Unique mégapole du Pakistan, Karachi est depuis trente ans confrontée à des rivalités partisanes et à des violences criminelles portant sur le contrôle de la ville et de ses ressources. Ces désordres chroniques façonnent et ordonnent son identité.
Unique mégapole du Pakistan, Karachi est depuis trente ans confrontée à des rivalités partisanes et à des violences criminelles portant sur le contrôle de la ville et de ses ressources. Ces désordres chroniques façonnent et ordonnent son identité.
Fréquemment présentée dans les médias internationaux comme la ville la plus dangereuse du monde, Karachi, l’unique mégapole du Pakistan, affiche effectivement un nombre record d’homicides à l’année, qui n’a d’ailleurs cessé de s’accroître depuis 2007. Avec 3218 assassinats en 2013, selon la Commission des droits de l’homme pakistanaise (HRCP), elle n’est devancée que par Caracas (où le nombre d’homicides annuels approcherait désormais des 4000). Ce constat demande cependant à être nuancé en rapportant ces chiffres au nombre d’habitants (21 millions en 2011). Avec « seulement » 11,3 meurtres pour 100 000 habitants en 2011 [1], Karachi se situe loin derrière les cinquante villes (pour la plupart situées en Amérique latine) affichant un taux d’homicide supérieur à 30/100 000, et se rapproche plus à cet égard de Chicago (15,9 en 2011) que de San Pedro Sula, la « capitale mondiale du meurtre » (169 en 2011) [2].
Moins que leur intensité, ce qui fait la spécificité des violences de Karachi est leur caractère protéiforme, leur ubiquité (aucun quartier de la ville n’est totalement épargné) et leur surdétermination par des logiques politiques. Le décompte de ces assassinats par la HRCP pour l’année 2013 est révélateur de ces singularités. Plus du tiers des assassinats recensés l’an dernier (1106) auraient ainsi concerné des citoyens ordinaires, pour la plupart ciblés sur la base de leur ethnicité dans le cadre de rivalités entre les partis politiques qui se disputent le contrôle de la ville. 268 militants de partis politiques étaient pour leur part victimes de « target killings », tandis que 111 personnes (en majorité chiites) étaient assassinées pour leur appartenance sectaire [3]. Si la violence ethnique et « sectaire » (entre sunnites et chiites mais aussi, de plus en plus, entre sunnites eux-mêmes) a connu une augmentation spectaculaire au cours des dernières années, ces évolutions étant d’une part imputables à la tentative des partis politiques de modifier les équilibres ethniques dans leurs fiefs et, de l’autre, à l’implantation récente des talibans pakistanais dans la ville [4], les tendances de fond esquissées ici affichent une surprenante continuité depuis la fin des années 1980. Depuis cette époque, les conflits armés de Karachi participent à la formation de ses territoires urbains, à la régulation de son économie officielle et officieuse ou encore à la gestion quotidienne des relations entre partis politiques, dont la collaboration au sein de gouvernements de coalition ne suffit pas à mettre un terme aux affrontements meurtriers dans les rues de la ville.
« C’est nous qui avons transformé cette jungle en ville-lumière [roshni ka shehr, le surnom le plus populaire de Karachi [5] ] / Nous avons étanché la soif du sol avec notre sang ». Ces vers du poète ourdouphone Arif Shafiq, issu de son recueil intitulé « Ma ville est en train de brûler » (Mera Shehr Jal Raha Hai, 1997), sont révélateurs des conflits d’ordre ontologique qui se jouent depuis plus d’un demi-siècle autour de l’identité de Karachi et de ses propriétaires légitimes. Ces conflits ont émergé dès les premières années de l’indépendance, au moment où Karachi était encore la capitale du Pakistan (elle ne sera détrônée par Rawalpindi puis Islamabad qu’à la fin des années 1950). Au cours de ces années, Karachi est désertée par sa population non-musulmane, majoritaire jusqu’en 1947. En sens inverse, la ville voit affluer des centaines de milliers de « Mohajirs » (littéralement les « migrants », en arabe), ces musulmans ourdouphones originaires du nord de l’Inde, qui dans les premières décennies de l’indépendance dominent la vie politique et économique du Pakistan en partenariat avec les Pendjabis. Entre 1941 et 1951, Karachi voit ainsi sa population presque tripler, passant de 436 000 à 1,1 million d’habitants.
Ces migrations bouleversent les équilibres démographiques de Karachi, qui en 1951 est devenue une ville majoritairement musulmane, où domine l’ourdou (et non plus le sindhi). Le départ des communautés marchandes (banyas hindous, contractors parsis, etc.) qui avaient fait la fortune de la ville au cours de la période coloniale ouvre un vide économique, culturel et politique qui ne sera jamais entièrement comblé par les Mohajirs, même si ces migrants affirment rapidement leur droit à la ville (c’est-à-dire, concrètement, à un logement décent, une éducation supérieure et un emploi dans la fonction publique), en signe de reconnaissance pour les sacrifices qu’ils auraient consentis en abandonnant leurs propriétés et parfois en risquant leur vie pour parvenir au Pakistan. Pour la plupart issus du monde urbain de l’Inde du Nord et du Deccan, ces migrants sont convaincus d’être à l’origine d’un « réveil intellectuel » (zehni bedari) dans leur région d’accueil, selon eux dominée par des indigènes arriérés — un sentiment de supériorité culturelle dont rendent bien compte les vers précités. Cette propension des migrants ourdouphones à s’approprier Karachi se traduit dès la fin des années 1940 par des frictions interculturelles avec les populations autochtones (les Sindhis), qui vont gagner en intensité au cours des décennies suivantes.
