Troisième fédération sportive de France, la Fédération Française d’Équitation témoigne des conflits violents qui agitent le monde associatif. Entre esprit de compétition et approche éducative, professionnalisation et profession de foi de désintéressement, les fédérations qui la composent se sont déchirées, sous l’égide de l’État.
Que représente le sport dans une société ? Comment et par qui sont définies les manières de pratiquer un sport ? Le monde sportif emprunte-t-il aux registres du loisir ou du travail ? Constitue-t-il un domaine trop sérieux pour être administré par ses seuls promoteurs institutionnels ? La définition et l’administration d’un sport soulèvent-elles des enjeux capables de générer des conflits ? Cette série de questions vise à dépasser l’idée spontanée et naïve considérant le monde sportif comme un monde enchanté permettant soit de se dédier à des plaisirs gratuits et désintéressés, soit d’acquérir et de transmettre des valeurs nobles. Le monde du sport, comme tout monde social, n’échappe pas aux clivages et aux affrontements.
La coupe du monde de football de 2010 a révélé une crise profonde dans l’administration du sport le plus médiatisé, mais l’analyse du conflit dans le monde sportif se heurte à une difficulté de taille : l’illégitimité assignée au conflit tend à l’y rendre invisible. Cette occultation provient tant de l’objet et de la nature associative de ses institutions censées garantir une forme de neutralité, que d’un processus historique « d’autonomisation » des institutions sportives amenant l’ordre sportif à se construire comme « apolitique » (Defrance, 2000).
Le cas analysé dans ce texte est exemplaire de la violence qui peut s’exprimer dans le monde sportif. Il retrace les conflits qui, de 1987 à 2006, se sont déroulés au sein de la Fédération française d’équitation [1]
et auxquels l’État a pris une part importante. L’analyse se base sur un grand nombre de documents [2] permettant de retracer les étapes et les enjeux de ces conflits. Ceux-ci peuvent être interprétés à la lumière des contradictions qui apparaissent, au cours de son histoire, entre le processus d’autonomisation de cette région du champ sportif et les formes de dépendance qui lui sont imposées par l’État.
Autonomisation du champ sportif et lien avec l’État
Comme l’a montré Jacques Defrance, la constitution d’un champ sportif vers 1875-85 en France « suppose une poussée d’autonomisation des activités physiques par rapport à leurs commanditaires que furent, tout au long du 19e siècle l’armée, l’école, la médecine et le spectacle ; cependant, ce champ demeure faiblement autonome dans un premier temps » (Defrance, 1995, p. 19). L’institutionnalisation de fédérations spécialisées en un seul sport (ou un seul groupe de disciplines) participe de ce processus d’autonomisation du champ sportif contribuant à le détacher d’autres finalités, notamment confessionnelles ou politiques [3]
. À partir des années 1960, « le sportif ne s’occupant que de son "monde sportif" devient majoritaire (…) mettant en œuvre des critères de jugement et des catégories d’intérêts propres qui ne se convertissent pas directement en termes politiques ou économiques » (ibid. p. 23).
Ce processus d’autonomisation du champ sportif s’observe sous des formes différentes selon les configurations politiques nationales et s’ancre dans des instances sportives internationales comme le Comité International Olympique (CIO) et les fédérations internationales unisports. Leurs préoccupations affichées dérivent d’une conception du sport pour le sport, sans autre intérêt que son développement, ce qui procède d’une « politique de l’apolitisme » des instances sportives (Defrance, 2000). La fédération internationale organise les épreuves et championnats internationaux, confrontant les sportifs sélectionnés par chaque fédération nationale, ce qui suppose qu’il n’y ait qu’une seule fédération par pays, celle-ci tirant sa légitimité proprement sportive de cette reconnaissance par la fédération internationale ad hoc.
