La justice des mineurs est aujourd’hui attaquée dans ses principes généraux. Pour saisir ce qui est en jeu dans les projets de réforme en cours [1], il est intéressant d’examiner les pratiques concrètes des juges des enfants et des divers partenaires et interlocuteurs amenés à travailler avec eux. C’est à cet exercice que nous avons voulu nous livrer, à partir des résultats d’une recherche [2] menée auprès d’une trentaine de juges et de très nombreux acteurs appartenant aux instances qui préparent et mettent en œuvre leurs décisions.
Les juges des enfants se sont, depuis les années 1950, appuyés sur un droit différent, matérialisé dans l’ordonnance de 1945 aujourd’hui contestée, pour développer une vision novatrice et cohérente de la justice, privilégiant la dimension éducative. Dans un souci d’efficacité, ils se sont investis, bien avant les autres magistrats, dans une démarche entrepreneuriale, en participant à la création et à la gestion de toutes sortes d’instances : associations, foyers d’hébergement, consultations d’orientation éducative, lieux d’accueil enfants-parents. Les premiers, ils ont quitté les palais de justice pour rechercher des relais dans la société civile, et quand ceux-ci n’existaient pas, ils ont fondé des structures ad hoc. Plus que tout autre juge, et bien avant que la notion de partenariat ne soit en vogue, le juge des enfants s’est engagé dans le dialogue et dans la coopération avec d’autres professionnels du champ judiciaire et médico-social. Il s’est trouvé, dans bien des cas, le leader d’un réseau dense et complexe d’institutions et de professions œuvrant ensemble.
Avant même que les conclusions de la commission Varinard ne soient mises en application, on peut s’interroger sur la pérennité de ce « style de travail », sur le maintien de ce groupe professionnel des juges des enfants, et sur son influence dans le monde judiciaire. La vision éducative développée par les juges des enfants, auprès des mineurs « auteurs » comme auprès des mineurs victimes, se trouve aujourd’hui remise en question sous l’effet des transformations du droit, comme du fait de la diffusion et de la systématisation d’une vue répressive au sujet des affaires pénales. Dans la même perspective, la notion d’un travail engagé dans le long terme, auprès des jeunes qui relèvent de la justice des mineurs, se trouve fragilisée par la priorité donnée au « traitement en temps réel des affaires », c’est-à-dire la volonté de répondre le plus rapidement possible aux demandes pour lesquelles est saisie la justice et par la nécessité affichée d’offrir une réponse immédiate à toute infraction [3]. Pour la justice actuelle, il faut non seulement répondre par la sanction, mais répondre vite.
Sur un autre plan, la départementalisation de l’action sociale et le renforcement de la tutelle qu’exercent les conseils généraux sur les établissements publics et privés ont profondément modifié la place qu’occupe le juge des enfants dans les réseaux et les modalités de sa collaboration avec les structures dont son action est dépendante. En d’autres termes, la gestion par les collectivités locales des politiques sociales et d’aide à l’enfance oblige les juges à négocier avec d’autres interlocuteurs, soucieux de leurs deniers, et parfois réticents à payer pour ce type de public dépendant des institutions. De manière plus générale, on assiste également à l’émergence et à la diffusion de nouvelles manières d’aborder les questions familiales. Alors qu’il était un innovateur et un leader incontesté, le juge doit désormais négocier avec les professionnels pour faire valoir son point de vue et obtenir les ressources nécessaires à son intervention.
Le juge des enfants : écoute, individualisation et autonomie
Lorsque l’on observe les pratiques, on relève que le métier de juge des enfants se caractérise aujourd’hui par deux grands traits essentiels. En premier lieu, ce juge assume le face-à-face avec l’usager, le jeune et sa famille. Il a le souci, conformément à la loi, de leur faire comprendre et si possible de leur faire partager les décisions qu’il est amené à prendre, ce qui devient rare dans un appareil judiciaire de plus en plus préoccupé par sa propre productivité. Il arrive ainsi que les choix initiaux faits par le juge des enfants à la lecture du dossier soient modifiés en fonction de l’échange oral qu’il a avec les familles. On est loin de l’image paternaliste du juge tout-puissant qui sait ce qui est bon pour les jeunes, tranche et « fait leur bonheur malgré eux ». L’adhésion est recherchée, les arguments des usagers pris en compte.
