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Dancing with the Devil
Panorama des « metal studies »


par Gérôme Guibert & Jedediah Sklower , le 5 novembre 2013


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Comment la musique des Black Sabbath, Metallica, Sepultura ou Tool a-t-elle donné lieu à la création d’un nouveau champ académique ? Cet essai présente les metal studies comme un champ caractérisé par un réseau mondialisé de chercheurs tiraillés entre les impératifs de scientificité et des imaginaires marginaux.

« Nous vivions dans une ville morne, polluée et lugubre et cela nous enrageait. Pour nous, tout le trip hippie, c’était des conneries. La seule fleur à Aston ornait une tombe. Alors on s’est dit qu’on allait foutre les boules au monde entier avec de la musique ».

Ozzy Osbourne, cité in Cope, 2010 : 30

Genre musical né à la fin des années 1960, progéniture dissidente de la contre-culture, le heavy metal ne fut pas promis à un brillant avenir par les critiques qui avaient lutté pour légitimer le rock. L’emphase sur le volume, la simplicité des structures musicales, l’oubli du blues mais aussi l’apparente dépolitisation du genre allaient à rebours de l’idéologie qui avait canonisé le rock. Pourtant, plus de quarante ans plus tard, le heavy metal se porte bien, il s’est décliné en une très grande variété de sous-genres, qui ont exploré un spectre très large de ressources musicales et phonograpiques, et s’est incarné en une multiplicité de manières d’être. Et suivant la carrière intellectuelle du rock, la culture metal est désormais objet d’analyse universitaire. Comment s’est constitué ce nouveau champ d’étude ? S’agit-il bien d’un champ spécifique, ou simplement d’un nouvel avatar des cultural studies ? Quels sont les problèmes spécifiques que les musiques et les cultures metal posent à la recherche en sciences sociales ?

CLIP Black Sabbath, « Black Sabbath »

Naissance d’un objet d’étude

Les premiers travaux

Il y a un peu plus de vingt ans paraissait la première étude en new musicology du metal. Robert Walser, Professeur et Directeur du Département de Musicologie de l’Université de Californie à Los Angeles, osait simplement considérer l’une des musiques les plus décriées au monde, le heavy metal, au rang d’objet digne d’une analyse sérieuse. Il mettait ainsi en lumière la grande virtuosité technique de certains guitaristes du genre. Par ailleurs, en articulant musicologie et analyse des pratiques et des représentations culturelles, il se confrontait à une mythologie négative qui condamnait le metal. D’abord parce que les pratiquants étaient considérés comme des musiciens ignares et sans talent baignant dans une ridicule sous-culture consumériste, de l’autre parce que les auditeurs étaient perçus comme des adolescents dépressifs, pantins hagards à la merci des premiers. Deux ans plus tôt, Deena Weinstein, alors Professeur de sociologie à l’Université de Chicago, avait publié les résultats de son enquête sur les fans du genre qui aboutissait, par d’autres voies, à des résultats similaires. Ainsi, tous deux révélaient les significations sociales et culturelles profondes du/des monde(s) du metal et réhabilitaient l’activité esthétique et symbolique de ses membres, du côté de la production comme de la réception.

L’illégitimité esthétique dont le metal a longtemps été frappé et son outrance kitsch ou provocatrice n’ont évidemment pas favorisé le développement de recherches sur les formes, les fonctions et les significations de cette culture, et les deux travaux cités ci-dessus ont tardé à porter leurs fruits. Par comparaison, le jazz était très tôt devenu, en France notamment, objet d’étude pour des anthropologues et ethnomusicologues (Jamin et Williams 2001, Martin et Roueff 2002) ; et le rock fut érigé en art par la nouvelle critique journalistique des années 1960, préparant ainsi le terrain à une entrée moins fracassante dans la recherche anglo-saxonne sur les cultures populaires (Peterson & Burger, 1975 ; Frith, 1978). Au contraire, dans les années 1980, Tipper Gore, égérie du fameux Parents Music Resource Center [1] et épouse du malheureux candidat à l’élection présidentielle américaine de 2000, ou un abbé horrifié par le « viol de la conscience par les messages subliminaux » (Régimbal 1983) [2] s’alarmèrent de l’influence sur la jeunesse de cette musique jugée infernale. Des psychologues et des criminologues leur emboîtèrent le pas, et se penchèrent sur cette culture pour en dénoncer à leur tour les dangers (Brown 2011). En même temps, une première génération de sociologues contribua à critiquer ces discours, avant Walser et Weinstein (Guibert et Hein 2006, p. 7-8).