Au cours des années 1950-1960, l’État français met en place une administration publique spécialisée et élabore un programme définissant sa politique sportive. Il impose la création d’une seule fédération nationale par discipline sportive à laquelle il donne son agrément sous réserve de certaines conditions réglementaires. Cet agrément est essentiel car il permet aux fédérations d’obtenir des subventions ainsi que des cadres techniques fonctionnaires. Elles ont alors, par délégation, une mission de service public qui leur permet de délivrer les titres de champion de France et de sélectionner les équipes de France pour les grands événements sportifs internationaux (championnats et jeux olympiques). Progressivement, ce lien prend une forme contractuelle par le biais de conventions d’objectifs [4] entre l’État, via le ministère de tutelle qu’est le ministère des sports, et chacune des fédérations. À travers cet agrément, l’État jouit d’une position de contrôle sur les fédérations sportives, et l’on peut dire que la part des subventions dans le budget annuel est un bon indicateur du degré de dépendance d’une fédération vis-à-vis de l’administration [5].
L’autonomie du champ sportif vis-à-vis de l’État est donc limitée. D’un côté, elle est confortée par les instances sportives internationales qui légitiment les fédérations nationales, de l’autre, elle dépend de l’État pourvoyeur de moyens. Cette tension apparaît dans la loi sur le sport de 1984 qui indique que « les fédérations sportives exercent leur activité en toute indépendance » [6], mais précise en même temps que l’agrément et la délégation de service public qui leur sont conférés par l’Etat impliquent un contrôle de cette activité, notamment à travers celui de leur fonctionnement associatif.
L’autonomisation particulière de l’équitation en France
Les activités et sports équestres vont se développer à travers leurs propres poussées d’autonomisation, se détachant très lentement des finalités militaires et des affiliations de classe qui avaient présidé à la naissance des premiers groupements de pratiquants. Le Jockey Club, créé par des aristocrates en 1834, constitue ainsi l’un des premiers clubs mondains organisés autour d’une activité sportive. L’équitation et les courses de chevaux « s’inscrivent comme les échanges mondains (…) au nombre des activités ‘gratuites’ et ‘désintéressées’ qui permettent les rencontres choisies et la diversification du capital social » (Saint-Martin, 1989, p. 22). Certains de ses membres, plus impliqués dans la quête du sport « pur », vont participer à la création, en 1865, de la Société hippique française dont l’objectif est la sélection et l’amélioration des races de chevaux en France, sur la base d’épreuves codifiées. Celle-ci organise le premier concours de sauts d’obstacles à Paris en 1870, et en conçoit le règlement sportif. Elle participe à la création de la Fédération nationale des sports équestres en 1921, en s’affiliant avec la Société du cheval de guerre et l’Union des sociétés d’équitation militaire (Bernardeau, 2004). Ceux qui se passionnent pour les sports équestres vont ainsi se rassembler sous l’égide de l’ancêtre de l’actuelle fédération, en y important des « principes de communauté d’intérêts sociaux externes au champ sportif » (Defrance, 1995) : principes de classe et principes militaires se conjuguent donc aux principes sportifs naissants.
Au sein de cette première fédération, les agents vont s’accorder sur des règlements sportifs, des principes d’initiation et d’entraînement, sur le périmètre des usages sportifs légitimes du cheval, etc., contribuant ainsi à fixer des objectifs proprement sportifs aux activités équestres et à les détacher progressivement de leurs finalités militaires. Mais cette autonomie gagnée par rapport à la logique militaire est contrariée par la force du politique qui, au travers du service des haras du ministère de l’Agriculture, fait valoir ses propres objectifs visant à encourager l’élevage et améliorer les races. L’État va alors accorder des dotations aux propriétaires de chevaux classés dans les compétitions, hiérarchiser les centres équestres en fonction de la qualité de leurs équipements et de la cavalerie, enfin financer la vie de la fédération. Parallèlement à la mise en œuvre de cette politique du ministère de l’Agriculture, la fédération s’appuie sur le consensus qui s’est élaboré en son sein sur la définition des usages sportifs du cheval pour refuser d’intégrer dans le giron fédéral les nouvelles pratiques qui tendent à se développer, tel le tourisme équestre et l’équitation sur poney. Le service des haras, intéressé par l’opportunité de développer l’élevage que constituent ces nouvelles pratiques, va soutenir la création de l’Association nationale de tourisme équestre en 1963, puis celle du Poney Club de France en 1971. La prospérité de ces deux associations conduit à la création en 1987, de la Fédération française de l’équitation. Celle-ci est alors une structure confédérale qui rassemble en trois délégations distinctes les trois courants préexistants du sport équestre, du tourisme équestre et de l’équitation sur poney.