Bien que Karachi ait conservé son rôle central dans l’économie pakistanaise — elle demeure à ce jour le premier port, le centre financier et l’un des principaux centres manufacturiers du pays, contribuant à elle seule à près de 25 % du PIB pakistanais — le déplacement de la capitale pakistanaise au Pendjab, à la fin des années 1950, a ébranlé la position dominante des Mohajirs. C’était d’ailleurs l’un des buts recherchés par l’armée (traditionnellement dominée par les Pendjabis), qui en choisissant Rawalpindi (siège du quartier général des forces armées) puis Islamabad (une ville nouvelle qui devait tenir lieu de vitrine à l’institution militaire et dont le site présentait l’avantage d’être situé à proximité de Rawalpindi) espérait limiter l’emprise des élites politiques et économiques mohajir sur le fonctionnement de l’État. La sécession du Pakistan oriental (où se concentrait la majorité de la population pakistanaise), en 1971, constitue un nouveau coup dur pour les Mohajirs, de plus en plus marginalisés au sein des cercles décisionnels, d’une part par la nouvelle domination démographique des Pendjabis et d’autre part par la montée en puissance politique des élites politiques sindhies représentées par le Pakistan Peoples Party (PPP). Et tandis que la menace du nouvel hégémon pendjabi demeure relativement abstraite à Karachi (où la population pendjabie est alors très minoritaire), l’arrivée au pouvoir du PPP à Islamabad et dans le Sindh se traduit par des tensions intercommunautaires sans précédent entre Sindhis et Mohajirs. Des émeutes linguistiques creusent ainsi le fossé entre les deux communautés en 1971-1972, tout en nourrissant l’identitarisme mohajir.
À la fin des années 1970, celui-ci commence à évoluer vers un mouvement nationaliste en bonne et due forme, d’abord sur les campus puis dans les quartiers populaires (bastis) où se presse la classe moyenne inférieure mohajir. En 1984, ce mouvement étudiant accouche d’un parti politique, le Mohajir Qaumi Movement (Mouvement national mohajir - MQM), qui remporte ses premières victoires électorales en 1987-1988, dans un contexte de tensions intercommunautaires entre les Mohajirs et, désormais, les Pachtounes. Ces tensions se focalisent sur les quartiers informels où la « mafia de la drogue » apparue dans le sillage du Jihad afghan et dominée par les Pachtounes cherche à s’implanter, en introduisant un nouveau régime d’occupation des terrains qui accroît la précarité des résidents tout en les exposant à la violence des hommes de main recrutés par les nouveaux maîtres des lieux. Ces tensions atteignent leur paroxysme dans une série de massacres anti-Mohajirs en 1986, auxquels le MQM réplique en s’attaquant à son tour aux populations pachtounes. Karachi entre alors dans une spirale de violence ethnique qui ne s’est toujours pas résorbée. Au fil des ans, les adversaires du MQM vont fréquemment changer de visage (à la « mafia de la drogue » pachtoune succèdent les partisans du PPP à la fin des années 1980, les dissidents Haqiqis quelques années plus tard, les milices islamistes après 2001 et les gangsters baloutches du quartier de Lyari au cours des dernières années). Tous ces acteurs contestent la prétention du parti dominant, dont les succès électoraux ne se sont pas démentis depuis les années 1980, à monopoliser le pouvoir et les rentes économiques licites et illicites (l’accès à la terre, à l’eau, à l’électricité, aux emplois publics, à l’argent de la « protection », etc.) qui alimentent ces luttes pour la ville.
La nature routinisée de la violence politique à Karachi depuis le milieu des années 1980 conduit à s’interroger sur l’avènement d’un « désordre ordonné » dans la ville [6]. Cette mise en ordre violente de Karachi recouvre des mécanismes de domination, des rituels d’interaction politique et des modes d’accumulation économique engendrés par les conflits armés et se reproduisant à travers eux. Sans évacuer le sentiment d’insécurité résultant de leurs transformations continues, ces formes de mise en ordre violente de la ville ont introduit une certaine prédictibilité jusque dans les désordres — grèves générales (hartal), émeutes ethniques, guerres de territoires, rackets de protection — qui sont ici consubstantiels à la fabrique du politique, à l’organisation de la vie sociale et à la création de richesse.
