, comportant une proportion plus importante de pauvres, leurs besoins augmentaient. Dans ces circonstances, les privatisations et fermetures de rues pouvaient donc servir l’intérêt de la collectivité (même si, comme on le verra plus bas, ce bénéfice n’est pas évident sur le long terme).
Bref, les relations exprimées par les ensembles résidentiels fermés entre les intérêts publics et privés sont complexes. Cette complexité provient pour partie de l’ambiguïté du statut de beaucoup des espaces qui entourent les lieux d’habitation, dans la mesure où ces espaces ne sont pas privés au sens où l’est un logement, ni publics au sens où l’est une rue passante et animée. Dans cet entre-deux, il est difficile de prendre position a priori sur le caractère juste ou non de la gestion privée des espaces résidentiels.
Une mise en cause du lien social et de la solidarité ?
Les gated communities inquiètent également parce qu’elles mettraient en cause le lien social [32]. De la gated community à la sécession il n’y aurait qu’un pas. Dans cette perspective, les ménages des couches aisées, et de plus en plus, ceux des couches moyennes seraient dans une dynamique de désolidarisation à l’égard des ménages populaires. En s’installant dans des gated communities, ces ménages manifesteraient de manière particulièrement vive leur volonté de mettre les autres à l’écart, et plus particulièrement les plus démunis qu’eux. Il ne s’agit que d’une mise à l’écart physique, mais celle-ci porte les germes d’une mise à l’écart politique. Les débats autour de la double taxation aux États-Unis l’illustrent [33]. Certains habitants d’ensembles résidentiels privés (qui ne sont pas tous fermés) se mobilisent pour exiger de leur municipalité qu’elles réduisent leurs impôts lorsque ceux-ci sont utilisés pour financer des services ou des équipements qu’ils financent déjà via leur copropriété. Ces habitants disent : « nous avons notre propre service d’entretien pour nos rues et nous ne voulons pas contribuer au financement de l’entretien des rues résidentielles publiques ». Le choix de satisfaire leurs besoins sur le marché les incite donc à voter contre les interventions publiques. Cela montre comment, à rebours du raisonnement d’Oscar Newman, la privatisation peut entamer la solidarité. De ce point de vue, si les riches sont aussi nombreux à habiter dans des ensembles résidentiels fermés que les pauvres, cela n’a pas la même signification pour les premiers que pour les seconds. Les conséquences du désengagement de la puissance publique ne sont pas équivalentes : les ménages modestes n’ont pas les moyens dont disposent les ménages aisés pour satisfaire leurs besoins.
Mais il y a plus, certains travaux suggèrent que les enfants qui vivent dans des gated communities développent une culture politique moins ouverte, plus suspicieuse à l’égard d’autrui lorsqu’il est différent, et notamment lorsqu’il est plus pauvre. Ce point de vue a notamment été développé par une anthropologue américaine influente : Setha Low [34]. Résider dans une gated community non seulement conduirait à vivre dans une bulle à l’écart du monde extérieur, mais aussi favoriserait un rapport de crainte et de malaise avec ce monde extérieur. En d’autres termes, regarder le monde derrière des barrières ne serait pas neutre.
Ces craintes et ces inquiétudes ne sauraient être négligées et les éléments à charge du dossier sont lourds. Il faut cependant prendre en considération quelques points qui relativisent la portée politique des discours critiques concernant l’impact des gated communities sur le lien social. Il faut notamment prendre en considération l’échelle. Dans la littérature, les ensembles résidentiels fermés sont régulièrement présentés comme des villes privées. Si certains de ces ensembles, notamment aux États-Unis, atteignent une superficie et une population comparable à une petite ville, avec plusieurs milliers d’habitants, de tels cas restent exceptionnels et surtout, sont souvent anciens et n’incarnent pas la tendance dominante [35]. Aux États-Unis, dans l’enquête de référence d’Edward Blakely et Mary-Gail Snyder, les gated communities comprenaient en moyenne 150 habitations [36]. En Angleterre, deux tiers des gated communities comptent moins de 50 logements et très peu dépassent les 150 habitations [37]. La France semble être dans une situation similaire : les ensembles immobiliers fermés mis sur le marché au début des années 2000 avaient une taille moyenne de 38 logements [38]. Cette échelle rend les gated communities comparables à des pâtés de maisons à plat, avec leurs cours intérieures, leurs halls d’entrée, leurs cages d’escalier, leurs ascenseurs et éventuellement leurs parkings. A cette échelle, les inégalités entre ceux qui habitent une gated community et les autres sont généralement de peu d’importance, sauf comme on l’a dit dans les pays où la protection face aux agressions et aux vols n’est pas ou peu assurée. Souvent, d’autres barrières, certes moins visibles, sont beaucoup plus importantes. On pense notamment aux limites tracées entre les bons et les mauvais établissements par la carte scolaire ou entre les quartiers chics et les quartiers pauvres par le marché immobilier.
