Recensé : Jan T. Gross, La Peur. L’antisémitisme en Pologne après Auschwitz, traduit de l’américain par Jean-Pierre Ricard et du polonais par Xavier Chantry, Éditions Calmann-Lévy, coll. « Mémorial de la Shoah », Paris, 2010, 382 pages, 23,90 €.
Il y a deux manières de recevoir ce livre. On peut n’y voir qu’un tableau de la fureur populaire, un dossier à charge contre l’éternel antisémitisme des Polonais, et se répandre en condamnations et remarques acerbes. On peut aussi trouver dans ce terrible récit une analyse courageuse et profonde du passé, caractéristique des interrogations polonaises d’aujourd’hui. Lors de la parution de l’édition polonaise, en 2008, des éditorialistes conservateurs et un petit groupe d’historiens nationalistes n’y ont vu qu’un brûlot « anti-polonais » ; leur entreprise a fait long feu et n’a pas persisté au-delà d’une petite fièvre médiatique. En revanche, l’ouvrage a suscité un immense intérêt auprès du public polonais (80 000 exemplaires vendus en quelques semaines), de grandes réunions publiques attentives, tandis que tous ceux qui comptent dans le milieu intellectuel l’ont commenté, nuançant ceci ou cela, sans en contredire l’orientation principale. Cette discussion a été une étape essentielle dans le travail de mémoire en cours en Pologne [1].
L’intégration de ce livre à cette réflexion polonaise est d’autant plus légitime que son auteur, professeur à l’université de Princeton, mais également ancien étudiant de l’université de Varsovie, emprisonné après la révolte de mars 1968, a déjà publié plusieurs ouvrages qui ont marqué le débat polonais, tout particulièrement Les Voisins, paru en 2000 et consacré au pogrom de Jedwabne en 1941 [2]. Jan T. Gross travaille avec la nouvelle génération d’historiens qui, depuis une vingtaine d’années, renouvelle complètement l’approche de la Shoah et des relations judéo-polonaises. Comme eux, il cherche à établir la réalité de faits longtemps occultés par l’oubli et les discours dominants, communistes ou catholiques. C’est dit-il, « un devoir » : « Pour assumer cet héritage, nous, Polonais, devons d’abord l’accepter, c’est-à-dire admettre de l’inscrire dans notre histoire en le relatant nous-mêmes. C’est alors seulement que nous pourrons nous demander comment ce qui s’est passé a pu arriver. » (p. 313). Ce livre est donc d’abord une grande restitution de ce passé « dans les ténèbres » et se place au cœur des interrogations actuelles de la société ; en contribuant à la discussion en cours, il présente aussi une analyse originale dont la portée dépasse les seuls tourments polonais.
Les pogroms de 1944-1946
Les « sorties de guerre » intéressent de plus en plus les historiens, tant les « libérations » se révèlent souvent troubles, grises, violentes et complexes – c’est le cas de la Pologne en 1944-1946. Outre les destructions matérielles et la perte d’au moins 17% de sa population civile (dont 90% de la communauté juive), elle a vu ses frontières déplacées à l’ouest sous les auspices de la conférence de Yalta ; elle a vu d’extraordinaires expulsions de populations dans des conditions souvent épouvantables (notamment neuf millions d’Allemands entre 1944 et 1947 et un demi-million d’Ukrainiens en 1946-1947), puis le rapatriement « en échange », d’un million deux cent mille Polonais des régions annexées par l’URSS. À cela s’ajoutait le retour de plus de deux millions de citoyens polonais déportés par les Allemands ou les Soviétiques, dont 137 000 Juifs libérés par Staline en février 1946. Un va-et-vient qui a concerné des millions de gens au milieu des ruines fumantes des combats, tandis que la Pologne était prise en main par l’Armée rouge et le NKVD. Staline avait mis dans leurs valises un parti communiste reconstitué in extremis en 1942 (il l’avait dissous en 1938 avant d’envoyer ses dirigeants au Goulag), qu’il imposa au pouvoir après des élections truquées en 1947 et une guerre civile larvée qui se solda par près de 20 000 morts et l’emprisonnement de dizaines de milliers de « partisans » [3].
