La hausse des taux d’emploi féminins constitue depuis le lancement de la stratégie de Lisbonne et de la Stratégie Européenne pour l’Emploi un objectif majeur de l’Union Européenne [1]. Si l’objectif d’un taux d’emploi féminin de 60% n’a pas été atteint par tous les pays européens en 2010, la nouvelle stratégie Europe 2020 continue de promouvoir la hausse de l’emploi féminin, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle et le développement des structures de garde d’enfants. L’Union Européenne soutient parallèlement un objectif de qualité de l’emploi pour tous.
La hausse de l’activité féminine comporte, au-delà de l’objectif d’égalité hommes-femmes en termes d’accès au marché du travail, un certain nombre d’enjeux économiques. Elle est notamment vue par l’Union Européenne comme un moyen de pallier les difficultés de financement des systèmes de protection sociale : la nécessité de maintenir à un niveau suffisant le ratio des actifs rapportés aux inactifs incite les pays européens à accroître les taux d’emploi des groupes sociaux parmi lesquels les marges de manœuvre sont les plus importantes et notamment les femmes. Parallèlement, l’augmentation de l’activité féminine est aussi vue dans certains pays européens comme un moyen de limiter la pauvreté des femmes et des enfants dans la mesure où les familles disposant d’une seule source de revenus (qu’elles soient monoparentales ou non) sont de plus en plus exposées au risque de pauvreté (Maquet-Engsted, 2008).
Au cours des dernières années, un certain nombre de pays européens ont engagé des réformes visant à accroître l’emploi féminin mais tous ne l’ont pas fait de la même manière. Parallèlement, on constate dans certains pays d’Europe Centrale et Orientale un retour du « maternalisme » c’est-à-dire de l’idée selon laquelle les enfants doivent être éduqués au sein de leur famille et préférablement par leur mère (Randall, 2000). Les situations demeurent donc très contrastées en Europe.
Quels « modèles » d’emploi des femmes dans l’Europe élargie ?
En dépit d’une forte progression des taux d’emploi féminins en Europe au cours des dernières décennies, les pays de l’UE restent marqués par des disparités importantes en termes de participation des femmes au marché du travail. Leurs taux d’emploi s’échelonnent ainsi en 2011 de 41% à Malte ou 45% en Grèce à 70,5% au Danemark et même 72% en Suède. Parallèlement, la part des femmes à temps partiel parmi les femmes en emploi est aussi très inégale : dépassant rarement 10% dans les Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO), elle oscille aux alentours de 40% dans les pays continentaux et au Royaume-Uni et frôle les 75% aux Pays-Bas.
De fortes divergences sont également à noter en matière de politiques publiques en direction de l’emploi des femmes en Europe, où le développement des services de garde d’enfants et la durée des congés accordés suite à une naissance divergent grandement. Les pays de l’UE sont ainsi caractérisés par des arrangements institutionnels variés, variété encore renforcée par l’arrivée des nouveaux pays membres en 2004 et 2007. Cette distinction des différents modèles européens illustre bien les « complémentarités institutionnelles » à l’œuvre dans chaque groupe de pays. Autrement dit, c’est en considérant l’ensemble des institutions en place (politiques de garde, de congés, coût de la garde) que l’on peut comprendre la situation, bien plus qu’en étudiant isolément chacune des politiques menées au sein des pays.
Les différents types de gardes et congés d’après-naissance
Les enfants peuvent être pris en charge dans différents types de structures de garde. La base EU-SILC (European Union - Survey on Income and Living Conditions) mobilisée pour cette étude distingue cinq types de structures : l’éducation obligatoire (qui concerne les enfants à partir de 5 à 7 ans selon les pays européens), l’éducation pré-primaire (qui concerne en général les enfants à partir de trois ans), la garde dans des centres aérés, la garde dans des centres de garde collective (tels que les crèches), la garde par un/e professionnel/le au domicile de l’enfant ou du/de la professionnel/le (par exemple par une assistante maternelle) et enfin la garde non rémunérée assurée par les grands-parents, d’autres membres du ménage, d’autres membres de la famille, des amis ou des voisins. Hormis l’éducation obligatoire qui ne concerne aucun enfant de moins de 3 ans en Europe, certains modes de garde collective tels que l’éducation pré-primaire ou la garde dans les centres aérés peuvent concerner les enfants dès 2 ans et demi voire dès 2 ans dans certains pays. Afin de prendre en compte cet état de fait, cette étude distingue trois grands modes de garde possibles pour les enfants de moins de 3 ans :
– la garde collective regroupant l’éducation pré-primaire, la garde dans des centres aérés et la garde dans des centres de garde collective (crèches, etc.) ;
– la garde privée correspondant à la garde par un/e professionnel/le au domicile de l’enfant ou du professionnel/le ;
– la garde informelle qui correspond à la garde non rémunérée assurée par les grands-parents, d’autres membres du ménage, d’autres membres de la famille, des amis ou des voisins.