Un second point concerne l’inscription de l’action des juges des enfants dans la légalité. Ces magistrats récusent toute décision qui n’entre pas dans le cadre de la loi, qu’ils soient personnellement d’accord ou non avec les dispositions en vigueur. Ils se démarquent ainsi de l’attitude plus « à la marge » de leurs prédécesseurs, ou du moins de l’image que l’on attribuait à ceux-ci : ces derniers étaient réputés prendre quelques libertés avec les textes lorsqu’il s’agissait de privilégier les solutions éducatives. Cet attachement à la loi constitue la force des juges des enfants d’aujourd’hui, car il fonde leur pouvoir dans leurs relations avec les familles et avec leurs partenaires, mais il fait aussi leur faiblesse, car les juges sont dépendants de la loi : quand celle-ci n’entre pas en résonance avec leurs propres convictions, ils doivent cependant faire avec. Dans ce cadre, ils disposent toutefois d’une marge d’interprétation non négligeable. Adaptation aux particularités de chaque situation d’un côté, application de la loi de l’autre, ceci pourrait apparaître comme une contradiction, sauf à rappeler que la loi organise désormais cette écoute des usagers. L’une des difficultés auxquelles est dès lors confronté le juge des enfants est précisément de maintenir l’équilibre entre l’individuel et les règles collectives, entre ce que désirent les usagers et ce qu’il est possible de faire avec eux sans faire courir de risques à leurs enfants. Le juge recherche constamment la juste décision en privilégiant la dimension éducative, mais en ayant aussi recours à la sanction, avec moins de réticence que par le passé, s’il l’estime nécessaire.
D’autres forces s’exercent, à l’intérieur et à l’extérieur du tribunal, pour limiter la capacité d’action de ce juge particulier. Il lui faut compter avec l’action du parquet. En effet, un nombre croissant de décisions concernant les mineurs échappe à la tutelle du juge des enfants au profit du parquet, qui occupe une place centrale dans l’orientation des affaires mettant en cause des jeunes. Beaucoup de sanctions sont déjà prises avant – ou sans consultation d’un juge. Souvent, le ministère public semble se faire le relais de l’opinion en faveur d’un recours accru à la sanction. Il privilégie l’approche pénale aux dépens de l’éducatif. Il est aussi l’un des plus ardents défenseurs de la productivité et de la rapidité des décisions. Ceci étant, le parquet, et surtout le parquet des mineurs quand il existe, occupe une position paradoxale, puisqu’il s’appuie aussi sur le juge des enfants pour freiner les velléités répressives des élus et de l’opinion, en invoquant la nécessité de maintenir les équilibres entre sanction et éducation. Ce faisant, il « protège » également le juge des enfants et, pourrait-on dire, le principe même de l’autonomie et de l’indépendance de la justice.
En ce sens, le juge des enfants conserve une position symbolique très forte : il représente un idéal de justice, même si ce n’est pas une justice idéale, qui fonde ses décisions avant tout sur des principes d’écoute des parties et d’individualisation des décisions. Il n’est donc pas surprenant que tous les magistrats qui tiennent aux fondements mêmes de leur profession soient attachés à ce juge en particulier. Cependant, en raison de la position marginale qu’occupent les juges des enfants dans l’institution pénale, la mobilisation en faveur de la préservation de la spécificité de leur fonction reste limitée. Le juge des enfants, même s’il résiste aux nouvelles exigences qui lui sont adressées, et même si le parquet l’aide plus ou moins à y résister, en arrive parfois à se plier à la pression de l’opinion, de la sanction et de la productivité, qui pèse sur ses décisions.