C’est au cours de cette transition douloureuse vers l’installation pour quarante ans d’un régime honni – situation longuement rappelée par Gross dans son premier chapitre – que sont apparues des violences antijuives meurtrières. Des rescapés des camps nazis ou ceux sortant de leurs cachettes, puis les dizaines de milliers de Juifs rapatriés d’Union soviétique, se sont heurtés à l’accueil généralement hostiles de leurs anciens voisins. Des groupes armés illégaux ou la police des trains les pourchassaient. Plusieurs centaines de personnes étaient exécutées dans des conditions horribles. Gross présente un tableau minutieux de cette hostilité à l’égard des survivants juifs (chapitre 4) et estime à environ 1 500 le nombre de victimes (d’autres historiens parlent de 500 à 600 morts). Il en montre toutes les facettes (violences dans les trains et ailleurs, appropriations des biens juifs, antisémitisme dans l’administration, dans les écoles, etc.) en s’appuyant sur des sources indiscutables croisées avec des témoignages de l’époque. Pire, plusieurs pogroms ont montré des foules en fureur s’en prendre aux survivants juifs dans au moins trois villes, à Rzeszów (juin 1945), Cracovie (août 1945) et à Kielce (juillet 1946). L’analyse fouillée de ce dernier cas occupe la moitié du livre de Gross ; le pogrom s’est soldé par 42 morts et des dizaines de blessés.
Ces violences, souligne d’emblée l’auteur, participaient sans doute de ce contexte général qui fit, d’ailleurs, beaucoup plus de victimes dans d’autres catégories de la population civiles, mais elles constituaient un « phénomène social à part » :
« À la différence d’assassinats d’Allemands ou même d’Ukrainiens, les meurtres de Juifs commis par les Polonais ne pouvaient pas être rangés dans la catégorie plus générale des actes de vengeance contre les crimes de guerre. Les meurtres de Juifs furent parfois perpétrés avec une cruauté délibérée, souvent par des familles ou des groupes comprenant des enfants, mais ce qui en fait vraiment un phénomène social à part, c’est qu’ils furent prévus – comme est prévu le châtiment en cas de faute. Dans bien des cas, le retour des Juifs dans leurs villes de naissance suscita des réactions d’incrédulité : ‘Ça alors, tu es encore vivant ?’ s’exclamait-on en voyant revenir un rescapé. En général, son prénom était précisé, puisque les Juifs connaissaient bien leurs voisins polonais. Rapidement, ces réactions se teintèrent d’un sous-entendu sans ambiguïté, ou d’un conseil comme ‘Tu ferais mieux de repartir, sinon…’ » (p. 72-73)
Le long récit de Gross est sans doute le premier de cette ampleur disponible en français ; il bénéficie des nouvelles recherches conduites en Pologne depuis vingt ans et d’un accès à une grande variété de sources [4]. En effet, les événements présentés dans ce livre ont été abondamment documentés au début des années 1990 par les travaux de plusieurs historiens [5]. Eux-mêmes avaient travaillé dans la foulée d’une historienne de la génération précédente, Krystyna Kersten, qui publia dès 1981, dans l’hebdomadaire de Solidarnosc légal, un article remarqué sur le pogrom de Kielce, et du documentariste Marcel Lozinski qui recueillit des témoignages sur place, montrés en 1987 dans un film implacable : Témoins. En 1996, la réouverture du procès des responsables du pogrom permit le déclassement des archives policières et soviétiques, et tout ce qui put être trouvé a été publié dans d’épais volumes. En outre, la commémoration des victimes du pogrom a donné lieu à des célébrations, monuments et cérémonies officielles régulières depuis vingt ans.