La garde formelle représente ainsi, par opposition à la garde informelle, tous les modes de garde impliquant une rémunération des personnes en charge des enfants (la garde collective et la garde privée).
Deux indicateurs de congés d’après-naissance sont également mobilisés dans cette étude. Ces indicateurs sont calculés par l’OCDE (Family Database) afin de proposer des mesures comparables des durées de congés - rémunérés et non rémunérés – accordés aux femmes suite à une naissance dans les différents pays de l’OCDE. Le premier indicateur que l’on dénommera « congé rémunéré » correspond à la durée du congé [maternité et éventuellement parental] rémunéré à 100% du salaire en équivalent temps plein pour les femmes (mesuré en semaines). Le « congé maximal » correspond à la durée maximale du congé pour les femmes suite à une naissance sans prendre en compte la rémunération accordée (mesuré en semaines).
Dans les pays du Nord de l’Europe (Danemark, Suède, Finlande, Norvège, Islande), le modèle du couple bi-actif à temps plein domine. L’État investit considérablement en faveur des structures de garde formelles (notamment collectives) et favorise en revanche peu les très longs congés (sauf en Finlande). Dans les pays continentaux (Allemagne, France, Autriche, Pays-Bas, Belgique et Luxembourg) et anglo-saxons (Royaume-Uni et Irlande), on observe plutôt un modèle de male breadwinner amendé à travers le travail à temps partiel des femmes. Le développement du temps partiel est un peu plus marqué dans les pays anglo-saxons (et fortement aux Pays-Bas) que dans les pays continentaux où il est aussi plus souvent involontaire (en particulier en France) [2]. Les modes de garde utilisés sont plus divers dans ces deux modèles : les parents de jeunes enfants ont recours à la garde formelle (collective et privée) mais également informelle. La multiplicité des modes de garde choisis est à mettre en relation avec les formes d’emploi plus diversifiées des femmes. Environ 40% d’entre elles travaillent à temps partiel et les autres à temps plein, ce qui les amène à faire des choix différents en termes de mode de garde. Les pays de ces modèles ont donc des points communs mais ils diffèrent grandement sur le coût de la garde qui rend beaucoup plus difficile l’emploi à temps plein pour les femmes dans les pays anglo-saxons. Sur cette dimension à nouveau, les Pays-Bas se rapprochent beaucoup plus du Royaume-Uni et de l’Irlande que des autres pays continentaux. Les pays du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Malte) représentent le modèle du male breadwinner dans sa version originale, avec néanmoins des disparités [3]. Plus d’une femme sur deux ne travaille pas en Italie et en Grèce, cette proportion étant un peu moins élevée en Espagne suite à la très forte progression des taux d’emploi féminins enregistrée au cours des vingt dernières années. L’emploi à temps partiel est faiblement développé pour les femmes et très souvent involontaire. Les congés maternité et parentaux étant limités, deux possibilités s’offrent essentiellement aux femmes ayant des enfants en bas âge : le retrait du marché du travail (sans compensation financière par un congé) ou la garde informelle (et dans une moindre mesure la garde collective).
Enfin, les PECO, dans lesquels les taux d’emploi des femmes sont intermédiaires mais les emplois à temps partiel très peu développés, comptent sur les longs congés non rémunérés accordés aux femmes pour répondre à la question de l’éducation des jeunes enfants. Les femmes dans ce modèle se retirent donc du marché du travail pour une période allant jusqu’à trois ans.