Depuis la seconde moitié des années 1980, la vie politique de Karachi est dominée par le MQM, qui représente principalement la communauté des Mohajirs ourdouphones. Tenant simultanément le rôle d’un parti de gouvernement (au pouvoir pratiquement sans interruption depuis la fin des années 1980) et d’un mouvement contestataire (qui a systématisé le recours au hartal et aux batailles de rue dans le cadre de ses négociations avec ses partenaires du moment), le MQM a joué un rôle central dans la genèse de cette configuration violente, même si sa violence était à l’origine essentiellement réactive (celle-ci visant à assurer la protection des Mohajirs face aux organisations criminelles pachtounes apparues au cours du Jihad afghan). En quadrillant la ville avec ses branches locales (250 units, regroupées en 26 sectors), le MQM s’est immiscé dans la vie quotidienne des habitants de Karachi — en particulier dans les quartiers populaires peuplés en majorité de Mohajirs ourdouphones. Les responsables locaux du parti (les unit-in-charge et sector-in-charge) ne se sont pas contentés d’organiser les activités du parti : ils se sont affirmés au fil du temps comme de véritables autorités souveraines, c’est-à-dire comme un acteur collectif revendiquant avec plus ou moins de succès un « contrôle autonome et exclusif sur la vie, la mort et les conditions d’existence d’un groupe donné ». Cette définition de la souveraineté, empruntée aux anthropologues Jean et John Comaroff, présente le mérite de délier cette notion de l’appareil d’État, et à ce titre convient bien aux contextes postcoloniaux où l’architecture du pouvoir s’apparente moins à un édifice vertical dominé par un État fortement centralisé qu’à une « tapisserie horizontale de souverainetés partielles » [7]. Cette définition permet de surcroît d’intégrer la réflexion de Michel Foucault sur les transformations historiques du pouvoir en Occident sans pour autant ériger la trajectoire historique menant de la « souveraineté » (ici entendue au sens du « laisser vivre et faire mourir ») au bio-pouvoir (celui du « faire vivre et laisser mourir ») en dynamique universelle. Dans le cas de Karachi, si le MQM a progressivement étendu son emprise sur l’éducation, la bureaucratie, la santé ou l’économie, sa domination est restée enracinée dans une violence presque grotesque par ses excès. Cette violence excessive, à laquelle le pouvoir souverain serait naturellement enclin dans ses tentatives de résorber son instabilité chronique [8], prend ici un caractère à la fois spectral (à travers les rumeurs circulant autour des salles de torture du parti et ses spécialistes de la violence, cachés au regard du public) et manifeste (à travers les bori band lash, ces cadavres mutilés enveloppés dans des sacs de jute et abandonnés quotidiennement dans les rues ou les égouts à ciel ouvert de la ville).
Cette violence à la fois ritualisée et portée à l’excès a contribué à asseoir la réputation sulfureuse du MQM et son autorité. Mais elle a aussi précipité le démantèlement de ses structures de pouvoir officieuses, dédoublant certaines fonctions de l’État tout en pénétrant celui-ci en profondeur. Dans un geste de violence souveraine alors sans précédent au Pakistan, le MQM enleva un officier de renseignement de l’armée en 1991, avant de le torturer. Le déploiement de l’armée à Karachi, l’année suivante, visait à punir cet affront et plus généralement à démanteler ce que les adversaires du MQM avaient pris coutume de qualifier d’« État dans l’État ».
Cette opération militaire, qui s’est prolongée jusqu’en 1994, a porté un coup rude aux citadelles du MQM, en se traduisant notamment par la mise à bas des murs d’enceinte et des portails, gardés par des miliciens armés, érigés autour des bastions du parti. Celui-ci a cependant survécu à la répression et, à la faveur d’un revirement stratégique de l’armée sous le mandat de Pervez Musharraf (qui s’est allié au MQM à l’issue des élections de 2002), a retrouvé son pouvoir de régulation et de redistribution des rentes économiques dont les usages officiels et officieux sont au cœur des conflits de Karachi. Si le MQM n’a jamais monopolisé ces ressources vitales — pas plus que l’usage de la coercition —, il n’en a pas moins retrouvé une position dominante sur ce terrain à partir de 2002, qui s’est même renforcée à l’issue d’une réforme de décentralisation ayant donné naissance à un gouvernement municipal doté de ressources et de prérogatives élargies, fermement contrôlé par le MQM de 2005 à 2010.
À l’instar de ses rivaux, qui ont imité bon nombre de ses pratiques, le MQM n’a pas entièrement remisé cette souveraineté reposant sur la menace du meurtre pour un pouvoir s’exerçant sur la vie. Les rapports de force entre partis, leurs stratégies de négociation ou encore leur recherche coercitive du consensus au sein de leur base sociale continuent de reposer sur la violence, virtuelle ou effective. Ces souverainetés hybrides trouvent leur meilleure illustration dans le rôle tenu par les hôpitaux de Karachi dans les conflits qui déchirent la ville depuis les années 1980. Devenue une institution biopolitique par excellence en Occident, l’hôpital demeure ici un foyer de désordre, même si ces désordres tiennent moins au risque sanitaire qu’ils font peser sur le reste de la ville (à l’instar des hôpitaux européens, préalablement à leur « médicalisation » au cours du XVIIIe siècle) qu’à leur perméabilité aux conflits politiques (voir encadré).