Par ailleurs, à l’échelle limitée qui est celle de la plupart des gated communities, les restrictions d’accès n’ont rien de nouveau. Dans les centres des grandes villes, l’accès au cœur des pâtés de maison est quasi systématiquement réservé aux habitants. Et l’accès aux immeubles est également contrôlé par des digicodes, des interphones et de plus en plus par des vidéophones. Ce phénomène est ancien et n’a jusqu’ici suscité que peu de débats. Il est vrai que, dans les centres des villes, la relation à l’espace public des immeubles n’est pas la même que pour les gated communities, qu’il s’agisse des condominios fechados de Sao Paulo ou des ensembles pavillonnaires de Los Angeles. Dans le premier cas, l’habitant sort souvent de son immeuble à pied pour s’intégrer dans un flux de passants nombreux et d’origines variées. Dans le second cas, l’habitant sort souvent de son ensemble résidentiel en voiture pour s’intégrer dans un flux d’automobiles en interagissant moins directement avec le reste de la société. Divers auteurs complètent d’ailleurs leur tableau critique des gated communities de la manière suivante [39] : « une fois quittée sa résidence sécurisée, l’habitant traverse les quartiers pauvres protégé par les verres fumés de son SUV et par les glissières de sécurité de l’autoroute ; il ne sort de sa voiture qu’une fois garé dans un parking vidéo-surveillé d’un parc d’affaires ou d’un centre commercial ». Ce tableau est certes loin de correspondre à l’expérience vécue par l’ensemble des habitants des gated communities, mais sa plausibilité suggère que le problème n’est pas seulement la gated community en tant que telle, mais la gated community comme élément d’un système urbain qui évolue de manière inquiétante. Ce ne serait alors pas seulement la fermeture des quartiers résidentiels qui poserait problème, mais une forme d’enclosure globale des espaces fréquentés quotidiennement par les couches aisées et moyennes, enclosure qui mettraient systématiquement ces catégories sociales à l’écart des pauvres. Ces observations entraînent toutefois dans un débat qui déborde le cas des gated communities et qui renvoie à la question de l’effet des expériences quotidiennes des citadins sur le lien social, effet souvent supposé mais rarement prouvé [40].
Conclusion
Au total, si on les considère pour elles-mêmes, c’est-à-dire indépendamment des transformations des systèmes urbains dans lesquels elles prennent place, les gated communities suscitent des critiques qui s’avèrent souvent très générales, idéologiques et mal fondées empiriquement. Tout dépend bien sûr du contexte et dans ce domaine, Johannesburg ne vaut pas Londres, ni Los Angeles ou Shanghai. Tout dépend également des cas : les ensembles fermés rassemblant plusieurs milliers de logements ont peu en commun avec une résidence de quelques dizaines d’appartements. Ceci étant, beaucoup de critiques, telles que celles qui assimilent les ensembles résidentiels fermés à des ghettos de riches, sont peu fondées. Les critiques apparaissent surtout justifiées si on considère la situation en termes symboliques. Les gated communities concentrent quatre critiques majeures des villes contemporaines : la ségrégation socio-spatiale, la crise de l’espace public, l’escalade sécuritaire et l’extension du secteur privé dans la production et la gestion des villes. Les inquiétudes que les gated communities permettent ainsi d’exprimer renvoient à des problèmes réels et porteurs d’enjeux politiques importants. Au demeurant, ces problèmes ne se résoudront pas tous en faisant tomber les murs et les barrières.