Le juge des enfants échappe toutefois encore au mouvement de fond auquel est soumise l’institution judiciaire : pour répondre aux soucis de productivité, celle-ci a tendance, de manière croissante, à uniformiser ses décisions. Alors que les autres juges élaborent échelles et barèmes leur permettant de prendre plus vite des décisions, les juges des enfants s’y refusent. En premier lieu, parce que l’usager est pris en compte dans leur décision : chaque cas particulier génère des réponses spécifiques. Ensuite et surtout, parce qu’il est inconcevable pour le groupe des juges des enfants d’agir collectivement pour produire des décisions normalisées. Les juges des enfants tolèrent – ou disent tolérer – de grands écarts entre leurs décisions et celles de leurs collègues. Que certains privilégient davantage la sanction et d’autres l’éducatif ne suscite pas de questions. Cette liberté accordée à l’autre dans son action a de multiples conséquences. Il n’existe pas de normes collectives de travail, de « règles du jeu » homogènes entre juges. Certes, il y a le cadre légal, fortement revendiqué par les juges, mais celui-ci leur laisse pour l’instant une marge d’appréciation tout à fait conséquente. Contrairement à ce qui émerge dans d’autres champs du système judiciaire, on ne voit pas s’imposer de tendance à la standardisation des décisions. Dans une certaine mesure, on pourrait avancer que la diversité s’accroît et qu’elle est non seulement tolérée, mais encouragée. Acteur contraint, le juge des enfants n’en est pas pour autant devenu un acteur bureaucratique.
Cette diversité fait la force des juges des enfants, car elle leur permet de s’adapter aux situations les plus variées et les plus dures. Elle génère aussi leur principale faiblesse car, face aux attaques dont est l’objet leur fonction, ils se montrent peu à même de produire un discours fédérateur. Chacun a ses pratiques, qui empruntent à la fois, pour une part difficilement mesurable, à la tradition des anciens juges des enfants et, pour une part tout aussi variable et complexe à apprécier, aux pratiques nouvelles. Chacun se dit à l’écoute des usagers, apte à manier l’éducatif et la sanction, à jongler entre le civil et le pénal. Si tous s’inquiètent aujourd’hui, c’est que les nouvelles politiques menées n’encouragent qu’une seule voie de réponse : davantage de sanction et des économies de fonctionnement. Cette vision réductrice qui tend à supprimer les marges de manœuvre des juges des enfants contrevient au principe fondamental de leur liberté d’action – une liberté d’action conçue non pour leur confort personnel, mais pour surmonter les contradictions inhérentes à leur métier et pour parvenir aux décisions qu’ils prennent.
Les juges des enfants et leurs partenaires
Le paradoxe et l’ambivalence se retrouvent dans les interactions des juges avec leurs interlocuteurs institutionnels : Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), services du conseil général, associations. Les juges ont doublement besoin de ces partenaires. En amont de la décision, ils s’appuient sur les évaluations produites par ces différents services pour préparer leur décision. L’écoute de l’usager compte, comme on l’a indiqué, mais le juge a besoin d’informations fiables, précisément pour se trouver dans un face-à-face réaliste avec le mineur et sa famille, et pour lui éviter de se faire manipuler. En aval de la décision, ces services sont en charge de l’application et du suivi des décisions, elles-mêmes susceptibles d’évoluer en fonction des rapports transmis au juge par ces professionnels. Sans la coopération de ces partenaires, l’action du juge perd son sens. Les relations mises en œuvre varient selon le partenaire considéré. Le plus proche d’entre eux, par son histoire et son autonomie financière vis-à-vis des collectivités locales, la PJJ, se révèle un allié fidèle qui partage pour l’essentiel les enjeux du juge. Mais, « en crise », la PJJ peut difficilement répondre à toutes les sollicitations des juges des enfants. Elle ne peut en aucun cas suppléer aux manques ou aux refus des autres intervenants. La focalisation de la PJJ sur le pénal, qui est l’une des orientations souhaitées par le gouvernement, constitue en outre un élément de contrainte supplémentaire pour le juge qui ne veut pas de cette « mono-orientation ».