La cristallisation d’un champ

Il aura fallu pourtant attendre le milieu des années 2000 pour qu’un domaine consistant de recherches pluridisciplinaire, que l’on commence à appeler « metal studies » dans le monde anglophone, se développe à une échelle internationale. Le récent colloque « Heavy Metal and Popular Culture » qui eut lieu en avril 2013 à la Bowling Green State University (Ohio, États-Unis) en est un témoignage. Il démontra l’avancée de travaux sérieux sur la musique metal. La publication dans la revue Volume ! d’un dossier de dix-sept recensions d’ouvrages récents sur les multiples facettes de cette culture en juin 2013 constitue une autre preuve de la vigueur nouvelle de ce champ de recherches, qui plus est en-dehors de la Grande-Bretagne ou des États-Unis. Au départ de cette tendance, il faut insister sur le rôle joué par la « Première conférence mondiale sur le metal, la musique et la politique » [« First Global Conference, Metal, Music and Politics »] tenue à Salzbourg (Autriche) en 2008 et les rassemblements successifs qui ont ensuite engendré un mouvement collectif à l’origine de l’International Society for Music Metal Studies (ISMMS). Une initiative que l’on pourrait à la fois définir comme une « association sans but lucratif » et une « société savante », officialisée par un premier conseil d’administration à Bowling Green en 2013. Pour illustrer ce mouvement d’institutionnalisation en provenance du terrain, on devrait citer également l’importante bibliographie internationale des travaux en metal studies mise en ligne et régulièrement révisée par Brian Hickam. Cette dernière démarche avait été entamée quelques années plus tôt par le sociologue anglais Keith Kahn-Harris dans le cadre de sa thèse de doctorat et la première version de cette bibliographie, augmentée de références apportées par Fabien Hein, fut d’ailleurs publiée en France par Volume !, dans le numéro consacré au metal (Guibert et Hein 2006) [3] (Benedictine University) depuis 2007.

Comme le rappellent Spracklen, Brown et Kahn-Harris dans l’introduction au numéro du Journal of Cultural Research qu’ils ont dirigé (2011), avant 2008, la plupart des universitaires impliqués dans des recherches en sciences sociales sur le metal s’estimaient trop peu nombreux (même au niveau international) pour rendre possible la tenue d’un colloque spécialisé sur le sujet. Pourtant, si l’on fait l’état des publications universitaires, leur nombre était déjà significatif. Mais c’étaient plutôt une dynamique collective qui manquait, les chercheurs intéressés par le sujet restant isolés. Ainsi, si l’on remonte avant le tournant de 2008 et si l’on observe des contextes de recherche plus généralistes, on constate que l’explosion des vocations en metal studies n’est pas visible à la fin de la décennie, comme l’illustre la faible représentation des membres à venir de l’ISMMS lors des biennales internationales de l’International Association for the Study of Popular Music (IASPM), une initiative interdisciplinaire et fédérale qui, tous les deux ans, réunit les chercheurs spécialistes des popular music studies. Sur l’ensemble des communications données à chacune de ces biennales (de 223 en 2003 à 349 en 2013), il n’y en eut jamais plus de 1,4% dédiées au metal (de 2 en 2003 à 5 en 2013).

Pour que les recherches sur le metal se développent de manière significative (mais aussi pour que le terme « metal studies » s’institutionnalise), il fallait donc des temps forts dédiés spécifiquement à ces problématiques, à l’occasion desquels les débats spécialisés s’attarderaient sur des points précis. De ce point de vue, c’est donc bien la dynamique collective initiée suite aux colloques et aux publications spécifiques, la création de l’ISMMS et la mise en ligne d’une bibliographie collaborative et quasi exhaustive qui ont, de manière performative, à la fois concrétisé, légitimité et rendu possible un développement de ce champ de recherches. La question étant alors celle de sa spécificité au sein des « popular music studies ».