Il faut y insister : la force symbolique et expressive des barrières et des murs tend à occulter les processus et les transformations moins immédiatement visibles dans lesquels le développement des espaces résidentiels fermés s’inscrit [41]. Les symboles sont certes importants et la propension des citadins à tolérer voire à promouvoir l’affichage de tels symboles doit interroger. Mais, ce qui précède le montre, les gated communities ne sont généralement que des symptômes de phénomènes plus larges et plus préoccupants qu’il convient de ne pas laisser dans l’ombre et de garder à l’esprit. Reprenons la question de la ségrégation socio-spatiale. Dans son étude sur le phénomène à Los Angeles, Renaud Le Goix a clairement montré que les gated communities n’augmentent pas significativement la ségrégation par elles-mêmes et qu’elles ne sont que la surface émergée de processus qui se jouent à des échelles plus larges, notamment à celle des municipalités [42]. En France aussi, la ségrégation sociale s’organise avant tout à l’échelle des quartiers, des municipalités ou des secteurs dessinés par la carte scolaire. Les limites des uns et des autres sont certes moins visibles et peuvent difficilement être montrées dans un reportage, elles n’en sont pas moins beaucoup plus déterminantes que les portails et les murs qui ceignent des ensembles résidentiels de quelques dizaines de logements [43].
Éric Charmes, « Les Gated Communities : des ghettos de riches ? »,
La Vie des idées
, 29 mars 2011.
ISSN : 2105-3030.
URL : https://laviedesidees.fr/Les-Gated-Communities-des-ghettos
Nota bene :
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[1] L’auteur remercie la rédaction de La Vie des idées, Sébastien Gandon et Bilel Benbouzid pour leurs commentaires sur une première version de ce texte.
[2] Pour un panorama, voir : G. Glasze, C. Webster & K. Frantz (eds.), Private Cities : Global and Local Perspectives, London, Routledge, 2005. En français, voir : T. Paquot, (dir.), Ghettos de riches. Tour du monde des enclaves résidentielles sécurisées, Paris, Perrin, 2009.
[3] Pour le cas de la France et parmi les premiers articles, voir : J.P. Besset & P. Kremer, « Le nouvel attrait pour les résidences ’sécurisées’ », Le Monde, 15 mai 1999. Pour une analyse détaillée des articles parus dans la presse, voir G. Billard, J. Chevalier, F. Madoré & F. Vuaillat, Quartiers sécurisés. Un nouveau défi pour la ville ? Paris, Les Carnets de l’info, 2011, p. 163sq.
[4] E.J. Blakely & M.G. Snyder, Fortress America. Gated Communities in the United-States, Brookings Institution Press & Lincoln Institute of Land Policy, 1997.
[5] T. Sanchez, R. Lang & D. Dhavale, Security versus Status ? A First Look at the Census’s Gated Community Data, Alexandria, Metropolitan Institute, Virginia Tech, 2003.
[6] G. Capron, « Les Ensembles résidentiels fermés dans les Amériques. Une lecture critique de la littérature », L’Espace géographique, n° 2, 2004, p. 97-113.
[7] Voir un reportage diffusé en 2001 et en 2002 par le magazine Capital de M6 et intitulé « Ghetto de riches ».
[8] S. Degoutin, Prisonniers volontaires du rêve américain, Paris, Editions de la Villette, 2006.
[9] T. Paquot, (dir.), op. cit., 2009. Dans l’introduction, Thierry Paquot prend quelques précautions avec l’usage de la figure du « Ghetto de riches ».
[10] J. Jacobs, Death and Life of Great American Cities, Random House, New York, 1961.
[11] P. Robert, « Les territoires du contrôle social, quels changements ? », Déviance et société, vol. 24, n° 3, 2000, p. 215-23.
[12] Pour plus de précisions, voir notamment G. Billard, J. Chevalier, F. Madoré & F. Vuaillat, op. cit., 2011, p. 11-12.
[13] Le US Department of Housing and Urban Development (HUD) a inclus pour la première fois des questions sur le sujet lors de la session 2001 du recensement. Les ménages ont été interrogés sur la présence autour de leur domicile d’espaces collectifs entourés de barrières ou de murs et à accès restreint. Pour une présentation des résultats voir : T. Sanchez, R. Lang & D. Dhavale, op. cit., 2003.
[14] Voir C. Lelévrier & B. Guigou : « Les Incertitudes de la résidentialisation. Transformation des espaces et régulation des usages », in B. Haumont & A. Morel (dir.), La Société des voisins, Editions de la MSH, Paris, 2005, p. 51-68.
[15] Voir par exemple C. Bénit-Gbaffou, S. Owuor & S. Fabiyi, « Le Territoire contre le réseau ? Fermetures de rue et nouvelles formes de gouvernance urbaine à Johannesburg, Ibadan et Nairobi », Flux, n° 67, janvier-mars 2007, p. 19-38.