L’effort d’autonomisation au niveau institutionnel est donc contrarié par cette intervention de l’État via le service des haras du ministère de l’Agriculture. Mais les contraintes ainsi imposées à ce processus sont d’autant plus fortes qu’elles s’exercent dans le contexte très particulier des activités équestres. En effet, contrairement à la plupart des clubs du champ sportif, la création des établissements équestres se fait sans le soutien des collectivités territoriales, qu’il s’agisse de leurs équipements ou des dotations de fonctionnement. Or la pratique de l’équitation requiert des équipements spécifiques coûteux et l’entretien des chevaux nécessite le recours à des personnels permanents et spécialisés rémunérés en conséquence. Ce marché du travail donne lieu à la création, en 1972, du Syndicat national des cadres d’équitation qui, soutenu par le service des haras, obtient la mise en chantier d’une convention collective de branche, signée en 1975, soit 30 ans avant la convention collective nationale du sport (Chevalier, Le Mancq, 2010). La constitution de ce groupe professionnel contribue à la définition et à la régulation de relations professionnelles propres au champ des activités équestres. Ce développement original des pratiques équestres s’inscrit dans le cadre fédéral, mais transforme également la composition du parc des centres équestres par la création de nombreux organismes non associatifs (dits agréés) dirigés par des personnels rémunérés. Ces organismes agréés représentaient 63% de la totalité des clubs de la fédération en 2009 [7].
Clivages et conflits autour de la réforme statutaire
En 1987, l’équitation est devenue une pratique sportive à part entière. La marque de ses origines militaires s’est estompée et elle a été en même temps épargnée par les finalités sanitaires ou éducatives qui ont accompagné le développement d’autres disciplines du champ sportif. Au sein de cette fédération confédérale, les débats portant sur les formes de la pratique équestre sportive demeurent néanmoins très vifs. Les trois délégations nationales qui la constituent s’opposent et défendent des visions différentes de la pratique. Très rapidement le conflit se circonscrit autour de deux pôles représentés par la Délégation nationale aux sports équestres d’un côté et par la Délégation nationale à l’équitation de poney de l’autre. Les premiers défendent la conception dominante depuis 60 ans d’une équitation fondée sur un projet sportif pur et dur et un esprit de compétition. Ils revendiquent également l’héritage de l’éthique du désintéressement qu’incarne le gentleman amateur et bénévole qui correspond à leur culture de classe sociale aisée constituée essentiellement de professions libérales et de chefs d’entreprise. À l’opposé, les seconds se désintéressent de cet héritage et revendiquent un projet sportif moins rigide, plus accessible, inscrit dans la modernité et ouvrant la pratique sur un projet éducatif [8] qui correspond, là aussi, à leur culture de classe moyenne, nombre d’entre eux relevant des professions intermédiaires (éducateurs, enseignants, instituteurs).
Dans le contexte institutionnel de la période 1987-1999, l’enjeu est de taille car cette lutte pour la définition des finalités de l’équitation se double d’une lutte sur l’aboutissement de la transformation statutaire exigée par l’Etat. La fédération est en effet une « coquille vide » (Sergent, 2000) car ce sont les trois délégations qui ont les hommes, les budgets et les capacités d’action. Ceci contrarie les dispositions de la loi de 1984 et la doctrine du ministère des Sports qui est contraint de délivrer un agrément à chacune d’entre elles. Chaque délégation a également un fonctionnement associatif distinct, notamment par la composition de son assemblée générale et son mode de scrutin. Les deux principales délégations s’opposent encore sur ce point. Aux sports équestres, une assemblée générale, composée de grands électeurs désignés par les structures régionales déconcentrées, élit les membres du comité directeur. À l’équitation sur poney, une assemblée générale, composée de l’intégralité de ses clubs adhérents, vote directement pour désigner le comité directeur.