L’ouvrage de Gross ne présente donc pas une matière inconnue des historiens spécialisés, même si la mise en perspective de ces nouvelles sources et le talent de l’auteur nous livrent un tableau bouleversant, précis, complexe et beaucoup plus nuancé que certains de ses détracteurs l’ont dit. La version française du livre combine d’ailleurs très bien les textes américain et polonais originaux [6].
« Un lynchage »
En s’arrêtant longuement sur l’analyse du pogrom de Kielce, Gross cherche à comprendre la raison profonde de ce « phénomène social à part » et du comportement de la population. Rappelons que le 4 juillet 1946, dans cette ville moyenne du centre de la Pologne, la disparition d’un jeune garçon (en fait, une fugue) a été à l’origine de la rumeur, propagée par le père et la police, d’une tentative de « meurtre rituel » par les Juifs. Ameutée rapidement, la foule s’est dirigée vers un centre d’accueil où étaient abrités environ 180 rescapés juifs. De tels centres avaient été ouverts dans la plupart des grandes villes libérées de l’occupation allemande.
Les violences durèrent toute la journée. La police et les autorités locales ne réagirent pas, quand elles ne participèrent pas directement. L’Église (des prêtres étaient sur place) et les autorités communistes (averties au plus haut niveau) ont laissé faire. Aux 42 Juifs tués se sont ajoutées d’autres victimes attrapées dans le voisinage. Les ouvriers d’une manufacture ont prêté main forte aux assassins en sortant du travail. Seules des troupes envoyées de Varsovie en fin de journée purent arrêter le carnage.
Gross étudie en détail la « synergie négative inédite » qui aboutit à l’émeute et transforme, en « seulement deux heures, […] une plainte absurde, mais qui n’avait rien d’exceptionnel, en pogrom sans équivalent en temps de paix au XXe siècle. » (p. 203). Il met en valeur l’effondrement des autorités, la permissivité des membres des corps constitués présents (miliciens, prêtres, communistes) et son articulation avec un imaginaire antisémite archaïque (le « crime rituel »). Il démonte les explications fondées sur l’existence d’un complot (du NKVD ou de l’opposition anticommuniste), dont il remarque l’utilité : « En dehors du fait que les gens étaient incapables d’expliquer les faits, une seconde raison les poussait à invoquer la prowokacja : ils n’étaient pas disposés à regarder les faits en face. » (p. 207). Il reconnaît plutôt dans ce pogrom les caractéristique d’un « lynchage » (p. 210).
Mais cette analyse sociopolitique classique ne lui suffit pas. Il revient plusieurs fois sur une « histoire » terrible pour formuler son interrogation. Ce jour-là, à Kielce, quatre hommes qui ne se connaissaient pas, dont un policier, ont pénétré dans une maison juive et emmené une jeune femme, son bébé et un autre homme, pour les tuer. Ils ont arrêté un camion : « Je suis allé voir le chauffeur, a raconté plus tard le policier à son procès, et je lui ai dit que nous étions avec des Juifs et que nous voulions les emmener pour les tuer. Le chauffeur était d’accord, il a seulement demandé 1 000 zlotys, alors j’ai dit ‘marché conclu’. » Sur le trajet, la jeune femme a supplié, l’homme a tenté d’argumenter, ils ont proposé de l’argent, leurs biens, rien n’y a fait. Une fois dans le bois, ils ont tenté de fuir, l’homme a réussi en prenant le bébé, tandis que le policier abattait la jeune femme. Le bébé est tombé, le policier l’a ramassé et l’a tué. Ensuite, les quatre hommes sont allés tranquillement boire une vodka avec l’argent récupéré des morts (p. 146-148).