CLIP : Anthrax, « Mad house »

Le concept de « popular music » musiques populaires »)

La recherche anglophone a tôt adopté le terme de « popular music », suivant la tripartition proposée par le musicologue britannique Philip Tagg (1982), qui distinguait donc les musiques « populaires » (musiques nées à la fin du XIXe siècle avec la reproduction sonore et l’industrie du disque), des musiques « savantes » (« art music ») et des musiques « traditionnelles » (« folk music »). En France, les chercheurs hésitent encore : on parle principalement de « musiques amplifiées » (définition technologique, proposée par le sociologue Marc Touché) ou de « musiques actuelles » (définition institutionnelle adoptée en 1998 par le ministère de la Culture, guidant les politiques publiques ciblées sur les pratiques culturelles de la jeunesse), plutôt que de « musiques populaires », terme connotant encore de ce côté-ci de la Manche le folklore traditionnel, les musiques patrimoniales ou les avatars reproductibles des industries culturelles, dans une perspective critique. Ces deux dernières notions sont plus restrictives que celle de popular music.

L’IASPM

L’IASPM est une organisation internationale œuvrant à la promotion des popular music studies. Fondée en 1981 par le musicologue Philip Tagg (Liverpool), Gerhard Kempers, professeur de musique à Amsterdam et David Horn, un chercheur américain et libraire musical (Exeter), elle s’est développée depuis en un réseau international avec une cinquantaine de branches « locales ».

Une branche francophone d’Europe fut créée en 2005.

Un examen des recherches récentes sur les cultures métal

L’examen des thématiques développées dans la littérature récente peuvent être rassemblées autour de quelques questions récurrentes — nous présentons ici quelques unes des directions prises par les recherches publiées ces dernières années, sans prétendre bien sûr à l’exhaustivité.

CLIP : Metallica, « One »

Définir le metal

Un premier ensemble d’interrogations visent les origines, l’histoire et les caractéristiques formelles du metal. La plupart des chercheurs sont d’accord pour situer les débuts du heavy metal à l’aube des années 1970, moment où le terme apparaît dans la critique musicale américaine, une majorité de chercheurs considérant que Black Sabbath est le groupe leader dans la genèse du style, sur scène comme sur disque (Cope 2011). Concernant les caractéristiques formelles du genre, le rapport au blues cristallise les débats. Selon certains auteurs, la naissance du heavy metal est liée à la rupture d’avec ce genre (transgression des accords traditionnels du blues, abandon de la tension rythmique, et évidemment, rupture ethnoculturelle, symbolique, thématique d’avec la production des musiques afro-américaines). Le hard rock, au contraire, en perpétuerait les codes. D’autres remettent cette thèse en cause (Farley 2009 ; Waksman 2009), révélant combien il est difficile de circonscrire efficacement les sous-genres du metal à partir d’une grille qui croiserait éléments musicaux et culturels. Walser avait quant à lui montré l’importance de l’influence classique et sa signification pour les musiciens et les fans : la virtuosité du guitariste, l’ambitus du chanteur érigés en attributs de puissance (1991, p. 57-107), nuançant ainsi la focalisation sur les racines blues et rock.

Diachroniquement, le metal, dans la lignée des pères fondateurs de la fin des années 1960 (Black Sabbath, Led Zeppelin, Deep Purple, etc.) se distinguerait du rock de cette décennie pour développer son canon dans les années 1970. Il éclaterait dans les années 1980 en de nombreux sous-genres (trash, speed, hardcore, death, black, grindcore, indus’, etc.) et radicaliserait ses penchants extrêmes, avant de s’ouvrir à une multiplicité d’influences hétéroclites dans les années 1990 (grunge, rap metal, nu metal, etc.), et d’éclater en autant de nouvelles scènes locales (Scandinavie, Amérique latine, etc.) ; cette histoire étant parsemée de phénomènes de « revivals ». Évidemment, les critiques contre ce modèle sont nombreuses. D’abord, c’est considérer l’ensemble des sous-genres du metal comme ayant tous des racines communes, là où la dispersion éclectique invite à multiplier les généalogies. Ensuite, c’est un modèle d’analyse qui se concentre surtout sur les caractéristiques formelles, leur développement linéaire selon un schéma progressiste (du canon classique à la mort par dispersion/contamination exogène ou corruption commerciale — schéma qui prévaut également encore dans certaines histoires du jazz, du rock ou du rap). Enfin, il ignore complètement l’enchevêtrement de facteurs économiques, sociaux, médiatiques, technologiques, politiques qui contribuent à la « production de la culture » [4] metal, toute l’histoire de ces courants plus profonds qui modèlent l’histoire d’un objet culturel.