Les situations comparées des pays de l’UE [4] Sources : EU-SILC, 2007 (Eurostat), Family Database, 2007 (OCDE)
Comparativement aux pays de l’ex-UE15, leurs politiques demeurent en effet centrées autour de la prédominance du retrait des femmes du marché du travail en cas de naissance, comme en témoigne la durée des dispositifs de congés (rémunéré et maximal). Les structures de garde d’enfants sont très nettement sous-développées par rapport aux autres pays européens. Seuls la Slovénie et dans une moindre mesure les pays baltes affichent des taux plus importants de recours à la garde formelle. Le nombre de structures de garde pour jeunes enfants a en réalité plutôt décliné dans les pays d’Europe Centrale et orientale au cours des deux dernières décennies (Plantenga et Remery, 2009). La chute du régime soviétique a entraîné une diminution drastique dans les financements des structures collectives de garde, qui a été compensée par des allongements des congés maternité et parentaux.
Des modèles « évolutifs »
Au-delà de ce panorama des modèles nationaux sur l’emploi des femmes, certaines tendances de réforme sont à l’œuvre et continuent de modifier les équilibres propres à chaque pays. Les pays d’Europe de l’Est empruntent notamment des voies de réforme assez diversifiées. Les Programmes Nationaux de Réformes qui rendent compte de l’application des lignes directrices pour l’emploi décidées au niveau européen ainsi que les rapports nationaux récents de l’OCDE renseignent sur les orientations envisagées dans chaque pays [5]. Plusieurs tendances se dessinent qui semblent aller dans le sens des conclusions proposées par Plantega et Remery (2009). Dans certains pays de l’Est, la question du développement des structures de garde est considérée comme peu importante voire tout simplement ignorée (Pologne) dans la mesure où l’objectif principal des politiques en lien avec l’emploi des femmes consiste à favoriser la garde des jeunes enfants par leur mère (République Tchèque, Slovaquie). Les PECO qui tentent de pallier le manque de dispositifs de garde le font notamment à travers diverses incitations au développement d’arrangements privés. Ainsi, le développement d’emplois à temps partiel (par le biais de subventions aux employeurs) ou de modes de garde mixtes « formel-informel » est envisagé dans certains pays (République Tchèque, Slovénie). Des allègements d’impôts et l’attribution de labels family friendly (Slovénie, Lettonie, République Tchèque) doivent également favoriser le développement par les entreprises de systèmes de garde d’enfants pour leurs employés, par le biais de services directs ou sous-traités. La Lettonie et la Hongrie où l’impact de la maternité est parmi les plus élevés tentent également d’améliorer les conditions de retour sur le marché du travail des mères s’étant interrompues à la naissance d’un enfant. Mais les PECO ne sont pas les seuls pays où les politiques en lien avec l’emploi des femmes continuent d’évoluer. L’Allemagne, restée jusque dans les années 90 un pays représentatif du modèle du male breadwinner, a en particulier connu une évolution importante de son modèle d’emploi des femmes suite à une réforme engagée en 2007. Cette réforme inspirée du modèle suédois, contribue à rendre « neutre », du point de vue du genre, l’allocation de congé parental. Néanmoins, la mise en place de ce congé d’un an demeure en phase avec l’hypothèse selon laquelle il est préférable pour l’enfant d’être élevé à la maison par ses parents (et en particulier sa mère) jusqu’à l’âge d’un an (Fagnani et Math, 2010).
Ce rapide aperçu des dynamiques à l’œuvre dans certains pays de l’Union Européenne montre que les différents modèles d’emploi des femmes sont évolutifs. Tout en conservant certains de leurs attributs, ils se réforment en s’inspirant parfois des expériences d’autres pays européens. Les défis européens communs en termes d’emploi, de protection sociale ou de réduction de la pauvreté amènent donc certains modèles à converger partiellement.
Préférences ou politiques publiques ?
Une fois le constat établi de l’hétérogénéité des situations selon les pays, se pose la question des raisons de ces écarts et des explications que l’on pourrait y apporter. De manière assez intuitive, deux explications peuvent être avancées. D’une part, ces écarts pourraient être liés aux politiques mises en œuvre par les pouvoirs publics favorisant plus ou moins l’emploi féminin et en particulier l’emploi des mères de jeunes enfants. D’autre part, on peut imaginer que ces écarts soient à rattacher aux préférences des femmes lorsqu’elles réalisent leurs choix d’activité, ces préférences étant elles-mêmes partiellement liées aux normes sociales et culturelles partagées par les femmes d’un pays donné. En réalité, ces deux aspects sont intrinsèquement liés. Cependant, un article récent (Steiber et Haas, 2009) qui a tenté de démêler ces deux aspects a montré que, si ces deux éléments semblaient jouer un rôle, les aspects institutionnels prévalaient sur l’hypothèse culturelle.