À la fin des années 1980, le MQM prend le contrôle de l’un des principaux hôpitaux publics de la ville, l’Abbasi Shaheed Hospital, à Nazimabad. Jusqu’à son exil à Londres en 1992, c’est ici que le chef du MQM, Altaf Hussain, se réfugie et tient salon lorsqu’il se sent menacé, parfois des mois durant. Mais c’est aussi ici que le MQM entrepose ses armes et torture ses opposants, tout en affirmant son droit de vie et de mort sur la population de Karachi, une revendication qui culmine avec la préparation des rapports d’autopsie de ses propres victimes.
Au cours des dernières années, cette immixtion du pouvoir de mort au sein de ces institutions supposées prolonger la vie a pris une nouvelle forme : les hôpitaux sont de plus en plus fréquemment l’objet, voire le théâtre, de conflits armés entre partis politiques ou groupes sectaires rivaux. Les miliciens affiliés à ces organisations n’hésitent plus à poursuivre leurs rivaux jusque dans les couloirs des hôpitaux, où les mesures de sécurité se sont pourtant renforcées au cours des dernières années, suite à des attentats meurtriers. Malgré ces mesures, la présence d’hommes en armes dans les services d’urgence n’est pas rare, ce qui ne peut que contribuer au sentiment de vulnérabilité du personnel médical. C’est tout particulièrement le cas des médecins chiites, fréquemment pris pour cible par les extrémistes sunnites (72 ont été abattus entre 1990 et 2002, cette campagne s’étant intensifiée à partir de 1999).
Tandis que certaines organisations sectaires se battent pour le contrôle de cliniques privées, devenu un instrument de leurs politiques clientélaires, les grands hôpitaux publics de la ville sont pour leur part sous l’influence des partis politiques. Dans la mesure où ces partis ont une base ethnique étroitement circonscrite (les Mohajirs dans le cas du MQM, les Pachtounes dans le cas de l’Awami National Party, les Baloutches et les Sindhis dans le cas du PPP), cette influence déteint fatalement sur le profil des patients. Malades et blessés hésiteront longuement avant de s’aventurer dans un hôpital « ennemi », notamment en période d’affrontement intercommunautaire ouvert ; à cette occasion, les ambulanciers éviteront eux-aussi de déposer les blessés dans un hôpital non conforme à leur ethnicité.
Depuis les années 1980, les mobilisations violentes qui font la marque de Karachi obéissent à un calendrier, une géographie et un répertoire d’action relativement stables. Elles prennent prétexte d’un événement outrageant (opération policière, accident de la route, assassinat d’un leader politique ou religieux, attentat contre un lieu de culte ou une procession religieuse, etc.), se prolongent sur trois ou quatre jours tout au plus (après quoi les forces de l’ordre se déploient dans les rues, désormais vidées des miliciens armés agissant sous couvert de la foule en colère) et se diffusent en cercles concentriques autour de leur épicentre, généralement situé à l’interface de quartiers ethniquement différenciés. Au cours de ces épisodes de violence collective, des miliciens armés affiliés aux organisations criminelles ou aux partis politiques s’en prennent aux passants, ciblés sur la base de signes extérieurs d’appartenance ethnique, aux véhicules (minibus, notamment), aux boutiques, et parfois aux bâtiments administratifs. Le choix des cibles s’inscrit dans des stratégies électorales (consolidation de banques de votes), mais aussi dans des rivalités commerciales (la plupart des propriétaires de minibus sont des Pachtounes et s’attaquer à cette ressource a toujours été l’une des tactiques privilégiées des émeutiers mohajirs) et foncières (depuis l’attaque des résidents biharis de Qasba et Aligarh Colony en décembre 1986 jusqu’à l’incendie du marché de gros de Bolton Market suite à un attentat anti-chiite en 2009, les émeutes ethniques ou sectaires sont l’occasion, pour les promoteurs véreux qualifiés ici de « land mafia », de s’approprier des terrains côtés).
La récurrence de certains modes et terrains d’affrontement depuis les années 1980 a contribué à l’émergence d’une véritable herméneutique du danger au sein des populations locales. Celles-ci ont appris à décrypter les signes annonciateurs du désordre dans leur environnement quotidien et à réagir de manière préventive. C’est ce que l’on a pu observer suite à l’interpellation du leader du MQM par la police londonienne dans le cadre d’une affaire de blanchiment d’argent en juin 2014. Dans l’heure qui a suivi l’annonce de cette arrestation, des millions de Karachi se sont précipités de rentrer chez eux, en ramassant au passage leurs enfants à l’école et en stockant des vivres par anticipation de possibles violences. Les quelques coups de feu tirés par des militants du MQM n’auront cette fois joué qu’un rôle marginal dans la « fermeture » de Karachi. La routinisation de la violence politique, au fil des ans, rend désormais superflu le recours systématique à la coercition.