CLIP : Tool, « Stinkfist »

La communauté des fans

Face à cette dynamique éclectique du côté de la production, la question de l’identité de la communauté des fans et des fonctions de cette culture s’est imposée comme un autre axe récurrent. La musique metal est vécue comme un réservoir d’affects permettant d’affronter un monde perçu comme hostile. Un aspect que le travail de l’ethnomusicologue Harris Berger (1999) révélait déjà à propos des pratiques d’écoute de groupes de death metal en Ohio : contrairement au cliché selon lequel les auditeurs de musiques extrêmes seraient tous misanthropes, pessimistes ou nihilistes [5] et perméables à ses influences délétères [6], c’est justement pour lutter contre le désespoir de leur situation (en l’occurrence, une région sinistrée par les fermetures d’usines) que ceux-ci s’engagent dans cette culture. Cette grande charge émotionnelle, trop souvent réduite à du bruit insignifiant ou à de l’agressivité incontrôlée, est ce qui semble attirer de nombreux fans et souder la communauté. Une constante que les ethnomusicologues Jeremy Wallach, Harris Berger et Paul Greene résument ainsi dans l’introduction à leur ouvrage sur le metal dans le monde : le metal est la musique « de toute personne qui, frustrée par les promesses que la modernité n’a pas tenues, souhaite adopter une culture marginalisée et transgressive afin d’exprimer ces sentiments. ». Loin de contribuer au nihilisme, la culture metal offrirait à ses fans des stratégies affectives, éthiques et symboliques face au désenchantement du monde. C’est ainsi que peuvent être analysés le recours à la science-fiction, aux mythologies païennes, à l’univers médiéval-fantastique, ou encore les tendances satanistes, dystopiques et apocalyptiques du metal. Ils peuvent donc être interprétés comme autant de réponses culturelles plus ou moins critiques à un environnement social perçu comme aliénant, qui « tentent de créer une identité alternative basée sur une vision ou l’expérience concrète d’une communauté alternative ».

Comme le punk ou le hip-hop, notamment, le metal est une communauté internationale déclinée en autant de scènes locales, dans le monde occidental évidemment, mais aussi au Brésil (Kahn-Harris 2000), au Proche-Orient (LeVine 2008), en Turquie (Hecker 2012), à Bali (Baulch) ou ailleurs (Wallach et al. 2011). Ces scènes offrent là aussi une panoplie de visions du monde, de modes de vie et de manières d’être et de paraître pratiqués en opposition ou comme alternative à un environnement social perçu comme oppressant (la famille, l’école, le travail), voire à des instances hégémoniques (l’État, les institutions religieuses, etc.). Cette opposition peut éventuellement participer d’une coalition contre-culturelle, dans certains contextes [7] — une thèse notamment défendue par l’historien Mark LeVine (2008) à propos du metal dans le monde arabe.

CLIP : Sepultura, « Rattamahatta »

Ambiguïtés politiques

Ce ne sont pas les caractéristiques propres de la culture metal qui en feront éventuellement un ferment de résistance culturelle, mais leur interaction avec un contexte à la faveur duquel ces stratégies vont devenir signifiantes et se déployer. De fait, si le metal en Grande-Bretagne revendique souvent une fierté ouvrière, ce n’est que très rarement en termes explicitement politiques. Aux États-Unis, la communauté des fans de metal est souvent porteuse de valeurs « conservatrices », et n’est pas autant teintée de cette dimension populiste/ouvriériste. En revanche, les nombreuses analyses récentes de situations extérieures au berceau occidental de cette culture démontrent combien l’appartenance à une scène metal est conçue comme une forme de résistance symbolique à un ordre culturel hégémonique. Si le metal ne terrorise plus guère en France que les franges les plus radicales du monde catholique (cf. Guibert et Sklower 2011), le risque pris par des musiciens et fans de metal arborant cheveux longs, tenues provocatrices et dénonçant la mainmise des autorités religieuses sur la société dans le monde arabe ou en Iran, des années 1990 à nos jours, est autrement plus considérable. Là-bas, la musique metal et ses symboles servent à affirmer une résistance culturelle de la jeunesse contre les autorités morales [8]. Comme le montrent de nombreux textes réunis dans l’ouvrage Metal Rules the Globe de Wallach, Berger et Greene, le metal apparaît comme une réponse critique à la mondialisation : refus du repli identitaire d’une part, et — paradoxalement — de l’assimilation de la culture globale de l’autre. Une posture qui fait écho à celle évoquée plus haut des métalleux occidentaux vis-à-vis de la modernisation capitaliste. De même, comme le montre Kahn-Harris (2002), certains fans israéliens de metal extrême arborent des croix gammées non pas pour faire l’apologie du nazisme, mais pour signifier leur haine de la société israélienne. La mise en évidence d’une polysémie des objets et de leurs interprétations rejoint celle d’autres subcultures médiatiques : le port de ces symboles rappelle d’une part les stratégies du mouvement punk à la fin des années 1970 ; ensuite, il aurait en Israël la fonction que le port de signes sataniques peut avoir aux États-Unis ou dans le monde arabe.