Le conseil général peut apparaître au premier abord comme un adversaire, d’autant plus que la réforme lui donne des pouvoirs de gestion des placements, sur le plan matériel, ôtés aux juges. Mais dans la pratique, les interactions sont plus complexes. D’une part, les interdépendances restent très fortes entre les services du département et les juges des enfants au niveau des agents opérationnels, alors que les directions sont plus critiques. D’autre part, le conseil général se méfie aussi des pouvoirs qu’on lui accorde : le juge reste, dans le contexte actuel, un référent utile, voire indispensable, afin de se prémunir face à diverses mises en responsabilité ou accusations d’abus de pouvoir qui pourraient toucher les services départementaux. En outre, au moment où les juges, suivant en cela l’évolution du droit autant que les transformations de l’intervention sociale, donnent une grande priorité à la recherche de l’adhésion des familles et insistent sur l’individualisation nécessaire du suivi des usagers, la barre se trouve placée très haut pour des conseils généraux soucieux de rentrer dans des logiques d’économies. Il leur est difficile de ne pas entendre les arguments des usagers lorsque ceux-ci parviennent à se faire entendre des juges.
Le troisième grand ensemble d’acteurs impliqués, les associations de la protection de l’enfance, sont elles aussi placées face à un paradoxe. Organisées, puissantes pour une partie d’entre elles, efficaces et reconnues, elles n’en demeurent pas moins subordonnées à leurs commanditaires, les juges et les conseils généraux, et éventuellement la PJJ. Elles ont besoin d’avoir de bons rapports avec les juges qui leur confient des missions. Elles cherchent aussi à entretenir de bonnes relations avec les départements qui financent leur action, d’autant qu’ils seront, dans l’avenir, leurs principaux donneurs d’ordres.
Ce système est rendu plus complexe par la place nouvelle des usagers en tant qu’acteurs. Il est désormais de plus en plus difficile de ne pas prendre en compte la parole des familles. Il s’ensuit l’obligation, pour les intervenants, non seulement d’intégrer celle-ci dans les démarches proposées, mais aussi d’en référer au juge, lui aussi à l’écoute. Des configurations de relations variables s’instaurent entre le juge, l’usager, le conseil général, et les associations prestataire de service. Dans ce cadre, le référent essentiel reste aujourd’hui le magistrat, qui représente à la fois la loi et l’intérêt général, et l’usager avec lequel il a élaboré la stratégie mise en œuvre.
La clé de voûte de la justice des mineurs
Pour tous ces intervenants extérieurs, alliés « naturels », opposants structurels ou prestataires dépendants, le juge des enfants constitue donc un point de repère central dans un système complexe où se multiplient différents types d’intervenants et au sein duquel les enjeux divergent – économies et individualisation, auteur et victime, sanction et éducation, compréhension et contrainte. Elément essentiel, le juge l’est paradoxalement encore – et peut-être encore plus – quand on lui retire des pouvoirs. En effet, non seulement notre époque est encline à la judiciarisation dans tout espace où s’exercent des tensions et où risquent d’émerger des conflits, ce qui est bien le cas ici entre l’usager et l’administration, mais en plus le caractère ardu et tragique de certaines situations familiales rend les décideurs désireux de s’entourer de garanties dans leurs décisions. Dès lors, le juge des enfants garde sa place dans le système même quand la réforme qui lui enlève certaines compétences est appliquée, comme c’est le cas dans l’un des sites étudiés où le département a déjà acquis les responsabilités en matière de gestion des placements.
Malgré les attaques de toutes parts que subit la justice des mineurs, le juge des enfants continue à rester un référent. Il subit toutes les contraintes, mais, en retour, il donne les impulsions qui font fonctionner le système. Pour utiliser une métaphore architecturale, on peut dire qu’il occupe une position de clé de voûte dans l’ensemble : il subit les pressions contraires qu’on a évoquées, mais il tient justement grâce à ces pressions, ou plus exactement parce que tous les autres acteurs se réfèrent de près ou de loin à lui, en positif ou en négatif. Aujourd’hui ébranlé par des remises en causes législatives et réglementaires répétées, l’édifice tient toujours. Mais la question se pose des limites de sa résistance et de celle de l’édifice tout entier. Plus précisément : si on prétend retirer sa clé de voûte, le système ne risque-t-il pas de s’effondrer ?