Le caractère ordonné des désordres de Karachi ne signifie pas que la ville soit figée dans des violences aux motifs transparents. Les assassinats non revendiqués de militants politiques ou de simples passants se sont ainsi multipliés au cours des dernières années, sans qu’il soit toujours possible d’établir avec certitude l’identité et les mobiles de leurs auteurs — ce qui ne manque pas de perturber l’herméneutique du danger évoquée plus haut, en rendant l’environnement urbain de plus en plus indéchiffrable. Les épisodes de violence collective (émeutes ethniques, batailles rangées entre miliciens affiliés aux partis locaux, etc.) continuent cependant d’obéir à un schéma bien rodé, qui les apparente à des rituels d’affrontement et de transaction politique, à travers lesquels les forces en présence négocient leurs divergences et tentent d’obtenir des concessions de la part de leurs partenaires au gouvernement provincial et/ou fédéral. Loin d’évacuer la violence, le consociationalisme [9] qui caractérise la politique locale depuis la fin des années 1980 l’a érigée en modalité routinière des gouvernements de coalition qui se sont succédé dans la province.
Les violences systémiques de Karachi s’articulent également à des logiques d’accumulation économique, comme le montrent les conflits fonciers évoqués plus haut ainsi que le marché florissant de la protection (bhatta). Cette économie de la protection a pris son essor à la fin des années 1980 à l’initiative du MQM. Soumises à un contrôle étroit de la part de la direction du parti, les sommes collectées au titre du bhatta sont longtemps restées relativement modestes, et en tout état de cause inférieures à celles jusqu’alors collectées par la police [10]. Aussi coercitif soit-il, le système de bhatta mis en place par le MQM n’avait initialement rien d’arbitraire et se distinguait donc d’un simple tribut. De surcroît, en même temps que les suffrages des « contribuables », il donnait accès à un certain nombre de droits (protection physique contre les groupes rivaux et contre le MQM lui-même, non-ingérence de la part de la police et de la bureaucratie, etc.). Moins que ce système officieux de taxation, c’est sa récente dérégulation qui perturbe les milieux d’affaires de Karachi. Celle-ci résulte d’abord de la perte de contrôle progressive du MQM sur ce marché, suite à l’émergence d’offres concurrentes de protection, mais elle se trouve accentuée par le caractère de plus en plus désordonné de la collecte de fonds par les militants de base du parti lui-même.
L’économie politique des désordres propres à Karachi est pourtant irréductible à ces phénomènes de prédation. Certains acteurs économiques — notamment les grands groupes industriels, textiles ou pharmaceutiques, qui dominent l’économie mondialisée de Karachi — ont appris à cohabiter avec les partis politiques, les groupes sectaires et les organisations jihadistes qui se disputent le contrôle de la ville. La plupart des grands groupes industriels ont même noué des partenariats fructueux avec ces acteurs militarisés, mettant à profit leur accès à certaines rentes économiques officieuses (le contrôle du marché parallèle de l’eau, par exemple) ou leurs ressources coercitives (mobilisées pour intimider la main d’œuvre d’ouvrière et la dissuader de s’organiser ou de revendiquer de meilleures conditions de travail) afin de renforcer leur compétitivité sur les marchés internationaux. Ce néo-libéralisme musclé — où les ressources coercitives des entrepreneurs de violence aident à compresser les coûts de production et flexibiliser la main d’œuvre, tout en étouffant la contestation ouvrière — contribue au dynamisme des secteurs phares de l’économie locale, au prix d’une rapide détérioration des conditions de vie, et de travail, des classes laborieuses.
En dépit de ses désordres chroniques, Karachi n’est pas la « mégapole anarchique » que se plaisent à dépeindre certains analystes [11]. Ses désordres ont leurs lois. Présentant un caractère quasi-ritualisé, ils s’inscrivent d’abord dans la logique d’une démocratie ethnique où la violence s’est progressivement routinisée. Au-delà des rapports de force présidant à la gestion des gouvernements de coalition, les conflits récurrents entre acteurs politiques et politico-criminels s’inscrivent dans des luttes de territoire (turf wars) irréductibles à de banales guerres des gangs. Pour ces acteurs, il s’agit d’affirmer concrètement (à travers le déploiement de miliciens armés ou l’érection de barrières) et symboliquement (à travers la saturation de l’espace visuel par des drapeaux, des posters et des graffitis muraux) leur souveraineté sur des enclaves où l’État, sans avoir complètement disparu, se contente d’une présence de plus en plus distante et intermittente.