CLIP : Enslaved, « Path to Vanir »

Encore une fois, cela ne fait pas de l’adoption de la culture metal un acte militant explicitement politique, ni de l’opposition à une facette d’une culture dominante un acte total et efficace de résistance. Le sentiment de puissance que l’écoute de cette musique et la participation à sa communauté procurent ne sont pas un talisman contre les dérives et les ambiguïtés. C’est justement ce sentiment — nécessaire pour les auditeurs au sein d’un environnement hostile ou en lambeaux — qui peut également expliquer pourquoi on retrouve tant de titres de metal dans les playlists de militaires en Iraq, comme le démontrent les études de Pieslak (2009), Gilman (2010, 2013) et Waksman (2013). Les soldats déclarent que cette musique les aide à affronter les conditions extrêmes de la guerre, au front comme dans les bases — stimuler son courage tout en s’isolant sensoriellement de la réalité de la guerre. Ces mêmes soldats vont parfois utiliser des morceaux de metal pour impressionner l’ennemi lors de combats (les tanks et humvees transformés en sound systems effrayants) ou lors de séances de torture de prisonniers : on retrouve en effet plusieurs titres de metal dans le hit parade des chansons utilisées pour torturer à Guantanamo. Tout ceci pour nuancer le tableau précédent : on ne peut faire de la culture metal une « contre-culture », systématiquement opposée à un hypothétique ordre dominant homogène. Ces mêmes qualités utilisées par certains jeunes qui se sentent méprisés ou qui sont objectivement opprimés, peuvent servir des fins radicalement différentes dans d’autres circonstances. Tout comme tout objet culturel offre une multiplicité d’appropriations possibles, des usages opposés en apparence peuvent cacher des solidarités plus profondes.

C’est de fait une culture qui se revendique rarement d’une politique de gauche, même si elle n’est pas que conservatisme, nationalisme ou individualisme [9] ; le heavy metal s’est notamment constitué en opposition à l’éthique et à l’esthétique hippie [10]. Comme l’attestent notamment la violence et les dérives de certains pans des scènes scandinaves (Hedge Olson 2011, Phillipov 2011, 2012, ou encore l’arrestation en France, en juillet 2013, du sulfureux Kristian Vikernes — cf. Szadowski 2013), ce sont ses manifestations d’extrême-droite, et non d’extrême-gauche, qui suscitent le plus de controverses (Hjelm et al. 2011, Hochhauser 2011, Hagen 2011, Kahn-Harris 2011), après celles sur le satanisme ou la violence. Face à la relative rareté de la matière « gauchiste » au sein du metal, les chercheurs vont souvent adopter le détour culturel — la politique des identités, chère à la tradition des cultural studies — pour y dénicher des éléments cohérents avec un projet politique, si ce n’est de gauche, du moins résistant à l’ordre hégémonique ou à l’oppression sociale : une « résistance par le détour de rituels » [11] qui révèle l’activité bricoleuse et transgressive des consommateurs de produits culturels (de Certeau 1990). Biais progressiste auquel s’ajoute, dans la très grande majorité — si ce n’est la totalité — des cas, une approche émique [12] de l’objet d’étude : les « metal scholars » sont aussi des fans.

CLIP : Rage Against the Machine, « Testify »