[16] Voir les travaux de François Madoré & Fanny Vuaillat : « Les logiques sécuritaires dans le discours des promoteurs et des résidants des ensembles résidentiels fermés : l’exemple de Nantes », Norois, 212, 2009, p. 9-22. Voir aussi N. Golovtchenko & F. Souchet, « Des gated communities à la française ? Les résidences fermées toulousaines », in B. Haumont & A. Morel (dir.), op. cit., Éditions de la MSH, 2005, p. 145-167.
[17] H. Belmessous, « Voyage à travers les forteresses de riches », Le Monde diplomatique, novembre 2002.
[19] Sur l’augmentation de la criminalité, voir D. Garland, « Adaptations politiques et culturelles des sociétés à forte criminalité », Déviance et Société, vol. 31, n° 4, 2007, p. 387-403 (référence signalée par Bilel Benbouzid).
[21] Monné-Decroix a d’ailleurs fait évoluer sa communication dans les années 2000 pour tenir compte de cela (voir G. Billard, J. Chevalier, F. Madoré & F. Vuaillat, op. cit., 2011).
[22] G. Billard, J. Chevalier, F. Madoré & F. Vuaillat, op. cit., 2011.
[23] Voir E. Charmes, La Vie Périurbaine face à la menace des gated communities, Paris, L’Harmattan, 2005.
[24] Voir à ce sujet. M.P. Baumgartner, TheMoral Order of a Suburb, Oxford University Press, 1988.
[25] S. Low & N. Smith (eds.), The Politics of Public Space, Routledge, 2006.
[26] R. Le Goix, « Gated communities : sprawl and social segregation in Southern California », Housing Studies, vol. 20, n° 2, 2005, p. 323-344.
[27] Pour le cas de la France, voir E. Charmes, op. cit., 2005
[28] R.E. Lang & J.B. Lefurgy, Boomburbs : The Rise of America’s Accidental Cities, Brookings Institution Press, 2007.
[29] Voir M. Ducola, « Vers la privatisation d’un territoire : les villes nouvelles égyptiennes face aux ensembles résidentiels fermés. L’exemple de Six-Octobre », mémoire sous la direction d’Eric Charmes, Institut français d’urbanisme, 2005.
[30] Pour une version radicale de ce dernier point de vue, voir entre autres les travaux de Mike Davis, dont : City of Quartz. Los Angeles capitale du futur, traduction par M. Dartevelle et M. Saint-Upéry, Paris, La Découverte, 1997.
[31] O. Newman, Community of Interest, New York, Anchor Press, Double Day, 1980, voir notamment le chapitre VI : « The private streets of Saint-Louis ».
[32] Voir notamment le dossier de la revue Esprit dirigé par Jacques Donzelot et Olivier Mongin et intitulé : « Quand la ville se défait », n° 258, novembre 1999, p. 83-189. Pour un point de vue différent voir : P. Genestier, « Gated communities versus ville européenne : la version urbaine de l’anti-américanisme », Espaces et sociétés, n° 107, p. 203-208.
[33] E. McKenzie, Privatopia. Homeowner Associations and the Rise of Residential Private Government, New Haven et Londres, Yale University Press, 1994.
[34] S.M. Low, Behind the Gates. Life, Security and the Pursuit of Happiness in Fortress America, Routledge, 2003.
[37] R. Atkinson, S. Blandy, J. Flint & D. Lister, « Gated cities of today ? Barricaded residential development in England », Town Planning Review, vol. 76, n°4, 2005, p. 417-437.
[38] G. Billard, J. Chevalier & F. Madoré, Ville fermée, ville surveillée. La sécurisation des espaces résidentiels en France et en Amérique du Nord, Presses Universitaires de Rennes, 2005.
[39] Voir notamment : D. Mangin, La Ville franchisée. Formes et structures de la ville contemporaine, Paris, Editions de la Villette, 2004 ; S. Graham & S. Marvin, Splintering Urbanism : Networked Infrastructures, Technological Mobilities and the Urban Condition, Londres, Routledge, 2001 ; R. Atkinson & J. Flint, « Fortress UK ? Gated communities, the spatial revolt of the elites and time-space trajectories of segregation », Housing Studies, Vol. 19, n° 6, 2004, p. 875-892.
[43] Sur les politiques exclusivistes mises en place par les municipalités périurbaines, voire E. Charmes, La Ville émiettée. Essai sur la clubbisation de la vie urbaine, Paris, Presses universitaires de France.