Les projets politiques qui se déploient ici à travers le choc des armes et les stratégies d’influence dans le domaine de la santé, de l’éducation ou de l’économie ne sont pas l’expression d’un pouvoir arbitraire. La souveraineté tient autant à la capacité de fonder et préserver un ordre normatif qu’à celle de faire exception à ses propres règles. Il s’agit d’une architecture légale du pouvoir, qui dans son aspiration à contrôler les conditions d’existence d’une population donnée s’efforce de l’astreindre par « une forme de loi » (a kind of law) [12]. En restant délibérément flou sur ce que recouvre ici le domaine de la loi, Jean et John Comaroff ouvrent le champ de l’analyse aux légalités officieuses (pratiques coutumières, tribunaux parallèles, contrefaçons criminelles de la légalité officielle, etc.), c’est-à-dire à la possibilité d’un pluralisme juridique au sein des sociétés étudiées. C’est précisément ce qui se joue à Karachi, où l’État de droit (pourtant en résurgence depuis la seconde moitié des années 2000, à l’initiative d’une Cour suprême de plus en plus active dans les affaires de la cité) se voit contraint de composer avec un nombre croissant de justiciers hors-la-loi.
Si le MQM, au faîte de sa puissance, s’était érigé en régulateur autoritaire des comportements sociaux, il a depuis été concurrencé sur ce terrain par de nouveaux venus. C’est le cas, en particulier, des gangsters du quartier de Lyari, qui à la fin des années 2000 ont instauré une forme de « pax traficana » [13] dans le quartier, en interdisant la vente de drogue au détail dans les rues, en sanctionnant les « tirs de joie » lors des mariages, voire en tranchant la main des voleurs de téléphones portables. Plus récemment, les talibans pakistanais ont mis en place des tribunaux chariatiques mobiles dans certains quartiers de la ville, proposant leur médiation dans des contentieux familiaux, commerciaux ou fonciers. Les talibans ont également commencé à réguler certains secteurs de l’économie, notamment celui du transport de machinerie lourde, dominé par la tribu des Mehsud. Dans ce secteur jusqu’alors peu organisé, les miliciens islamistes ont imposé une politique tarifaire uniforme, qu’ils se sont chargés de faire respecter en échange d’une taxe sur chaque convoi (Entretien avec un transporteur mehsud, Karachi, avril 2014).
Faut-il alors en conclure au retrait, voire à la faillite de l’État, concurrencé sur tous les fronts — celui de la coercition, de la fiscalité, du développement économique et de la résolution des conflits — par une société de plus en plus militarisée ? La réponse est clairement négative. D’abord parce que le dualisme sur lequel repose cette hypothèse se trouve démenti par le rôle actif de certains agents de l’État dans son « informalisation », qu’il s’agisse des militaires sous-traitant aux gangsters de Lyari l’endiguement du nationalisme baloutche dans leur quartier, ou de manière moins spectaculaire mais avec des conséquences plus importantes encore pour les relations État-société, de l’implication massive des fonctionnaires municipaux et provinciaux dans l’économie officieuse, du secteur immobilier au marché de l’eau en passant par le retraitement des déchets, sans oublier le rôle actif joué par la police dans la régulation de certains marchés criminels (prostitution, salles de jeux, etc.). En sens inverse, les entrepreneurs de violence ne se sont pas réfugiés dans une hypothétique économie « souterraine » pour échapper à l’État régulateur. Bien au contraire, ils cherchent systématiquement à investir l’État (en finançant les campagnes électorales de candidats ou en faisant nommer leurs proches à des postes clés dans la bureaucratie locale), soit pour le neutraliser de l’intérieur, soit pour capter ses ressources en matière de développement. C’est notamment le cas des promoteurs immobiliers opérant aux frontières du licite et de l’illicite, dont nous avons ailleurs retracé la carrière [14]. Enfin, il faut tenir compte des capacités régulatrices persistantes de l’appareil d’État, réaffirmant périodiquement sa souveraineté à travers des performances violentes plus ou moins légitimes — exécutions extrajudiciaires, raids ciblés ou opérations policières de grande envergure. Même s’ils se trouvent justifiés par le projet de « restaurer la souveraineté de l’État » (restore the writ of the state), ces déploiements de force ne s’inscrivent pas dans une grammaire wébérienne du pouvoir d’État : moins qu’à la re-monopolisation du pouvoir de coercition, ils participent plutôt à la renégociation ponctuelle des rapports de force entre certaines sections de l’appareil d’État et les aspirants non-étatiques au pouvoir souverain, ainsi qu’entre ces derniers. Moins qu’à un État régulateur, c’est à un État arbitre que l’on a affaire ici, dont la vocation n’est pas de désarmer la société mais de canaliser sa violence. Cet arbitre, qui conserve un pouvoir de sanction non négligeable, est loin d’être impartial. En règle générale, sa partialité est cependant suffisamment fluctuante pour que le jeu se poursuive, sans que l’un des protagonistes ne s’en retire au motif qu’il serait fondamentalement biaisé. En dernier ressort, c’est donc bien l’État — mais un État multi-vocal et faiblement différencié de sa société —, qui demeure le grand ordonnateur de ces désordres chroniques.