La question du genre

Dans cette lignée, et comme enfant des cultural studies et des popular music studies, il n’est pas étonnant que ce champ des metal studies pose de plus en plus la question des rapports genrés à ces musiques. Dans l’ouvrage de Bayer (2009), Weinstein revient sur ses premiers travaux (1991) et cherche à distinguer « masculinisme » et « culture masculine » dans le metal. De nombreux éléments confirment l’importance de la posture masculine voire masculiniste : le culte viril et hétéronormatif du « guitar hero » hérité de la culture rock des années 1960, l’imaginaire guerrier, l’ostentation des prouesses sexuelles de groupes mythiques (de Led Zeppelin à Guns ‘n’ Roses) ou la misogynie extrême de l’iconographie et des paroles gores de certains groupes de metal extrême. Ces éléments étant par ailleurs confortés par les données sociologiques — la faible représentation des femmes parmi les fans. Pourtant, les travaux et études de publics les plus récents remettent plus largement en cause l’aspect misogyne et machiste du metal. Robert Walser démontrait déjà dans Running with the Devil la multiplicité des positions sexuelles du heavy metal, irréductibles à cette image monolithique. L’analyse des pratiques d’écoute féminines de groupes de « cock rock » comme Led Zeppelin proposée par Susan Fast (1999) révèle également que l’on ne peut penser la signification sexuelle de groupes à partir d’une seule analyse de la production (musique, parole, imagerie, hexis...). Il en va de même des postures, l’ambivalence pouvant régner, dans des sous-genres comme le hair/glam metal ou le goth. Plusieurs études traitent par ailleurs de la diversité des rapports des femmes au metal (Hjelm et al. 2011) à la suite des travaux compréhensifs de Rosemary Lucy Hill [13]. Hickam et Wallach (2011) soulignent l’importance des auteurs féminins dans ces recherches. Autant de pistes de recherche qui devraient participer à nuancer le tableau habituel du genre et de ses publics.

CLIP : Twisted Sister, « I Wanna Rock »

Les questions « raciales »

Si les questions « raciales » sont abordées dans les articles et ouvrages traitant du metal acclimaté en-dehors du monde occidental, ainsi que dans ceux qui analysent les dérives politiques extrémistes dans certaines scènes (cf. supra), la prédominance de musiciens et d’un public très majoritairement « blanc » dans les pays occidentaux est d’un des chantiers nécessitant encore des études. La question fut abordée au colloque de Bowling Green State — des explications historiques et sociologiques (la concurrence, dans les musiques alternatives au mainstream, du hip-hop et du r’n’b prisés par les communautés afro-américaines et postcoloniales au sein du monde occidental) et musicales (l’éloignement des « racines » blues au sein du heavy metal) font l’objet de débats (cf. Fellezs 2011). Malgré ce qui précède, la perméabilité du metal à de nombreuses influences musicales exogènes (rap, musiques électroniques, etc.), ou la réactivation plus ou moins régulière des racines blues et rock constituent un chantier prometteur pour de futures recherches. Tout comme l’impact important du style en Asie, en Amérique du Sud et dans les pays du Maghreb et de la péninsule arabe.

Un rejeton infâme des cultural studies ou un champ spécifique ?

Comme dans d’autres champs de recherche contemporains investissant les cultures populaires (et plus précisément les musiques populaires), les enjeux scientifiques posés par les metal studies sont appréhendés de manières diverses. Pour analyser ce qui précède d’un point de vue méthodologique, on pourrait les classer en trois tendances idéal-typiques, à la fois complémentaires et antagonistes.

La tendance spécialisée

La première tendance est celle de la spécialité disciplinaire et des discussions en contexte de pluridisciplinarité. On voit ainsi des musicologues, des sociologues, des anthropologues, des chercheurs en media studies, ou issus d’autres approches de l’étude de la société analyser des corpus liés au metal (auditeurs, objets, dispositifs, etc.) à partir de méthodes déjà éprouvées par leur disciplines dans le cadre d’autres cultures, d’autres espaces sociaux, d’autres contextes historiques et géographiques. Citons les études des communautés de fans (Weinstein 2011a), des carrières d’artistes, des scènes locales, de collections de compositions musicales ou les analyses des discours médiatiques sur le metal et de ses processus de réception dans l’espace public (Hjelm et al. 2011). Ce sont autant de cadres appliqués dans l’étude d’autres courants musicaux (et notamment discutés au sein des conférences IASPM) qui peuvent ainsi se juxtaposer. En découle d’ailleurs une critique faite à ce champ en constitution : le manque de connaissances et de références aux débats et aux travaux constitutifs des popular music studies (Kahn-Harris2011), par exemple en ce qui concerne l’importance historique de la notion de subculture, ainsi que ses critiques contemporaines [14]. De fait, les discussions autour des concepts comme ceux de scène, de communauté, de carrière ou de mondes ou d’analyses de répertoires pourraient bénéficier de trente ans de travaux actés qui prennent pour objet les expressions musicales populaires. Et les critiques théoriques sur les apories de la pluridisciplinarité (comme celles des rapports entre langues différentes) et, en conséquence, le développement de l’interdisciplinarité, semblent amenés à prendre de l’importance après l’enthousiasme inaugural des pionniers.