À ce paysage institutionnel déjà fortement divisé, se superpose l’existence du groupe professionnel constitué des dirigeants d’établissements agréés et des enseignants salariés dans les clubs associatifs. Ces professionnels s’inscrivent dans les rapports de force liés aux enjeux statutaires et électoraux de la fédération. Leur situation attise les conflits autour de la question de leur légitimité, qui réalimente les débats sur la définition de la pratique sportive et les luttes concernant celle du désintéressement qui lui est associée.
Le conflit entre alors dans une nouvelle phase marquée par la violence que suscitent les enjeux de pouvoir. Le groupe qui remportera la mise lors de la réforme des statuts de la fédération sera aussi celui qui imposera sa propre vision des finalités de l’équitation au nouvel ensemble fédéral. La modification des statuts était délicate à mener car elle exigeait une majorité des 2/3 des voix de son assemblée générale. Celle-ci était composée par les membres des comités directeurs des trois délégations nationales, pesant dans les votes au prorata du nombre de licences délivrées par chacune des délégations. Chaque délégation disposait également d’une minorité de blocage (Sergent, 2000). L‘examen de nombreux documents montre que la posture légitimiste affichée par les défenseurs d’une équitation noble et de compétition, fondée sur son héritage historique ainsi que sur sa volonté de donner des gages au ministère de tutelle, s’accompagne de pratiques qui vont à l’encontre du projet d’unification des courants souhaité par le ministère comme par les autres composantes de la fédération. Ainsi, son refus d’honorer le versement de ses cotisations à la fédération [9] est manifestement motivé par la perspective de l’amener à un dépôt de bilan qui permettrait le retour aux trois fédérations antérieures à la réforme de 1987. De nouveaux statuts, rédigés en accord avec le ministère, vont cependant être adoptés en décembre 1999. Ils consistent d’une part à dissoudre les délégations confédérales dans des collèges au sein d’un nouveau comité directeur fédéral, et d’autre part à organiser un suffrage direct des clubs pour élire les membres de ce comité directeur, au prorata de l’effectif des licences délivrées (les trois types de licence sont fondus en une licence unique). La fédération est donc unifiée avec un seul comité directeur, dont les collèges conservent les courants culturels antérieurs, et un budget de fonctionnement assuré par les recettes tirées de la vente de cette licence unique.
Vision conservatrice et autoritarisme administratif
Si l’adoption des nouveaux statuts a pour effet de calmer douze ans de conflits, l’accalmie sera de courte durée, notamment parce que l’Etat va intervenir de plus en plus fréquemment et directement dans les affaires privées de la fédération. Cette intervention continue de l’Etat entre 1999 et 2005 procède d’une conception largement partagée, au-delà des clivages politiques, par les différents gouvernements. Cette conception repose d’abord sur le principe d’une définition du sport comme pratique n’ayant d’autre finalité qu’elle-même, sur le modèle de « l’art pour l’art », et donc indifférente aux intérêts d’argent ou de pouvoir. Ce principe implique que le sport ne peut être développé que dans le cadre d’un mode de gestion associatif, considéré comme seul garant des valeurs démocratiques et désintéressées associées à la pratique sportive. La situation particulière de la fédération française d’équitation, avec le poids de ses établissements non associatifs et de son groupe professionnel, pose un problème à l’État qui s’accommode mal de l’entrée de professionnels dans le débat. Leur présence trouble en effet la supposée pureté du modèle associatif car ils sont suspectés ne pas avoir des comportements aussi désintéressés que d’autres bénévoles (liés aux associations affiliées) dans l’administration de la fédération.
À l’intérieur de la fédération, l’enjeu des conflits est ailleurs. Il réside dans le mode de scrutin choisi pour élire l’assemblée générale. En effet, quelques élus du comité directeur fédéral issus du courant traditionnel, veulent saisir l’occasion fournie par la modification des textes réglementaires pour restaurer un mode électoral de grands électeurs via les élus des régions. Cependant, la majorité des membres du comité ne souhaite pas revenir sur ce qu’elle considère comme un progrès acquis de longue lutte [10] et protège le vote direct des clubs au prorata du nombre de licences délivrées, avec la règle « une licence égale une voix ». Les positions se radicalisent à l’intérieur de la fédération et l’administration du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative [11] joue un rôle de plus en plus important dans ce nouveau conflit.