Parmi les déterminants de l’emploi des femmes et des mères de jeunes enfants, nous nous concentrerons donc d’une part sur les caractéristiques individuelles des femmes (âge, diplôme, citoyenneté, présence d’un enfant de moins de 3 ans, présence d’enfant(s) de 3 à 16 ans) et d’autre part sur les politiques mises en œuvre, notamment en matière de garde d’enfants et de congés suite à une naissance.
L’étude conjointe du rôle des caractéristiques individuelles des femmes et des politiques publiques fait ressortir la prédominance des premières pour expliquer la situation individuelle des femmes sur le marché du travail. L’âge, le niveau de diplôme, la nationalité, l’état de santé et bien sûr la présence d’enfants (jeunes ou moins jeunes) contribuent à expliquer la majeure partie des différences d’emploi entre les femmes. En dépit de l’effet potentiel de la maternité, les femmes sont comme les hommes davantage en emploi au milieu de leur cycle de vie qu’avant 25 ans ou après 55 ans. Sans surprise, comme pour les hommes, un état de santé dégradé joue également négativement sur leur probabilité d’emploi.
Le niveau d’éducation joue un rôle majeur pour expliquer la situation des femmes sur le marché du travail : les femmes ayant un plus haut niveau d’éducation initiale sont plus souvent en emploi et cet effet positif est encore plus marqué pour l’emploi à temps plein. La nationalité joue également un rôle. D’une part, il apparaît que les femmes originaires d’un autre pays de l’UE que celui dans lequel elles résident sont aussi susceptibles d’être en emploi que les femmes originaires de leur pays de résidence (à temps plein comme à temps partiel), d’autre part, il semble que les femmes originaires d’un autre pays hors UE soit en revanche moins susceptibles d’être en emploi, ce qui pourrait refléter certains choix individuels, eux-mêmes possiblement liés à des facteurs culturels, mais pourrait aussi être le signe d’une discrimination à l’embauche des femmes d’origine étrangère hors UE.
En ce qui concerne le lien entre maternité et emploi, il est important de distinguer l’effet de la présence d’un très jeune enfant (moins de trois ans) de celui d’enfants plus grands (3 à 16 ans). Selon l’âge des enfants les résultats sont très différents : lorsque leurs enfants sont encore très jeunes (moins de trois ans), les femmes européennes optent en moyenne davantage pour le non emploi tandis que la présence d’enfants plus grands (3 à 16 ans) est plus souvent combinée avec un emploi à temps partiel.
Si l’effet de la présence d’un très jeune enfant apparaît en moyenne très négatif sur l’emploi des femmes, il l’est en réalité plus ou moins selon les pays. On observe ainsi qu’à caractéristiques individuelles données, l’effet négatif de la présence d’un très jeune enfant sur la probabilité de travailler à temps plein ou à temps partiel est beaucoup plus net dans certains pays, notamment dans certains nouveaux pays membres (République Tchèque, Hongrie, Estonie) dont on a vu qu’ils proposaient des longs congés aux mères de jeunes enfants mais également dans certains anciens pays membres tels que l’Autriche, la Finlande ou l’Allemagne. C’est donc dans ces pays que la différence en termes d’emploi, à temps plein comme à temps partiel, entre les femmes ayant un très jeune enfant et celles n’en ayant pas est la plus forte.
À l’autre bout du spectre, les pays parmi lesquels la présence d’un très jeune enfant n’est pas associée à des probabilités beaucoup plus faibles d’être en emploi sont en réalité de deux types. On y trouve à la fois les pays dans lesquels les femmes travaillent en moyenne relativement moins qu’ailleurs : si ces femmes sont déjà inactives avant la naissance de leur enfant, l’écart de probabilité n’est pas très marqué (Italie). Mais on observe également des pays dans lesquels les taux d’emploi des femmes sont élevés et l’effet négatif de la présence d’un jeune enfant sur l’emploi relativement limité (Norvège et dans une moindre mesure Portugal et Pays-Bas).
Les effets des politiques sur l’emploi des femmes et des mères de jeunes enfants
Si le développement des services de garde des très jeunes enfants est connu pour favoriser l’emploi des mères notamment en Europe (Kenjoh, 2005, Uunk et al., 2005, De Henau et al., 2010), la diversité des modes de garde existants a été jusqu’à présent peu étudiée. Il s’agit ici de se pencher précisément sur l’effet des cinq facteurs décrits dans l’encadré précédent : le développement de la garde collective, de la garde privée, et de la garde informelle [6], la durée du congé rémunéré suite à une naissance, la durée maximale du congé suite à une naissance (y compris non rémunéré).