Les attaques contre les juges des enfants en tant qu’institution semblent d’autant plus déplacées que ceux-ci, comme on l’a montré, ne constituent certainement pas une profession, ni même un groupe homogène puissant et apte à défendre des pratiques collectives. Ces juges se comportent de manière assez similaire puisqu’ils sont tous positionnés dans le même système de contraintes, qui fait la dureté de ce métier. Mais, parallèlement, ils revendiquent tous leur singularité : ils parlent d’exercice solitaire, d’indépendance, de variété dans l’exercice de leur fonctions, d’originalité par rapport aux autres. Que ceci soit fondé ou non dans les pratiques, ils insistent sur les différences entre juges des enfants. Ils refusent toute identité professionnelle, ils refusent même d’endosser l’identité de juge des enfants, préférant réaffirmer celle de magistrat. De ce point de vue d’ailleurs, le projet de réforme prévoyant l’inscription de cette fonction dans un travail plus polyvalent ne les choquerait pas, à condition qu’il ne fasse pas fi des spécificités de la justice des mineurs.
Dans le quotidien, ils sont peu prompts à constituer une communauté, malgré une proximité plus forte que celle qu’ils veulent reconnaître. L’action collective ne vient que lorsque la menace de la remise en cause de cette mission devient évidente. Et encore, cette action collective reste-t-elle très limitée : les juges sont peu mobilisés pour se défendre. Force doit rester à la loi, quelle qu’elle soit.
Par rapport à une justice qui rend des jugements fermes et définitifs, et qui peine à reconnaître ses propres erreurs, comme l’ont montré plusieurs affaires médiatisées, la justice des mineurs parait relativement ouverte au doute et à la remise en cause. Une décision n’a pas vocation à être intangible. À travers le temps, les suivis décidés peuvent être aménagés, et les mineurs réorientés. D’où l’importance des relations avec les partenaires extérieurs qui peuvent alerter le juge en cas de nécessité. Dès lors, on voit que l’idée même de « bonne décision » est un concept peu opérant. Comme il s’agit en plus de recueillir l’assentiment de la famille, la décision est davantage un construit collectif, en perpétuelle évolution et adaptation, qu’un choix arrêté, d’autant qu’en matière de comportement humain les prédictions s’avèrent peu fiables. Ici encore, nous sommes loin d’un système bureaucratique vers lequel semblent pourtant vouloir avancer les réformes prévues ou en cours.
Ce système « tient », malgré les difficultés auxquelles il est confronté, parce que les juges des enfants travaillent beaucoup, parce qu’ils sont fortement investis dans leurs fonctions et qu’ils mobilisent leur partenaires, parce qu’ils cherchent à s’adapter, à parler avec les justiciables et à les écouter. Mais cette clé de voûte qu’ils représentent est à chaque fois ébranlée quand on touche à un des piliers qui structurent l’ensemble. Chaque réforme, chaque modification législative ou organisationnelle déséquilibre le système et conduit les acteurs à rechercher de nouveaux ajustements. Lorsque le législateur s’attaque à un pilier aussi essentiel pour le juge qu’est la loi sur laquelle celui-ci s’appuie et fonde sa légitimité, le choc est encore plus grand. Le risque actuel, qui est celui de la suppression de cette position pivot occupée par le juge, fait craindre un écroulement de l’ensemble.
S’il est difficile de parler d’une « profession » de juge des enfants, tant la priorité donnée à l’indépendance limite l’interaction entre les magistrats, on ne peut que constater l’existence d’une identité particulière du juge des enfants, d’autant plus forte que celui-ci se trouve aujourd’hui mis en cause et que des risques se font jour pour la pérennité de l’institution. L’ensemble du dispositif de prise en charge des mineurs repose sur cette « clef de voûte » qu’est le juge des enfants. Toutes les pressions s’exercent sur lui, venant des familles, de la PJJ, de l’aide sociale à l’enfance ou des associations. Mais c’est à partir du point fixe qu’il constitue et de l’impulsion qu’il donne que toutes les actions engagées se trouvent appuyées et garanties. Tous les propos recueillis au cours de notre enquête démontrent l’attachement à cette position particulière du juge des enfants.
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