La tendance transdisciplinaire

Transdisciplinaire, la seconde tendance se donne pour but, par le croisement des disciplines, de générer des outils théoriques singuliers adéquats au phénomène culturel que constitue le heavy metal et ses avatars. Elle cherche à mettre en évidence les spécificités du metal et donc des metal studies. Le metal se distingue en effet socialement et culturellement, notamment au niveau des paroles, de la musique ou de l’imagerie (Weinstein 2009), mais aussi par l’association durable du style aux classes populaires dans les représentations et son dédain par la critique journalistique (Guibert & Hein 2006). Plus largement, pour reprendre Hennion (1993), au regard des autres disciplines et expressions artistiques, l’étude de la musique doit être envisagée de manière spécifique car on n’y trouve pas une dimension matérielle des œuvres qui donnerait une évidence première aux objets. Sur le modèle de l’IASPM (mais sans obligatoirement la connaître), certains chercheurs à l’origine de l’ISMMS prônent ainsi la construction d’une transdisciplinarité « metal studies » qui fusionnerait approches musicologiques, sociologiques et historiques afin de développer des outils d’analyse à la fois adéquats et singuliers. La difficulté est d’autant plus grande que, comme le rappelle Weinstein (2011b, p. 244), il n’y a pas de définition essentialiste du metal. Il faut donc à la fois déconstruire et contextualiser les définitions existantes.

La tendance herméneutique

Se définissant à l’opposé d’une vision qu’elle considère rationaliste et objectiviste, on pourrait identifier une troisième tendance qui se placerait plutôt du côté de l’herméneutique et de l’interprétation, cherchant à construire le champ en adéquation avec les visions du monde spécifiques prônées par cette culture. Interpréter la musique en suivant les préceptes de la culture metal en quelque sorte. Ici, les music studies ne sont plus la base de la compréhension du metal, mais une variable annexe par rapport à un mode de vie ou une vision du monde. Il en va ainsi des travaux de Nicola Masciandaro (2010) — enseignant chercheur en littérature au Brooklyn College de New York et spécialiste de l’époque médiévale — sur le black metal, de la sémiotique critique de Scott Wilson (2008) ou encore, dans une certaine mesure peut-être, des travaux plus philosophiques de Niall Scott (2011). Au final, les écrits foisonnants sur le metal trouvent leur place au sein d’un large prisme se situant entre une tendance hypothético-déductive objectiviste et une tendance interprétative subjectiviste. Elles s’affrontent aussi, au-delà des données, sur des postures théoriques et méthodologiques qui dépassent de loin la question du metal et des cultures populaires.

CLIP : Nile, « Enduring the Eternal Molestation of Flame »

Conclusion

Enfant longtemps ignoré des popular music studies qui cherchaient dans des cultures musicales populaires perçues comme esthétiquement et politiquement moins illégitimes — le blues, le jazz, le rock ou plus tard, les musiques électroniques ou le premier hip-hop — un terrain qui leur vaudrait une place honorable dans la galaxie des cultural studies, les metal studies, une fois fortes de leurs nombreuses troupes, n’ont pas tardé à revendiquer, polémiquement, la légitimité et la valeur de leur objet. Quitte à ce que certains chercheurs retombent dans les travers de leur matrice scientifique, comme la recherche systématique du politique (progressiste) dans les phénomènes culturels, la survalorisation de l’émancipation dans les pratiques des fans, l’analyse littéraire/sémiologique des signes, ou une certaine frilosité face aux problématiques esthétiques. Ces ambiguïtés peuvent être la force de ce champ : réseau mondialisé de chercheurs tiraillés entre les impératifs de scientificité et ceux d’une fidélité à des pratiques et un imaginaire marginal, il interroge justement la place du chercheur d’un point de vue réflexif et performatif, ainsi que son rapport au savoir et à son objet. En cela, les metal studies participent de l’exploration de méthodes de connaissance des cultures populaires et au-delà, de la compréhension du monde. Ne serait-ce que de ce point de vue, ce jeune champ a prouvé son intérêt.

par Gérôme Guibert & Jedediah Sklower, le 5 novembre 2013

Aller plus loin

Références bibliographiques

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Pour aller plus loin

Présentation de l’ISMMS et bibliographie metal studies 

Présentation de la « Heavy Metal and Popular CultureConference » à la Bowling Green State University (2012)

Et un article du Wall Street Journal sur la conférence

Dossier « metal studies » (17 recensions) de la revue Volume !