Il apparaît que le développement de la garde collective et le développement de la garde privée favorisent l’emploi des femmes, à la fois à temps plein et à temps partiel. Au-delà de l’effet positif que le développement de ces modes de garde peut avoir sur l’emploi des mères de jeunes enfants, cette relation positive suggère donc un effet bénéfique plus global sur l’emploi des femmes en général. La capacité à concilier maternité et poursuite d’une activité professionnelle semble donc augmenter, par un effet de carrière, les probabilités d’emploi des femmes en général. En outre, cette relation positive peut également être renforcée par le fait que les pays où les systèmes de garde sont les plus développés pour les très jeunes enfants sont aussi ceux où d’autres facteurs influent positivement sur l’emploi des femmes (tels que le développement de structures de garde pour les enfants plus grands ou le développement relatif du secteur social qui emploie traditionnellement plus de femmes).
À l’inverse, le développement de la garde informelle est associé à des probabilités d’emploi plus faibles pour les femmes dans leur ensemble. Cette relation indique la complexité des liens entre garde informelle et emploi des femmes. Il est assez vraisemblable de supposer que la garde informelle est généralement offerte par des femmes de l’entourage de la mère (et non des hommes). Dans cette perspective, il existe alors un équilibre où l’emploi de certaines femmes n’ayant pas recours à la garde formelle va de pair avec – voire même suppose – le non-emploi d’autres femmes. En retour, le non-emploi des unes n’incite pas au développement des structures de garde formelle même s’il le compense. Il existerait donc une sorte d’effet de substitution dans le cas de développement de la garde informelle qui peut par ailleurs être liée à des valeurs plus traditionnelles décourageant l’emploi des femmes.
Si le développement de la garde collective ou de la garde privée semble favorable à l’emploi des femmes, la durée des congés n’apparaît pas comme un élément déterminant de l’emploi des femmes en Europe. Il ne semble donc pas que ces dispositifs puissent favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ou le retour sur le marché du travail après une naissance, arguments souvent avancés pour défendre ce type de politique publique.
Lorsque l’effet de ces dispositifs est testé en se concentrant uniquement sur leur lien avec l’emploi des mères de très jeunes enfants (moins de trois ans), on observe une relation positive entre développement de la garde collective et l’emploi (à temps plein ou à temps partiel). Les congés accordés après une naissance qui n’apparaissaient pas comme déterminants sur l’emploi des femmes en général semblent en revanche réduire l’emploi des mères de jeunes enfants. Cette relation négative apparait d’une part entre durée du congé rémunéré et emploi à temps partiel et d’autre part entre durée maximale du congé et emploi à temps plein ou à temps partiel. La durée des congés tend donc à renforcer l’effet négatif de la présence d’un jeune enfant sur l’emploi de leur mère, tandis que le développement des structures de garde collective tend à réduire cet effet.
Conclusion
Malgré des objectifs communs, les situations des pays européens en matière d’emploi féminin demeurent donc très disparates et ces disparités s’expliquent en partie par les politiques menées par les différents pays. Les politiques visant à élever les niveaux d’éducation des femmes ainsi que celles visant à accroître la disponibilité de structures de garde formelle (notamment la garde collective) ont des effets positifs sur l’emploi des femmes tandis que l’importance de la garde informelle est à l’inverse souvent corrélée à des niveaux plus faibles d’emploi des femmes.
Rappelons que l’objectif de hausse de l’emploi féminin ne peut être poursuivi sans une réflexion sur les possibilités d’amélioration de la qualité de l’emploi des femmes. La progression du temps partiel féminin en Europe, ainsi que du temps partiel involontaire soulève notamment certains problèmes. S’il permet une certaine forme de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, il est en général associé, en particulier pour les temps partiels les plus courts, à une moins bonne qualité de l’emploi et à des droits sociaux réduits (en termes d’assurance chômage et d’assurance retraite notamment). Si l’Union Européenne souhaite tenir ses promesses en matière de progression de l’égalité hommes-femmes, l’objectif d’augmentation des taux d’emploi féminins devrait donc s’accompagner d’un objectif plus affirmé en termes de qualité de l’emploi des femmes.