Nous ne sommes pas devant des fous ou des rustres avinés mais, remarque Gross, devant des gens ordinaires et calmes qui « ne semblent pas avoir vraiment essayé de dissimuler leur crime. » Le moment le plus frappant à ses yeux est ce dialogue entre le policier et le chauffeur : « On ne sait pas ce qui est le plus incroyable dans cette rencontre – le culot du policier qui arrête un inconnu pour lui faire une telle proposition, ou la brutalité de ce dernier qui accepte aussitôt. L’identité des acteurs ne compte pas dans ce dialogue absurde. La seule chose qui importe, c’est qu’un tel dialogue ait été possible, qu’il ait eu lieu, et que cela ait été un échange parfaitement compréhensible entre deux inconnus, en Pologne, en 1946 » (p. 150).
Les derniers chapitres du livre et l’épilogue proposent des explications originales et convaincantes à ces drames. Elles ont été minutieusement discutées lors de la parution du livre en Pologne. Certes, on ne sera pas totalement satisfait et on trouvera encore des interrogations, par exemple lorsque l’auteur évoque l’imaginaire antisémite des foules. Il souligne bien sûr, l’archaïsme des légendes du « meurtre rituel », sans trop approfondir les mécanismes de reproduction de cette croyance [7]. De même, il consacre un long et brillant chapitre à déconstruire le stéréotype du « judéo-communisme » (zydokomuna), très courant en Pologne. Il montre scrupuleusement en quoi le fait d’attribuer « aux Juifs » l’imposition du régime communiste en Pologne est absurde et complètement démenti par les faits. Cependant, il ne traite pas suffisamment, à mon avis, l’histoire de la représentation populaire du judéo-communisme, laquelle remonte aux années 1920. L’analyse, esquissée ailleurs dans l’ouvrage, de la légende d’une collaboration massive des Juifs avec les autorités soviétiques dans les zones occupées par l’Armée rouge, en 1939-1941, aurait gagnée à être plus approfondie, notamment à travers son utilisation politique pendant et après la guerre [8].
Hypothèses explicatives
Les conclusions de Jan Gross s’attachent quand même à l’essentiel.
« Puisque les Juifs n’ont jamais sucé le sang des enfants chrétiens, puisque ce ne sont pas eux qui ont introduit le communisme en Pologne, comment expliquer cette double haine contre les Juifs-vampire et les Juifs communistes dans la société polonaise de l’après guerre ? […] Que se passait-il dans l’esprit et la raison des gens pour justifier la violence par les stéréotypes les plus sordides […], pour les pousser ainsi à liquider les derniers restes de la population juive polonaise ? »
Il énonce deux ensembles d’explications qui renvoient aux relations entre Juifs et Polonais durant la Shoah, à la condition de témoin du crime.
« Étant donné l’horreur du mécanisme de la Solution finale et la généralité des contacts entre les populations polonaise et juive, […] le sort des Juifs est au cœur même de l’expérience de l’occupation pour les habitants polonais de chacune des localités où vivait une communauté juive avant la guerre. » (p. 64)
Dans le premier ensemble d’explications, exposé sous le titre « Distance sociale et aveuglement » (chapitre 6), il mobilise des facteurs de type culturel (la distance aristocratique dans une société très hiérarchisée) et politique (l’irresponsabilité ou la cécité des autorités morales devant les comportements de la « populace » livrée à ses démons et terrorisée par l’occupant). Il montre, par exemple, comment l’Armée de l’intérieur (AK), pourtant bien informée, n’en tirait pas les conséquences et ce, malgré des avertissements en son sein dès 1941 (il cite notamment le premier rapport de Jan Karski, accablant, sur l’antisémitisme dans la société polonaise). Gross insiste ici sur ce qu’il appelle l’« aveuglement » des responsables et des intellectuels de la résistance, qui n’étaient pas forcément antisémites, mais pour qui ces « incidents » n’étaient pas fondamentaux : « Par définition, les événements qui se déroulaient ‘en bas’, entre la populace et les Juifs, ne pouvaient avoir une importance plus large, […] ils restaient confinés dans un espace particulier dépourvu de signification. » (p. 236).