Si l’instrumentalisation politique du désordre et la sous-traitance de certaines violences « illégitimes » à des acteurs armés irréguliers (milices tribales, groupes criminels, mouvements jihadistes, etc.) jouent un rôle central dans la formation de l’État au Pakistan, et ce depuis la première guerre du Cachemire de 1947-1948, les phénomènes de désordre ordonné évoqués ici n’en sont pas moins spécifiques à Karachi. D’autres villes pakistanaises connaissent des violences endémiques, à l’instar de Peshawar et Quetta, théâtre d’attaques quasi quotidiennes de la part de groupes islamistes radicaux ou de groupes nationalistes en lutte contre l’État central. Nulle part ailleurs, pourtant, la violence politique et criminelle n’a acquis un caractère aussi systématique, tant dans le fonctionnement routinier de la vie politique que dans la régulation de l’économie.
Ces spécificités tiennent d’abord au caractère multiethnique et multireligieux de Karachi, un « mini-Pakistan » où se croisent les multiples lignes de clivage traversant le pays dans son ensemble. Pour autant, les conflits de Karachi ne sont pas seulement le reflet magnifié des tensions parcourant le reste du Pakistan. Ces luttes pour la ville sont aussi et surtout le produit d’une scène politique partiellement militarisée depuis les années 1980, où le MQM occupe une position dominante mais de plus en plus contestée.
Pour bien saisir les spécificités de cette configuration particulière, ce n’est ni vers Peshawar ou Quetta, et encore moins vers Islamabad, que l’on orientera « l’opérateur d’individualisation » [15] de la comparaison, mais plutôt vers Lahore. Tandis que les premières sont des cités de confins faiblement peuplées (avec respectivement 3,3 millions d’habitants et 1,9 million d’habitants en 2011), où la violence politique reste largement extérieure aux rivalités partisanes, Islamabad est un centre administratif où les prétendants au pouvoir à l’échelle nationale se montrent et se comptent mais dont le contrôle n’est pas un enjeu de conflits ouverts. Bien qu’elle se situe encore très loin derrière Karachi, avec 7 millions d’habitants en 2011, Lahore occupe en revanche une place centrale dans la vie politique pakistanaise. Pôle culturel, éducatif et dans une moindre mesure économique (son économie représentait 51 % de celle de Karachi en 2008), elle doit aussi son rayonnement à son statut de capitale provinciale du Pendjab, la province la plus peuplée et la plus riche du pays, dont la capture est essentielle à tout projet de conquête du pouvoir ou de changement de régime.
Au cours des années 1990 et 2000, les rivalités politiques y sont parfois meurtrières et les partis en compétition n’hésitent pas à nouer des alliances avec les groupes criminels locaux pour se livrer une guerre par procuration. Depuis quelques années, ces pratiques sont cependant devenues plus rares. La Pakistan Muslim League (Nawaz) (PML-N), dirigée par l’actuel Premier ministre Nawaz Sharif et par son frère Shahbaz (à la tête du gouvernement provincial du Pendjab depuis 2008), a pris ses distances avec la pègre locale, au profit de modes de domination plus institutionnels reposant sur le contrôle de la bureaucratie et de la police. Les trajectoires divergentes de ces deux villes, en matière de conflictualité et de configurations politico-criminelles, s’expliquent principalement par le degré de concurrence entre les agents engagés dans le jeu politique et par la nature des relations entre les partis dominants et la bureaucratie locale. Le contrôle des postes bureaucratiques permet en effet de fidéliser sa clientèle mais aussi de se doter de relais au sein de l’appareil d’État, qui se révéleront précieux pour minimiser les risques de sanction électorale (par exemple en avalisant les pratiques de re-découpage des circonscriptions ou la révision des listes électorales, auxquelles ont systématiquement recours les partis de gouvernement à l’approche des élections).
Anticipant la victoire du clan Sharif suite à son retour d’exil, la bureaucratie pendjabie s’est massivement ralliée à la PML-N à la veille des élections de 2008. Et à l’approche du scrutin suivant (2013), le parti des Sharif s’est assuré de la loyauté de l’administration en procédant au transfert de dizaines de hauts fonctionnaires. À Karachi, au contraire, le MQM est de moins en moins maître du jeu. Depuis la fin du régime Musharraf (dont il était l’un des principaux alliés), le parti d’Altaf Hussain fait face à la multiplication et la montée en puissance — tant sur le terrain électoral qu’en termes économiques et militaires — de ses nombreux adversaires, depuis les partis représentant une communauté pachtoune en pleine expansion aux groupes criminels baloutches patronnés par le PPP en passant par les talibans. Une réforme de la législation sur les gouvernements locaux introduite par le PPP peu avant les élections de 2013 a par ailleurs érodé l’influence du MQM en transférant une grande partie des ressources financières et des compétences de la municipalité de Karachi (en matière d’attributions de postes dans les services municipaux, notamment) à l’administration provinciale, où le PPP est traditionnellement en position de force. Cette concurrence accrue, cumulée à l’effritement de la domination médiate du parti — ce pouvoir de « tenir durablement les détenteurs de postes en tenant les postes » [16] — a freiné la transition amorcée par le MQM au cours des années Musharraf vers des formes de domination plus institutionnelles et moins coercitives, en l’incitant à se réarmer et à réactiver ses alliances avec divers types d’entrepreneurs violents.