Index de tous les articles de la revue Volume ! sur le metal et les metal studies, en accès libre

Pour citer cet article :

Gérôme Guibert & Jedediah Sklower, « Dancing with the Devil. Panorama des « metal studies » », La Vie des idées , 5 novembre 2013. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Dancing-with-the-Devil

Nota bene :

Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article, vous êtes invité à proposer un texte au comité de rédaction (redaction chez laviedesidees.fr). Nous vous répondrons dans les meilleurs délais.

Notes

[1Le PMRC fut un comité américain qui chercha, en 1985 à imposer un plus grand contrôle sur l’industrie du disque, dénonçant les paroles, l’iconographie et l’attitude de nombreux groupes de rock, de pop ou de metal faisant l’éloge du sexe, des drogues, du satanisme, entre autres. C’est à lui que l’on doit la mention «  Parental Guidance : Explicit Lyrics  » sur certaines pochettes de disques. Cf. Klypchak, 2011.

[2Dans la lignée, évidemment, de discours similaires sur le blues et le rock’n’roll, et suivi plus tard, par exemple en France, par un autre abbé, Benoît Domergue (2000).

[4Pour un exemple canonique d’analyse de la «  production de la culture  » rock and roll, cf. Peterson, 1990, et pour une application française, Guibert, 2006.

[5Pour une analyse de l’apolitisme revendiqué du metal, cf. Scott 2011.

[6Sur cet aspect, et les «  paniques morales  » autour du metal aux États-Unis, cf. Wright 2000, Wilson 2008. Dans le contexte français, on peut consulter l’ouvrage de l’abbé Benoît Domergue (2000) qui cherche à révéler l’influence nocive du metal sur les jeunes, ainsi que sa critique par Guibert (2002) et la mise en perspective qu’en font celui-ci et Sklower (2011) à propos de la controverse autour du festival français de metal «  Hellfest  » entre 2006 et 2010.

[7La définition que le sociologue Andy Bennett (2012) propose du concept de «  contre-culture  » rejoint cette idée de «  modes de vie situés et stratégiques  » (p. 26) constitués en alliances culturelles et politiques provisoires et s’opposant à un pouvoir/une culture hégémoniques. Sur l’ambiguïté du concept de contre-culture dans les popular music studies, cf. Whiteley 2012a et 2012b ainsi que Sklower 2014 (à paraître). Le numéro de Popular Music History dirigé par Hjelm, Kahn-Harris et LeVine (2011) traite également de certains de ces aspects au sein du metal.

[8En mars 2012, par exemple, la BBC a relaté le meurtre en Irak d’au moins six jeunes, et peut-être jusqu’à 70 d’entre eux, lors d’une campagne de lynchage visant les adolescents adoptant le look «  emo  », associé au satanisme et à l’homosexualité (Ruhayem 2012). Cf. aussi Hecker 2012, sur les accusations de satanisme en Turquie, dans les années 1990.

[9Le «  satanisme culturel  » d’Anton LaVey, l’auteur de la Bible satanique (1969), est un culte hédoniste de l’individu, prônant la libération individuelle de la tradition éthique judéo-chrétienne.

[10Sans pour autant tout de suite rompre avec l’ensemble des valeurs de la contre-culture des années 1960, notamment le pacifisme, l’antimilitarisme, la critique de la société de consommation etc.

[11Cf. le titre d’un des ouvrages qui a participé au lancement des études «  subculturelles  », Resistance through Rituals : Youth Subcultures in Post-war Britain (Hall & Jefferson, dir., 1976). L’ouvrage ne fait pas un éloge systématique de ce genre de postures symboliques d’opposition, mais il a participé à l’essor d’études valorisant l’opposition de cultures jeunes (dépourvues de postures politiques explicites) aux formes culturelles hégémoniques.

[12Concept classique de l’ethnologie : l’approche «  émique  » est celle qui s’appuie sur le système de pensée des populations étudiées, contrairement à «  l’étique  », qui repose sur celui du chercheur.

[13Pour un panorama, on peut consulter la page suivante : http://york.academia.edu/RosemaryLucyHill.

[14À ce propos, le sociologue Keith Kahn-Harris, l’une des figures tutélaires du champ (cf. son livre Extreme Metal : Music and Culture on the Edge, 2007), a codirigé avec Andy Bennett un ouvrage important sur le dépassement du concept de subcultures dans les études culturelles (2004).

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