À ce propos, il soulève avec force la question de la responsabilité de l’ Église catholique. Il cite d’abord, a contrario, un cas où l’autorité d’un prêtre peut être décisive sur le comportement des villageois et empêcher des dénonciations. Citant de grands résistants catholiques pour qui « se taire quand on assiste à un crime, c’est se rendre complice du criminel ; ne pas le condamner, c’est le tolérer » [9], Gross termine sur cette affirmation à charge : « Étant donné l’autorité morale de l’institution qu’ils représentaient, les religieux qui n’ont pas proclamé devant leurs fidèles que l’expression ecce homo s’appliquait aussi à tous les Juifs, alors même qu’on en assassinait sous les fenêtres de leurs presbytères, ont placé l’Église dans une position de collaborateur par omission. » (p. 311). Cette appréciation souleva quelques tollés dans l’ Église polonaise en 2008, alors même que cette réserve face à la Shoah a été confirmée par les prises de positions de la plupart des évêques [10] au moment du pogrom de Kielce. Gross étudie d’ailleurs en détail ce comportement.
Le deuxième ensemble de causes relève des intérêts matériels et économiques. Dès 1941, les expropriations puis l’extermination des Juifs polonais par les nazis ont profité de fait à leurs voisins. Si les nazis déportaient, pillaient et tuaient systématiquement les Juifs, il n’était pas rare que derrière, particulièrement à la campagne, des Polonais attendissent avec leurs charrettes pour récupérer leur part du butin. Les logements et les biens restants étaient accaparés jusqu’au moindre édredon (Gross cite des listes effarantes) et n’étaient pas rendus après la guerre. En plus, le nouveau régime a légitimé cette appropriation :
« Les principes socialistes de reforme agraire et de nationalisation des moyens de production servirent à justifier l’appropriation des propriétés juives par la population polonaise, c’est-à-dire par des particuliers. Cela justifiait déjà concrètement un accord tacite entre les autorités et la population. […] C’était du donnant-donnant. À vous le pouvoir, à nous les biens des Juifs et l’amnistie automatique pour toute forme de participation au génocide déclenché par l’occupant. » (p. 303)
Gross cite les calculs d’un jeune historien polonais qui estime les bénéficiaires à plusieurs millions de personnes et qui écrit : « Même ceux qui n’ont pas ‘tiré profit’ de la Seconde Guerre mondiale ont pu voir à quel point la propriété des autres était bafouée, à quel point leur terre était profanée. D’abord les uns ont volé les biens des autres, puis le régime s’est mis à distribuer ce qui ne lui appartenait pas, pour ensuite confisquer à nouveau ce qu’il venait de distribuer » (p. 304).
C’est donc dans la continuité des pratiques du temps de guerre et de la déchéance morale qu’elles ont provoquée, qu’il faut voir la raison principale des violences antijuives de 1944-1946. Continuité culturelle, matérielle et morale, qui va bien au-delà de la simple réaction de nouveaux propriétaires accrochés à leur édredon. Le retour des Juifs éveillait une peur double. D’abord, il rappelait la destinée tragique d’une population, à laquelle certains avaient contribué. La Shoah avait été vécue par les Polonais comme « un danger mortel : si on avait pu distinguer des gens par leur judéité pour les traiter de façon inhumaine, cela impliquait qu’il n’existait pas de barrière infranchissable » et que cela pouvait leur arriver aussi. Ensuite, et dans le même temps, il y avait la crainte de ce que représentait la survivance des Juifs au sein de la société polonaise : « La présence du Juif rappelait combien l’existence de chacun est fragile, tout en révélant la violence dont l’homme est capable. Les crimes commis contre les Juifs pendant la guerre, en l’absence d’une forme quelconque d’expiation, suscitèrent la peur. » Incapables de « sonder l’abîme de déchéance morale » dans lequel ils étaient tombés, ces Polonais craignaient pour leur propre avenir (p. 308). D’où le titre du livre : La Peur. Une explication que Gross dit avoir puisée dans une formule de Tacite : « Le propre de la nature humaine est de haïr ceux qu’on a offensés [11] ».