Autour des statuts de la fédération se cristallisent alors des alliances consacrant les « visions les plus conservatrices de l’ordre sportif pensé et légitimé comme un passe-temps bourgeois et désintéressé » (Fleuriel, 2003). Les pouvoirs publics comme le courant conservateur partagent cette vision et trouvent une alliance momentanée entre janvier 2004 et décembre 2006. Cette alliance vise à revenir à des statuts permettant d’exclure du corps électoral, autant que faire se peut, les personnes liées professionnellement à l’équitation (enseignants ou dirigeants d’établissements). C’est bien cette conception largement partagée d’un ordre sportif nostalgique des origines, déniant toute place aux travailleurs, qui a abouti à l’avalanche des procédures administratives [12] et judiciaires [13] visant à destituer les dirigeants de la fédération et à entraver son fonctionnement, puis au retrait de l’agrément de la fédération par le ministère des sports [14].
Il convient, ici, de mettre en regard la composition professionnelle du comité directeur fédéral. Si tous les membres de ce comité exercent cette fonction bénévolement, certains d’entre eux sont liés professionnellement à l’équitation, comme enseignants salariés ou comme indépendants dirigeant leur propre établissement équestre. La violente intervention de l’État vise à la fois la fédération et certains de ses membres dont les propriétés sociales lui semblent contrarier sa conception du sport noble et désintéressé. Ainsi, en est-il du sort de l’ancien président de la Délégation nationale de l’équitation sur poney (1985-1999), également moniteur d’équitation et dirigeant de plusieurs établissements équestres, qui se porte candidat à la présidence de la fédération en 2004. Une véritable machinerie administrative et judiciaire est lancée à son encontre, constituée notamment de 18 plaintes contre X pour prise illégale d’intérêts. Toutes ces procédures n’aboutiront pas et ce candidat sera élu avec 83 % des voix en 2004, réélu avec 75 % des voix en décembre 2006 (après une parenthèse d’un an de mandataire judiciaire) face au candidat du ministre des Sports, puis, en 2008 alors qu’il était seul candidat, avec 92 % des voix. Ainsi en est-il également du sort d’un fonctionnaire, écuyer professeur, ancien directeur de centre équestre. Son histoire et sa position posent manifestement un problème à l’administration en ce qu’elles leur apparaissent contrarier le contrôle que celle-ci entend exercer via les fonctionnaires mis à disposition (Defrance, 1995, p. 27). Le ministre des sports met d’abord « fin à ses fonctions de conseiller technique auprès de la FFE » par un arrêté de janvier 2005 (mutation d’office qui sera annulée en 2008 par le tribunal administratif de Paris en raison de son illégalité), puis le poursuit en diffamation publique (mais sera débouté en première instance et en appel par le tribunal de Nancy).
Ce conflit autour des statuts de la fédération française d’équitation est donc intéressant à étudier comme une nouvelle « poussée d’autonomisation » sous la pression d’un groupe professionnel, relativement nouveau au regard de l’histoire du sport moderne. On peut s’attendre à ce que l’arrêté du 21 novembre 2006 portant extension de la convention collective nationale du sport (n°2511), entraîne d’autres poussées d’autonomisation dans d’autres domaines du champ sportif, sous la pression d’autres groupes professionnels ainsi reconnus et légitimés.
Asensi, François (2000), Rapport et propositions pour une réforme des statuts des fédérations sportives. Rapport remis au premier ministre et au ministre de la jeunesse et des sports, Paris, La documentation française.
Bernardeau Moreau, Denis (2004), Sociologie des fédérations sportives. La professionnalisation des dirigeants bénévoles, Paris, L’Harmattan.
Chevalier, Vérène et Le Mancq, Fanny (2010), « Bénévoles, amateurs et travailleurs. Le monde des activités équestres » in Jean-Michel Faure et Sébastien Fleuriel (2010), Excellences sportives. Économie d’un capital spécifique, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du croquant, p. 143-179.
Defrance, Jacques (2000), « La politique de l’apolitisme. Sur l’autonomisation du champ sportif » in Politix, Vol. 13, 50, p. 13-27.