Les désordres ordonnés de Karachi se singularisent enfin sur le terrain de l’économie. Comme évoqué plus haut, la violence de la scène politique a ici eu de profondes répercussions sur la vie économique, d’abord selon un schéma prédateur (via l’extorsion) puis, dans une logique plus productive, à travers l’émergence de partenariats officieux entre grands groupes industriels et entrepreneurs de violence. Ce complexe « miliciano-industriel », auquel participent également de nombreux militaires à la retraite (qui supervisent notamment les milices armées, parfois fortes de plusieurs milliers d’hommes, assurant la sécurité des sites industriels et de leur direction), est propre à l’économie de Karachi. Loin de la parasiter, il en est devenu une force motrice, au détriment d’une main d’œuvre ouvrière aux conditions de vie et de travail toujours plus précaires. Délaissée par les partis politiques traditionnels, tout occupés à partager les dividendes de ce néo-libéralisme musclé, cette population n’a plus qu’un « saint » auquel se vouer : les groupes islamistes radicaux, qui sont désormais les seuls acteurs organisés qui soient concernés par le sort de la population ouvrière et en mesure de peser sur les décisions patronales, là encore du fait de leurs ressources coercitives.
par , le 7 octobre 2014
Légendes des illustrations, photos de l’auteur
1) Orangi, le plus grand quartier officieux de Karachi, épicentre de ses violences ethniques et criminelles depuis la seconde moitié des années 1980.
2) Patrouille de police et graffitis pacifistes dans l’ancien centre-ville colonial de Saddar. En dépit de ses violences chroniques, Karachi ne compte pas plus d’1 policier pour 1524 habitants (contre 1/337 à Lahore, 1/291 à Delhi et 1/237 à New York).
3) Fresque jihadiste dans le quartier de Lyari. Depuis 2012, les talibans et leurs alliés « sectaires » n’ont cessé d’étendre leur emprise sur certains quartiers de la ville.
4) Véhicule blindé de la police vu à travers un trou creusé par l’explosion d’une grenade dans le quartier de Kalri, à Lyari, théâtre d’affrontements meurtriers entre groupes criminels baloutches et miliciens du Kutchi Rabita Committee (KRC) au cours de l’été 2013.
Laurent Gayer, « Karachi ou les lois du désordre », La Vie des idées , 7 octobre 2014. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Karachi-ou-les-lois-du-desordre
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[1] Par souci de cohérence, nous avons ici encore eu recours aux chiffres de la HRCP, indiquant un total de 2382 homicides pour 2011.
[2] Pamela Engel et al, “The 50 most violent cities in the world”, Business Insider, 27/11/2013.
[3] Human Rights Commission of Pakistan, State of Human Rights in 2013, Lahore, HRCP, 2014, p. 55.
[4] Les talibans pakistanais, qui depuis 2012 ont pris le contrôle de certains quartiers de la ville (tous à dominante pachtoune), sont étroitement liés aux groupes sectaires anti-chiites.
[5] Ce surnom provient d’un film en ourdou sorti en 1964, Chingari, qui décrit — sur un mode critique — une ville qui ne dort jamais, où les cabarets drainent une population peu soucieuse des codes moraux islamiques.
[6] Laurent Gayer, Karachi. Ordered Disorder and the Struggle for the City, Londres, Hurst, 2014.
[7] Jean Comaroff et John L. Comaroff, “Law and Disorder in the Postcolony”, in Jean Comaroff et John Comaroff (eds.), Law and Disorder in the Postcolony, Chicago, University of Chicago Press, 2006, p. 35.
[8] Sur ce point, on se référera aux réflexions de l’anthropologue Thomas Blom Hansen, inspirées des écrits de George Bataille sur la souveraineté ; cf. « Sovereigns Beyond the State : On Legality and Authority in Urban India », in Thomas Blom Hansen et Finn Stepputat (eds.), SovereignBodies. Citizens, Migrants, and States in the Postcolonial World, Princeton/Oxford, Princeton University Press, 2005, p. 171.
[9] Le consociationalisme désigne les modes de partage du pouvoir entre les élites politiques représentant différents groupes socioculturels au sein de sociétés démocratiques caractérisées par une forte diversité religieuse, ethnique ou linguistique.
[10] Ann Frotscher, ClaimingPakistan. The MQM and the Fight for Belonging, Baden Baden, Nomos, 2008, p. 177.
[11] Anne-Line Didier, Jean-Luc Marret, Etats « échoués », mégapoles anarchiques, Paris, PUF, 2002.
[12] Jean Comaroff et John L. Comaroff, “Law and Disorder in the Postcolony”, art. cit., p. 35.
[13] Christian Geffray, « État, richesse et criminels », Mondes en développement, 110, 2000, p. 22.
[14] Laurent Gayer, Karachi,op. cit., p. 264-266.
[15] Paul Veyne, L’inventaire des différences, Paris, Le Seuil, 1976, p. 35.
[16] Pierre Bourdieu « La représentation politique : éléments pour une théorie du champ politique », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 36-37, février-mars 1981, p. 20.