Defrance, Jacques (1995), « L’autonomisation du champ sportif. 1890-1970 » in Sociologie et sociétés, Vol. XXVII, 1, p. 15-31.
Fédération française d’équitation (2005), Retrait d’agrément : un second cas historique..., Paris, Fédération française d’équitation.
Fleuriel, Sébastien (2003), « Les vertus généalogiques du sport » in Socio-anthropologie, 13, p. 77-89.
Les Haras Nationaux (1999), Annuaire ECUS.
Saint-Martin (de), Monique (1989), « La noblesse et les "sports" nobles » in Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 80, p. 22-32.
Sergent, Michel (2000), « Annexe 31 - Jeunesse et sports » in Philippe Marini (2000) Rapport général, Projet de loi de finances pour 2001, Tome III, Les moyens des services et les dispositions spéciales (deuxième partie de la loi de finances). Sénat.
Pour citer cet article :
Vérène Chevalier, « Conflits dans le monde sportif. Le cas de la Fédération Française d’Équitation »,
La Vie des idées
, 25 novembre 2011.
ISSN : 2105-3030.
URL : https://laviedesidees.fr/Conflits-dans-le-monde-sportif
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[1] La Fédération française d’équitation est une institution prospère : en 2010, ses 687 334 licences la situent au 3e rang des fédérations olympiques, derrière le football et le tennis. Elle a une très bonne santé financière et des résultats sportifs honorables.
[2] Procès verbaux du Comité Fédéral, échanges de courriers entre la fédération (Comité ou Présidente) et le Ministère des Sports, rendus des différents procès (octobre 2004-décembre 2006), brochure éditée par la fédération en septembre 2005…
[3] Les fédérations dites affinitaires (comme la FSGT, FSCF, UNSS, UFOLEP, etc.) se chargeront de poursuivre d’autres finalités à travers l’exercice sportif.
[5] À cet égard, les subventions pèsent 6% des 26 millions d’euro du budget de la fédération d’équitation en 2005, 4% des 34,7 millions d’euro en 2010.
[7] Cette situation est exceptionnelle dans le monde sportif car, selon les données du ministère, en 2009, sur les 5920 établissements agréés (à comparer aux 168 045 associations affiliées) par l’ensemble des 89 fédérations sportives, 4714 (soit 80%) relevaient de la Fédération française d’équitation (qui n’affilie « que » 2722 associations).
[8] Projet éducatif matérialisé par exemple par des championnats de France admettant autant de séries que nécessaire pour la participation de nombreux jeunes. En juillet 2009, ils ont rassemblé 7229 cavaliers de moins de 18 ans licenciés dans 1090 poneys-clubs, et près de 15000 (tous âges confondus) pour l’ensemble des championnats de clubs.
[9] « La situation financière très difficile de la fédération qui résulte du non-respect des accords passés entre la fédération et ses délégations, et notamment la Délégation nationale aux sports équestres » in Lettre du 3 juin 1999 de la ministre de la jeunesse et des sports à la présidente de la Fédération.
[10] Suivant en cela les conclusions du rapport Asensi (2000) qui préconisaient « une réforme des statuts des fédérations qui démocratise la vie interne des fédérations sportives » passant notamment par un collège électoral composé des clubs et un vote par correspondance, en lieu et place des grands électeurs.
[11] Le rôle du ministère de l’agriculture s’estompe progressivement, notamment parce qu’en 1999 le service des haras nationaux devient un Etablissement public administratif, moins directement lié au dit ministère.
[12] Inspections respectives de la CNIL, de la Cour des comptes, du fisc…
[13] Entre octobre 2004 et octobre 2005, on décompte neuf actions judiciaires (dont l’assignation personnelle et nominative de chacun des membres du comité directeur par le ministre des sports lui-même, le 5 octobre 2004 – jugée irrecevable par le TGI de Paris), suivies de six autres entre février et décembre 2006.
[14] La brochure éditée par la Fédération française d’équitation en 2005 intitulée « Retrait d’agrément : un second cas historique » recense les diverses procédures jusqu’au mois de septembre 2005. Par ailleurs, son titre fait explicitement référence au retrait d’agrément du rugby à XIII par le régime de Vichy, donc à la violence d’Etat.